Chapitre 1 : Si tu y crois
Tom
Je descendis les marches à toute vitesse, craignant de croiser professeur ou surveillant, m'engageai dans les couloirs déserts du rez de chaussée, et sortis discrètement de l'établissement pour rejoindre mes amis, déjà affairés à leur partie de ping-pong.
- Hé Tom ! Rejoins-nous ! lança Landvic, mon meilleur ami depuis la sixième.
- Viens, on va commencer une nouvelle partie ! insista son frère.
J'acceptai avec plaisir et entamai la partie, tout en repensant à ce que venait de me dire Ellena au téléphone. Ellena était ma grande cousine de 17 ans. Elle m'avait appelé quelques minutes auparavant, alors que je venais de sortir de mon cours de français. Je m'étais alors caché dans le placard à balais du deuxième étage de notre nouveau collège pour lui répondre. J'étais curieux de savoir ce qu'elle allait me dire car il n'était pas dans ses habitudes de m'appeler pendant mes heures de cours. Et je n'avais pas été déçu. A peine avais-je décroché qu'elle m'avait lancé d'une voix joyeuse :
- Ça y est ! Tom, ça y est ! j'ai trouvé ! Rejoins-moi sur la plage à 16h. Manon et Isa seront là, et même Chris et Raphaël! Ils se sont lassés de Paris et reviennent en Corse. Je suis toute excitée, les garçons nous manquent tellement à Isa et à moi, nous ne les avons pas vu depuis 5 ans... D'ailleurs je les ai déjà tous prévenus. Viens ! tu ne seras pas déçu !
Et elle avait raccroché, avant que je ne puisse dire quoi que ce soit.
Les deux heures de cours qui suivirent se déroulèrent sans que je n'y porte aucun intérêt. J'étais trop excité à l'idée qu'elle ait enfin trouvé ce que nous cherchions depuis le mois dernier. En effet, il y a 3 semaines, ma sœur Isa fêtait ses 16 ans, et pour cette occasion, elle avait organisé une petite fête sur la plage de Palombaggia, dans le sud-est de la Corse. Le lendemain, elle nous avait avoué avoir aperçu enfouit dans le sable une pierre bleue, du moins c'est ce qu'elle supposait, puisqu'elle n'avait vu qu'une lumière. Intrigués, nous avions décidé de vérifier ses dires. Isa s'était précipitée sur la plage et avait pointé du doigt le sable. Nous avions alors retourné la plage, et vérifié dans les moindres recoins. C'est alors qu'au bout de longues heures de recherches la chance nous avait souri. C'était bien une pierre, et elle était magnifique. Nous étions éblouis. Nous l'avions amenée chez nous et Ellena l'avait examinée. C'était une pierre de lune. Et selon elle, elle devait provenir d'une pierre plus imposante, qui s'était surement brisée. Alors nous avions entamé d'immenses fouilles sur la plage. Manon avait trouvé un morceau, et moi aussi. Ils représentaient ensemble les trois quarts de la pierre. Mais le dernier morceau demeurait introuvable. Isa, Manon et moi avions abandonné, mais nous n'aurions pas dû sous-estimer la persévérance d'Ellena...
Quand la sonnerie retentit enfin, je sortis de la salle sans attendre Landvic, ce qu'il, j'en étais certain, me reprocherait pendant des jours. Mais qu'importe! Je décidai de me rendre sur la plage à pieds car elle n'était qu'à dix minutes de marche du collège et j'étais en avance. Tout en marchant je me demandais si Manon avait fait de même. Manon était ma cousine de 12 ans, aux cheveux roux et lisses et aux yeux marrons. C'était la sœur d'Ellena. Tous les quatre - Ellena, Manon, Isa et moi - étions très proches, comme si nous étions frères et sœurs. Mais un jour, alors qu'il pleuvait au dehors, ma sœur, Isa, m'avait révélé l'existence de Chris, et de Raphaël, qu'autrefois Ellena et elle côtoyaient très fréquemment . Il s'agissait en fait d'un cousin éloigné et de son frère adoptif, avec qui les deux filles avaient grandi, jusqu'à ce que nos parents et les leurs se querellent, pour une raison encore inconnue. La famille de Chris et de Raphaël était alors allée vivre à Paris, loin de nous, ou plutôt de nos parents. Actuellement, Chris avait 19 ans, et les filles n'avaient même pas eu l'occasion de le voir pour ses 18 ans. D'après Isa il ressemblait beaucoup à Ellena : comme elle, il avait les yeux verts et les cheveux bruns, et la même expression de visage. Par contre leur caractère différait en tous points. Ellena était persévérante et travailleuse, alors que Chris avait plus tendance à se reposer sur ses acquis, même si ce n'était pas flagrant. Raphaël, lui, avait été adopté par les parents de Chris, les MARIANI, car ils ne pouvaient pas avoir de deuxième enfant. Raphaël était blond, avec les yeux marrons-verts. Il y a 5 ans, Chris et Raphaël sont partis sur le continent, tant leurs parents étaient fâchés contre les nôtres. Ils devaient revenir cette année, et ce matin Ellena avait annoncé qu'ils seraient là aujourd'hui !!
J'arrivai enfin sur la plage. Isa était là, assise face à la mer, rêveuse... Ellena et Manon n'étaient pas encore arrivées. Il était 15h57.
Manon
- Ellena? Qu'est-ce que tu fais ici?
Ma sœur était adossée à un arbre, un sourire radieux, devant mon collège.
- Rien de grave, assura-t-elle, au contraire, c'est une excellente nouvelle. J'ai prévenu tout le monde, mais je n'arrivais pas à te joindre; ton téléphone était éteint.
- Dis-moi, dis-moi !!!
- Patience. C'est une surprise. La seule chose que je peux te dire c'est que nos cousins éloignés seront là.
Je regardais ma sœur. Ses yeux pétillaient. Elle m'avait parlé de nos cousins éloignés, avec beaucoup de nostalgie à chaque fois, et en m'annonçant leur retour, je sentais en elle une joie indéfinissable.
- A quelle heure leur as-tu donné rendez-vous ? la questionnais-je.
- 16h30, pour Chris et Raphaël. Pour nous, c'est 16h précises.
- Dis-moi, tu l'as dis aux autres, la fameuse surprise, je me trompe ?
Ellena sourit. Je connaissais ce visage. Elle ne me dirait rien. Nous approchions ainsi de la plage, main dans la main. J'aperçus alors Tom et Isa, assis face à la mer claire et calme. Cette plage était de loin la plus belle de Corse, et l'été, les touristes affluaient de toutes parts. Mais en ce mois d'octobre nous pouvions profiter de son calme paradisiaque. Tom nous aperçut enfin. Tout comme Isa, il avait l'air très impatient de voir la fameuse surprise qu'il connaissait, lui. Chris et Raphaël n'étaient pas encore là, comme m'avait dit Ellena. Je n'avais jamais vu les garçons, mais j'avais essayé de les imaginer à travers les récits de ma sœur...
- Ah! Vous voilà, vous deux! Ellena, montre la nous ! Tu as apporté les autres pièces ?
Ellena lui fit signe de se taire, mais trop tard, j'avais compris. Alors elle me sourit. Mon visage exprimait un étonnement profond, mêlé à une joie extrême.
- C'est... C'est vrai ? bégayais-je en direction de ma sœur. Tu l'as trouvée ? C'est bien cela dont tu parles, Tom, c'est de la pierre de lune ?
Ellena et Tom acquiescèrent. L'expression "être aux anges" prenait tout son sens pour moi. Ellena s'assit et ouvrit son sac.
- Tu ne les attends pas ? fit Tom
- Qui ça ?
- Et bien tes cousins !
- Ce sont NOS cousins, corrigea Isa.
- Je leur ai donné rendez-vous dans une demi heure, précisa Ellena. Le temps de vous montrer... Ils ne sont pas encore au courant, il faudra leur expliquer.
Et sur ces mots, elle sortit le dernier morceau. Précautionneusement, elle prit tous les morceaux et les rassembla. La pierre était bien reconstituée. Elle la déposa sur le sable. Et ce qui se produit nous ébahit. La pierre était comme neuve, comme si jamais elle ne s'était brisée. Encore un tour d'Ellena. Elle avait dû déposer de la colle spéciale sur les morceaux, et par je ne sais quel stratagème, elle semblait avoir retrouvé sa forme d'origine. Mais le visage d'Ellena était blafard. Elle se leva, recula, puis se baissa et saisit la pierre, l'observa. Ses yeux trahissaient son étonnement et sa surprise. Elle secoua la tête.
- Ce n'est pas possible ! Vous l'avez vu ?
Tout aussi étonnée, Isa acquiesça.
- Oui, j'ai vu. Tu sais ce que cela signifie ? fit-elle en souriant.
Et elle s'assit, tel un sage qui s'apprêtait à conter une légende. Ellena, revenue de son étonnement, s'assit à son tour, la pierre entre ses mains, prête à écouter sa cousine. Tom et moi fîmes de même.
- La pierre de lune a, d'après la légende, des propriétés magiques, de soins et de santé, commença-t-elle. Elle est liée à la pleine lune. On raconte qu'en présence de celle-ci, la pierre révèle ses pouvoirs miraculeux. Malgré toutes les légendes qui tournent autour d'elle et de ses propriétés, la pierre de lune cache encore de mystérieux secrets...
Raphaël
Cinq longues années nous séparaient du temps où nous vivions ici, avec les filles. Cinq longues années et toute la pollution de Paris. Revenir ici était très émouvant. Nous étions arrivés hier matin à l'aéroport d'Ajaccio. La vie à Paris était trop onéreuse, et nous avions dû vivre dans un petit appartement au milieu du chant des klaxons et de la pollution. Il y a deux mois, l'entreprise qui employait nos parents a fait faillite; ils s'étaient retrouvés au chômage, et dans l'impossibilité de payer le loyer. C'est donc pour notre plus grand bonheur que nous avions pu rejoindre notre île natale et notre ancienne villa. J'avais dû changer d'établissement et Chris s'était inscrit dans la seule université de l'île, à Corte, près d'ici. Le changement allait être compliqué, mais revoir notre île natale et les personnes avec qui nous avions grandi allait nous faire le plus grand bien.
- Raph, ça c'est le carton avec les livres. Tu t'en charges ?
- OK.
Si il y avait bien une chose qui m'avait ravie en apprenant que nous partions, c'était de revoir les filles. Elles me manquaient, elles manquaient aussi à Chris. Isa et Ellena étaient merveilleuses. Elles m'avaient accepté et considéré comme leur frère, même si en vérité je n'étais même pas leur cousin. J'avais été adopté à l'âge de 5 ans, et quand je suis arrivé dans la famille de Chris, leurs habitudes étaient déjà installées, et les liens que les filles et lui avaient créés étaient déjà solides. Ce n'est pas toujours facile pour de jeunes enfants d'accepter un nouveau venu, de leur âge, qu'ils ne connaissent pas et qu'ils doivent accepter. Isa était la plus jeune, elle avait 4 ans quand je suis arrivé. Pourtant tous les trois ont su m'intégrer.
En voyant le sourire qui s'affichait sur mon visage, Chris demanda :
- Toi aussi, il te tarde de finir le déballage des cartons, n'est ce pas ?
J'acquiesçais en souriant. Dans une heure, nous avions rendez-vous sur la plage avec les filles. Mais nous n'allions pas abandonner nos parents au milieu des cartons, surtout pour voir les filles des personnes qu'ils détestaient le plus au monde. Alors nous nous sommes fixé un objectif de cartons à déballer pour leur prêter main forte.
Il y avait tout de même une chose qui me rendait un peu nerveux. Aujourd'hui, mon frère et moi allions rencontrer pour la première fois la sœur d'Ellena et le frère d'Isa. Ils étaient bien sûr nés avant que nous ne quittions la Corse, mais encore petits, alors que nos parents étaient déjà en conflit. Nous allions donc les rencontrer pour la première fois.
- Ça y est.
Chris s'étira.
- On a enfin fini...
Je posais le carton vide que je tenais et époussetai la poussière de mes vêtements.
- Il nous reste 40 min, remarquai-je. Nous avons le temps de nous préparer !
Chris sourit et acquiesça. Je rentrai dans notre villa, suivi de Chris, et de notre chatte praline, bien contente de retrouver sa liberté, dans notre île de beauté...
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