Chapitre 19


Jordan Parrish avait vu bien des horreurs depuis qu'il était entré dans la police, mais rien ne l'avait préparé à ce qu'il aurait pu découvrir dans la maison Stilinski... Chez son supérieur lui-même. S'il était habitué aux bains de sang, aux scènes mettant en valeur un massacre sans précédent, ce n'était... Presque rien par rapport à la froideur intersidérale qui lui faisait face. Sans doute était-ce le choc de découvrir une facette si sombre de Noah qui le faisait penser ainsi, mais... Le fait est que Jackson avait eu raison de lui faire un signalement et d'emmener Stiles hors de cette maison.

Il lança un regard lourd de sens au shérif qui, s'il avait repris connaissance peu après son arrivée, n'avait pas prononcé un seul mot, ni cherché à fuir, ni... Rien. Il s'était juste laissé glisser contre l'un des murs de la pièce, de ce qui était autrefois la chambre de Stiles. Aux yeux de Jordan, elle était méconnaissable tant elle était vide et... La présence d'un simple matelas comme seul « meuble » lui faisait froid dans le dos. Que dire des sacs poubelles imbibés d'alcool ? L'adjoint du shérif n'avait pas les mots pour décrire le sentiment qui l'assaillait et lui faisait prendre conscience que l'homme qui dirigeait le poste de police de Beacon Hills n'était définitivement pas tout blanc. Qu'il cachait de bien sombres secrets... Que Jackson Whittemore avait percés à jour et auxquels Jordan Parrish faisait finalement face. Si la chose l'horrifiait, il était toutefois heureux que le kanima l'ait contacté : au moins, il pouvait se décharger de ce fardeau bien trop lourd pour ses épaules d'adolescent. Jackson aimait peut-être faire le dur, mais il restait un lycéen, avec les fragilités inhérentes à son âge.

Jordan s'approcha du shérif et sortit ses menottes de leur étui. Il ne savait pas exactement ce qu'avait fait Noah, mais... Ce qui était autrefois la chambre de Stiles parlait d'elle-même. Les quelques petites gouttes de sang qu'il apercevait ici et là également.

Il soupira.

- Shérif, je vais devoir vous arrêter mais... Vous le savez déjà, n'est-ce pas ?

C'est à peine si Noah leva la tête pour le regarder. A vrai dire, la manière dont il se laissa faire parut tellement étrange à Jordan qu'il choisit de rester sur ses gardes juste au cas-où, le temps qu'il le fasse sortir de la maison et monter dans la voiture. D'ailleurs, il songea au fait qu'il faudrait qu'il demande à faire une perquisition complète du domicile de son supérieur une fois qu'il aurait pris la déposition complète de Jackson et de Stiles... Qu'il laisserait tranquille pour ce soir.

Et l'adjoint du shérif savait d'ores et déjà que la suite n'allait pas lui plaire.

xxx

Jackson étala le plaid sur le canapé avant de se glisser dessous et se poser sa tête sur l'un de ces coussins moelleux qu'il aimait tant. Son oreiller ? Sous la tête de Stiles, dans sa chambre. Stiles qui dormait toujours. Il devait être épuisé, pour rester aussi longuement inconscient... Et Jackson ne pouvait qu'en être certain puisqu'il restait à l'affut et écoutait les battements de son cœur sans discontinuer. Son loup intérieur en avait besoin. Après la peur qu'il lui avait faite... Il avait besoin de s'assurer qu'il était toujours là malgré tout. En vie, presque sain... Et sauf. Physiquement, en tout cas. En ce qui concernait son état d'esprit, rien n'était moins sûr. Disons que le kanima n'avait aucune idée de la façon dont agirait et réagirait Stiles le lendemain, lorsqu'il se réveillerait. Pour être honnête, c'était quelque chose qu'il appréhendait fortement. En tout cas, il n'oublierait pas son état de choc de sitôt... Cette fixette étrange qu'il avait faite sur la Jeep, en semblant oublier ce qui lui était arrivé à lui.

Sur une note plus positive, ses parents avaient accepté qu'il sèche les cours du lendemain. David et Catherine n'étaient pas des monstres : chez eux, la sévérité ne rimait pas avec la froideur. Ils tendaient à ce que leur fils adoptif frôle l'excellence dans tous les domaines... Mais ne lui diraient rien si ce n'était pas le cas. Ils avaient assez de bon sens pour savoir qu'une progéniture n'avait pas pour vocation de suivre forcément les pas des parents... Et qu'elle se développait pour elle seulement. Alors ce qui importait réellement pour eux, c'était simplement qu'il soit assidu dans ses devoirs, dans les cours, qu'il reste sérieux, qu'il ne fasse pas passer le monde surnaturel avant ses études. Pour eux, ce n'étaient pas ses griffes qui le nourriraient plus tard – en cela, ils avaient raison.

Mais les parents Whittemore n'avaient pu rester de marbre face au récit glaçant que leur avait fait Jackson. Et ils avaient compris qu'il lui faudrait du temps... Tout autant qu'ils s'étaient mis d'accord pour ne pas laisser le jeune Stilinski sur la paille. Connaissant leur fils, les deux adultes savaient qu'il n'était pas du genre à mentir... Encore moins par rapport à un sujet aussi sérieux, que l'on pouvait aisément qualifier de grave. Si Jackson avait dit avoir vu le shérif commettre de telles atrocités et tenter d'en réaliser d'autres sur son propre fils, il fallait le croire. Au vu de l'état de Stiles Stilinski, le doute n'était plus permis.

Ainsi, David et Catherine avaient autorisé Jackson à ne pas aller en cours le lendemain – ils s'occuperaient de prévenir le lycée. Tous deux étaient conscients de la manière dont leur fils avait été secoué et savaient qu'il n'oublierait pas ce qu'il avait vu de sitôt. L'obliger à aller étudier envers et contre tout serait plus contreproductif qu'autre chose, d'autant plus... Que son bien-être leur importait plus que tout. Plus que des notes, plus que des cours.

Parce que même si les époux Whittemore n'étaient pas les parents les plus démonstratifs au monde, ils aimaient leur fils et ne feraient jamais rien qui pourrait lui faire du mal. Puis ils s'étaient fait la réflexion qu'en attendant d'avoir du nouveau sur cette histoire, le jeune Stilinski aurait lui aussi besoin de réconfort. Et le regard qu'avait eu Jackson en parlant de lui était assez significatif... Pour qu'ils se disent qu'il valait mieux ne pas les séparer pour l'instant. Jackson avait eu peur, réellement. Peur pour celui qu'il disait ne pas être son ami, mais dont la profonde inquiétude donnait un autre sens à ses mots. D'une manière ou d'une autre, il tenait au fils Stilinski. Assez en tout cas pour ne pas être parti tout de suite après l'avoir ramené, assez pour être retourné le voir, assez pour l'avoir sorti de cet enfer et ramené au domicile familial – ce qui avait, pour eux, leur importance.

Mari et femme s'étaient donc mis d'accord pour lui laisser du temps. Pour l'instant, ils lui laissaient un jour et ensuite... Ils aviseraient en fonction de son état, de son moral. Et s'il fallait garder un peu Stilinski ici, eh bien... Soit. Les Whittemore avaient l'air froid de prime abord, mais ils avaient un cœur et l'état de l'hyperactif ne les laissait pas indifférent non plus. D'ailleurs, l'adjoint du shérif les avait contactés peu de temps après la fin de leur discussion avec leur fils : il les avait informés, par souci de transparence, qu'il passerait le lendemain pour interroger Jackson au sujet du shérif... Et de Stiles.

Malgré le fait qu'il soit confortablement installé sur son canapé, Jackson peinait à dormir... A ne serait-ce que garder les yeux fermés. Derrière ses paupières, il revoyait sans arrêt Noah au-dessus de Stiles. Il le frappait, le violentait de toutes sortes. Il était loin, le temps du doute, celui où il se demandait pourquoi l'hyperactif commençait à agir bizarrement, pourquoi... Le shérif avait l'air de le considérer comme un pestiféré. Maintenant, il savait et la maison des Stilinski, qui lui avait longtemps paru chaleureuse, lui faisait l'effet d'un foyer où l'horreur régnait. Le genre d'endroit où l'on ne soupçonnait rien, où l'on se disait qu'il devait faire bon vivre. Et puis l'on ouvrait la porte et l'on se retrouvait submergé par une vérité que l'on ne voulait pas voir.

Et Jackson ne voulait pas se dire que Stiles avait subi quelque sévice que ce soit... Même s'il savait pertinemment que c'était le cas. Parce qu'il avait vu et entendu Noah le menacer, lever la main – et la ceinture – sur lui. Le doute n'était plus permis même depuis le jour où il était venu chez Stiles pour avancer leur devoir en binôme... Le jour également où l'hyperactif s'était évanoui dans le centre commercial et qu'il l'avait emmené chez Deaton. La vérité avait éclaté depuis longtemps déjà et... C'était dur. Dur de se dire qu'au final, il savait depuis le départ. Qu'il aurait pu éviter bien des horreurs.

Alors il se sentait lourd et... Si discuter avec ses parents lui avait fait du bien, il se pensait responsable de l'état de Stiles, quelque part. D'ailleurs, l'hyperactif le préoccupait tant qu'il envisagea un instant d'aller dans sa chambre ne serait-ce que... Pour le surveiller, vérifier que tout allait bien. Mais Jackson n'eut ni le cran, ni la force de se lever. Sa constitution lupine ne lui épargnait rien, pas même l'épuisement mental dont il se sentait victime. Pourtant, il voulait passer outre. Après tout, ce n'était pas lui qui avait vécu l'horreur, qui avait essayé de se battre pour montrer qu'il n'avait rien à se reprocher, qu'il n'était pas anormal. Mais Jackson n'était pas taillé pour affronter ce genre de choses... Il ne se sentait pas assez fort, trop jeune, dans un sens. Après tout, il n'était qu'un lycéen... Au même titre que Stiles – et sa nature surnaturelle n'y changeait rien.

Ainsi, la peur l'empêcha de dormir correctement et il se retrouva à passer des heures, entrecoupées de quelques minutes de sommeil de temps à autres, à écouter les battements de cœur d'un humain dont il redoutait véritablement le réveil. Parce que dans un sens, Jackson avait peur que Noah ait brisé Stiles et que ce dernier... Ne se relève pas vraiment.

Parce que le shérif était sa dernière famille et qu'il l'avait, dans un sens, renié. Traité avec une violence inimaginable. Agressé.

Et Jackson était certain qu'il aurait pu finir par le tuer.

Lui-même aurait pu mettre fin à la vie du shérif et... Ça aussi, ça le terrifiait. Jackson serra les bords du plaid entre ses doigts et laissa son regard mirer l'horloge bleutée qu'affichait le décodeur de la télévision.

Quatre heures vingt-cinq.

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