Chapitre 10 : Un secret bien gardé
Manon
Il était 13h23 quand je l'aperçu. Il était là, adossé à un mur, le regard méfiant. Il cherchait quelqu'un, c'en était certain. Au même moment je vis Laura sortir du collège, regarder un peu partout. Je me cachai derrière un arbre pour ne pas qu'elle ne me voit. Elle alla droit vers l'homme, et pendant un instant je cru que j'avais rêvé son regard, qu'il venait juste chercher sa fille. J'essayai de m'approcher un peu plus, pour écouter leur conversation. Le premier mot que j'entendis fut prononcé par Laura, et ce fut "papa". Le second me confirma ma première impression sur cet inconnu.
- Du nouveau ? demanda l'homme d'un ton bourru.
- Oui, répondit Laura. Il doit sortir du collège dans deux heures. C'est Landvic qui me l'a dit.
- Tu ne lui as rien dit, j'espère ? Il ne faut se fier à personne.
- Non ne t'inquiète pas. Il ne s'est douté de rien. Qu'est-ce que tu comptes faire, papa ? Tom est vigilent, il ne porte jamais son pendentif sur lui.
Tom ? Pourquoi parlaient-ils de mon cousin ? Et de son pendentif ? Voulaient-ils le lui voler ?
Cela ne m'étonna pas, sur le coup. Tom possédait une opale, une pierre très rare et très chère, qui suscitait des convoitises. Mais l'émeraude que je possédait valait plus cher, et si Laura avait voulu aider son père à le dérober, elle n'y aurait pas eu de mal, je le portais constamment sur moi. Non, il y avait autre chose, j'en était certaine. La suite de la conversation me le confirma.
- Je me ferais passé pour le propriétaire légitime de la pierre. Je lui rachèterai à bon prix, plus cher que ce qu'il vaut. En prétextant une valeur sentimentale. Il ne pourra pas refuser. Il ne se doute pas du pouvoir immense que renferme sa pierre.
En prononçant ces mots, il sourit. Son sourire me glaça le sang. Un pouvoir, avait-il dit. Peut-être Laura avait elle vu ce qu'il s'était passé au LaserGame... Alors les pendentifs que nous possédions renfermaient bien un pouvoir... Un pouvoir envié... Connaissant Tom, il allait sûrement accepter la proposition. Cet objet n'avait pour lui aucune valeur sentimentale. En plus, les parents de Tom avaient besoin d'argent en ce moment... Il fallait que j'aille le prévenir. Mais il ne me croirait jamais... Non, il fallait que je prévienne ma sœur, c'était le plus méfiante de la famille, elle n'accordait sa confiance à personne, ce qui lui attirait parfois des problèmes : Quand on ne la connaissait pas, on pouvait la trouver égocentrique, car elle doutait de tout le monde, même de ses amis qu'elle connaissait depuis près de trois ans. Mais ce trait de caractère allait sûrement me tirer d'affaire pour cette fois. Ellena réussirait sûrement à convaincre Tom...
Je sortis de derrière l'arbre, allumai mon portable pour appeler ma sœur. Mais, derrière moi, j'entendis un ricanement. Laura.
- Alors comme ça tu es espionne, maintenant ?
Ellena
Je l'avais déjà oubliée. La journée d'hier, je veux dire. Je ne voulais surtout plus y penser. Je voulais faire comme avant, quand je ne savais pas.
Mon téléphone sonna, et je sursautai. Je le sortis de ma poche et regardai l'écran. C'était Manon. Je décrochai rapidement. Ce que j'entendis alors me glaça le sang. C'était la voix de son amie, Laura. Mais elle n'avait rien d'amicale. Je l'aurais plutôt qualifiée de "satirique".
- Alors comme ça tu es espionne, maintenant ?
Le téléphone grésilla, et j'entendis la voix d'un homme.
- Donne moi ça !
Puis, de nouveaux des grésillements, et la communication fut coupée.
Isa, qui se tenait à côté de moi, m'adressa un regard interrogateur et inquiet. Immédiatement, je décidai de tracer le téléphone de ma sœur. Sœur... Ce mot devenait de plus en plus dur à prononcer maintenant, maintenant que je savais la vérité. Mais pour moi, quoi qu'il se passe, elle restera toujours ma sœur dans mon cœur, car pour moi les liens du sang n'avaient aucune valeur dans ce cas : Mes parents étaient ceux de Manon car ils l'avaient élevée, J'étais sa sœur parce qu'elle avait grandi à mes côtés.
Je demandai à Isa de m'accompagner. Je n'en informai pas Raphaël, il était assez chamboulé comme ça.
Je sortis du lycée, et me dirigeais vers le collège de Manon, endroit où son portable avait été localisé. J'avais bau l'appeler, elle ne répondait pas. Il lui était arrivé quelque chose, j'en avais peur. La voix de son ami Laura et de l'homme résonnaient encore dans mon esprit, me faisant frissonner.
À côté de moi, Isa ne disait mot. Elle avait l'air assez perdue... Et j'avais peur qu'elle m'en veuille. Quand nous avions découvert le secret que nos parents nous cachaient, j'étais partie voir ma mère, et il y avait Tom. Nous avions cru qu'il était parti, mais ce matin Isa m'avait dit qu'il avait tout entendu. À présent tout le monde savait, sauf la principale concernée, Manon. Elle qui était toujours de bonne humeur quoi qu'il se passe, qui voyaient toujours le côté positif des choses... Comment réagirait-elle en apprenant cette abominable vérité sur son passé ? Quant à Raphaël, il était vraiment mal en point. Je soupçonnais que la vraie raison n'était pas qu'il venait d'apprendre qu'il avait une sœur. Je ne l'avais encore dit à personne, mais, d'après moi, il étais dans cet état parce qu'il savait que ses parents étaient morts. Je n'avais pas encore eu le temps - ni le courage - de lui dire, mais le fait que ses parents soient morts deviendrait vite un soulagement : il savait déjà que ses parents ne l'avaient jamais abandonné volontairement, et en plus il ne pouvait pas se mettre en tête de les retrouver.
J'arrivai devant le collège, avec Isa. Le cœur battant, nous nous mimes à chercher le portable de ma sœur. Soudain, Isa cria. Elle l'avait trouvé. Le téléphone, je veux dire. Car, pour Manon, ce fut moi qui l'aperçût. En fait, je n'aperçût qu'une ombre, de sa taille environ, qui disparut rapidement.
Chris
Hier soir avait sûrement été la pire soirée passée. Quand j'étais rentré, Raphaël était enfermé dans sa chambre, et ne voulait plus me voir. Tant mieux d'ailleurs, je n'aurais pas eu le courage de lui faire face. Pourvu qu'il me pardonne un jour...
Le pire, ça avait été mes parents. Ma mère, en particulier. J'avais tout fait pour l'éviter, mais elle était déterminée à me parler. "Christian" avait elle beuglé. "Je n'aurais jamais du te faire confiance, tu..." Je n'avais pas écouté la suite, car je savais pertinemment ce qu'elle allait me dire. Elle m'avait suivi ainsi en hurlant jusqu'à ma chambre, jusqu'à ce que j'y rentre et lui claque la porte au nez. Elle avait alors abandonné, résignée. Derrière le mur, j'avais entendu Raphaël pleurer, ce qui m'avait déchiré le cœur.
Je m'assis sur un banc. Il fallait que je me change les idées. Mon pendentif était dans mon sac. Je le mis autour de mon cou, le cachant sous mon pull. Après avoir vérifié que j'étais seul, je saisit une pierre qui se trouvait au sol, et la posai sur le banc. Je me concentrai pour que celle ci se déplace, comme Samedi. Je n'y croyais pas, je voulais juste penser à autre chose. Peut-être que dans mon subconscient j'avais une note d'espoir, mais je ne laissai rien paraître. Je fixai le petit objet de pierre, vidai mon cerveau, ne pensai plus à rien. Mais rien ne se passa.
- Chris ?
Je me retournai, et saisit la pierre dans mes mains, prit de panique. Si quelqu'un savait ce que j'avais en tête, plus personne ne me prendrait jamais au sérieux.
Je fut rassuré et heureux de voir Julie. Elle s'assit à mes côtés et me sourit.
- Que tiens-tu dans la main ? me demanda-t-elle.
Voyant que je ne répondais pas, elle haussa les épaules en riant.
- Peu importe... Ça te dirait qu'on sorte tous les deux après les cours ? Pour fêter nos retrouvailles ?
J'acquiesçai.
- Avec plaisir...
Elle se rapprocha de moi et m'embrassa. Je tenais toujours la pierre dans mes mains, et, laissant mes émotions m'envahir, je la sentis littéralement changer de forme. Je m'écartai alors légèrement de Julie, et, fébrile, ouvrit ma main.
- C'est pour moi ? demanda Julie en riant. Ou as tu trouvé ça ? C'est super... Original !
Dans mes mains, je tenais toujours la même pierre. Mais elle avait changé de forme. Elle était en forme de cœur. Honteux, je refermai ma main. C'était ridicule ! Et Julie qui croyait que c'était pour elle... J'aurais pu lui offrir quelque chose d'un peu mieux qu'un vulgaire cailloux. Mais Julie avait toujours gardé son âme d'enfant, et elle parut touchée. Pour elle, la vraie valeur d'un objet était sa valeur sentimentale. Elle prit son présent et le glissa dans sa poche après m'avoir adressé un clin d'œil furtif.
Isa
Je saisis le téléphone de ma cousine. Il était intact malgré le choc qu'il avait du subir. Puis je jetai un œil à Elli, qui fixait intensément quelque chose, l'œil à l'affut. Ses cheveux ondulaient dans le vent, et ses yeux verts paraissaient scanner les environs à la recherche du moindre mouvement.
Ellena et moi avions toujours été très différentes, tant physiquement qu'au niveau de notre caractère. Elle était plutôt axée sur la science, contrairement à moi, très superstitieuse. Mais moi je n'avais jamais écarté le raisonnement scientifique de mon chemin, alors que ma cousine se délaissait totalement de toutes pistes "irréelles". Mais ces derniers temps l'avaient beaucoup changée.
- Qu'est ce que t... commençai-je.
Mais Ellena m'intima de me taire, puis me fit signe de la suivre. J'avançai alors sans bruit, bien que je n'en vis pas le moindre intérêt : dans la grande cour de récréation du collège, on entendait nombres de chuintements. Au détour d'un mur, je vis Elli disparaître sans crier gare, et je pressai le pas pour ne pas la perdre. Elle s'arrêta soudain brusquement, si bien que je faillit perdre l'équilibre.
- Là ! chuchota-t-elle.
Je plissai les yeux pour distinguer ce qu'elle me montrait. Au bout de quelques secondes, je vis au loin une ombre furtive qui se glissait entre les buissons, et je compris que c'était ce qu'elle avait aperçut tout à l'heure. En prenant garde de ne pas me faire repérer, je pris les devants et avançai vers l'ombre. Ellena me retint le bras, mais je lui fis signe de me faire confiance. Elle me lâcha alors et me suivis. L'ombre disparut à nouveau, et nous dûmes courir pour ne pas qu'elle nous prenne de distance. Au bout d'une dizaine de minutes, je déboulai dans un terrain sans aucun signe de vie. Une vache sauvage se trouvait non loin de là, broutant les quelques herbes inconscientes qui s'aventuraient sur son chemin.
- Manon ! hurla Ellena. Où es tu ?
Nous entendîmes un petit cri qui provenait de derrière nous. Ce n'était pas la voix de Manon, mais celle que nous avions entendu dans le téléphone, au lycée.
Je me retournai lentement, le cœur battant, prête à faire face à l'individu. Ellena fit de même, mais je sentais que malgré la peur qui l'envahissait, elle allait tout faire pour récupérer sa sœur.
L'homme qui nous faisait face était brun, au yeux marrons. À côté de lui se tenait Laura, la meilleure amie de Manon. L'ex meilleure amie, à mon avis. Cette dernière tenait Manon par le poignée, et dans son autre main elle faisait sautiller son pendentif émeraude qu'elle lui avait volé. Ellena s'élança vers sa sœur, mais l'individu lui hurla de s'arrêter et posa sa main sur son revolver. En Corse, se balader avec une arme n'était pas rare, mais bien souvent c'était dans les villages, quand ceux-ci possédaient une zone de chasse.
- Si tu avances encore... cracha-t-il, refermant son point sur son pistolet.
- Que voulez-vous ? demanda Ellena, fébrile.
- C'est simple. Vous voyez ce pendentif que ma fille tient ? Le dénommé... Tom, je crois... En a un aussi. Je le veux. Ainsi que ceux que vous venez gentiment de m'apporter ! ria-t-il en fixant ceux que nous portions au cou.
- Qui êtes vous ? sifflai-je.
- Le descendant du sorcier auquel votre aïeul a volé ces pendentif ! lâcha-t-il d'un trait.
- - -
Chapitre 11 bientôt disponible !
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