Chapitre 18

Stiles dormait. Depuis un quart d'heure. A vrai dire, il n'avait pas lutté : à peine Jackson l'avait-il aidé à s'allonger dans le lit, son lit, que l'hyperactif avait fermé les yeux. Cédé à l'épuisement. Pour le propriétaire de la chambre, c'était parfait. Il n'avait pas la fibre sociale et face au cas complexe qu'était Stiles... Jackson se retrouvait réellement désarçonné, sans mots. Sa fixette sur la Jeep l'avait passablement perturbé. C'était à ça qu'il pensait. A ses affaires, à sa vieille guimbarde. Pas à sa vie. Et en même temps, Jackson n'était pas complètement stupide : il devinait que l'état de choc dans lequel il s'était trouvé avant de s'endormir était si fort que dans un sens, il s'était protégé, préférant penser à des choses matérielles.

Jackson n'était juste pas au courant du fait qu'en réalité, si ses affaires importaient peu à l'hyperactif, sa Jeep revêtait pour lui une très grande importance. Mais comment le kanima pourrait-il savoir que Roscoe était la voiture que lui avait légué sa mère ?

Passablement éreinté mentalement, Jackson sortit de sa chambre sans un bruit et prit les escaliers. Le jeune homme avait beau être passablement inquiet pour Stiles et extrêmement perturbé par la situation, il avait encore quelque chose d'important à faire. Sachant que l'hyperactif ne pourrait rien faire tant qu'il dormait, Jackson avait l'occasion d'expliquer ce qu'il s'était passé à ses parents. Disons aussi qu'il en avait besoin. Ça, ce n'était pas une chose qu'il se sentait capable de porter seul. Puis à côté de cela, son père travaillait dans le domaine de la justice : il pourrait forcément le conseiller, ou conseiller Stiles lui-même concernant la suite des évènements. Parce que l'histoire n'allait pas s'arrêter là. Elle ne le pouvait pas. Sa mère, elle, aiderait son mari et son fils. Ce qui était bien avec elle, c'est qu'elle ne prenait jamais complètement parti lorsqu'une discussion à trois devait avoir lieu. Si David décidait de passer un savon à Jackson pour ce qu'il avait fait – ce à quoi il s'attendait –, elle ne le soutiendrait pas, mais elle défendrait son garçon sans toutefois lui donner complètement raison. Elle aiderait le père et le fils à discuter sans que cela ne parte en vrille ni ne s'envenime. Il s'agissait d'une médiatrice hors pair.

Même si Jackson ne regrettait aucun de ses actes, son souffle se coupa lorsqu'il aperçut ses deux parents dans le salon. Ils ne faisaient rien, semblaient l'attendre de pied ferme. Si madame Whittemore semblait simplement perturbée, David n'affichait aucune émotion. Ceux qui ne le connaissaient pas pourraient le trouver froid comme la glace. Jackson savait qu'il était juste dans l'attente de ses mots, d'une explication quant à ce qu'il s'était passé pour qu'il ramène le jeune Stilinski ici... Et qu'il ait frappé le shérif.

- Mon chéri, assieds-toi et raconte-nous tout, lui intima sa mère en désignant le fauteuil face au canapé.

Le fils Whittemore s'exécuta. De toute façon, il n'était plus très stable sur ses jambes... Et sentait fort bien l'adrénaline de la situation passée lentement le quitter. Son visage avait déjà commencé à perdre des couleurs, et sous ses yeux, de légers cernes se creuser. Tout cela l'avait épuisé. S'il avait l'habitude d'affronter des situations aussi horribles que rocambolesques, celle-ci dépassait de loin tout ce qu'il avait vécu jusque-là. Pourquoi ? Lui-même ne saurait le dire. C'était juste un fait. Jackson avait beau être fort, il y avait des moments où il se rappelait qu'il n'était qu'un adolescent et que parfois... Certaines choses le dépassaient.

Dont ce qu'il savait concernant les Stilinski, et ce à quoi il avait assisté. Jackson poussa un profond soupir. Au fond, il n'avait pas réellement peur de la réaction qu'aurait ses parents. Certes, ce qu'il avait lui-même fait était parfaitement répréhensible, mais... Il avait ses raisons et elles étaient, à ses yeux, plus que valables. Le jeune homme avait simplement parfois un peu de mal à s'ouvrir. Il n'aimait pas ça. Cependant, il y avait des fois où c'était plus que nécessaire... Et il était assez intelligent pour le savoir.

- Le shérif n'est pas quelqu'un de bien, finit par lâcher Jackson après avoir longuement pris le temps de penser à ses mots, et à tout ce qu'il s'était passé jusqu'alors.

Le jeune homme adorerait y aller franco et incriminer directement Noah Stilinski mais il se rendait doucement compte que ce n'était pas si facile... Pour la bonne et simple raison qu'il restait extrêmement perturbé et sous le choc, quelque part, par rapport à tout ce qu'il s'était passé. Un peu plutôt, tout s'était enchaîné et Jackson avait fonctionné à l'adrénaline. Maintenant... Elle retombait.

- Qu'est-ce qui t'a poussé à le frapper, Jackson ?

La voix de David Whittemore n'était pas si froide, pas si sèche. Il le voyait bien, que son garçon n'était pas dans son état normal et que, la fureur passée, il se retrouvait un peu fébrile. Néanmoins, il fallait qu'il sache, qu'il comprenne – Jackson ne pouvait pas le laisser sans explication.

- Je...

C'était fou comme contacter Parrish avait été facile, comme soutenir et mettre Stiles à l'abri s'était révélé tout aussi instinctif. Parler à ses parents pour leur raconter cette horreur ? Ça, c'était une toute autre histoire.

Mais il allait le faire. Il le devait.

- Je savais depuis un moment que le shérif avait changé vis-à-vis de Stiles, commença-t-il péniblement.

Si Jackson voulait réussir à sortir quelque chose de correct, il lui fallait commencer par le début, histoire de structurer ses pensées, ses idées. D'ailleurs, le jeune homme était si perturbé et arborait un air tellement hagard qu'il n'avait même pas remarqué qu'il avait appelé naturellement l'hyperactif par son prénom. Ce n'était pas la première fois qu'il le faisait mais là... C'était comme s'il ne voulait pas l'associer à son père.

- Au départ, il était juste devenu froid avec lui. Ensuite, il s'est mis à le traiter comme un pestiféré, en disant qu'il était malade, en... Lui faisant nettoyer ce qu'il touchait après son passage.

Les parents Whittemore l'écoutaient attentivement et choisirent de ne pas l'interrompre une seule seconde pour lui demander quelque détail que ce soit. Connaissant Jackson, il allait en venir au fait : il lui fallait juste un peu de temps.

- Lorsqu'on est sortis tous ensemble au centre commercial, Stiles s'est évanoui. On a rapidement découvert qu'il avait été empoisonné au cyanure. Lydia l'a gardé un peu chez elle le temps qu'il se remette... Parce qu'on savait que... C'était le shérif. C'était forcément lui.

Jackson savait qu'un bon nombre de questions se bousculait dans la tête de ses parents qui, à tous les coups, devaient trouver cette histoire abracadabrante, d'autant plus qu'il n'était pas encore arrivé au moment fatidique. Celui qu'il aurait pu éviter.

Jackson s'en voulait terriblement.

- Stiles a insisté pour qu'on le ramène chez lui, il voulait... Discuter avec son père, essayer de le raisonner quant à ce qui lui faisait lui faire tout ça. On a fini par accepter... Et je l'ai ramené.

J'aurais pas dû. J'aurais jamais dû faire ça, se dit encore le kanima. Tout retombait et qu'il lui restait comme émotions plombait son cœur, écrasait ses épaules. Voûté, Jackson n'arrivait pas à tourner la tête vers ses parents, à les regarder. Il était fier de bien des choses dans sa vie, y compris de conneries... Mais pas de celle-ci qui, à ses yeux, était la pire de toutes. Il n'aurait pas dû se dire que Stiles allait y arriver et que Noah l'écouterait. Si le shérif avait tenté de l'empoisonner... Bien sûr qu'il était capable de pire.

Du pire, finalement.

- Je ne sais pas pourquoi je ne suis pas reparti tout de suite. Je me suis retrouvé incapable de prendre le chemin de la maison. J'ai attendu.

Il avait eu peur et s'était longuement demandé ce qu'il était censé faire tout en ressassant tout ce qu'il s'était passé ces derniers jours.

- Et je sais pas, j'ai... J'ai eu peur. J'ai eu besoin de monter voir si tout allait bien.

Ça, c'était faux. Ce qu'il avait entendu, c'était les mots de Stiles qui avait réellement essayé de faire entendre raison à son père, assumant par là son homosexualité dans son entièreté. Sur le moment, Jackson l'avait trouvé très courageux. De son côté, il n'avait pas eu à se battre : ses parents l'avaient complètement accepté tel qu'il était.

Alors il n'imaginait pas la difficulté de ce que cela avait représenté pour l'hyperactif. Disons qu'ils avaient cela en commun... Jackson imaginait que ça les rapprochait, sans doute. Ils avaient beau ne pas être amis à proprement parler, il ne pouvait pas lui cracher dessus... Pas sur ce sujet, en tout cas.

Mais Jackson ne pouvait pas dire à ses parents que ce qui l'avait alerté résultait de ses capacités lupines. Si ses parents étaient courant de cette bizarrerie le concernant, c'était tout nouveau. Ils l'acceptaient... Sans être toutefois à l'aise lorsqu'il abordait le sujet. Alors, il ne le faisait tout simplement pas, histoire de ne pas les gêner. L'excuse de la peur était donc, pour lui, complètement valable – d'autant plus qu'il ne mentait pas réellement sur ce coup-là. Il omettait juste une partie de la vérité. De leur côté, les parents Whittemore attendaient la suite, scotchée à ses lèvres. Si tout leur paraissait déjà extrêmement grave, ils peinaient à imaginer ce que le shérif aurait pu faire de pire – quoique les marques sur le visage de l'hyperactif leur en avait donné un petit aperçu.

- S'il avait juste levé la main sur lui...

Jackson lui aurait tout de même fait regretter d'être né, mais il n'aurait pas eu envie de le tuer. C'était quelque chose de fugace, très bref, qui l'avait traversé alors qu'il l'avait vu essayer de déshabiller Stiles et entendu proférer des menaces plus que dégueulasses à son égard. Oui, Jackson avait, l'espace d'un instant, envisagé de frapper fort, suffisamment... Pour qu'il s'arrête définitivement. Avoir ce genre de pensées ne lui ressemblait pas et à vrai dire, ça lui avait fait un peu peur. Sauf que sur le moment, il ne s'en était pas vraiment rendu compte. Sortir Stiles de là avait été son unique objectif, l'empêcher de subir l'innommable.

Catherine Whittemore, qui s'était rapprochée de lui, posa une main douce dans son dos. Et la langue de Jackson se délia complètement alors que son regard, plus parlant qu'un sanglot, se fixait dans le vide.

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