Chapitre 9


La solution pour aider Stiles était simple, selon Deaton : identifier la personne qui l'empoisonnait et l'en éloigner. L'empoisonnement au cyanure, pris à temps, était largement réversible et la meilleure chose à faire était de limiter ses prises du poison, sans doute dissimulé dans quelque chose qu'il avait l'habitude de prendre. Comme dans un simple repas. Le poison était difficilement détectable, si bien que Stiles ne devait pas douter de quoi que ce soit. Jackson pensa avec amertume qu'il ne pouvait pas imaginer son père capable de cela. Et pourtant... Aux yeux du kanima, il n'y avait pas de doute : c'était lui, le responsable de l'état de l'hyperactif. Son regard noir posé sur Stiles ne quittait pas sa mémoire.

Cependant, les choses n'étaient pas aussi simples. Légalement, Noah avait l'autorité sur Stiles et s'il requerrait sa présence à la maison, qui pourrait le contredire ? Il était shérif, faire respecter ses décisions seraient simple. Lydia opta donc pour une stratégie simple qui pourrait les aider à prendre la température. Elle connaissait le mot de passe du téléphone de Stiles. Une fois elle l'avait regardé le taper, la tête sur son épaule et l'avait retenu parce qu'après tout, cela pouvait toujours servir. Et puis, l'information faisait le pouvoir. En soi, cela lui fut utile puisqu'elle put le déverrouiller sans problème. Elle regarda Jackson, qui opina du chef. C'était son idée à elle, et ses idées étaient toujours les meilleures. Lydia Martin n'était-elle pas la seconde stratège de la meute ? Elle et Stiles faisaient un duo formidable. Bien souvent, leurs plans les sauvaient tous de sorts peu enviables.

De ses longs doigts aux ongles vernis mais courts – plus difficiles à casser selon elle et donc bien plus solides –, Lydia tapota rapidement l'écran et retourna celui-ci vers Jackson. Sur l'interface de messagerie SMS figurait en haut « Papa » et plus bas, le message qu'elle avait rédigé : « Coucou Papa, Lydia m'a proposé de passer deux ou trois jours chez elle. Elle m'a tanné pour me faire réviser la littérature. J'aime pas la littérature, mais elle a insisté. Voilà, c'était pour te prévenir. » Ce n'était pas extrêmement subtil ni des plus recherchés. Toutefois, pour Lydia, c'était suffisant. Si cela venait de Stiles, ce serait bien moins suspicieux que s'il disparaissait comme ça, dans la nature.

Jackson esquissa un léger sourire moqueur. Son ex connaissait bien Stiles et imiter celui-ci était particulièrement simple pour elle, du moins à l'écrit. Maintenant, restait à voir si cela allait marcher. Un simple « ok » de la part de Noah suffirait. Oh, elle et Jackson n'allaient pas laisser l'hyperactif rentrer chez lui, mais disons... Qu'il valait mieux assurer leurs arrières, juste au cas-où. Stiles se trouvait actuellement dans la chambre d'amis des Martin. C'était plus proche du cabinet de Deaton que la maison de Jackson. Et puis, les parents de Lydia étant absent, celle-ci n'avait donc pour l'instant aucun compte à leur rendre et c'était parfait. Stiles se reposait. Il n'y avait pas grand-chose à faire, selon le vétérinaire. Le plus important était surtout d'empêcher l'hyperactif d'ingérer à nouveau du cyanure. Puisque son père était vraisemblablement son empoisonneur, le couper de lui était essentiel. Lorsqu'elle y repensait, Lydia n'en revenait toujours pas. C'était invraisemblable, surréaliste et... Impossible. Le shérif était parfois maladroit, un peu distant peut-être, de temps à autres, mais... De là à empoisonner son fils ? Son propre fils ? Que s'était-il passé dans sa tête ? Qu'est-ce qui l'avait fait dérailler ainsi ?

Comme il connaissait la maison par cœur et restait proche de Lydia, Jackson se permit d'aller faire un tour dans la cuisine et de se servir un verre d'eau. Pas besoin de demander, il savait qu'il pouvait faire comme chez lui, sans aucun problème. Alors qu'il avait ouvert le robinet, il utilisa ses sens lupins. Les battements de cœur plus ou moins réguliers de Stiles l'apaisèrent. Il le préférait ainsi, calme et pas saccadé, comme cela avait été le cas au centre commercial. Il fallait être honnête, l'hyperactif lui avait fait peur, très peur. Lorsqu'il l'avait vu tomber, son propre cœur avait fait un bond immense dans sa poitrine et il s'était précipité pour le rattraper, empêcher sa tête de heurter le sol. Ce moment avait été terrifiant pour tout le monde et il allait sans dire que la sortie avait été bien écourtée.

Après s'être désaltéré, Jackson revint dans le salon et la mine sombre de Lydia lui sauta aux yeux.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Demanda-t-il aussitôt.

La banshee ne décollait pas ses yeux de l'écran du téléphone de Stiles. Jackson n'arrivait pas à décoder son expression tant elle était interdite. Mais son odeur parlait pour elle. Horreur, choc, déception, peur. Fronçant les sourcils, Jackson vint s'installer à côté d'elle et lui prit doucement le téléphone des mains. Ses yeux glaciaux parcoururent les quelques lignes et les mots mirent un peu de temps à parvenir à son cerveau.

De : Papa.

Bien. Peut-être que la petite Martin pourra te remettre dans le droit chemin. Autrement, je finaliserai ton inscription dans un centre très bien que j'ai trouvé récemment. Nous ne sommes pas riches, mais je suis prêt à payer le prix qu'il faudra pour que tu guérisses.

Les doigts de Jackson coururent tous seuls sur le clavier immatériel. Il n'aimait pas ce qui avait l'air d'être sous-entendu, vraiment pas. Lydia, elle, semblait avoir complètement compris. Encore une fois, Noah estimait Stiles malade, il le disait haut et fort. Pour être honnête, il avait bien une petite idée de ladite maladie, mais il espéra s'être trompé, sincèrement. Le shérif n'était pas aussi peu ouvert d'esprit, non, c'était forcément autre chose.

A : Papa.

De quel genre de centre tu parles ?

C'était mal ce qu'ils faisaient, Lydia et lui. Mais Stiles était si secret et sa descente si... Brutale, qu'ils ne voyaient pas comment faire les choses autrement. Il ne parlait pas, faisait comme si tout allait bien, niait en bloc les accusations de Jackson contre son père, puis il s'effondrait, s'évanouissait, et on détectait un empoisonnement au cyanure. Alors non, ce n'était pas bien, c'était carrément fouiller dans son intimité et se servir de lui, de son identité, pour apprendre des choses. C'était mal, parce que cela pouvait carrément se retourner contre eux. Les messages étaient là, ineffaçables. Stiles saurait qu'ils s'étaient servis de son téléphone, qu'ils avaient parlé à son père durant son sommeil. Il se sentirait trompé, trahi, par son presque ennemi et sa meilleure amie. Deux membres de sa meute, des alliés. Il leur en voudrait, sans doute. Mais Jackson n'en avait rien à faire. On l'empoisonnait. Et même s'il ne le portait pas particulièrement dans son cœur, il restait un être humain victime d'une haine qu'il ne méritait pas. Le blond était peut-être du genre précieux, mais il n'abandonnait pas les gens dans le besoin, encore moins ceux qui avaient tout donné par le passé pour l'aider, lui.

Lydia poussa un hoquet de surprise lorsque la réponse plutôt rapide du shérif s'afficha sur l'écran du cellulaire.

De : Papa.

Je parle d'un centre pour les malades dans ton genre. De ces centres qui s'occupent des déviants comme toi. Je te laisse une chance. Tu as une semaine pour changer, Stiles. Tu m'as dit à être prêt à tout pour redevenir mon fils : tu as ta chance, saisis-la.

Instinctivement, Jackson se vit à la place de Stiles avant même de comprendre la portée des paroles du shérif. Il se rappela de cette fois où il avait fait son coming out à ses parents et imagina une réaction négative de leur part : mais jamais, ô grand jamais, il ne put imaginer une telle violence, violence simplement contenue par l'écran, la distance, les mots écrits, soigneusement choisis. La menace, à peine voilée, était terrifiante.

- Il veut... Non, ce n'est pas possible, il ne peut pas... Non, refusa Lydia.

Non, elle ne voulait pas y croire, parce que c'était beaucoup trop invraisemblable. Et pourtant, bien réel. Elle se leva, fit les cents pas. Jackson, figé, gardait ses yeux fixés sur l'écran, sur le message, sur tous ces mots révélateurs. Il ne s'était pas trompé. Si Noah ne parlait à aucun moment du poison qu'il lui faisait ingurgiter en secret, il se trahissait toutefois de bien des manières. Il était froid, glacial, peut-être plus que ne l'avait jamais été le père – pourtant strict – de Jackson. Ses mots frappaient fort là où ça faisait mal, faisaient comprendre que Stiles gênait, qu'il n'était plus vraiment un Stilinski, juste un parasite transitoire, à mi-chemin entre la honte et la rédemption.

Stiles n'avait, de mémoire, jamais fait de coming out, jamais réellement insinué à qui que ce soit de la meute qu'il pouvait potentiellement préférer darder ses yeux sur des abdominaux bien dessinés plutôt que des seins. Et en soi, cela n'avait aucune importance, selon Jackson qui, lui-même, était gay. Il avait longtemps été dans le déni, avait passé des mois à refouler inutilement ce qui était pourtant une évidence. De toute évidence, Noah avait appris que son fils était gay et refusait de l'accepter. Pire que ça. Il le traitait comme un malpropre, un « malade », l'empoisonnait à petit feux et prévoyait... De l'envoyer dans un camp de conversion. Si les mots n'étaient pas exactement les mêmes, c'était pourtant exactement ce qu'ils voulaient dire. L'horreur ne le gagnait pas : elle était déjà là, tapie en lui, et tout ce qu'il avait vu jusque-là prenait tout son sens. Stiles était en danger. Si son père ne le détruisait pas, c'était le centre qui le ferait. Inutile de préciser qu'il était hors de question de le laisser s'en aller.

Jackson releva les yeux vers Lydia après avoir finalement éteint le téléphone. Ce qu'ils avaient découvert était grave et il devenait de plus en plus évident que Stiles ne remettrait plus les pieds chez lui, ne serait-ce que pour sa sécurité. Si son père était capable de l'empoisonner et de l'envoyer à l'abattoir, dieu seuil sait ce qu'il pourrait lui faire. Et puisque Stiles ne parlait jamais de ses problèmes, Jackson fut à cet instant presque « heureux » qu'il se soit évanoui à l'intérieur du centre commercial, avec eux. Sa chute aussi inattendue que brutale avait ouvert un champ des possibles certain. Au moins, pas besoin de lui tirer les vers du nez. Maintenant, il fallait qu'il se repose, que son corps récupère et que le poison disparaisse doucement. Selon Deaton, cela prendrait plusieurs jours. Pour avoir de tels symptômes, la prise de cyanure devait durer depuis un moment. Jackson serra les poings en détournant le regard.

- Combien de temps tu penses pouvoir le garder ici ? Demanda-t-il.

- Je ne sais pas, finit par répondre Lydia d'une voix légèrement enrouée.

Elle avait la gorge serrée, les yeux qui commençaient à rougir. Jackson se leva et à cet instant, il ne laissa la colère se traduire que dans ses mâchoires serrées et dans son regard océanique. D'un geste étonnamment doux, il prit la banshee dans ses bras et l'enlaça comme il le faisait autrefois, avant qu'ils ne soient ensemble. Il l'étreignait ainsi, doux malgré l'ire, parce qu'elle en avait besoin. Lydia était une jeune femme forte, mais elle avait ses limites. Ce qui arrivait à Stiles la dépassait. Elle qui l'avait toujours connu étincelant, survitaminé n'aimait pas cette version pâle et morne, silencieuse de cet hyperactif qu'elle appréciait tant. Au fond, Jackson était étrangement aussi touché qu'elle : simplement... Il n'était pas du genre démonstratif. Ce qu'il ressentait restait en lui, parce que c'était ainsi qu'il avait appris à avancer.

Mais il se promit une chose.

Jamais il ne laisserait Noah mettre la main sur Stiles tant qu'il aurait ces idées aussi sordides qu'arriérées.

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