Chapitre 7
Stiles manqua de tomber au milieu d'un rayon consacré aux chemises. Pour quelle raison ? Une nuée de vertiges qui s'enchaînaient selon différentes intensités. Il se rattrapa à une étagère et ses doigts se crispèrent sur le bois clair alors que son autre main venait se resserrer sur le tissu de son haut au niveau de son cœur. Décidément, il n'était pas bien en forme, en tout cas, bien moins que ce qu'il pensait. C'était bien beau de se convaincre que tout allait bien, mais son état commençait sérieusement à être gênant.
Se sentir fatigué n'était jamais agréable : se faire submerger par une vague de vertiges l'était encore moins.
Stiles ne savait pas ce qu'il lui arrivait, pas vraiment. Pour lui, il s'agissait toujours de la même chose, d'une fatigue conséquente et de plus en plus pesante couplée à une situation qui le dépassait, à la relation avec son père qui n'allait pas en s'améliorant. Ce qui était perturbant dans son état, c'était le fait qu'il alternait entre une forme toute relative et des épisodes de faiblesse comme celui-ci. C'était fort embêtant cette fois-ci parce qu'il était en sortie shopping avec une partie de la meute et qu'il ne tenait pas vraiment à ce qu'on le voit ainsi pantelant, se raccrochant à une pauvre étagère pour ne pas s'effondrer. Parce qu'il n'en était pas réellement loin. Il espéra alors que Lydia, dans sa folie des magasins, avait emmené ses amis assez loin dans son antre de la dépense, une enseigne au fond du centre commercial, où elle trouvait toujours ce qu'elle voulait. Stiles avait insisté pour rester dans ce coin-là, arguant qu'il avait besoin d'une ou deux nouvelles chemises, mais pas plus. A vrai dire, il essayait d'économiser, parce qu'il avait l'impression qu'il pouvait avoir besoin de son argent à tout moment – bien qu'il ne l'espérait pas. Par contre, la plupart de ses chemises étaient effectivement soit trop vieilles, soit trop abîmées pour être portées – et il adorait les chemises. Oui, mais il n'imaginait pas faire cette espèce de crise de vertiges en plein milieu de ses recherches vestimentaires. Elle le prenait complètement de court.
Une chose était certaine, il valait mieux qu'il s'assoie quelque part plutôt qu'il reste là, debout : en cas de problème, il tomberait de moins haut... S'il tombait. Mais il ne tomberait pas. Non, bien sûr que non, il n'en était pas à ce point-là... Il tourna la tête, légèrement, et aperçut une espèce de banc à quelques mètres de là où il se trouvait. Quelques mètres. Seulement quelques mètres. C'était faisable. Il pouvait y arriver. Une fois assis, il se reposerait quelques minutes et ensuite, ça irait mieux. Il faudrait juste qu'il envoie un message à Lydia, histoire qu'elle ne s'inquiète pas de son absence prolongée. Il ne savait pas de combien de temps il pouvait avoir besoin, alors... Alors voilà, mieux vaut prévenir que guérir. Un nouveau vertige le fit se voûter et l'obligea à fermer les yeux un instant. Ses doigts se resserrèrent sur l'étagère, à laquelle il se tenait désormais à deux mains.
- Stilinski ?
Stiles réagit à peine à l'entente de la voix qui venait de l'appeler. Bien sûr qu'il la connaissait, cette voix, bien sûr qu'il savait à qui elle appartenait. Cette fois, il se sentait bien trop mal pour ne serait-ce que penser à faire semblant d'aller bien. Dans son état, impossible de réfléchir, d'enfiler son masque, de trouver une remarque ou une parade pour contrer les potentielles paroles futures de Jackson, de repousser ce kanima qui faisait tout pour percer ses secrets.
- Stilinski, qu'est-ce qui t'arrive ?
Une main se posa sur son épaule, une autre sur sa hanche. Ou un peu plus haut que la hanche, il ne savait pas vraiment.
- Aide-moi à m'assoir... S'entendit quémander Stiles d'une voix pas du tout assurée.
Tant pis si cela ressemblait à une supplique, si c'en était une. Stiles se sentait trop mal alors s'il pouvait avoir un peu d'aide... Il n'allait pas se priver. Tant pis s'il s'agissait de Jackson, ce sportif à l'ego surdimensionné, ce gros lézard-garou qui commençait à avoir de la matière pour se moquer de lui. Tant pis, parce que le cœur de Stiles battait vite et il avait peur de rouvrir les yeux, peur d'avoir l'impression que le monde tournait dans tous les sens et de tomber au milieu de ce rayon de chemises. En d'autres circonstances, il se serait imaginé un refus. Et si Jackson n'avait pas envie de l'aider ? Et s'il voulait le laisser là, avec ses problèmes, dans cet état pas vraiment enviable ? Après tout, Jackson devait probablement se foutre de ce qui pouvait lui arriver : ils faisaient partie de la même meute, mais n'étaient pas obligés de s'aider en dehors des affaires de celle-ci. Il pouvait très bien s'en aller retrouver Lydia, les autres et s'en aller s'acheter un de ces trucs de riches qu'il aimait exhiber au lycée et ailleurs.
Et pourtant, des bras l'entourèrent et il sentit plus qu'il ne vit Jackson l'aider à se déplacer, lentement, à son rythme, jusqu'à ce qu'enfin, ses fesses se posent doucement sur le banc qu'il avait aperçu quelques secondes plus tôt. Enfin, il souffla, comme libéré d'un poids. Ainsi assis, il savait qu'au moins, il ne tomberait pas plus bas non seulement parce que son dos était appuyé contre le mur derrière le banc mais aussi parce que les bras de Jackson ne le quittaient pas. L'esprit encore complètement embrumé, Stiles ne posa aucune question. Il en avait la force, mais préférait toutefois se l'économiser. Il avait besoin de se reposer, c'était certain, tout comme il avait pour obligation de passer cette journée avec une partie de la meute. Lydia tenait à ce qu'il soit là, il ne savait pas trop pourquoi. Néanmoins, il se devait d'être présent pour n'inquiéter personne sur son discret éloignement. Pas qu'il voulait réellement s'isoler de ses amis, seulement... Les alerter sur ses malheurs n'était pas dans son programme. Ses soucis en question se règleraient tous seuls avec le temps. Ne disait-on pas qu'il s'agissait du remède à tous les maux ? Sans réellement s'en rendre compte, Stiles s'abandonna un peu plus dans les bras de Jackson qui ne le lâchait pas et le regardait d'un air effaré. Dire que l'état de Stiles l'inquiétait serait peu de le dire. Du côté de l'hyperactif, il songea vaguement qu'il devait bouger et éloigner Jackson au plus vite, mais son corps décida simplement de le forcer au repos. Il resta éveillé mais garda les yeux fermés. Quelques minutes. Il avait juste besoin de quelques minutes.
xxx
- C'était quoi ça ?
- C'était rien.
Jackson rattrapa Stiles, qui avait commencé à le fuir d'un pas rapide mais pas complètement assuré. Sitôt qu'il avait récupéré un peu d'énergie y compris la conscience de lui-même, son réflexe anti-Jackson s'était déclenché. Il avait beau l'avoir aidé, Stiles se méfiait et il continuerait. Le kanima avait forcément une idée derrière la tête, une blague à retardement à lui faire. Ce dont l'hyperactif ne se rendait toutefois pas compte, c'était que l'attention que lui portait Jackson était croissante et pas le moins du monde feinte. S'il arrêtait de détourner le regard à chaque fois qu'il l'avait dans son champ de vision, il verrait peut-être que le bleu océanique des yeux de Jackson était empli de crainte, d'une inquiétude réelle. Voyant que l'hyperactif ne revenait toujours pas après de longues minutes, le blond s'était naturellement demandé ce qu'il faisait et s'était dit qu'aller jeter un œil à ce que faisait son collègue de meute plutôt secret ne serait pas une mauvaise idée. Dieu qu'il avait bien fait. Lorsqu'il l'avait trouvé, Stilinski était à deux doigts de s'effondrer. Pour quelle raison ? Il n'en avait aucune idée. Ce qui était certain, c'est que son intervention avait été plus que bénéfique : il l'avait aidé à s'assoir et gardé avec lui le temps qu'il récupère. Son rythme cardiaque était encore un peu rapide, mais pas le moins du monde comparable à la vitesse qu'il avait adoptée quelques minutes plus tôt.
Si Stiles était trop méfiant, de son côté, Jackson était on ne peut plus nul pour exprimer sentiments et ressentis. Bien sûr qu'il voulait lui dire qu'il n'était pas son ennemi et qu'il voulait réellement l'aider sans aucune arrière-pensée. Oui, mais il avait un ego et des difficultés à s'adapter socialement, de manière gentille. Et puis, Stiles et lui n'avaient jamais vraiment été amis, c'était même tout l'inverse.
- T'étais mal, tenta-t-il.
Enoncer des faits, il y arrivait très bien.
- Moment de faiblesse, rétorqua simplement Stiles, par flemme de faire des phrases complètes.
Il ne voulait pas s'embêter à parler convenablement pour Jackson qui, il en était certain, allait profiter de son semi-aveu. Oui, il s'agissait d'un moment de faiblesse, rien de plus. Sinon, qu'est-ce que cela pourrait être d'autre ? Et pourquoi Jackson s'entêtait-il à le prendre pour cible ? Parce qu'il était beaucoup trop transparent. Stiles commençait sérieusement à avoir du mal à cacher ses malheurs tant sa vie avec son père partait en vrille. Il voulait bien être fort et travailler à regagner la confiance et l'estime de Noah, mais ses limites internes commençaient à être atteintes. Son père, c'était sa dernière famille, c'était tout ce qu'il lui restait. Alors forcément, le fait qu'ils soient en mauvais termes lui faisait plus de mal que de raison. La nuit, il peinait à dormir et se réveillait sans arrêt parce qu'il continuait de ressasser, ressasser, ressasser, avec l'impression de plus en plus tenace qu'il pouvait finir à la rue à tout moment. Forcément, le jour, il pouvait lui arriver d'avoir des vertiges, des moments de faiblesse plus ou moins gênants – qu'il arrivait toutefois à cacher la plupart du temps. Mais pas cette fois. Stiles ne l'avouerait pas de vive voix mais l'aide de Jackson, qu'elle soit réelle ou déguisée d'une intention louable pour mieux le berner par la suite, avait été bienvenue. Il lui avait probablement évité une chute et permis de se reposer un peu, quelques minutes... Dans ses bras. Stiles fronça légèrement les sourcils en prenant conscience de ce détail. Derrière lui, Jackson accéléra à nouveau le pas.
- Arrête de mentir, Stilinski.
- Je ne mens pas, répondit Stiles sans se retourner.
- En fait t'as raison, tu mens pas : tu te rends juste pas compte de l'état dans lequel tu es depuis quelques temps.
Jackson arriva à sa hauteur et attrapa son poignet. Ce qu'il perçut le troubla. Il tremblait. A peine, mais il tremblait. Sans cesser d'avancer, Stiles lui jeta un coup d'œil perplexe, avant de renfiler son masque de froideur... Sans chercher à rompre son contact.
- Qu'est-ce que tu prépares contre moi, Whittemore ?
Tout en posant la question, Stiles vit apparaître, à quelques mètres dans la galerie marchande, le magasin dans lequel Lydia et les autres semblaient avoir élu domicile. Encore quelques secondes, et il pourrait goûter à nouveau à la tranquillité. Lydia, Liam, Isaac, tous ces gens qui étaient ses amis étaient une barrière naturelle à Jackson. Toutefois encore préoccupé par son état, l'hyperactif essaya de ne pas penser à son propre rythme cardiaque, qu'il sentait s'accélérer à nouveau. Il ne l'avait pas dit, mais sa vue était floue et cela ne semblait pas aller en s'améliorant. Peut-être qu'il devrait manger quelque chose, un petit sucre, un fruit, peu importe. Peut-être manquait-il seulement d'énergie.
- Stilinski, je ne vois pas de quoi tu parles.
- Tu ne veux simplement pas m'avouer ton plan tout de suite de peur de gâcher ton coup.
- Stilinski, tu...
Cette fois, Stiles dégagea sèchement son poignet.
- Mais bordel, Jackson, fous-moi la paix ! S'emporta-t-il.
Quelques personnes se retournèrent dans leur direction et Stiles rougit de honte. Et puis, un nouveau vertige le prit. Léger, heureusement. Mais sa présence ne lui disait rien qui vaille. Pendant un instant, l'hyperactif envisagea la possibilité de rentrer chez lui et d'écourter sa sortie avec ses amis. A la limite, Lydia suspecterait un petit quelque chose, mais sans plus et Stiles saurait l'embobiner. Ainsi, il se reposerait et surtout, il pourrait enfin s'éloigner de Jackson qui commençait sérieusement à lui pomper l'air.
- Pas tant que tu ne m'auras rien dit, Stiles, rétorqua Jackson en posant une main sur son épaule, l'arrêtant.
Sans relever le fait que le kanima l'appelait par son prénom – tout comme il venait de faire de même –, Stiles voulut le fusiller du regard. Oui, il le voulut. Mais sa lamentable tentative pour paraître intimidant était complètement foirée à cause de la tension qui commençait déjà à se voir sur son visage. L'espace d'un instant, l'hyperactif envisagea la possibilité que, peut-être, le sportif accordait un hypothétique et potentiel intérêt possible à son état. Un intérêt réel. Très vite cependant, cette idée s'évapora dans son esprit. Il allait parler, sortir quelque chose pour peut-être, donner envie à Jackson de le lâcher, mais une voix féminine qui lui paraissait bien connue le coupa instantanément :
- Les garçons, on vous attend depuis tout à l'heure ! Je ne sais pas ce qu'il vous arrive à tous les deux, mais je vous interdis de vous disputer ici, vous n'êtes pas tous seuls ! On fait une sortie entre amis et vous n'êtes pas là pour vous mettre sur la gueule.
Les mots de Lydia étaient crus, mais honnêtes. Elle avait haussé le ton sans crier et c'était ce qui la rendait si autoritaire, si bien qu'aucun des deux garçons ne rétorqua quoi que ce soit. De son côté, Stiles luttait contre un début de fatigue qui l'assaillait à nouveau. Il n'allait pas pouvoir continuer comme ça bien longtemps. L'idée de rentrer chez lui se faisait de plus en plus claire dans son esprit.
- Je sais que vous ne vous aimez pas, continua la banshee, mais faites un effort. Vous faites partie de la même meute.
Après quelques minutes de remontrances supplémentaires, la rouquine laissa finalement Jackson et Stiles tranquilles. L'hyperactif en profita pour sortir des filets du kanima et se fondre dans un des nombreux rayons que comptait ce magasin. Il avait un plan : passer un dernier petit quart d'heure ici, puis s'en aller. Il n'aurait qu'à dire à Lydia qu'il était fatigué. En soin, son idée n'était pas mauvaise. Simplement, sa réalisation était déjà compromise par de nouveaux vertiges. Fut même un moment où la banshee rassembla tout le monde pour les emmener dans un autre magasin qu'elle trouvait excellent et voulait montrer à tout le monde. Entre Liam et Isaac, Stiles retint un soupir. Bon, il allait falloir attendre un peu et trouver un moyen d'emmener son amie à part quelques secondes, le temps de lui annoncer son départ et de lui sortir ce qu'il pensait être la vérité. Lydia était gentille, elle ne pourrait pas lui en vouloir de désirer se reposer un peu. S'il lui disait qu'il dormait mal en ce moment, ça irait.
Mais des étoiles se mirent à danser devant les yeux de Stiles alors que la petite troupe se mettait déjà en route pour... L'autre bout de la galerie marchande. Si ce n'était que ça... Il n'y aurait aucun problème. Non, le souci, c'était plutôt la nuée de vertiges qui le prenait à nouveau, avec une soudaineté et une violence telles qu'il n'avait absolument rien vu venir. Alors qu'ils marchaient tous ensemble depuis moins d'une minute, Stiles sentit son rythme cardiaque s'emballer et rapidement, Liam et Jackson tournèrent la tête vers lui. Le kanima eut à peine le temps de rebrousser chemin, lui qui se trouvait en tête de file, que Stiles s'effondra sans même pouvoir lutter comme il l'avait fait précédemment.
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