Chapitre 11 : Citrine
Raphaël
Elles n'étaient toujours pas revenues. Cela faisait une demi heure qu'elles étaient parties au collège et qu'elles m'avaient dit que tout allait bien. Mais je les connaissait assez, pour savoir qu'il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. Pourquoi étaient-elles parties au collège de Tom et Manon...
Manon, ma sœur. Le mot en lui même était nouveau pour moi, mais avoir une sœur n'était pas ma principale préoccupation. Mes parents, mes vrais parents, étaient morts. Et je ne me souvenais même pas d'eux. Je ne savais rien sur eux, et je ne voulais pas. Car avant que je lises ce morceau de papier qui a bouleversé ma vie, j'étais heureux. Je le sais, maintenant. Avant tout cela, je pensais que ma vie n'était qu'une succession de problèmes, et je m'appuyais sur mon adoption pour obtenir la pitié des autres. Mais ma vie était parfaite. On ne se rend compte de la valeur des choses seulement lorsqu'on les a perdues. Mais je n'avais rien perdu, hormis peut-être l'espoir que j'avais de retrouver un jour mes parents. Et j'avais gagné une sœur, une personne qui partageait mon histoire, ma souffrance. Je me sentis égoïste en pensant cela. Manon était la principale concernée, elle ne savait rien, personne n'osait lui dire. Je me rendis compte à cet instant, que bien que cela ne fasse pas plus de cinq jours que je la connaissais, je l'aimais. J'aimais ma sœur, et j'aurais pu tout faire pour la sauver. J'avais été le petit frère, profitant de l'attention que Chris me portait... J'allais être le grand frère. Et cela me remplissait de joie et de bonheur. J'étais peut-être à nouveau heureux.
N'ayant pas cours d'ici deux heures, je décidai de me rendre à mon tour au collège. Il fallait que je lui dises. Nous étions tous les deux dans le même sac, elle devait pouvoir me faire confiance. Et malgré ce que les autres disaient, mon instinct me disaient l'inverse. Et je devais le suivre. J'empoignai mon sac, me levai du murée sans un mot, et pris la direction du collège.
- - -
J'arrivai enfin devant le collège, et cherchai des yeux les filles. J'allai m'approcher un peu plus de l'entrée, quand j'entendis la sonnerie de fin des cours. J'aperçus une fille, qui devait avoir l'âge de Manon, s'approcher de l'entrée, et faire un signe à Tom qui venait de sortir. Elle lui murmura quelques mots et Tom la suivis. J'essayai discrètement de les suivre, sans me faire remarquer. Laura arriva dans une sorte de clairière. Je ne vis pas ce qu'il y avait, mais de là où j'étais je pu tout de même voir le visage de Tom se tinter d'horreur.
J'avançai toujours prudemment, redoutant ce que j'allais voir dans la petite clairière si paisible de l'extérieur. Et ce que je vis justifia le visage de Tom. Un homme tenait Manon d'un bras, et de l'autre il tenait un fusil pointé vers le sol. Isa et Ellena étaient devant lui, paralysées par la peur. Autour de son cou, l'homme portait les pendentifs des trois filles, et un sourire moqueur était affiché sur son visage.
Tom
Je ne comprenais plus. Laura était venue me chercher, disant qu'il était arrivé quelque chose à Manon, mais rien de grave. Et j'étais arrivé là, apercevant mes deux cousines et ma sœur, chacune ne pouvant bouger. Et Manon était comme prise en otage par un homme armé, et le deux grandes ne faisaient rien, sûrement de peur qu'il ne dégaine son pistolet. Mais ce que je ne comprenais pas, c'était le rôle de Laura dans tout ça. La suite des évènements m'expliqua sa place dans l'affaire.
- Le voici, papa ! annonça-t-elle fièrement.
Quelle garce ! L'homme, à priori son père, ricana et, tout en tenant Manon, s'approcha de moi.
- Donne moi ton pendentif, ordonna-t-il, ou la vie de ta cousine ne sera qu'une question de secondes.
Je regardai Manon. Son visage exprimait de la peur, et ses yeux me suppliaient d'écouter le maître chanteur. Fébrile, je tendis ma main vers mon sac, le posai au sol et commençai à chercher mon pendentif, tout en gardant un œil sur l'homme qui lui, me fixait avec attention. Gagner du temps, il fallait que je gagne du temps. Je ne savais pas vraiment à quoi cela allait nous mener, mais c'était la seule chose à faire si on voulait s'en sortir.
- Dépêche toi ! hurla-t-il. Ces pendentifs me reviennent de droit ! Votre ancêtre les avait volés au mien.
J'étais très étonné par ce qu'il venait de dire. Tout en cherchent, je regardai les visages blafards des filles. Elles n'éprouvaient aucun étonnement à ce qu'il venait de dire. Elles étaient sûrement déjà au courant. Ellena se rebella.
- Vous mentez ! Notre ancêtre n'a rien volé ! Il a obtenu loyalement ces pendentifs. Et le sorcier n'a jamais eu de descendance.
Elle avait dit cette dernière phrase tout bas, mais de façon à ce que tout le monde l'entende. L'homme posa à nouveau la main sur son pistolet, et Ellena baissa la tête, se taisant. L'inconnu tourna la tête vers moi, se désintéressant de ma cousine, ce qui me soulagea.
- Alors, cette pierre ! Ça vient, oui ou non ! fit-il.
À cours d'idée, et me laissant impressionner par son ton, je sortis mon pendentif de mon sac, et tendis fébrilement la main. Mais l'homme n'eut pas le temps de me l'arracher. J'entendis un cri derrière moi. Raphaël. Il était tombé droit dans le piège. L'homme lui hurla de s'immobiliser, mais Raphaël continua, s'élançant vers nous sans réfléchir. L'homme alors sortit son pistolet, menaçant la vie de Manon. Il fallait que Raphaël s'arrête ! Ellena hoquetait, et entre deux sanglots, elle hurlait à Raphaël de s'arrêter, d'une voix déchirante. Mais rien à faire, il n'entendait pas. Et de toute façon, l'homme était bien décidé à tuer Manon, que Raphaël ait été là, où non.
Raphaël
Mon cerveau ne répondait plus. Il ne réalisait pas le danger qu'il était en train de me faire courir, à moi et à ma sœur. Mon cœur avait prit le dessus, et je m'élançai à présent vers l'homme qui menaçait Manon. Autour de moi, au ralenti, les autres s'affolaient. Ils criaient sûrement, étant donné la façon dont leurs lèvres s'agitaient. Je crus apercevoir Ellena pleurer, mais je n'en étais pas sûr. Je me concentrais uniquement sur mon objectif, libérer Manon. Mais mon cerveau prit enfin la relève, me rappelant que mon acte était insensé. Car je vis, toujours au ralenti, l'homme dégainer son fusil. Une immense colère m'envahit, et je criai, sans prendre gare aux conséquences de ce que je venais de dire: "Laissez ma sœur tranquille !".
Je ne contrôlai plus ma fureur. J'eus l'impression que mon cœur allait exploser tant il battait vite, pourtant tout autour de moi était au ralenti. Au ralenti, je vis l'homme tendre son fusil vers moi. Au ralenti, Ellena s'élança vers lui. Au ralenti, j'entendis une détonation, et la balle arriva sur moi. À toute vitesse, cette fois. Mon pendentif me brûla, et en suivant uniquement mon instinct, je tendis mes mains vers l'objet qui me menaçait de mort. Ce n'était plus une question de secondes, c'était hors du temps. Une lumière folle jaillit alors du creux de mes mains. Vite. Beaucoup plus vite que la balle.
L'homme hurla. Lentement. Trop lentement, car son cri ne se termina pas. L'éclair que je venais de lancer avançai vers lui à toute vitesse. Il ne lui restait plus longtemps à vivre. Mais il y avait Manon. Je venais de mettre ma sœur en danger, je devais empêcher cela. Je fermai alors les yeux, essayant de dévier l'éclair que j'avais fait naître de ma colère. Il fallait que je penses au conséquences si je n'y parvenais pas. Je sentis alors le cri de l'homme s'éteindre. Je n'osais rouvrir les yeux. J'avais sûrement touché Manon, elle était peut-être morte par ma faute. J'aurais du être un grand frère protecteur, nous aurions du traverser les moments de difficulté ensemble, faire face à notre passé main dans la main. Mais je n'avais pas même eu le temps de lui dire la vérité. Elle était morte à présent, et jamais elle n'avait su que j'étais son grand frère. Et elle ne le saurait plus jamais.
Soudain je sentis une main se poser dans mon dos, et j'ouvris lentement les yeux. Ellena me souriait. Manon n'était pas morte, je le voyais dans son sourire. Il disait "merci de l'avoir sauvée". Ellena, qui venait de perdre une sœur. Mais, même si elle n'était pas sa sœur d'un point de vue biologique, j'étais bien placé pour savoir que tout cela ne comptait pas.
Je regardai fébrilement autour de moi. Tom tenait fermement Laura qui se débattait, Isa regardait de haut l'homme, au sol, inerte.
Et Manon... Manon était en face de moi, et me regardait avec beaucoup de gratitude dans ses yeux. "Merci" l'entendis-je murmurer.
Ellena
Ce qui venait de se passer n'était pas encore tout à fait clair dans mon esprit. Je m'éloignai de Raphaël. Il devait avoir une petite conversation avec Manon. Je m'approchai lentement de l'homme sans vie.
- Il respire, murmura Isa.
- C'est impossible ! rétorquai-je. Un éclair l'a touché, il est mort, Isa ! Il ne peut pas être encore en vie après après la décharge électrique qu'il a reçu !
- Ah, parce que pour toi des éclairs créés par Raphaël c'est normal, par contre dès qu'il s'agit de quelque chose qui pour moi est possible, tu ne prends même pas la peine d'y réfléchir !? s'énerva-t-elle tout à coup.
J'allais rétorquer, habituée aux occasionnelles sautes d'humeur de ma cousine, quand Raphaël s'interposa. Il n'avait sûrement pas eu le temps de parler à Manon.
- Ce n'est pas le moment, les filles !
Puis, en se tournant vers moi:
- Ellena, je crois qu'Isa a raison, il n'est pas mort. Quand l'éclair s'est élancé vers lui, j'ai eu peur qu'il ne blesse... Tue... Manon. Alors je me suis concentré, persuadé que si j'étais le créateur de ce phénomène, je pouvais le contrôler. Et j'ai essayé de le dévier de sa trajectoire.
- Mais ça n'a pas marché, fit remarquer Isa.
- Oui, c'est vrai, mais mon objectif, au fond, était d'empêcher cet éclair de tuer.
Même si cela paraissait absurde, je crus savoir ce que Raphaël voulait dire.
- Donc, si je comprends bien, tu penses que tu as retiré de l'éclair toute l'électricité de l'éclair, ce qui correspondrait à ta colère, et que tu as seulement laissé la lumière et sa puissance.
- Pas toute l'électricité, mais une grande partie, ce qui a fait que l'éclair n'était plus dangereux.
- Attendez, attendez ! coupa Tom en approchant.
Il tenait toujours fermement Laura, sans grande difficulté étant donné leur flagrante différence de poids.
- Vous êtes en train de dire que les pendentifs que nous portons renferment un réel pouvoir !
Un petit rire m'échappa.
- Demandez à la traitresse ! fis-je en désignant Laura du regard. À votre avis, pourquoi ce seraient-ils fait passés, elle et son père, pour les descendants du sorcier, si ils ne connaissaient pas la légende qui plane sur nos pendentifs ? Tout est clair, bien que je n'arrive toujours pas à réaliser que nos pendentifs détiennent de tels pouvoirs.
- Une minute, fit Manon. Comment Laura et son père ont-ils su ?
Laura répondit, n'en pouvant plus de garder ce secret pour elle.
- Le jour de l'anniversaire de Landvic, j'ai vu Tom flotter dans les airs. J'en ai parlé à mon père. Et puis, le lendemain, ma tante nous a dit avoir vu une lettre étrange de votre part. Nous avons cherché dans sa vielle boutique d'antiquités, et nous avons trouvé un livre racontant une légende. Et sur les dessins un des pendentifs ressemblait beaucoup à celui de Manon.
- Ceci explique cela... bougonna Isa. Mais ta tante, qui est-ce ?
- Madame Vincent, c'est cela ? m'adressai-je en direction de Laura.
Celle ci acquiesça. À partir de cet instant précis, la prédiction de Nostradamus prenait tout son sens. Nous détenions en secret, un secret en danger. Et nous ne pouvions faire confiance qu'à nous-mêmes.
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