15. UN FEU MAGIQUE
NORA
Une odeur de cannelle flotte dans l'air, je ferme les yeux un instant pour en humer le parfum, m'en imprégner. Pendant que ma mère elle, coupe une tarte aux pommes tout en fredonnant de vieilles chansons folkloriques dans sa cuisine. Mon père visible depuis la fenêtre qui donne sur le jardin, arrache les mauvaises herbes dans son potager.
Moi, de mon côté, je me perds dans mes rêvasseries bien que physiquement je me trouve dans la même pièce qu'elle. Le bien-être qui m'enveloppe en cet instant comparable à celui qui flotte tout autour de moi depuis quelques jours, est presque effrayant. Je me sens sereine, heureuse et surtout comblée.
Cette aventure avec Alan me donne des ailes, m'enivre de nouvelles sensations. Instinctivement, je passe une main sur mon épaule. Je comprends enfin le sens de cette partie de mon corps qu'il a si exquisément couvert de baisers. Je n'ai jamais songé à la sensualité que peut dégager une épaule de femme.
Soudain, ma mère dépose une part de tarte devant moi et m'arrache ainsi de mes pensées, m'arrache à lui. Sans dire un mot, elle s'assied à mes côtés puis me lance un regard inquisiteur. Immédiatement, un dialogue non verbal s'installe entre nous deux. Nerveuse, je tourne la tête et me montre subitement très intéressée par le bouquet de fleurs qui orne la table de la salle à manger.
— Elles sont très belles ces tulipes, fais-je remarquer pour combler ce silence.
Le sourire malicieux emplit de mystère et de sagesse dont elle me gratifie en dit long. Suffisamment, pour que je comprenne qu'elle devine mes secrets. Mes joues deviennent cramoisies. Elle sait qu'il s'agit d'un homme !
Embarrassée, je trempe mes lèvres dans ma tasse de thé pour fuir son regard. Lorsque j'entends son rire étouffé, la gêne se mue en agacement. D'ailleurs, je boude et croise les bras pour lui faire subtilement comprendre que cette communication muette n'ira pas plus loin.
— Figure-toi ma fille que tu ne peux pas me duper si facilement ! Ce regard brillant, je le connais... me dit-elle amusée malgré mon désir clair de ne pas engager la discussion.
— Hum, hum...
Je prends un morceau de tarte et reste évasive. Bien qu'elle vienne habilement d'éveiller ma curiosité, je ne réagis pas de peur qu'un interrogatoire s'en suive.
— T'ai-je déjà dit que tu as ses yeux ? C'est avec cet air que ton père me contemplait, ajoute-t-elle avec tendresse et nostalgie.
Cette révélation romantique liant mes parents est touchante certes, mais le sous-entendu qui implique mon aventure avec Alan, signifie quelque chose de plus grave encore, une chose dont je n'ai pas songé et que je n'ose pas nommer... Sans le savoir, ma mère vient de lâcher une bombe.
Elle ne se doute pas qu'elle vient de m'ébranler parce que ses beaux yeux bleus sont ailleurs, perdus dans ses souvenirs. Ma mère n'a pas pour habitude de partager ses moments de mélancolie. Elle ne montre pas cette facette de sa personnalité, comme si c'était une faille et qu'il fallait la cacher de tous.
D'ailleurs, ce n'est qu'en de rares occasions qu'elle s'autorise à parler de mon père, son défunt mari. Mon cœur se serre de la voir ainsi vulnérable à l'évocation de mon papa et je choisis de taire l'alarme qui vient de s'enclancher en moi pour me concentrer uniquement sur elle. Je pose délicatement ma main sur la sienne et à mon tour, je la ramène parmi nous.
— Maman... je l'appelle tout bas.
— Oh ce n'est rien ma chérie, ça va me passer, tente-t-elle de me rassurer en me tapotant la main.
— Tu es sûre que tu vas bien ?
— J'irai beaucoup mieux lorsque tu m'en diras plus sur cet homme ! Alors comment est-il ?
— Je ne vois absolument pas de qui tu parles, maman... dis-je avec un sourire espiègle aux lèvres.
Ma mère éclate de rire et je lui souris aussi, contente que son visage retrouve sa gaieté coutumière. C'est à ce moment que Jacques, mon père adoptif pousse la porte et entre dans la cuisine. Il se joint à nous pour déguster la pâtisserie aux pommes que ma mère nous a préparés. L'amour bienveillant qu'il partage l'un envers l'autre est flagrant.
— Nora as-tu remarqué les belles tulipes que j'ai fait pousser dans le jardin pour ta mère ? me demande Jacques avec une grande fierté masculine.
— Oui, elles sont magnifiques !
J'échange un regard complice avec ma mère et ajoute :
— Elle a beaucoup de chance de t'avoir.
Lorsque je quitte la maison de mes parents, je m'installe dans ma voiture et avant de démarrer je m'aperçois que Jaques enlace sa bien-aimée pour lui souffler quelque chose à l'oreille. En réponse ma mère rit heureuse dans les bras de Jacques et je pars en gardant cette image dans mon cœur.
Ce soir c'est la deuxième fois depuis ce réveil catastrophique que je vois Alan. Et comme à chaque reprise, une excitation quasi hystérique m'envahit à l'idée de le revoir. Cependant, après cette discussion avec ma mère, je ne me sens pas si rassurée que ça.
Ce que je cherchais, c'était une relation sans attache, passagère où il suffit d'un appel téléphonique pour se rencontrer à la va-vite juste pour le fun. Sauf que là, ce que je n'avais pas imaginé prend forme.
J'éprouve un début de sentiments pour Alan ! En une semaine c'est la seconde fois qu'il vient me retrouver à Lausanne et je viens à me demander s'il ne vaut pas mieux espacer les rendez-vous par pure prudence.
Au moment où l'ambivalence me taraude, je le vois sortir de la voiture de l'autre côté de la rue. Il tend ses clefs au voiturier de cet hôtel et arrête son geste devinant ma présence. Lorsqu'il me voit, il se redresse et me fait son sourire de gamin heureux.
Nous nous faisons face, seules les voitures qui passent dans cette rue nous séparent l'un de l'autre. Le temps s'arrête, me donnant ainsi l'impression qu'il n'y a que lui et moi dans cette avenue. Si je voulais me montrer sans affect, c'est peine perdue car mes lèvres s'étirent malgré moi pour un grand sourire qui dit : « moi aussi, je suis heureuse de te revoir ».
Une petite bise de vent vient soulever mes cheveux, je me tiens statufiée et bras ballants, émerveillée pour cet homme. Une femme marchant à toute vitesse ralentit devant moi et me fixe avec perplexité puis se tourne pour suivre mon regard. Oui, je dois certainement paraître ridicule !
Alan n'a pas bougé lui non plus, il semblerait qu'il attende que je vienne à lui. Se souvient-il de ce que je lui ai avoué à Genève dans sa voiture avant de m'assoupir ? Non, je ne pense pas. Je baisse timidement ma tête et sort mon portable de mon sac à main pour lui envoyer un texto.
[ Alan je préfère rentrer après toi dans cet hôtel. ]
Immédiatement un bip m'annonce sa réponse :
[ Chambre 200, dernier étage. ]
Il me tourne déjà le dos et part d'une démarche joviale. Mais il sifflote ? Quel ringard !
Lorsque j'arrive devant cette plaque à trois chiffres, mon cœur cogne contre ma poitrine. J'inspire un grand coup pour me donner le courage de toquer. Je lève mon poing mais avant que je n'y parvienne, la porte s'ouvre à la volée. Son bras puissant m'enlace par la taille et sa bouche vient se poser fougueusement sur mes lèvres.
Il m'attire ainsi à l'intérieur puis d'un mouvement du pied, fais claquer la porte derrière nous. D'emblée mon ardeur s'allume, mon corps s'embrase comme si son simple contact suffit à faire disparaitre mes peurs et ma pudeur. Alan détient un briquet magique.
***
Publié le, 12.06.2018
1. Devinette : que voulez dire sa mère en déclarant que son père la contemplait ainsi également ?
2. Présentation auteure : SCassint
Je vous présente une écrivaine déjà publié chez les Éditions addictives. L'histoire de Naïs et Gaëtan va mvous faire vibrer !
Découvrez " TRY WITH ME " !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top