Chapitre 8


Le monde de Stiles, qu'il soit intérieur ou extérieur, était flou. Il s'éveillait à une lenteur folle, peinait à reprendre conscience, comme si son corps n'était pas prêt au moindre effort, comme s'il crevait de ne pas pouvoir se reposer. Pourtant, Stiles ne le surmenait pas trop : en fait, il vivait tout à fait normalement, si l'on omettait le fait qu'il oubliait parfois de se nourrir ou que son ventre se serrait régulièrement d'angoisse à cause de sa relation avec son père. Alors forcément, il manquait d'énergie et son corps le lui faisait un peu payer. Bien que tout cela ne soit pas foncièrement volontaire, le fait était que Stiles était épuisé, aussi bien physiquement que mentalement.

Peu à peu, le monde s'ouvrit à lui tout comme ses paupières s'ouvrirent au monde. Tout était flou. Les silhouettes étaient floues, les voix étaient floues, même son nom était flou. C'était à peine s'il le reconnaissait, prononcé par toutes ces formes autour de lui. Le temps, les secondes, les minutes lui permirent de continuer de s'éveiller à une lenteur abusée, si bien qu'il ne comprit nettement son premier « Stiles » que lorsqu'il sembla reconnaître Lydia, penchée un peu plus sur lui que tous les autres.

- Mon dieu ! Stiles, tu m'entends ? Est-ce que tu me comprends ?

Si au départ, il ne réagissait même pas, il réussit cette fois à hocher très légèrement la tête. Ce qu'elle était lourde... ll n'avait même pas remarqué qu'on la lui tenait légèrement surélevée, sur des cuisses fermes. Il remarqua à peine qu'on l'aidait à se redresser, qu'on le maintenait contre un torse solide. Il était à deux doigts de tourner de l'œil et de s'évanouir à nouveau. Lydia posa une main sur son front, fronça les sourcils. Stiles n'avait pas de fièvre. Pourtant, il tremblait – mais lui-même ne s'en rendait pas encore compte – et était pâle comme un linge. Il l'entendait et la comprenait, certes, mais était dans un tel état de faiblesse que c'était diablement inquiétant. Elle avait franchement hésité à appeler l'hôpital mais pour une raison obscure, Jackson avait insisté sur le fait que c'était une mauvaise idée. Cependant, son air était si sérieux que Lydia n'avait pas voulu le contrarier. Et puis, plus que son ex petit-ami, c'était pour elle une personne en qui elle plaçait sa confiance sans hésiter. Ensemble comme séparés, ils pouvaient placer leur vie entre les mains de l'autre sans hésiter une seule seconde. Ils faisaient partie de ces gens dont les destins étaient inextricablement liés mais où sentimentalement, ça ne collait pas.

Alors, Lydia n'avait pas appelé les secours, même si Isaac et les autres l'avaient harcelée pour cela. En tous les cas, il était certain qu'elle exigerait à Jackson quelques explications, lorsque cette histoire serait passée. Ou lorsque Stiles... Pourrait se reposer.

On donna un sucre à l'hyperactif, histoire qu'il récupère un peu et qu'il reprenne un peu plus vite conscience des choses. Les adolescents s'étaient retranchés dans l'arrière-salle d'un magasin, que les employés leur avaient laissé à disposition le temps que l'hyperactif reprenne conscience. Cela faisait très exactement sept minutes. C'était une adorable vendeuse de vingt-cinq ans qui leur avait d'ailleurs fourni le petit carré de sucre.

- Débrouille-toi pour contacter Deaton, maugréa Jackson, serrant l'hyperactif à moitié contre lui, pour qu'on lui amène au plus vite.

La banshee haussa un sourcil. Le vétérinaire ? Pourquoi son abruti d'ami voulait-il qu'elle parle au vétérinaire ? Il était un peu l'émissaire de la meute, en quelque sorte, mais tout de même...

- Stiles a besoin d'un médecin, rétorqua-t-elle.

- Et... Et mon père est médecin, rappela Liam.

- Le véto, insista Jackson d'un ton dur.

Lydia fronça davantage les sourcils. Jackson devait certainement avoir une idée derrière la tête, pour insister autant. Il était vrai que le paternel de Liam était médecin, pourquoi ne pas aller le voir lui ? Certes, cela pouvait engendrer des frais médicaux, mais Lydia était certaine que ce n'était pas ça qui motivait Jackson à la jouer discrète. Après tout, ce n'était pas lui qui allait payer la facture mais le père Stilinski. Alors pourquoi... ? Elle voulut savoir la raison pour laquelle il insistait à ce point-là pour voir Deaton. Elle avait confiance en lui, oui, mais elle aimerait réellement comprendre.

- J't'expliquerai plus tard, lâcha-t-il en comprenant sa question muette.

- Jackson, je ne suis pas sûr que... Commença Isaac, tout aussi inquiet que les autres.

- La ferme et que l'un d'entre vous se démerde pour que le véto se libère du temps au plus vite, le coupa froidement le blond.

Ici, il n'était pas l'alpha et ne le serait jamais : pourtant, on l'écouta, car il faisait peur. C'était lui qui tenait un Stiles complètement amorphe dans ses bras, lui qui avait senti la première irrégularité de son cœur, lui qui avait l'air de savoir quelque chose.

Oui, il savait quelque chose. Enfin, ce n'était qu'une supposition mais pour lui, c'était déjà une piste claire, nette et précise.

Ce fut Isaac qui tapa le numéro du vétérinaire sur son téléphone. Il s'éloigna le temps de l'appel, au point que personne, pas même Liam ou Jackson, ne put entendre la conversation. Lorsque le bouclé revint, son visage était tendu, particulièrement tendu.

- Il faut qu'on y aille maintenant, il a un peu de temps avant son prochain rendez-vous.

Ni une ni deux, Jackson se débrouilla pour porter Stiles dans ses bras et demanda à Lydia de venir avec lui. La banshee, quant à elle, précisa à Isaac et Liam de rentrer au loft et de prévenir Scott. De son côté, Stiles avait déjà à nouveau perdu connaissance. L'on remercia la vendeuse du magasin et l'on sortit du centre commercial aussi discrètement que possible.

Une fois dans la voiture du kanima, Lydia laissa sa langue se délier :

- Il va falloir que tu m'expliques ce qui te passe par la tête, Jacks.

Le blond démarra en trombe mais la banshee le vit hocher la tête. Elle était à l'arrière, en compagnie de Stiles, dont la tête reposait cette fois sur ses cuisses à elle. D'un geste distrait, elle lui caressait la joue, tout en essayant de ne pas céder à la panique qui prenait en elle une place de plus en plus grande. Elle détestait le voir aussi immobile, aussi pâle, aussi... Mort. Il ne l'était pas et elle le savait, mais un Stiles aussi silencieux qu'immobile était un Stiles très mal en point. Si ça ne tenait qu'à elle, l'hyperactif serait déjà à l'hôpital, mais elle se fiait au jugement de Jackson, qui n'imposait rien sans raison. Et puis, il lui avait dit qu'il lui parlerait.

- Il faut qu'on prévienne son père, se rappela la banshee.

De sa main libre, elle se saisit de son téléphone.

- Surtout pas, la coupa Jackson en prenant un peu rapidement un virage.

- Pourquoi ? S'étonna Lydia. Il a le droit d'être au courant.

- C'est bizarre entre eux, en ce moment, avoua-t-il sans détourner les yeux de la route.

Devant l'air surpris et perdu de Lydia qu'il apercevait dans le rétroviseur, il explicita sa pensée en lui expliquant qu'il avait un devoir à faire en binôme avec lui. Pour le réaliser, il avait dû se traîner jusqu'à chez lui car l'hyperactif lui donnait le moins de signe de vie possible. Il lui narra alors brièvement l'attitude de Noah Stilinski, qui, à retardement, lui glaçait le sang. C'était comme si Stiles était devenu une tare à ses yeux, quelque chose qu'il ne voulait plus avoir dans son champ de vision.

Comme s'il le détestait.

Lydia analysa les informations qu'il lui lâchait au compte-gouttes. Jackson faisait attention à ne pas parler trop fort pour éviter de déranger l'hyperactif toujours inconscient. Et puis, il se doutait qu'il ne voulait pas voir ces éléments étalés au grand jour, mais il n'avait pas le choix. Lydia lui avait cédé le fait qu'ils ne l'emmenaient pas à l'hôpital alors en contrepartie, il se devait de lui dire ce qu'il savait, surtout qu'il pressentait que c'était exactement ce qu'il fallait faire. S'il voulait découvrir ce qui arrivait précisément à l'hyperactif et l'aider – oui, l'aider, sincèrement –, il allait avoir besoin d'alliés. Lydia était la première. Il savait qu'il avait toujours pu compter sur elle et que ce n'était pas près de s'arrêter.

- On est bientôt arrivés, lui indiqua-t-il au bout d'un moment, les dents serrées.

Tout en conduisant, il surveillait sans arrêt les battements de cœur de l'hyperactif qui faisait régulièrement des micros-réveils, rien de bien concret, mais il les entendait. Pourquoi s'inquiétait-il à ce point pour lui ? Pourquoi n'avait-il pas laissé les autres décider de ce qu'ils pouvaient faire le concernant ? Parce que Jackson sentait que, s'il leur avait laissé les rênes, ses amis n'auraient pas fait les choses comme il le fallait. Une intuition le poussait, lui, à agir d'une certaine manière. Son instinct lui soufflait que de simples médecins passeraient à côté de quelque chose et laisseraient l'état de Stiles s'aggraver sans pouvoir rien y faire. Ou alors, ils mettraient simplement plus de temps à trouver ce qui le rendait aussi mal. Parce que Jackson savait que son idée était la bonne.

Un médecin rechercherait une maladie, une infection.

Pas un empoisonnement.

Jackson s'arrêta un peu vite et faillit érafler sa belle voiture contre un muret. Par chance, il avait bien calculé l'angle pour se garer. Quelques centimètres plus à gauche, la peinture de sa portière aurait été rayée. En grimaçant à cause de son empressement, Jackson sortit de la voiture, ouvrit la portière arrière et allégea Lydia de l'hyperactif, qui tremblait dans son sommeil. Le kanima et la banshee débarquèrent alors en trombe dans le cabinet, heureusement vide, et exposèrent la situation au vétérinaire perdu, qui demanda au kanima de poser Stiles sur la table d'examen. On vit l'hyperactif grimacer faiblement : il s'était réveillé, mais pour combien de temps ? Histoire d'augmenter un minimum son confort illusoire, Deaton se débrouilla pour lui mettre un semblant de coussin sous la tête. Lydia prit la main de l'hyperactif qui tenta comme il le put d'ouvrir les yeux et de parler.

- Tu es au courant que je ne m'occupe que des animaux ? Glissa le vétérinaire au kanima.

- Vous avez plus l'habitude des empoisonnements qu'un médecin de l'hôpital, répondit Jackson sur le même ton, qui n'appelait d'ailleurs pas de réponse.

Le vétérinaire fronça les sourcils mais commença à voir les choses sous un autre angle. Lydia, qui avait tout entendu, laissa l'horreur peupler son regard mais ne dit rien. Jackson paraissait sûr de lui.

Deaton procéda alors à plusieurs examens : il lui préleva un peu de sang au jeune homme, regarda ses yeux, constata la dilatation de ses pupilles, fit état de sa pâleur, de ses quelques difficultés à respirer et de ses quelques pertes de connaissances successives notées par Jackson. Puis, il s'éclipsa et demanda aux deux amis d'attendre quelques minutes et de l'appeler au moindre problème. Son regard ébène était éclairé d'une lueur nouvelle. Celle de la compréhension tacite.

- Qu'est-ce que... Où je... Suis ? Bredouilla la voix faiblarde de Stiles.

Lydia, que l'angoisse avait gagnée, revint au chevet de son ami et lui caressa machinalement le front en lui disant qu'il se trouvait au cabinet de Deaton mais qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. Elle mentait comme une arracheuse de dents mais dans son état où la lucidité ne régnait pas des masses, Stiles ne semblait pas s'en rendre réellement compte. Il balbutiait, tremblait et se sentait extrêmement faible. Il peinait à parler, à exprimer ses ressentis mais pour ceux qui le voyaient, tout était clair. Jackson fit quelque chose qui ne lui ressemblait pas, mais qui lui vint d'instinct : il retira sa veste et couvrit l'hyperactif avec, juste pour essayer de diminuer ses tremblements. Parce que Stiles avait froid, il était même frigorifié. Lydia, de son côté, fit tout ce qu'elle pouvait pour le garder conscient. Lorsqu'il perdait connaissance, elle paniquait intérieurement et craignait le pire, au point qu'il était difficile pour elle de se contenir pour ne pas appeler les urgences. Mais, encore, elle choisissait de continuer de faire confiance à son ex petit-ami, qui avait l'air inquiet, oui, mais confiant, comme si son idée ne changeait pas. Il s'y accrochait, comme si elle était la seule envisageable. Devant Stiles, Lydia n'interrogea pas Jackson sur le sujet. Il n'était pas nécessaire d'inquiéter leur ami plus que mal en point.

Au bout de quelques minutes, Deaton revint et signifia qu'il devait leur parler. Sa mine grave persuada les deux jeunes gens de le suivre. Lydia tourna la tête vers Stiles, peu à l'aise avec l'idée de le laisser là, seul, mais Deaton la rassura en lui assurant que dans son état, l'hyperactif n'allait pas bouger. Les deux jeunes gens suivirent alors le vétérinaire qui les fit s'assoir face à son bureau. Il prit place sur sa chaise à lui et leur exposa les faits. Il leur rapporta les symptômes qu'il avait constatés, ses hypothèses et rejoignit Jackson sur le fait qu'en effet, il s'agissait bel et bien d'un empoisonnement. Si le kanima garda un air faussement impassible, la banshee laissa une nouvelle fois l'horreur gagner ses traits.

Deaton avait l'habitude de se retrouver à soigner des animaux empoisonnés. Un voisin voulait parfois que le chien d'en face se taise : un autre, pour faire du mal, empoisonnait l'animal de quelque innocent. Des empoisonnements, il en gérait régulièrement alors il fut effectivement facile pour lui de détecter cela chez Stiles, même s'il s'agissait d'un humain, surtout qu'il connaissait ce poison et qu'il l'avait identifié face à un test rapide, qu'il complèterait toutefois par une analyse sanguine du sang qu'il avait prélevé et qu'il ferait analyser en laboratoire dans la journée. Mais pour lui, il n'y avait pas de doute.

- Nous avons affaire à un empoisonnement au cyanure, leur apprit-il en croisant ses mains sur son torse. Un empoisonnement lent, qui dure depuis un moment.

Le regard de Jackson s'anima alors qu'il comprit avec horreur qu'il avait raison depuis le début. Lydia hoqueta de surprise et balbutia que personne n'en voulait à Stiles au point de... Et puis, elle se souvint de ce que lui avait expliqué Jackson.

D'un coup, Noah Stilinski lui parut moins sympathique.

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