Chapitre 3
Stiles se crispa complètement lorsqu'il entendit la porte d'entrée claquer tandis que son regard se para d'angoisse. Jackson allait lui demander ce qui n'allait pas mais son instinct le poussa à se taire. Son petit doigt lui disait qu'il valait mieux ne rien dire pour le moment et l'odeur de l'hyperactif acheva de le déconcentrer sur son devoir de mathématiques. Avec son ouïe lupine, il entendit la portière de la voiture qui venait de se garer claquer et des pas aussi réguliers que déterminés se rapprocher de la maison. Stiles releva légèrement des yeux apeurés vers le kanima qui ne comprit pas le moins du monde cette attitude si soudaine.
- Tu... C'est trop tard pour que tu partes, n'est-ce pas ? Souffla-t-il, ayant simplement entendu le bruit du moteur de cette voiture qu'il reconnaîtrait entre mille.
Jackson ne sut quoi répondre, parce qu'il ne comprit pas cette espèce de question rhétorique. Sa réaction fut plus... Physique, étant donné qu'il fronça les sourcils. A ce moment-là, il ressembla à Derek. Si ce fait aurait fait rire Stiles en temps normal, il n'y fit pour une fois pas attention et le blond vit ses mains se cramponner à la table alors qu'on entendait clairement la porte de la maison s'ouvrir et se fermer. Stiles se leva d'un coup comme si sa chaise était pleine d'épines. Au même moment, le shérif Stilinski apparut, mais n'entra pas dans la cuisine. A vrai dire, il s'arrêta simplement sur le seuil. Et Stiles était complètement crispé, Jackson n'avait pas l'impression de l'avoir déjà vu aussi tendu. Quelle était donc cette attitude ? Pourquoi s'était-il retourné vers son père, sans le regarder ? C'était comme s'il n'osait pas. Et que dire de Noah ? Quelque chose clochait chez lui.
- Stiles.
La voix du shérif avait prononcé le surnom devenu prénom de son fils sans aucune chaleur. Il ne le saluait pas, constatait simplement sa présence. Jackson aurait été tenté de dire qu'aucune émotion ne transpirait dans son ton paraissant monotone. Et pourtant, il y eut bien quelque chose, que son flair lupin trouva dans son odeur.
Du dégoût.
Les orbes bleus du shérif ne restèrent pas sur son fils. En effet, ils dérivèrent rapidement vers Jackson et celui-ci ressentit un étrange malaise alors que Stiles était toujours debout, face à son père, sans le regarder.
- Peux-tu m'expliquer ce qu'un garçon fait ici, dans cette maison ? Demanda-t-il froidement.
S'il regardait Jackson avec une étrange intensité, c'était bien à Stiles qu'il posait la question. Le kanima, de son côté, ne comprenait absolument rien à la situation. Ce qu'il savait, c'était que la peur et l'angoisse avaient largement teinté l'odeur de Stiles de leur fragrance putride. Il entendit la voix de l'hyperactif s'élever, doucement, alors qu'il triturait nerveusement ses doigts, les yeux irrémédiablement rivés au sol :
- Un devoir, je... Le prof de mathématiques nous a mis en binôme pour un devoir. C'est pour travailler qu'il est là, je te jure, tu... Tu peux aller voir mon professeur et lui demander, si tu veux vérifier.
Jackson fronça les sourcils. Depuis quand Stiles gardait la tête basse et répondait comme s'il craignait son père ? Dans ses souvenirs, la relation entre les deux Stilinski était tout à fait normale, elle semblait même fusionnelle par moments... Le fossé qui semblait les séparer était abyssal. Devant lui, ainsi debout et crispé, les yeux rivés au sol, Stiles lui paraissait soumis. Ni plus ni moins. Sauf que l'hyperactif qu'il connaissait était une forte tête, quelqu'un qui ne se laissait jamais marcher sur les pieds.
- Je n'y manquerai pas, répondit froidement Noah en revenant fixer son fils. Il serait dommage que tu me déçoives encore.
Toujours assis, Jackson était médusé et pourtant, son instinct lui soufflait de garder un visage impassible. C'était ce qu'il faisait mais au fond, il était stupéfait. Pourquoi Stiles ne lui répondait-il pas ? Pourquoi ne lui faisait-il pas goûter son sarcasme habituel ? Pourquoi... Le laissait-il faire ? Et Noah Stilinski ? Pourquoi lui parlait-il aussi sèchement ? Pourquoi le regardait-il avec autant de froideur ? Jamais Jackson n'avait vu un regard aussi froid. Des iris bleus nuageux, prêts à lancer des éclairs ou tuer Stiles sur place s'ils en étaient capables. D'où venait cette haine sous-jacente, dissimulée derrière ce semblant de dégoût qu'il sentait ?
- Je te jure que c'est la vérité, mais de toute façon...
Si Stiles ne bégayait plus, sa voix était tout sauf assurée.
- ... On avait fini. Il va pouvoir s'en aller.
Cette fois, Jackson se trahit : il fronça les sourcils. Le shérif reporta son attention sur lui et son regard autrefois doux lui sembla d'un coup incisif, perçant, pénétrant. Un regard dans lequel il n'avait auparavant vu que rires et chaleur, mais qui n'était plus que glacial.
- C'est vrai, Jackson ? Lui demanda le shérif sans changer d'expression.
Le kanima jeta un léger coup d'œil à Stiles : il n'avait pas bougé. En fait, il était carrément immobile mais son odeur... Commençait sérieusement à devenir douloureuse à sentir. Pourtant, Jackson avait le sentiment que Stiles se contenait, qu'il retenait ses émotions à l'intérieur de lui. Cependant, il les sentait très bien... Comment cela serait-il si l'hyperactif les laissait exploser au grand jour ?
- Oui, s'entendit-il répondre.
Si un autre loup avait été là, il aurait aisément pu capter l'accroc dans ses battements de cœur. Pourquoi mentait-il ? Il aurait très bien pu contester, faire éclater la vérité – ils avaient commencé quelques minutes plus tôt seulement ! – ou bien sortir une autre information, mais... Il était mal à l'aise, profondément mal à l'aise, comme s'il ne devait pas être là à cet instant précis.
Et comme si Stiles attendait qu'il s'en aille.
Pas parce qu'il n'aimait pas le fait qu'il soit là, simplement parce qu'il ne pouvait pas se permettre de le laisser rester ici alors que son père était là.
Alors oui, Jackson avait menti, pour lui, même s'il ne s'en serait pas cru capable. Il n'aimait pas mentir, enfin lorsque ça n'avait pas d'intérêt et il ne savait absolument pas pourquoi mais il avait senti que c'était ce qu'il devait faire. Le loup au fond de lui baissa les oreilles, comme s'il était triste. Parce qu'il avait une impression étrange. Peut-être était-ce une partie des émotions de Stiles qui déteignait sur lui. Il n'en savait rien. La seule chose dont il était sûr, c'était qu'il devait désormais partir. Alors, il rassembla ses affaires.
- Bien. Stiles, fit Noah en reportant son attention sur lui, prépare-toi à manger dès maintenant. Tu mangeras dans ta chambre. Je veux que la cuisine soit disponible d'ici une demi-heure. En passant, tu nettoieras chaque chose que tu as touchée, y compris les poignées de portes. Je ne voudrais pas toucher quelque chose de contaminé.
- Bien Pa... Bien, c'est noté.
Alors que Jackson se levait et mettait son sac sur son épaule, il ne put empêcher le choc de s'afficher sur son visage. Qu'est-ce que c'était que ça, encore ? Et pourquoi diable Stiles ne réagissait-il toujours pas ? Il voyait pourtant ses poings crispés, son regard fuyant, son air nerveux... Comment le laissait-il lui parler de la sorte ? Où était donc sa légendaire répartie ? Où était passé le Stiles qu'il connaissait ? Depuis l'arrivée de Noah Stilinski, Jackson s'était posé un nombre incalculable de questions et aucune n'avait trouvé de réponses. En voyant son visage changer d'un coup, le shérif annonça de but en blanc :
- Oh, il ne te l'a pas dit ? Il est malade, très malade et j'ai bien peur que cela soit contagieux. Je suis désolé qu'il ne te l'ait pas dit, Jackson, j'espère que tu n'auras rien. Evite de te mettre à côté de lui en cours, si tu veux mon avis.
Le ton du père de Stiles était toujours aussi froid, mais une once de mépris et de dégoût s'était glissée dans sa voix, ce qui n'avait pas échappé à Jackson. Mais ce que retint le kanima, c'est une fragrance aigre, piquante. Une odeur d'humiliation. Et elle provenait de Stiles. A cet instant précis, le blond n'avait qu'une envie : lui poser toutes ces questions auxquelles il n'arrivait pas à trouver de réponses, mais c'était bien impossible en présence du shérif qui les scrutait tous les deux d'une manière trop froide pour être sincère.
- Je n'espère pas non plus, s'entendit-il une nouvelle fois répondre.
Le sportif ne savait même pas s'il répondait par automatisme ou juste pour ne pas contrarier l'homme de loi qui semblait avoir radicalement changé depuis la dernière fois qu'il l'avait vu. Ce n'était plus le gentil shérif inquiet pour son fils un peu trop casse-cou et insouciant. Non, c'était un policier dur et froid qui se tenait face à lui, un homme aveuglé par un étrange dégoût qui, s'il semblait paralyser Stiles, choquait profondément Jackson qui l'avait toujours connu.
- Je te raccompagne ? Lui proposa Noah.
Mais l'absence totale de chaleur dans son ton le fit frissonner, si bien qu'il déclina d'un air gêné. Il jeta un dernier regard à Stiles qui avait à peine bougé, comme s'il n'était plus vraiment là. Inutile de lui dire au revoir, il avait l'intime impression que l'hyperactif ne lui répondrait pas. Alors, il se détourna et finit par s'en aller à contrecœur, même si son envie première était de rester et de l'interroger. S'il sentit l'angoisse croissant de l'hyperactif et son regard brûlant dans son dos, il ne se retourna pas, parce qu'il sentait que c'était la chose à ne pas faire. Toutefois, son inquiétude était là, bien présente, et Jackson Whittemore n'avait pas dit son dernier mot. Lorsqu'il se retrouva dehors, devant la maison des Stilinski, le kanima risqua un regard vers les fenêtres. Les rideaux à moitié transparents étaient fermés, il ne vit rien et tout ce qu'il entendit furent les battements de cœur du père et du fils, rien de plus. Pas d'agitation, pas de cris, pas de disputes, pas de violence. L'hypothèse d'un paternel violent lui avait effleuré l'esprit, bien sûr, mais il n'avait remarqué aucune ecchymose sur la peau laiteuse de Stiles, ni aucune odeur de souffrance physique. Il n'était pas blessé. Mais alors, que se passait-il ?
Parole de Whittemore, il allait le découvrir. La première chose qu'il fit après s'être installé dans sa voiture fut de rédiger un message à son attention :
« Stilinski, c'était quoi, ça ? »
Court, simple, efficace. Et que Stiles n'imagine pas que Jackson allait vite lâcher l'affaire, parce que ce n'était pas le cas. S'il n'avait pas réellement prêté attention au pourquoi du comment des quelques changements qu'il avait notifiés chez lui jusqu'à maintenant, là, sa curiosité était aussi piquée au vif que son inquiétude. Jackson devait savoir et il saurait.
Il n'avait aucun doute là-dessus.
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