Ellena

Je me frottai les yeux. Tom était allongé à côté de moi, Isa était en train de se mouiller le visage à l'eau de mer, et Chris fixait un caillou qu'il tenait dans ses mains. Nous étions tous les quatre un peu perplexes. Manon, elle, se tenait debout à coté de Raphaël. Ils nous regardaient tous deux sans comprendre.

Le soleil était en train de se coucher sur la mer. De merveilleuses couleurs dansaient sur l'eau, un mélange d'orange, de rose et de bleu. Mais personne n'y prêtait attention. Il y avait encore 2h, j'étais seule avec Raphaël sur la plage. Isa était arrivée la première, les larmes aux yeux. Elle m'avait raconté ce qui lui était arrivé, le papier que lui avait donné Mattéo, puis elle avait fondu en larmes. Raphaël avait essayé de la consoler. Il lui avait conseillé de se rendre sur le lieu du Rendez-vous Samedi, comme si rien ne s'était passé. La pauvre avait cru que l'incendie était de sa faute. Elle avait alors fuit, laissant seul Mattéo qui venait de l'inviter... Elle s'en voulait démesurément, alors qu'elle n'y était pour rien.

Ensuite, en contraste avec la tristesse et la honte de ma cousine, était arrivée Manon, hystérique, suivie de Tom qui avait l'air un peu décontenancé. D'après elle, Tom pouvait se déplacer dans les airs. Lui était un peu moins enthousiaste, et il pensait que c'était un coup monté. D'après ses dires on l'aurait attaché sans qu'il ne s'en aperçoive à un câble (cela était sa première solution). La deuxième accusait pleinement Manon qui lui aurait fait croire qu'il était suspendu au plafond en projetant son image à elle au dessus de la tête de Tom.

Enfin, Chris nous avait rejoint. Il nous avait longuement raconté son inscription, avait minutieusement décrit l'université (et même la cravate de son directeur), si bien qu'à un moment donné, Raphaël s'était impatienté : "Et ce dont tu m'a parlé par messages, tout à l'heure ? Nous, on attend que ça !!!" avait-il dit. Chris avait rit et répliqué "Je l'ai fait exprès". Puis il avait commencé. Il disait avoir rencontré son ennemi d'enfance, qui l'avait nargué. Et, comme en mémoire de l'arrivée de Raphaël, où il l'avait accueilli avec hostilité, il lui aurait lancé une pierre avec beaucoup de puissance. Il nous a dit avoir ressenti au même moment une brûlure provenant de son pendentif, puis la pierre s'était arrêtée, juste devant son nez, et était tombée au sol.

Après cet enchainement de récits de faits étranges, Raphaël et moi nous étions mis à raconter notre propre journée, et donc ma performance en apnée. Manon, toujours aussi enjouée, m'avait demandé de le faire devant eux. Comme Tom et Chris ne m'avait absolument pas cru (bien que leur histoire à eux n'était pas plus vraisemblable), j'avais exaucé le vœux de ma sœur. Ils avaient tous été très étonnés ! Mais, au sortir de l'eau, j'avais commencé à me sentir mal. Mes yeux avaient commencé à se fermer, et autour de moi j'avais vu qu'il en était de même pour les autres...

Isa

Une vision. J'ai eu une vision.

Ces mots trottaient dans ma tête depuis un moment. Ellena était assise face à la mer. Personne n'avait dit mot depuis que j'avais eu cette vision. Cette vision avec des pendentifs, dont 6 semblables aux nôtres, avec la louve aussi, le sorcier. Jusqu'au combat entre un homme et la louve. Puis je m'étais réveillée. Ils avaient eu cette vision eux aussi, c'était certain. Je le ressentais. Dans leur façon de regarder le vide, comme moi.

J'avais vu un homme dont le visage m'avait interpellée. Je le connaissais. J'en étais certaine. Je savais qu'Ellena aussi le connaissait. Lui, le gardien de l'esprit. L'esprit, cet élément que nous ne connaissions pas. "Les 12 éléments", légende qui nous était inconnu. Cette légende... qui était l'objet de notre vision.

Une vision. J'ai eu une vision.

Cet homme... Son visage... Et...

- Ellena ! criais-je, brisant ainsi le silence majestueux. L'homme de la vision !!! On le connaît, Ellena !

Ma cousine me regarda, avec un regard interrogateur, et durant quelques secondes je crus que j'avais été la seule à avoir cette vision. Mais elle se reprit vite.

- On le connaît ? Qu'est ce que tu veux dire ??? L'homme que nous avons vu dans la vision a vécu il y a des centaines d'années et nous n'avons sûrement rien en commun avec lui !!!

- Si, justement. dis-je dans un souffle.

- Qu... Quoi ? Je ne comprends pas ! fit Chris.

- Vous avez vu vous aussi son pendentif, n'est-ce pas ?

- Euh, oui... Le diamant, c'est ça ? Le diamant blanc ?

- Oui Ellena, le diamant. Tu te souviens du portrait de notre aïeul que tu as dans ton salon ?

- Tu veux dire...

- Je veux dire qu'il possède exactement le même pendentif, Ell'. C'est lui dans la vision, il a le même visage, la même expression de victoire... Nous sommes ses descendants. Les pendentifs que nous portons autour du coup, ce sont les pendentifs de notre vision.

- Donc tu penses que nous sommes les nouveaux gardiens de ces pendentifs ?

- Je ne le pense pas. J'en suis sûre ! Enfin, le surnaturel fait face pour prouver à tous les humains qu'ils ne contrôlent pas tout !!!!!

Je m'étais un peu trop emballée sur ce coup là, mais depuis le temps que j'étudiais en dehors des heures de cours les propriétés magiques de pierres précieuses !!!

- Wouahhh ! fit Ellena en riant ! Vous croyez vraiment à ça ?! Écoutez, je pense qu'après une bonne nuit de sommeil tout rentrera dans l'ordre.

- Tu veux dire que l'on délire ? Tu n'as pas fait la même vision que nous, peut-être ? lançai-je.

- Si, mais pas Raphaël, ni Manon, d'ailleurs. C'est la preuve que nous avons juste halluciné. Venez, rentrons. Le soleil va se coucher.

- Ell' !!!

- Allez.

Et, comme personne ne pouvait vraiment contredire Ellena en s'appuyant sur des preuves concrètes, nous tous finîmes par l'écouter...

Manon

Nous étions rentrés il y avait maintenant plus d'une heure. Ellena regardait la télévision. Moi j'étais affalée sur le canapé, à côté d'elle. Je fixais intensément le portrait de notre aïeul. Autour de son cou, il portait un pendentif blanc. Un diamant, d'après Isa, qui l'avait vu dans sa vision. Moi je n'avais rien vu. Rien du tout. Raphaël non plus. Je ne savais pas trop ce qui leur avait pris. Si je n'avais pas vu Tom qui flottait dans l'air de mes propres yeux, j'aurais pensé que c'était une blague, un coup monté. Mais à présent je ne savais pas trop quoi penser...

Les yeux de notre ancêtre étaient perçants. En le regardant j'avais l'impression qu'il me fixait, que son regard me suivait. Je frissonnai. Son sourire était à me glacer le sang. Un sourire qui exprimait de la satisfaction, la satisfaction d'avoir agit de façon malhonnête et méprisable.

La télévision annonça la publicité, et Ellena se mit à zapper. Je profitais de ce moment pour demander à ma sœur si elle croyait ou non à la vision qu'elle avait eu.

- Pour te dire la vérité, quand j'ai dit aux autres que je ne croyais pas au caractère surnaturel de notre journée, je leur mentais. Je suis perdue. Je n'ai jamais cru au paranormal, je n'ai jamais été superstitieuse comme Isa. Elle qui étudie les propriétés magiques des pierres précieuses quand elle a du temps libre... J'ai toujours cru que tout cela n'existait pas, je ne me suis toujours fiée qu'à ce que la science démontrait... Alors je ne sais plus quoi penser.

- Mouais... C'est vraiment irréel ce qui nous arrive.

- Tu sais, Isa dit toujours qu'il faut accepter de ne pas tout contrôler, et...

Elle se releva brusquement, le visage déterminé.

- Manon, quoi qu'il nous arrive, que ce soit rationnel ou totalement irréel, je jure de ne plus me fier qu'à moi, et de prendre en compte toutes les possibilités qui s'offrent à nous.

- Autrement dit ?

- On va élucider ce mystère, Manon, et je vais écouter Isa, ce qu'elle pense... Je vais accepter de ne pas toujours tout savoir, tout maîtriser. En attendant, pas un mot à quiconque!

J'acquiesçai en souriant. J'étais fière, très fière de ma grande sœur. Sa série avait recommencé, mais elle s'en fichait. Elle se releva, et se dirigea vers le tableau de notre aïeul. Précautionneusement, elle décrocha le tableau du mur pour l'examiner, et le posa sur la table du salon qui était recouverte d'une nappe bleue claire. Je ne savais pas trop ce qu'elle voulait faire.

Quand elle avait décroché le tableau du mur, j'avais cru qu'elle voulait voir s'il y avait une cachette secrète, ou un coffre fort derrière. Mais il n'y a ça que dans les films.

- Qu'est ce que tu fais ?

- J'ai vu ça dans ma série policière. Je vérifie qu'il n'y ait rien dans la doublure.

- La... Doublure ?

- Oui, la doublure. Derrière la toile, parfois, il y a une seconde toile pour protéger le tableau. Peut-être allons nous trouver quelque chose.

- Comment as tu eu une idée aussi folle ?

- C'est une... intuition.

Ellena

- Ell'... Ell'... chuchota Manon.

- Quoi ?

Je me retournai. Notre mère se tenait debout, les bras croisés, l'air mécontent.

- Qu'est ce que vous faites avec ce tableau ! s'énerva-t-elle. Il est très vieux et très fragile !

- Euh, ne t'inquiète pas maman, on voulait juste... commença Manon.

- Enlever une mite, complétai-je. Une mite était passée derrière le tableau, elle aurait pu l'abimer.

Ma mère fronça les sourcils. Mon excuse n'était tellement pas crédible. Elle allait répliquer, quand son portable sonna. Elle soupira et abandonna notre affaire pour aller répondre.

Manon souffla, soulagée. Je ne pris pas le risque de continuer à examiner le tableau devant ma mère, et allai le reposer. Puis je me remis devant la télé, et Manon s'assit également sur le canapé. Quand ma mère eut raccroché, elle nous dit de venir manger. J'éteignis la télé. Je lui demandai qui c'était.

- Papa. répondit-elle. Il rentrera tard, ce soir. Le samedi, il y a pas mal de randonneur dans les hautes montagnes, alors il a beaucoup d'appels.

J'acquiesçais. Maman nous servit une tranche de lonzu (charcuterie Corse), et notre fromage préféré, la Filetta. Puis elle posa au milieu de la table un plat de pommes de terre, et de la fondue. Je mangeai en silence. Ma mère questionna Manon.

- Alors, ma chérie, c'était comment, le lasergame ?

- Super ! s'enthousiasma Manon. J'étais super contente ! Il y avait Landvic et Laura, c'était vraiment cool. J'ai battu mon record. En plus, il nous est arrivé quelque chose d'incroyable !!! Tu ne devineras jamais ce qui est arrivé à Tom ! Il...

J'écrasai le pied à ma sœur. Décidément elle ne savait pas tenir sa langue. Mais elle comprit et se rattrapa.

- Il... avait oublié son cadeau pour Landvic dans les toilettes !!! Il l'a cherché partout ! Finalement, c'est Landvic qui l'a trouvé. On a beaucoup ri.

Quelle imagination.

À la fin du repas, maman partit dans la salle de bain pour se doucher. Parfait. Cela nous laissait assez de temps pour examiner le tableau. Manon se précipita dans le salon. Je décrochai une seconde fois le tableau du mur, pour examiner la doublure. Maman avait raison, ce tableau était fragile, il fallait y faire attention. Mais comment savoir si il y avait des choses intéressantes dans la doublure sans abimer le tableau ? La solution me vint immédiatement à l'esprit. Il me fallait une lampe torche. Il devait y en avoir une dans le tiroir du meuble, dans la cuisine. Elle y était bien, et je la pris.

J'éclairais le tableau. En transparence, j'aperçus une sorte de parchemin jaunit. Je saisis des ciseaux.

- Qu'est ce que tu fais ! S'écria Manon.

J'inspirais un coup. Ça passait ou ça cassait. J'espérais que ce n'était pas une illusion, qu'il y avait bien une doublure. Je découpai avec précaution le bord de la toile, sous le cadre, pour que cela passe inaperçu. La doublure se défit, laissant apparaître un parchemin. Je soupirai de soulagement, et saisis délicatement le parchemin. Il était en très mauvais état, mais on pouvait tout de même décrypter quelques mots. Notamment, à gauche, le nom du destinataire. 

Michel de Nostredame.

Plus connu sous le nom de Nostradamus.

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Ce chapitre est terminé. Le nom de Nostradamus est cité pour la seconde fois depuis le début du livre... À votre avis, qu'est-ce que cela peut-il signifier ?

Bonne réflexion ! Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour la suite !!!