19 | 𝐍𝐎𝐓 𝐓𝐇𝐄 𝐆𝐈𝐑𝐋 𝐈 𝐋𝐈𝐊𝐄
𝐍𝐎𝐓 𝐓𝐇𝐄 𝐆𝐈𝐑𝐋 𝐈 𝐋𝐈𝐊𝐄
▷ Pas la fille qui me plaît.
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JAY SEAN — Ride It.
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— Elle passe vraiment le week-end chez toi ?
— Ouais.
J'entends mon ami siffler de surprise alors que je décroche mon téléphone portable de mon oreille pour enfiler un t-shirt propre. J'ai les cheveux encore humides à cause de ma douche et les gouttelettes d'eau me chatouillent la peau.
— C'est étrange, quand-même, rétorque Nam.
— Je trouve aussi. Comment est-ce que ça se fait qu'elle vienne chez moi ? Pour deux jours, en plus. Elle aurait pu, je sais pas, rester chez elle. Non ?
— Je sens que ça va être les deux plus longs jours de ta vie, mon pote. Elle est fâchée contre toi, et laisse-moi te dire qu'une fille en colère, c'est pire que Satan. Bon courage pour supporter ça.
Et il commence à rire, ce qui me vaut un roulement d'yeux accompagné d'un soupir.
J'imagine déjà comment se déroulera ce week-end. Sûrement avec la demoiselle qui m'ignore ou me lance des pics à chaque tournant de conversion, ou encore avec une Gemini qui ne quitte pas la chambre de Kamie. Parce que, oui, elle dormira avec ma sœur. Nous n'avons pas de chambre d'invités, et ce n'est certainement pas avec moi qu'elle aurait voulu dormir. Ni avec mon père, d'ailleurs.
Je m'apprête à sortir une réplique piquante à Nam quand j'entends Kamie hurler mon prénom depuis le salon. Elle me demande de venir l'aider à mettre la table.
— Je te rappelle, ma sœur m'appelle.
— Dis-lui que je l'aime !
Je ris et raccroche. Puis je commence à tirer les draps de mon lit afin de le dresser. On ne sait jamais, si elle veut visiter...
Oh.
Et puis quoi, encore. Pourquoi voudrait-elle visiter ma chambre ? Du grand n'importe quoi. En plus, ce n'est pas comme si elle et moi étions amis. Ça me rend malade rien que d'y penser.
Je rejoins la salle à manger et commence à ranger les couverts sur la table. Ce soir, on rajoute une assiette pour la demoiselle. Même si je doute qu'elle dine avec nous.
C'est vrai, quoi. J'ai déjà eu l'occasion de voir sa maison ainsi que le nombre de domestiques qu'elle a, et je suis certain qu'elle a déjà dû manger chez elle avant de venir. Ou peut-être qu'elle ne trouvera pas notre chez-nous à son goût pour y rester.
Mes pensées se mélangent. Je sais bien que Gemini n'est pas comme ça, du genre à juger sur les moyens. Et nous ne sommes pas démunis non plus. Papa a un bon boulot, maman aussi. Ma sœur et moi ne manquons de rien et c'est l'essentiel.
Mais après ce qui s'est passé avec elle, j'ai peur de ce qu'elle pourrait désormais penser de moi. Si ça se trouve, elle me déteste déjà. Et le plus surprenant, c'est que je ne regrette absolument pas de l'avoir embrassée. Je recommencerais si je devrais.
Je suis trop con. Un con obsédé par la demoiselle.
J'aide Kamie à mettre la table et me rassieds tandis qu'elle apporte le repas. Au même moment, on sonne à la porte. Je ne réfléchis pas plus à qui ça pourrait être : Gemini.
Je m'élance presque immédiatement à la suite de mon père qui s'était déjà mis en route vers la porte. Mon cœur tambourine dans ma poitrine comme si je m'apprêtais à ouvrir à Justin Bieber ou Jay Sean — qui, au passage, est un artiste que j'adore. Papa prend le temps d'ajuster da chemise, fait semblant de s'épousseter et entreprend enfin d'ouvrir la porte. Je me tiens droit comme un piquet lorsque le visage de Gemini surplombée par son père apparaît dans mon champ de vision.
Et, aussi curieux que cela puisse paraître, la première chose que ses yeux croisent, c'est moi. Mon regard. Un regard qu'elle fuit aussitôt et mon cœur se serre. Bon sang, elle doit vraiment me maudire pour même refuser de me regarder.
Mes yeux se baissent doucement. Mais je ne me laisse abattre que quelques secondes, je les remonte presque immédiatement. Après tout, j'ai décidé de me faire pardonner, ce soir. Me faire pardonner de lui avoir donné un baiser auquel elle a passionnément répondu, aish.
— Monsieur ! s'écrie mon père, je suis ravi de vous recevoir chez moi. Mais entrez donc, je vous prie.
Papa se décale vers la gauche pour leur laisser de l'espace, et tous deux s'immiscent timidement dans notre chez-nous. Monsieur Di Luce ne se gêne pas le moins du monde : il dévore notre maison des yeux. Son regard parcours chaque recoin, allant du plafond au sol en passant par les murs parfaitement peints. Je me demande ce qui peut bien se passer dans sa tête. En tout cas, il ne laisse rien transparaître sur son visage. Aucune émotion, rien. Il est effrayant, ce gars.
— C'est un véritable honneur que vous soyez là. Souhaiteriez-vous dîner avec nous ? propose mon père.
Monsieur Di Luce ne répond pas tout de suite. En revanche, il continue son exploration visuelle des lieux, jusqu'à ce que ses yeux se posent sur moi. Et je mentirais si je disais que je n'ai pas sursauté de surprise quand son regard noir a croisé le mien. Il me fixe avec une telle intensité que j'en viens à reculer de quelques pas. Son visage est fermé, dur. Il paraît tellement hostile et impénétrable, nom de Dieu. Je n'aurais pas supporté de vivre avec mon père si jamais il avait ce caractère.
— Merci beaucoup, Michèle, répond-t-il sans pour autant se détourner de moi. J'ai déjà mangé et je dois partir en toute vitesse. Mais vous pourrez toujours inviter Gemini, elle a gardé le ventre vide pour ne pas vous offenser.
Pourquoi est-ce qu'il me dévisage comme ça ? Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ?
Je déglutis et essaie de soutenir son regard, comme quelqu'un qui n'a rien à se reprocher. En vain. Parce que j'ai effectivement quelque chose à me reprocher.
Bordel, j'ai quand-même embrassé sa fille. Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle est fâchée contre moi. Et je suis certain qu'elle lui a raconté que j'ai osé pénétrer son espace personnel et, qui plus est, que j'ai osé toucher ses lèvres.
Voilà qui expliquerait cette soudaine attention qu'il me porte.
Gemini baisse la tête de timidité. Là, je remarque ses vêtements. Ils ne sont pas noirs, pas ternes, ils ne font pas penser à une cérémonie funeste. Au contraire, ils sont colorés. Vifs. Pleins de vie. La fausse Gemini a encore frappé.
Et ça me semble aussi clair que le nez au milieu de la figure lorsque je la vois offrir un énorme sourire radieux à mon père.
— Je mangerais bien avec vous, moi.
Et je me demande : comment fait-elle ? Comment arrive-t-elle à mentir aussi bien, bon sang ?
Papa lui rend son sourire, heureux. Content d'accueillir Gemini, la fille qu'il aime tant et dont il parle tant sans même savoir qu'en réalité, il ne la connaît pas. Il ne sait diable rien d'elle.
— Je vais donc vous laisser, Michèle. Merci beaucoup de prendre soin de ma fille durant ce week-end, je suis heureux de voir qu'elle et vos enfants s'entendent bien.
La voix de monsieur Di Luce est grave, profonde. Rude, dure. Effrayante. Elle résonne lourdement dans la maison à chaque fois qu'il ouvre la bouche et elle a l'air de battre dans ma tête comme un morceau de tam-tam. C'est fou.
Quand je tourne la tête vers lui, je suis heureux de constater que ses yeux m'ont quitté. Il fait désormais face à mon père, le surplombant de son mètre frôlant le quatre-vingt dix. Énorme.
Ils échangent quelques mots. Des mots auxquels je ne prête pas grande attention, parce que tout mon esprit est occupé par la demoiselle. Elle se tient droite comme un piquet, debout seule derrière la grande carrure de son père. Elle garde la tête baissée sur ses pieds qu'elle tortille timidement à travers ses chaussettes blanches à licornes. Je m'approcherais bien d'elle, je lui prendrais bien la main pour la tirer vers la table et lui servirais bien quelque chose à manger pour dissiper ce malaise qu'elle affiche, mais je me souviens subitement qu'elle me déteste. Ou, du moins, je suis la dernière personne à qui elle accepterait de parler ce soir. Encore heureux qu'elle ne se contente que de fuir mon regard pour le moment.
— Allez, j'y vais.
J'aperçois Gemini accompagner papa et monsieur Di Luce vers la porte. Puis tout va très vite. Il embrasse sa fille, lui souffle quelques mots à l'oreille et, avant de passer la porte, il se tourne vers moi. Je sursaute encore une fois. Son regard à l'effet d'une brûlure sur ma peau.
J'ai rarement ce sentiment d'insécurité face à quelqu'un, parce que je suis généralement quelqu'un de très confiant. Mais ce monsieur. Merde, ce monsieur.
Il ne détourne pas les yeux lorsqu'ils prononcent, juste avant de partir : « Michèle, votre fils vous ressemble vraiment beaucoup. C'est déroutant. »
Et c'est sur ces mots qu'il s'éclipse. À peine a-t-il disparu que j'expire tout l'air que j'avais accumulé le peu de temps durant lequel il me fixait. Il est super bizarre, lui. Je me demande bien ce qui peut se passer dans sa tête. Enfin, j'aimerais surtout savoir ce qui s'y passait lorsqu'il perdait une dizaine de minutes au total à infiltrer mon âme de cette façon. Rah.
Quand la porte d'entrée se referme, je ne bouge toujours pas d'un pouce. Je laisse ma famille s'occuper de Gemini.
Kamie l'emmène à table, papa apporte les dernières plats et l'invite à se servir. Une discussion prend immédiatement vie autour d'un sujet auquel je ne prends pas la peine de m'intéresser. Je suppose que mes proches étaient aussi impatients que moi-même de la voir ici. Bien que ce ne soit clairement pas pour les mêmes raisons.
D'ailleurs, pourquoi est-ce que j'avais hâte de la voir, déjà ? Étrange. Je ne m'en souviens. Peut-être parce que j'adore l'embêter ? Ou que j'aime bien les réponses sèches et le ton sarcastique qu'elle aborde à chaque fois qu'on échange ? Ou bien que... Ah. Je m'en souviens. C'était parce que je l'avais foutue en rogne après l'avoir embrassé et que j'aimerais m'excuser, car pour une raison que j'ignore, la savoir hostile à mon sujet me gêne... Ouais, moi Kayon Durand, je me sens triste à l'idée qu'une fille puisse me détester. Complètement stupide. Mais vrai.
— Kayon, tu ne viens pas ?
Kamie me regarde avec des yeux ronds, tout comme mon père et la demoiselle. Sauf que cette dernière se détourne à peine a-t-elle croisé les miens. Je soupire.
— Si. J'arrive.
Je les rejoins ainsi à table. Tout le monde semble heureux. Ils rient, ils mangent avec tant d'appétit. Surtout Gemini. Ça me fait penser à l'autre fois à la cafétéria, quand elle s'est servie une montagne de nourriture et que je me demandais si ce n'était pas un extraterrestre camouflé sous une forme humaine et qui envisageait de s'empiffrer de toute la nourriture terrestre et ainsi dépouiller l'humanité de tout moyen de nutrition. Je souris à ce souvenir et la regarde.
Elle est rayonnage aujourd'hui. Elle semble... vraiment contente. Non pas cette joie hypocrite qu'elle arbore tous les jours pour berner son entourage, mais quelque chose d'honnête. Il y a cette lueur dans ses yeux lorsqu'elle sourit à mon père et quand elle répond aux questions de Kamie...quelque chose qui me rend heureux.
Et moi...moi, je m'assieds sur le siège le plus éloigné du sien, histoire de ne pas mettre fin à cette bonne humeur qu'elle semble partager avec ma famille.
~
— Ça fait un moment que nous ne nous sommes pas retrouvés assis autour de la même table comme en ce moment, n'est-ce pas Gemini ?
Elle acquiesce d'un hochement de tête.
— En effet. Je suis contente d'etre ici, Michèle. Merci d'avoir proposé à papa.
— Oh, aucun problème. Et puis, je me disais que c'était une bonne opportunité de te présenter les jumeaux. Même si j'ai cru comprendre que vous vous connaissez déjà, tous les trois ?
— Oui. On s'est rencontré pour la première fois à l'entreprise, le soir de leur arrivée.
— Ils m'ont raconté. D'ailleurs, merci de ne pas les avoir laisser croupir sous la pluie.
Tu veux dire, merci de ne pas les avoir laissé se faire jeter dehors pas cette satanée Nathalie aux cheveux abîmés parce que TU avais oublié de nous envoyer un chauffeur, de nous dire que tu serais en pleine réunion et de dire à Nathalie justement de nous laisser entrer quand nous serions là. Mais tranquille.
Kamie semble remarquer la grimace que je fais puisqu'elle me donne un coup de pied au genou. En réponse, je lève les mains en l'air en signe de trêve. De toute façon, je ne compte pas faire d'histoires. Pas devant Gemini.
— Ce n'était rien, répond-t-elle.
— Comment se passe l'école ? Je suppose que vous vous voyez souvent, tous les trois. Je suis sûr que vous déjeunez ensemble.
Gemini hésite. Sa main tremble légèrement et elle devient pâle. Elle tâche toutefois de sourire à papa, d'un sourire affreusement faux.
— Oui, hum, on...oui.
C'est tout ce qu'elle parvient à répondre. J'échange un coup d'œil complice avec ma sœur et nous nous entendons mentalement pour mettre fin à cette discussion avant que ça ne tourne au vinaigre.
— Bon, entame ma jumelle, si vous avez terminé, je vais commencer à débarrasser.
— Je vais t'aider, se propose la demoiselle en se levant.
Mais je m'interpose.
— Non, c'est bon. Je vais le faire.
Ma voix sonne plus durement que je ne le voudrais, mais au moins, je parais assez catégorique pour qu'elle se ravise après m'avoir — évidemment — jeté un regard plus que noir. Bon.
Heureusement, papa arrive à l'entraîner dans le salon pour continuer à discuter. Kamie et moi tâchons donc de tout nettoyer pour peut-être les rejoindre après.
— Tiens donc, maintenant que Gemini est là, tu joues aux domestiques modèles ? raille-t-elle.
Je grimace.
— Je ne suis pas ta domestique, sale tronche.
— Ouais, ouais. Je devrais peut-être faire quelque chose pour t'embarasser devant la fille qui te plaît, comme par exemple sortir tes photos de bébé ? Je suis sûre que papa les garde encore dans le premier tiroir de sa commode, il ne les déplace jamais.
— Je devrais peut-être appeler Nam et lui dire que tu as enfin pris conscience de ton amour pour lui ? Je suis sûr qu'il débarquerait ici peu importe l'heure et te demanderait en mariage devant tout le monde.
Cette fois-ci, c'est elle qui grimace.
— C'est bon, tu as gagné. Je me casse. S'il te plaît, range bien les assiettes quand t'auras fini la vaisselle.
Je ne réponds pas. Par contre, alors qu'elle s'apprête à sortir de la cuisine, un détail de ses paroles me revient en tête et je l'arrête.
— Une dernière chose.
Elle se retourne.
— Ce n'est pas la fille qui me plaît, d'accord ?
Ses commissures se tordent en un sourire moqueur avant qu'elle ne disparaisse de mon champ de vision. Je soupire.
Gemini, Gemini. Pourquoi est-ce que tout le monde croit que j'ai des sentiments pour toi, nom de Dieu. Je te trouve simplement attirante, et gentille, et incroyablement belle, et sexy aussi, et j'adore tes cheveux, et le vert de tes yeux, et...quoi ? Non.
Non.
Il faut vite que je termine et que j'aille dormir. Je ne m'en sortirai pas, sinon. Je devrais peut-être appeler Nam, lui il saura quoi me dire pour me remettre les idées en place. Et puis...non. Nam est encore plus toqué que moi en face de Gemini, il ne saurait pas quoi faire. Argh. Ça craint.
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