01 ⎟ 𝐃𝐀𝐃𝐃𝐘
𝐃𝐀𝐃𝐃𝐘
▷ Papa.
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MARTIN GARRIX ft. DAVID GUETTA - So Far Away ( cover by Hoàng Yến Chibi )
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━━━━━ 2017.
Des familles.
Des pleurs.
Des rires. Et le train qui s'en va. Seule la fumée de ce dernier en partance reste dans l'air, comme une trace indélébile de son départ.
Pour certains, les gares sont un endroit de bonheur et de retrouvailles. Pour moi, c'est tout le contraire. Elles ont fait de mon enfance un véritable cauchemar.
Une mère à Lyon et un père dans la capitale, ma vie entière était centrée autour des gares. Je me souviendrai toujours du parfum de ma mère lorsque je lui disais au-revoir, ou encore de mon père courant à vive allure après le train afin de me réconforter lorsque je pleurais. Les au-revoirs, c'était mon truc.
Un truc bien moche, mais auquel je suis malheureusement habitué. Et au fil des années, même si cela reste éternellement marquant, je ne ressens plus la même douleur qu'auparavant. C'est vif, mais ça passe. Ça passera toujours.
Cloîtré sur ma chaise en bois, j'observe attentivement les moindres recoins de cette gare d'apparence moyen-âgeuse, détenant pourtant un intérieur luxuriant et presque comparable à un centre commercial. Plusieurs restaurants font office de salle d'attente, tandis que certains magasins de souvenirs sont exposés sur la façade supérieure de l'édifice tels des mannequins en vitrine.
Le sifflement d'un train me sort cependant de mon état second. Je mène la tasse que je tiens à mes lèvres afin d'en vider le contenu, puis mon attention se reporte sur ma sœur en face de moi. Elle rejette la tête en arrière, essayant désespérément d'apercevoir le tableau d'affichage de la gare, et se retourne hâtivement vers moi.
- Notre train vient d'arriver. Allons nous installer, me dicte-t-elle.
Je ne réponds rien mais la suis en dehors du café dans lequel nous nous étions posés pour manger un bout avant notre départ. À peine un pied posé à l'extérieur que je me fais bousculer.
Le quai est bondé. C'est pénible.
Nous sommes à la fin des vacances et c'est bientôt la rentrée, alors il n'y a pas de quoi trouver tout ce monde bizarre. Kamie, ma sœur, et moi-même avons eu de la chance sur ce coup. Moins un et tous les tickets en direction de Paris étaient pris.
Un rang se forme immédiatement, avant d'embarquer. Bien qu'il ait l'air d'avancer rapidement, je le trouve lent. Principalement parce que je suis pressé d'être installé, et aussi parce que cette dame dans mon dos n'arrête pas de hurler après ses enfants. C'est gênant. Surtout pour moi qui déteste le bruit, et les gens.
Nous finissons par embarquer. Installés chacun à notre place, c'est-à-dire côte à côte, je n'attends pas bien longtemps avant d'enfoncer mes airpods dans mes oreilles, reposer ma tête contre la vitre et fermer les yeux. Dans de telles conditions, Kamie sait pertinemment qu'il ne sert à rien de m'adresser la parole : je n'écoute pas et m'en fiche royalement.
Elle a beau me faire des remontrances à chaque fois, je garde cette habitude en moi comme une infection dont je refuse de guérir. Elle ne le comprend pas, mais c'est un moyen pour moi de me protéger des gens. De la sorte, je suis certain de ne jamais être déçu. Je n'ai rien à craindre si je reste loin des autres, dans ma bulle, avec pour seule compagnie, moi-même.
En ma qualité d'adolescent de dix-sept ans, je suis, non pas introverti, mais quelque peu réservé. Les gens, la foule, les soirées, pas mon truc. Pareillement pour ma sœur. Nous ne sommes pas jumeaux pour rien.
La musique à fond les oreilles, je ne me rends pas compte du train qui se remplit et du départ qui est lancé. Ce n'est qu'après une heure de voyage que j'ouvre les yeux, m'étant inconsciemment assoupi. À mes côtés, la tête sur mon épaule, Kamie dort profondément. Je le sais car elle ne réagit à aucun de mes gestes et émet de petits ronflements, comme à chaque fois que le sommeil l'emporte. Sacrée flemmarde.
Mon attention se reporte sur le paysage, et un soupir s'échappe de mes lèvres : nous allons désormais vivre avec notre père.
Quitter Lyon pour Paris. Cette idée ne me déplaît pas, tout comme elle ne m'enchante pas non plus. À vrai dire, lorsque ma mère me l'a annoncé, je n'ai eu d'autre réaction que de hausser les épaules et m'enfermer dans ma chambre. Je suis resté neutre. Comme toujours.
Le fait n'est pas que je ne veuille pas vivre avec mon père, loin de là. Juste que cela n'est jamais arrivé auparavant. Je passe souvent les vacances avec lui, mais ça s'arrête là.
Lors du divorce, nous n'avions encore que six ans. Et nous avons toujours vécu avec notre mère. Au fil du temps, c'est devenu mon quotidien.
Aller vivre avec papa si soudainement, c'est comme changer de pays, perdre tous mes repères. Je recommencerai tout à zéro. Comme renaître. Je devrais m'habituer à la maison, apprendre à connaître la ville, et surtout, prendre de nouveau mes marques au lycée. Moi qui n'ai jamais été à Paris plus de deux mois, voilà que j'y déménage.
La vie est étrange, pensé-je.
Tout en surveillant mes mouvements, je sors de mon sac à dos, posé à mes pieds, un carnet à pages blanches ainsi qu'un crayon à gomme. Je le pose sur la table devant moi puis prends le temps de repositionner la tête de la marmotte à mes côtés. Les sièges en face de nous sont occupés, à mon plus grand bonheur, par un couple endormi de personnes âgées. Je peux donc dessiner sans craindre d'être observé.
Je hais être le centre d'intérêt.
Le paysage défilant sous mes yeux m'inspire énormément, si bien que je ne contrôle même plus mes mouvements. Mon poignet s'active de lui-même. Tout se fait tout seul. Mes yeux ne voient plus que mon carnet et la mine de mon crayon. J'observe le dessin prendre forme petit à petit sur ma feuille. Et pour moi, il n'y a rien de plus satisfaisant que de donner vie à une abstraction de la sorte. C'est un peu comme créer une entité, dessiner donne toujours cette impression de puissance, de grande créativité. J'ai toujours ce sentiment d'aise, de quiétude, lorsque je dessine. Et ce que j'aime le plus, c'est cette satisfaction à chaque fois que je termine un dessin.
Dessiner a toujours été un moyen d'évasion pour moi. Cela m'a toujours permis de m'enfuir, quitter ce monde fou ne serait-ce qu'un instant et m'engouffrer dans un univers que je peux créer de toute pièce et compléter des teintes que je désire.
Un jour, je colorierai le monde en bleu.
Je souris inconsciemment au souvenir de mes mots d'enfant. Ceux-là même que j'ai prononcés lorsque ma mère m'a offert mon premier kit de coloriage. Je me souviens d'à quel point j'étais heureux, de mon sourire rayonnant, et je ne peux m'empêcher de glousser faiblement.
J'ai envie de voir ma mère, d'un coup. Retrouver ma bonne vieille maison en bois peinte en blanc, ma chambre aux murs bleus et parfaitement ordonnée, la grande cuisine ouverte donnant sur le jardin et notre piscine. J'ai envie de retrouver l'atmosphère de chez moi.
C'est étrange, mais je n'ai jamais autant eu envie de rentrer à la maison. Il a donc fallu que je la quitte pour prendre connaissance d'à quel point j'y tenais, quelle ironie.
La sonnerie de mon téléphone portable me tire de ma rêverie. Puis revient mon éternelle expression neutre lorsque je vois le numéro de mon père s'afficher sur l'écran.
- Ouais, lançé-je après avoir décroché.
- Salut, fiston, quoi de neuf ?
- On est dans le train, là. On sera à Paris dans encore une heure et demi, je pense.
- D'accord. Tu sais...je pensais pouvoir passer vous récupérer à la gare, mais je travaille ce soir.
- Ah.
Et bizarrement, ça ne m'étonne pas. Papa a toujours été comme ça : obsédé par son travail. Ah non, que dis-je, c'est un « homme très occupé ».
- Quand vous arriverez, prenez un taxi. Je t'envoie l'adresse de mon bureau par message. Venez me rejoindre et on rentrera ensemble quand j'aurai fini.
- OK.
-Tu penses t'en sortir ?
- C'est pas la mer à boire, non plus. Pour qui tu me prends ?
- Merci, fiston. Prends soin de ta sœur, on se voit plus tard.
- Ouais, à plus.
J'attends d'entendre le bip de fin d'appel avant de poser mon téléphone sur la table et reprendre en main mon dessin. Cette discussion, je l'attendais. À vrai dire, je patientais pour cet appel. Je savais que ça se passerait comme ça. C'est toujours le cas. À croire qu'il le fait exprès, c'est dingue.
Comme le dit toujours ma mère, normalement, il devrait prendre ses dispositions à chaque fois que nous venons chez lui, parce que contrairement à ce qu'on pourrait croire, il est toujours prévenu des jours à l'avance de notre arrivée. C'est quoi son problème ?
Je pourrais m'énerver, le rappeler et lui hurler que je hais son comportement de merde, que ces agissements me mettent en rogne, mais je ne le ferais pas. Parce que je ne suis pas du genre à me mettre en colère, et surtout parce que c'est mon père et que je le veuille ou non, je lui dois du respect.
C'est dans ses habitudes de nous faire faux-bond de la sorte. Sauf que pour les autres fois, il nous envoyait toujours un chauffeur. Mais là...
Un taxi. Tous seuls. En plein Paris.
Ce n'est pas quelque chose d'impossible. Sauf lorsque l'on prend en compte le fait que nous sommes encore novices dans cette ville. En y repensant, j'aurais dû prendre le temps de visiter la capitale lorsque je venais lui rendre visite. À chaque fois, Kamie et moi restions enfermés entre les quatre murs du duplex, chacun occupé à naviguer sur son téléphone ou à regarder la télévision. Il faut dire aussi que cette foutue piscine n'aidait pas beaucoup à nous faire sortir.
Et puis, j'aurais dû dire à mon père que ça ne le ferait pas. Et si je donne une mauvaise adresse au chauffeur ? Et si nous tombons sur un kidnappeur ? Est-ce que j'ai assez d'argent sur moi ? J'ai entendu dire que les taxis de Paris sont pires que chers.
Plusieurs questions me trottent dans la tête. Mais au bout d'un moment, bercé par le vent s'immiscant par ma fenêtre ouverte, je finis par oublier tout ça et retrouver mon calme. Ce n'est pas la mort de prendre un taxi à Paris, après tout.
En plus, j'ai Kamie à mes côtés. Tout se passera bien. J'espère.
- C'était papa au téléphone ? résonne la voix endormie de ma sœur.
Quand on parle du loup.
Je tourne la tête vers elle et tombe sur une Kamie encore enchaînée par le sommeil, se frottant les yeux tout en bâillant. Son chignon châtain s'est quelque peu défait à la suite de sa sieste, et ses joues sont rosies. Elle me fait penser à elle, bébé. Et ça me fait sourire.
- Ouais.
- Qu'est-ce qu'il a dit ?
- Je dois vraiment répondre ?
- Que nous devons le rejoindre à son bureau...?
- Exact.
- Ah...
Je peux remarquer, dans ses yeux, une lueur de déception qui disparaît aussitôt apparue. Elle espérait sûrement le voir dès notre arrivée. Comme à chaque fois que nous allons le voir.
Kamie sait qu'il ne viendra pas, mais elle espère. Elle y croit. C'est ça que j'admire chez elle : son optimisme. Et c'est pour ça que je déteste mon père de nous poser des lapins comme il le fait, parce que même si elle ne le laisse pas paraître, je sais que ça la blesse énormément.
Moi encore, ça passe. Il peut piétiner tous mes espoirs s'il le veut, me poser tous les lapins du monde s'il le souhaite, ça me va. Mais ma sœur ? Il n'en a pas le droit. Malgré son absence dans notre vie, elle croit toujours en lui. Et c'est bien la seule de nous deux, alors il n'a pas le droit de la rendre triste.
Absolument pas le droit de faire ça.
Je passe le bras par-dessus les épaules de la châtaine et la ramène à moi. Elle pousse un grognement lorsque son visage s'écrase sur mon torse, mais m'entoure de ses petits bras et me serre en retour. Son habituel parfum à la « rose » m'enivre immédiatement. Il a beau sentir le désodorisant-toilettes, elle s'y accroche comme un koala.
- Ne t'inquiètes pas, tu le verras tôt ou tard, la rassuré-je.
- Je suppose... Sinon, je vois que tu dessinais ?
Ma tête virevolte systématiquement vers le dessin en question et je n'attends pas une seconde de plus pour le ranger dans mon sac. Le geste est tellement soudain et bruyant qu'il réveille accidentellement la dame âgée en face de moi.
Je déteste qu'on voit mes dessins, et ma famille n'y fait pas exception.
Je m'excuse brièvement auprès de la dame et entreprends de me réinstaller confortablement dans mon siège, sous les remontrances de Kamie.
- Pourquoi tu le ranges ? C'est très beau, je te dis !
- Rien.
Elle soupire.
- Je ne te comprendrai donc jamais, KO.
- C'est comme ça, me suis-je prononcé en riant.
KO, le surnom que cette idiote m'a donné en disant que "Kayon" est beaucoup trop long à prononcer. Mais je me dois d'avouer que ça m'amuse. Même si ça n'a aucune utilité puisqu'à la prononciation, les deux mots ont exactement le même nombre de syllabes.
Le reste du voyage se déroule calmement, moi la musique à fond les oreilles et Kamie au téléphone avec ses amies. Rien de bien spécial.
Puis nous finissons par arriver à Paris, à dix-huit heures moins cinq. La nuit commence déjà à s'installer lorsque nous nous mettons à chercher un taxi, comme nous l'a indiqué notre père.
- Ils s'en vont tous sans nous accorder aucun regard, c'est fou, se plaint ma sœur en essayant coûte que coûte de retenir sa valise.
En effet, comme elle le dit, toutes les voitures nous défilent sous le nez sans prendre le temps de s'arrêter, bien que nous agitions les mains. C'est vraiment ridicule comme situation, et je remercie le ciel d'avoir laissé les quelques amis que j'ai à Lyon. S'ils me voyaient comme ça, ils riraient à s'en détruire les poumons.
Finalement, ce n'est qu'au bout d'une vingtaine de minutes que nous en dénichons un. Le chauffeur nous aide brièvement à ranger les valises dans le coffre et nous indique de nous installer à l'intérieur, chose que nous faisons sans broncher ne serait-ce qu'une seconde.
À peine nous sommes-nous installés que mes jambes flageolent. Je ne sens presque plus leur poids tellement elles sont engourdies.
- Je suis fatiguée, mais en même temps heureuse d'être à Paris... murmure Kamie, le regard perdu à travers la vitre.
Je n'en retourne pas. Parce qu'il n'y a rien à ajouter. Moi aussi, je suis heureux d'être là. Tout ce que je veux à présent, c'est arriver à la maison et me reposer. Rien de plus. La sensation de me retrouver allongé sur un bon lit moelleux me manque, et je n'ai qu'une hâte : dormir. Malheureusement, il y a encore une chose à faire, et c'est de rejoindre mon père à son bureau. Je soupire rien que d'y penser.
Pourvu que ça passe vite pour que je puisse rentrer, sinon je crois bien que je pourrais m'effondrer.
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hi guys, what's up? j'aimerais tout d'abord vous remercier de l'accueil si chaleureux que vous avez fait à SFA, ça me fait tellement plaisir ! Je suis heureuse que ce roman ait été si bien reçu, et ça m'encourage encore plus à écrire. merci ❤️
first chapter yeah, vos impressions ? que pensez-vous de Kayon ? Kamie ? leur père ? Quels sont vos pronostics pour la suite ??
m'enfin, n'oubliez pas de voter et de me dire ce que vous en avez pensez en commentaires !
prochain chapitre dans la semaine ou plus tard, kisses ❤️
📸 mira_iml.
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