Chapitre 6


- Et donc je lui ai répondu que ça, c'était pas mon truc et que... Stiles, tu m'écoutes ? Non, tu m'écoutes pas !

Stiles releva mollement le regard vers Scott qui... Qui lui parlait de quoi, déjà ?

- Hmm désolé je suis un peu fatigué, tu disais ? Demanda-t-il d'une voix pâteuse en appuyant son menton sur la paume de sa main.

Scott soupira bruyamment, l'air agacé, comme si répéter ce qu'il était en train de lui dire relevait d'un effort certain, voire surhumain. Oui, Scott McCall sauvait des gens, autant humains qu'êtres surnaturels, mais il avait la flemme de se répéter et avait la sainte horreur de parler lorsqu'on ne l'écoutait pas. Il regardait désormais Stiles avec un mélange de haine gentille et de désespoir familier.

- Laisse tomber, lâcha-t-il comme si l'hyperactif était, d'un coup, devenu trop idiot pour comprendre.

Sur ce, Scott se leva et alla rejoindre Malia, qui s'était installée à une autre table de la bibliothèque. Stiles ne broncha pas, et se dit sans doute que son meilleur ami l'avait rapidement laissé parce qu'il ne voulait pas perdre de temps avant de retrouver sa copine. L'hyperactif baissa les yeux sur son téléphone, seul objet personnel posé sur la table. Trois jours s'étaient écoulés depuis que Jackson avait eu l'audace – le culot ! – de lui demander si son père le battait et depuis... Plus rien. Aucun message, même pas une petite question comme il commençait à en avoir l'habitude. En soi, ce n'était pas plus mal. Stiles n'avait pas besoin de se compliquer la vie, elle l'était déjà assez comme cela, pas besoin d'en rajouter, de... De le fatiguer avec tout ça. A part Jackson et éventuellement Derek, personne n'avait l'air de trouver quoi que ce soit de changé chez lui et à vrai dire, personne n'avait l'air de s'y intéresser. Bon, Jackson avait de quoi avoir des soupçons : il avait vu son père, pu constater son attitude hostile, écouté ses paroles acerbes qui ne concernaient que l'hyperactif... Oui, il avait de quoi se poser des questions, mais... Ce n'était pas la peine, vraiment. Déjà, il n'avait aucun intérêt à s'intéresser à ce qui pouvait potentiellement se passer à l'intérieur du foyer Stilinski, mis à part pour se moquer de lui, mais pour ça... Pas besoin d'insister de la sorte. Au moins, il avait compris qu'il ne tirerait rien de Stiles, puisqu'il semblait avoir lâché l'affaire.

Stiles s'affala complètement sur la table, sa tête entre ses bras. Sa fatigue était là, bien présente. S'il n'arrivait pas vraiment à dormir, il pouvait toutefois profiter de deux à trois heures de sommeil par nuit, pas toujours consécutives, mais... Il était vraiment fatigué et le peu qu'il dormait ne suffisait pas à lui donner l'impression de se reposer. Le fait qu'il ait vomi ce matin avant d'aller au lycée ne l'aidait pas non plus. Globalement, aller au lycée et assister à des cours ou même juste travailler, faire des exercices en étant aussi fatigué n'était pas franchement pratique. Mais Stiles mettait ça sur le compte de ce stress perpétuel qu'il ressentait. Sa situation, bien loin d'être catastrophique, n'était toutefois pas des plus appréciables et il avait du mal à bien la vivre. Il était certain d'avoir une chance de réussir à remonter dans l'estime de son père, mais pour cela il savait devoir être obligé de faire des sacrifices. Le problème, c'est qu'il était lent, très lent.

Il ne s'était toujours pas débarrassé de son matériel de tricot. Les aiguilles de sa mère, il y tenait beaucoup. Et puis monter les mailles, enchaîner les rangs, faire naître un projet à partir de rien... C'était son secret, son petit plaisir coupable qui le détendait, qui arrivait à lui changer les idées avec une aisance folle. Et il se l'interdisait. Depuis le début de cette histoire, ses doigts habiles n'avaient plus osé toucher la laine, dont il avait un petit stock. Il en avait pourtant envie et savait que sa mère serait fière de voir la dextérité qu'il avait acquise dans cette activité singulière. Mais son père... Il détestait l'idée que Stiles, en plus d'être une honte à cause de ses préférences, fasse un truc de fille. Noah n'était pas misogyne, mais... Il avait une vision de la masculinité qui dépassait Stiles. La preuve en était que le laisser apprécier les hommes était une idée qui le dégoûtait... Et Stiles ne comprenait toujours pas pourquoi. En quoi était-ce mauvais de préférer un genre à un autre ? Pourquoi fallait-il forcément qu'il doive aimer les femmes ? Elles ne l'attiraient pas, pas vraiment et pour avoir testé à plusieurs reprises, l'hyperactif préférait se serrer contre le corps d'un homme plutôt qu'étreindre une femme. Les baisers avaient également une saveur différente : ils étaient vivants, passionnés et non éteints, robotiques. Embrasser un homme l'émoustillait jusqu'aux tréfonds de son être tandis que laisser une femme poser ses lèvres sur les siennes ne lui faisait ni chaud ni froid. C'était comme ça, il n'y pouvait rien. Il était honnête avec lui-même et se savait incapable de changer. Mais comment faire en sorte que Noah accepte cela ? Stiles savait qu'il avait des efforts à faire, même s'il ne pouvait pas « switcher » d'orientation pour faire plaisir à son paternel, la vie ne marchait pas comme ça et l'amour, encore moins.

Alors oui, Stiles était désespéré. Fatigué et désespéré. Mais de son état il n'avait cure, ça irait mieux dans quelques temps, pour sûr.

xxx

Stiles n'aimait pas faire les boutiques. Enfin si, il aimait bien, lorsqu'il était seul. Pas entouré de la meute, de ces gens à qui il cachait pourtant bien peu de choses. Il avait simplement jugé inutile de leur parler de la situation avec son père, de son orientation et de ses petites excentricités laineuses. Pour lui, aucun de ces faits n'était réellement importants, en tout cas, pas utiles pour un sou. La meute n'avait pas besoin de ses talents de tricoteurs tout comme elle se fichait de son orientation sexuelle : dans ce petit groupe, chacun pouvait aimer qui il voulait et cela ne gênait personne. Pour autant, Stiles préférait garder ça pour lui. Une seule mauvaise réaction lui avait suffi. S'il pouvait avoir la force de supporter un rejet et trimer comme un dingue pour regagner une place dans le cœur de son paternel, il ne l'avait pas pour tout le monde. Faire de son mieux avec lui était bien assez épuisant et si on lui avait fait remarquer qu'il était un peu pâlot, on ne creusait pas. Stiles était fatigué, il dormait mal et... Voilà. Puisqu'il était persuadé que son état était on ne peut plus normal et passager, personne ne s'interrogeait. Après tout, son cœur n'avait pas souffert d'un seul raté, Stiles disait la vérité. Sa vérité. La seule qu'il imaginait, la seule qu'il pouvait connaître.

Et puisqu'il était fatigué, Stiles était moins bavard que d'habitude. Enfin, ses élucubrations avaient bien commencé à diminuer en nombre depuis un moment mais là, il était presque muet et voir toute l'agitation et la frénésie de ses amis le fatiguaient d'autant plus. Pour une fois, ce n'était pas lui le bout en train du groupe : il laissait volontiers ce rôle à Lydia et Liam. Si la rouquine – pardon, la blonde vénitienne – était dans son élément, elle prenait un malin plaisir à initier le louveteau qui, s'il s'était montré plutôt réticent au premier abord, semblait s'accoutumer fort aisément à la pratique du lèche-vitrine et de l'achat compulsif. Lydia était une très bonne professeure et elle savait tout aussi bien transmettre l'art et la manière que l'envie de faire les choses. C'était donc à cause d'elle que Liam craquait sur tous les jeans gris qui se mettaient sur son chemin de la dépense. Si voir ces petites scènes l'amusaient, Stiles ne pouvait toutefois pas se sentir extrêmement tranquille : en effet, on le surveillait. Jackson le surveillait. Ses yeux bleus feintaient d'admirer certains vêtements avant de, furtivement, se poser sur sa personne. S'il ne lui avait toujours pas renvoyé de messages depuis la fois dernière, Stiles continuait de se méfier du sportif. Son comportement le tendait, si bien que l'hyperactif faisait tout pour être tranquille, allant jusqu'à feindre certaines de ses réactions, feindre de légers regains d'énergie, feindre un minimum d'intérêt pour tout ce qui se trouvait autour de lui. Forcément, l'océan bouillonnant que formait les yeux de Jackson dans son dos lui mettait la pression alors, il ne profitait absolument pas de sa sortie. Sortie à laquelle il n'avait jamais voulu participer mais... Lydia étant ce qu'elle était, il était impossible de lui refuser quoi que ce soit. Et puis, ce n'était pas la peine d'augmenter les soupçons de Jackson à son égard, tout comme ce n'était pas la peine d'en faire naître chez certains. Non, vraiment, il n'avait pas besoin de ça.

- Oooooh elle est canooon !

La manière dont venait de s'extasier Lydia sortit Stiles de sa torpeur et, pour éviter de s'endormir en marchant, celui-ci tourna la tête et décida de s'intéresser à ce qui avait suscité une si grande réaction de la part de son amie.

- Outch, dommage qu'elle pique, sinon je l'aurais bien achetée... Grimaça-t-elle toutefois.

La jeune femme venait d'essayer une écharpe d'un vieux rose pâle assez belle dans sa forme générale mais au premier regard, Stiles vit que la laine était de mauvaise qualité. Fatigue ou pas, il avait l'œil mais ce qu'il lâcha sans réfléchir était tout autre :

- Du blanc crème t'irait bien mieux au teint que cette vieille imitation de rose pastel qui te donne l'air moins sophistiquée que tu ne l'es.

Si Lydia eut l'air surprise, son expression changea rapidement. La jeune femme adopta un air intéressé et moqueur à la fois, ainsi qu'un sourire sans équivoque.

- Je savais que j'arriverais à t'intéresser à la mode et à l'accord des couleurs, Stiles ! S'exclama-t-elle.

Et Stiles eut soudainement envie de s'enterrer et de se frapper pour avoir parlé sans réfléchir. Parce que c'était son côté tricoteur qui avait parlé, celui qui aimait marier les couleurs, adapter les motifs, faire du sur-mesure. Celui qui aimait faire plaisir.

Après avoir noyé le poisson en jouant au benêt pour faire oublier l'apparition brève de son œil expert, Stiles attendit que le petit groupe se déplace de quelques pas et oublie son intervention qu'il n'avait pu contrôler avant de se rapprocher de l'écharpe reposée dans le rayon duquel Lydia l'avait prise. Ses doigts fins, secrètement experts eux aussi, passèrent l'air de rien sur la laine dont il identifia rapidement la nature au toucher. Puis, Stiles rejoignit rapidement les autres en feignant un air nonchalant qui ne masquait toutefois pas entièrement sa fatigue toujours présente. Son cerveau moulinant déjà à cause d'une idée qui était née en lui, Stiles ne fit absolument pas attention au regard de Jackson, qui n'avait absolument rien manqué de son écart discret.

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Ui je sais c'est long et lent, mais vous me connaissez ! Ca va bientôt bouger, je prends simplement le temps d'installer correctement certains éléments qui auront leur importance par la suite... 

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