Chapitre 1
Je m'appelle Joshua. Joshua Kimmich. Ouaip.
Avant j'aimais pas trop, mais je m'y suis fait. Mon petit frère a eu plus de chance, c'est notre mère qui a choisir Julian, à cause de Julian Ursyn Niemcewicz, un poète polonais.
Ça se discute, mon père a dit que les poètes, c'était des pédales, mais il s'en foutait vu qu'il avait choisi le mien, de prénom, et que j'étais son fils préféré.
Joshua.
Aux gens qui demandent d'où ça vient - c'est à dire personne ou presque -, je dis que ça vient de la Bible, tout simplement. C'est un dérivé du prénom « Josué ».
Ça ne signifie rien d'autre que Dieu Sauve.
Dieu sauve, j'invente rien.
C'est comme de l'humour noir si on considère ce qu'il m'est arrivé. Vu que j'ai vraiment été sauvé. Mais bon, pas complètement.
À sa décharge, mon père pouvait pas savoir, même si c'est sa faute aussi, personne pouvait.
Enfin bon.
Vivre à 21 ans avec les deux jambes en moins, c'est pas toujours simple. Je vis tranquillement dans une petite ville (pour ne pas appeler ça un village) appelée Poix-de-Picardie.
Une commune pour dire vrai. On est pas trop. Ni trop ni trop peu, en fait.
Je suis au Bar des Sports, sirotant tranquillement un Monaco. Je ne parle pas avec grand monde.
On me dévisage toujours un peu, que ça soit sans mauvaises intentions ou pas.
De toute manière, si je ne parle pas, on ne me parle pas.
Je me contente d'écouter silencieusement les discussions des autres, n'ayant rien de mieux à faire. Je sais que c'est pas bien.
Mais c'est plus fort que moi.
-Alors t'as été à la librairie qui a ouvert ? Il paraît que c'est un p'tit jeune.
-Non, il doit avoir dans la trentaine. C'est pas qu'une librairie en plus, paraît qu'il y a aussi une sorte de café avec quelques chats qui se baladent. Fin je sais pas trop quoi en fait.
Y'a ça ici ? Ça m'intéresse. Je tend l'oreille.
-Un mec qui ouvre un café-librairie avec des chats ? On aura tout vu !
Des grands éclats de rire. Décidément, on se refait pas. Je lève les yeux au ciel.
Il faut que je me renseigne là dessus. Je finis ma boisson en regardant la télé au dessus du comptoir, un match de tennis est diffusé.
Je comprends rien.
Je laisse mon verre et quelques pièces. Je salue le patron et sort du petit établissement.
Je rentre chez moi, en boitillant. J'ai beau avoir réappris à marcher, je boiterais toujours.
Quand vous avez plus de genoux, marcher droit est devenu presque impossible.
Je cherche mes clés et ouvre ma porte. J'habite une petite maison mitoyenne.
J'ai dépensé quelque chose comme 4 salaires pour faire installer un ascenseur dedans.
Vous croyez vraiment que je monte les escaliers ?
Et non. J'ai pas assez de force pour ça.
Dans cette accident, je n'ai pas perdu que mes jambes. J'ai perdu toute ma confiance en moi.
Elle est restée là bas, dans cette voiture.
Et honnêtement, je pense pas la retrouver un jour.
Je jette les clés sur le meuble et mon chien arrive doucement vers moi.
J'ai de la chance qu'il soit calme, je sais pas ce qui arriverait si il me sautait dessus ce fou.
De un, parce qu'il est énorme, respectant chaque moindre critère comme tout American WolfDog qui se respecte.
Et de deux parce que, moi, je tiens pas sur mes pattes.
Il arrive tout penaud, la queue remuant. Je lui fait un gros câlin et me dirige vers la porte du salon pour lui ouvrir un accès au jardin.
Honnêtement, j'ai pris cette maison rien que pour lui.
Le jardin est immense. Tout ce qu'il lui faut.
Il sort toujours doucement et je laisse la porte ouverte si il veut rentrer à nouveau.
Je vais m'asseoir sur l'îlot central de ma cuisine et ouvre mon ordinateur portable.
Un nouveau café, hein ?
On va vérifier ça. Alors...
« Café librairie Poix-de-Picardie »
Ça devrait marcher. WoW. Alors c'était vrai.
Oula. C'est quoi ce nom ?
« Kediyi » ??
C'est en quelle langue ?? Je tape le mot en barre de recherche. Des chats...Ah tiens ! C'est du turc.
Le gérant doit être turc. Ça ferme dans...2h ! Niquel, j'ai le temps d'aller voir ça.
Je me lève et me dirige vers la porte du salon.
-J'y vais, Elros ! Je te laisse dehors.
Oui, je parle à mon chien. Y'a un problème ?
Je lui lance de quoi s'occuper durant mon absence (une corne de buffle) et ferme la porte à clé derrière moi.
Je traverse la maison et verrouille la seconde porte avant d'activer mon alarme à l'aide de mon portable.
Le café est à 10 minutes à pied. Je pensais que c'était court mais honnêtement, j'aurais dû prendre une veste.
Tant pis pour moi, je marche jusqu'à l'endroit prévu.
J'arrive devant et regarde la façade, c'est très simple. Il y a l'air d'y avoir 2/3 clients à l'intérieur.
Je pousse la porte et entre.
-Bonjour !
Une voix joyeuse. Je lève les yeux et mon regard croise celui d'un brun, derrière un comptoir.
Et pour la première fois depuis longtemps, une personne inconnue n'a pas baissé les yeux quand elle m'a vu.
Il n'a pas regardé mes jambes.
Ça m'a fait un frisson.
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