Chapitre 4
Les jours s'enchaînèrent avec une lenteur folle et autant dire que pour Stiles, les choses n'allèrent pas en s'arrangeant. Lui qui faisait tout pour que l'aversion de son père diminue à son égard se voyait sans cesse repoussé, et encore. Si ce n'était que ça... Ce matin-là, L'hyperactif ouvrit le frigo à la recherche de restes qu'il pourrait manger, histoire de parler au lycée en ayant quelque chose dans le ventre. Il n'avait pas faim, c'était certain, mais restait lucide et conscient. Il se devait de manger et ce n'était pas perdre du poids qui allait l'aider, même si quatre petits kilos manquaient déjà à l'appel. Ce n'était pas parce qu'il se privait. Simplement... L'attitude de son père l'angoissait à tel poing qu'il se rongeait les sangs sans arrêt et avait diminué ses portions par peur de vomir. Ses nausées étaient telles qu'il avait plusieurs fois manqué de régurgiter le peu qu'il avalait. Mais Stiles ne voulait pas que ça arrive. Vomir serait pour lui le début d'une longue descente en enfer, peut-être vers une possible anorexie. Il y pensait sérieusement et savait que l'angoisse pouvait l'y mener, c'était pour cette raison qu'il continuait de manger, en faisant toutefois attention à ne pas en prendre trop. Se maintenir, c'était ce dont il avait besoin. Stiles n'avait aucune envie de tomber dans l'anorexie ou quelque chose s'y apparentant. Il n'avait pas de trouble alimentaire, simplement... Il essayait de gérer le stress de cette situation comme il le pouvait et autant dire que c'était loin d'être une chose aisée lorsque l'on était seul et qu'on ne parlait à personne de sa situation.
Jackson savait, dans un sens. En fait, sa venue de la fois dernière pour le devoir lui avait permis d'entendre et de commencer à cerner ce qu'il se passait dans cette maison. Enfin, il n'avait pu qu'effleurer le problème parce que Stiles avait tout fait par la suite pour l'éviter et lui parler le moins possible. Lors des réunions de meute, il endossait son plus beau masque et ne manquait pas d'endormir ses amis avec son flot de paroles ahurissant et inarrêtable, si bien que même si Derek l'avait regardé un peu bizarrement au début, il avait fini par s'éloigner tant ses babillages étaient difficiles à supporter au bout d'un moment.
Et Jackson n'avait pas pu l'approcher. Stiles savait y faire.
L'hyperactif se mordit la lèvre inférieure. Il n'y avait pas grand-chose, il faudrait songer à faire les courses... Mais son père n'était pas d'accord et avait décidé que ce serait uniquement lui qu'il le ferait. Il serait dommage que Stiles contamine quelque chose avec sa « maladie ». Pour cette raison, la main qui avait ouvert la porte du frigo était engoncée dans un gant bleu en latex, jetable. Même si Noah était déjà parti travailler, l'adolescent respectait ses consignes à la lettre, y compris celle de passer le moins de temps possible dans les pièces communes. Pas plus de trente minutes par jour dans la cuisine, moins de cinq dans le salon. Puisqu'il y avait une salle de bain au rez-de-chaussée et une à l'étage, Stiles avait moins de souci à ce niveau-là. Ah, et il se devait d'aérer régulièrement, aussi, autrement, Noah pourrait s'intoxiquer avec cet air qu'il était obligé de partager avec Stiles... Un air déjà malade. Peut-être était-ce pour cette raison qu'il le forçait, depuis la veille, à porter un masque chirurgical lorsqu'il passait dans les pièces communes et qu'ils se croisaient par inadvertance.
Au lycée, Stiles ne parlait pas de tout ça. Il se disait que la relation catastrophique qu'il avait avec son père ne concernait pas ses amis et que de toute manière, ceux-ci n'y accorderaient pas grande importance tant c'était... Futile. Il n'y avait rien à faire, seul le temps finirait par adoucir Noah Stilinski et encore, ça, c'était la version optimiste. Stiles, qui commençait à perdre espoir, était presque en train de se demander combien de temps il pouvait lui rester avant que son géniteur ne finisse par le mettre à la porte. Son instinct lui soufflait qu'il n'avait plus beaucoup de temps à attendre pour cela.
Stiles trouva un reste de pâtes que son père lui avait préparé. En fait, Noah lui avait interdit de faire à manger, arguant qu'il serait tout de même bête qu'il infecte les aliments. Par conséquent, il cuisinait également pour lui, sans faire de parts extrêmement grandes mais Stiles n'allait pas s'en plaindre : au moins, le shérif ne lui interdisait pas de manger. Sans doute tenait-il encore un peu à lui malgré tout.
L'hyperactif se dépêcha de manger et malgré la fatigue qu'il ressentait, il partit vers sa Jeep après avoir fermé la maison à clé et prit la route du lycée. C'était rare qu'il se lève en forme, en ce moment. Ses nuits n'étaient pas très bonnes. A vrai dire, elles étaient même presque catastrophiques. Stiles avait beau prendre son Adderall correctement, il réfléchissait le jour comme la nuit, son cerveau ne s'arrêtait jamais de tourner. Parfois, il fermait les yeux, dormait deux ou trois heures et puis il se réveillait, fébrile, avec l'impression qu'il enchaînait les erreurs. Pour que son père le haïsse de cette manière, c'est que cela devait sans doute être le cas...
Stiles savait depuis des années qu'il était gay et très honnêtement, cela ne l'avait jamais dérangé. Il n'en parlait pas et ses amis ne le savaient pas, tout simplement parce qu'il ne voyait pas l'intérêt de le leur dire. Il s'agissait de son orientation sexuelle et elle ne regardait que lui, il n'avait jamais vu l'intérêt de la partager, mis à part lorsqu'il allait, parfois, dans des bars gays. Et il était bien là, le problème, parce que c'était devant l'un de ces bars que Noah avait découvert que son fils n'était pas vraiment attiré par la gent féminine. Lors d'une descente dans un immeuble de la même rue, le shérif était arrivé au moment où Stiles sortait du bar, en compagnie d'un jeune homme tout à fait charmant et à l'air adorable. D'abord, le patriarche avait été simplement sonné et était resté là, pantois, à regarder de loin Stiles parler avec ce bel éphèbe. Il avait vu rouge dès l'instant où les deux hommes s'étaient embrassés à pleine bouche. Il avait alors foncé tête baissée après avoir dit à son équipe d'aller à l'intérieur, qu'il les rejoindrait peu de temps après.
Le bel éphèbe était tout de suite parti et Stiles s'était pris la plus grosse gifle de sa vie. Jamais son père ne lui avait remonté les bretelles de cette manière.
C'était même la première fois qu'il levait la main sur lui et pourtant, Stiles en avait déjà fait, des bêtises.
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Stiles peinait à garder les yeux ouverts et même la présence de Jackson ne l'aidait pas à se concentrer sur le cours. Malheureusement, le professeur n'était toujours pas décidé à les remettre à leurs places d'origine, trouvant qu'ainsi, il n'y avait plus aucun bavardage, quel que soit le côté. Alors oui, sachant que l'énergumène à sa gauche le harcelait presque pour savoir ce qu'il se passait avec son père, Stiles se devait d'être irréprochable au niveau du comportement et pourtant... Il avait bien du mal. Des jours que cette étrange fatigue pesait sur lui, des jours qu'il se levait avec la boule au ventre, accompagnée de nausées qui semblaient ne plus le quitter. C'était désagréable, mais il ne se plaignait pas. Ce n'était pas son genre. Et puis, qu'irait-il dire ? Et à qui ? Ce n'était certainement pas Jackson que ça intéresserait. Si le sportif faisait son possible pour lui tirer les vers du nez, Stiles ne voyait pas cela comme un signe d'amitié, tout simplement parce qu'ils n'étaient pas amis.
Jackson s'ennuyait, simplement. Et puis, Stiles étant dans une position de faiblesse, il serait ainsi plus aisé de l'humilier ou de se moquer de lui. Ah, si l'on savait à quel point son père le traitait comme un pestiféré, on rirait bien tant c'était improbable ! Un contaminé contaminant, obligé de porter des gants pour toucher tout ce qui était à l'extérieur de sa chambre et de sa salle de bain, devant mettre un masque en papier lorsqu'il croisait son père... Un malade qui n'avait plus vraiment sa place dans son propre foyer.
Un adolescent épuisé, tant par ses nuits que par ce il ne savait quoi qui le fatiguait à longueur de temps.
A la fin du cours et malgré sa lourdeur qui ne l'avait pas aidé à suivre, Stiles fut un des premiers à sortir de la salle. Déjà que le blond avait essayé, durant toute l'heure, d'obtenir des informations sur sa situation... L'hyperactif préférait avorter ce pseudo interrogatoire qui ne les mènerait nulle part. Au détour d'un couloir, il s'arrêta et reprit son souffle. Il se sentait étonnamment faible. Après tout, il n'avait pas vraiment couru, s'étant contenté de marcher vite et de tourner au premier embranchement venu, histoire de semer rapidement le sportif. De toute manière, sa faiblesse était générale, en ce moment. Était-ce à cause de ses quelques kilos perdus ? Quelque chose qui était mal passé dans son ventre ? Sa fatigue ? L'idée que son père ait pu faire quelque chose ne lui effleura même pas l'esprit. Noah Stilinski était en colère, oui, dégoûté par sa progéniture. Pour autant, depuis cette gifle devant le bar gay, il ne lui avait plus rien fait et avait tout simplement cessé de se retrouver proche de lui, quelle que soit la pièce, quel que soit le moment, quel que soit le motif.
Une vibration au niveau de la poche de son pantalon fit sursauter l'hyperactif qui sortit un peu lentement son téléphone de sa poche.
« Tu pourras pas fuir éternellement, Stilinski. »
Il lui répondit aussitôt.
« Laisse-moi tranquille. Y a rien à savoir. »
« Si y avait rien à savoir, tu te cacherais pas de cette manière, tu fuirais pas à chaque fois que tu me vois. Alors t'auras beau dire ce que tu veux, je sais qu'il y a quelque chose qui va pas avec ton père. Tu pourras pas me faire oublier ce que j'ai entendu. »
« Je suis malade, mon père est tendu à cause du boulot, fin de l'histoire. »
« Tu peux faire croire ça à qui tu veux, mais pas à moi. »
Des discussions comme celle-ci, il y en avait eu des tas depuis quelques jours. Elles étaient stériles, ne menaient jamais à rien et Stiles trouvait toujours un moyen de se dérober. Cette fois-ci, il choisit simplement d'arrêter de répondre au kanima et même, sur un coup de tête, de partir du lycée, histoire d'être certain de ne pas recroiser Jackson avant le lendemain. Si Scott ou l'un de ses amis cherchait à connaître la raison de son absence, il répondrait simplement par message qu'il serait parti se reposer à cause d'une mauvaise nuit qui l'avait laissé K.O et incapable de suivre correctement. En s'installant au volant de sa Jeep, l'adolescent ne ressentit aucune culpabilité. Rater deux pauvres heures de littérature n'allait pas le mettre dans l'embarras et de toute manière, l'enseignante ne faisait jamais l'appel. Par conséquent, Stiles roula jusqu'à la forêt, histoire d'être définitivement tranquille. Même s'il avait simplement l'intention de se poser tranquillement et de dormir un peu pour rattraper un peu de son sommeil perdu, il avait préféré aller dans un endroit discret, de peur d'être dérangé. Oh, bien sûr, il s'installerait simplement sur la banquette arrière de sa vieille carcasse rouillée, en position fœtale parce qu'elle n'était pas très longue. Il s'arrêta, sortit de la voiture et passa à l'arrière. Il retira sa veste et la mit en boule de manière à s'en faire un semblant d'oreiller et s'allongea comme il le put. Il ferma les yeux et laissa l'inconscience le gagner avec joie, avec l'espoir de voir cette lourdeur, cette faiblesse lancinante disparaître, sans savoir qu'elle continuerait de croître indépendamment de sa volonté. Plongeant dans un sommeil des plus profonds, Stiles se prit à rêver d'un jour où son père recommencerait à lui sourire, simplement.
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