Chapitre 16

Le monde était flou. Les sons, pas clairs. Stiles avait l'impression de devenir sourd et aveugle à mesure qu'un incroyable froid intérieur l'envahissait. Une vague. Quelque chose qui ne transportait rien de bon. Le sens du toucher ? Il l'avait encore. Trop bien, même. C'était comme si sa peau devenait graduellement plus sensible au fil des secondes. Comme si sa joue le brûlait. Comme si une flamme réelle était en train de la ronger.

Stiles eut l'impression, d'un seul coup, de ne plus savoir ni où il se trouvait, ni avec qui il était. Ce sol ? Il ne reconnaissait plus celui de sa chambre. La pièce en elle-même lui paraissait des plus étrangères. Il ne la connaissait pas.

Plus.

Son père ? Encore moins. Il avait le même visage, les mêmes mains, les mêmes cheveux, la même carrure. Mais ce n'était pas lui. Le regard bleu fixé sur lui n'était pas le sien. Froid, haineux, sauvage. Le regard d'un autre. Noah allait recommencer, Stiles le savait d'instinct. La ceinture était prête à faire rougir sa peau si blanche. Cette ceinture de cuir, que Stiles avait toujours trouvée jolie, élégante. Elle appartenait à son grand-père, qui l'avait donnée au shérif après avoir quitté l'armée.

En cet instant, l'hyperactif la voyait autrement. Hideuse. Monstrueuse.

Prête à brûler sa peau jusqu'à faire couler le sang.

Noah leva à nouveau le bras et Stiles n'attendit pas qu'il l'abaisse pour protéger son visage à l'aide de ses bras... Que la morsure de la ceinture n'épargna pas. L'hyperactif se recroquevilla sur lui-même, l'esprit en ébullition. L'adrénaline le parcourant à une vitesse folle, il ne ressentit que partiellement la douleur, cette fois et pourtant... Pourtant, il était ailleurs. Encore trop sonné pour réellement réagir, prononcer un mot, répliquer. Terrifié, il se mit à trembler malgré lui. Il fallait qu'il se lève, qu'il tente de le raisonner... Ou d'essayer de lui prendre la ceinture des mains. Et lui montrer qu'il avait tort.

Mais Stiles n'en était pas capable en cet instant et il sut que ses bras allaient prendre cher... Quoique Noah se pencha et le retourna violemment, de sorte à ce que l'hyperactif se retrouve sur le ventre et lui fit une clé de bras. Ainsi, il le maintenait à sa merci tout en montant démesurément sa prise. S'il se délecta de la plainte qu'émit le châtain, il ne fit montre que d'une froideur polaire. Son regard descendit. Accrocha son postérieur.

- Tu aimes les hommes, hein, fit-il d'une voix grondante. Au final, tu n'es bon qu'à te faire prendre. C'est vraiment ce qui te plaît ? En fait, tu as l'impression d'aimer parce que tu n'as aucune expérience. Il va falloir changer ça, Stiles.

Stiles ne put répondre quoi que ce soit tant la douleur qui irradiait dans son bras et aux différents endroits où la ceinture l'avait frappé était forte. S'il continuait à monter son bras de cette manière, il allait le lui casser. Il le sentit alors s'installer d'une bien étrange manière sur lui et trembla de tous ses membres. A côté de cela, il n'arrivait pas à penser. A réfléchir. Rien n'allait.

- Je vais traiter ta maladie à la racine, entendit-il prononcer d'un ton des plus froids. Plus jamais tu ne poseras tes yeux sur un homme comme tu as pu le faire jusqu'à maintenant.

Zip.

Une vague de froid incroyable envahit le jeune homme, qui cessa toute tentative de mouvement. Parce que s'il ne comprenait rien à cette situation, ça, il l'avait capté un peu trop facilement. Comme si son propre cerveau désirait le torturer lui-même en lui faisant intégrer par ce bruit de braguette, qu'il s'apprêtait à subir l'horreur en tant que telle. Une partie de lui espéra qu'il se trompait. S'entêta à se dire que jamais son père ne pourrait lui faire une chose pareille, quand bien même il le détestait.

Mais la partie rationnelle de son esprit reprit le dessus et Stiles comprit. Il comprit qu'il devait se battre malgré l'horreur, se battre malgré le choc qui était doucement en train de le tuer de l'intérieur. L'hyperactif n'espéra pas la venue inopinée de quiconque – il avait passé l'âge de croire en tous ces films où un personnage secondaire venait toujours de nulle part pour apporter son aide au protagoniste. Pour autant, il se retrouva incapable de parler. De le supplier. Mais si Noah croyait qu'il allait se laisser faire sans bouger, c'était mal le connaître. Alors, il essaya de faire quelque chose avec son bras libre... Et réussit, par il ne savait quel miracle, à empêcher le shérif de tirer sur son pantalon. Mais celui-ci ne laissa pas la surprise l'atteindre et Stiles, qui avait à peine eu le temps de se retourner, vit le coup arriver comme au ralenti. Et pourtant, il ne réussit pas à l'éviter. Sa tête bascula sur le côté après être violemment entré en contact avec le sol tant le coup fut violent, et ses yeux virent des étoiles. Ses oreilles n'entendirent plus rien l'espace d'un instant... Et toutes ses perceptions devinrent comme... Aveugles. Il aperçut vaguement son père se réinstaller à califourchon sur lui, ferma les yeux malgré lui.

Et lorsqu'il les rouvrit, une seconde plus tard, Noah n'était plus là. En fait, Stiles n'était pas sûr, mais il avait l'impression de l'avoir senti... Partir brusquement. Être éjecté. Mais c'était idiot, stupide. On ne s'éjectait pas tout seul après s'être assis à califourchon sur une personne et... Ah, il y avait du mouvement, à sa gauche. Stiles eut toutes les peines du monde à tourner la tête dans cette direction, encore plus lorsqu'il essaya péniblement de déchiffrer ce qu'il entrevoyait. Mais rien n'avait de sens. Il y avait quelqu'un d'autre... Mais ce n'était pas vrai, n'est-ce pas ? Non. Stiles devait juste avoir pris un trop gros coup et il voyait deux Noah se battre l'un contre l'autre... Deux Noah qui n'avaient pas la même carrure, ni les mêmes vêtements. Pas exactement la même couleur de peau, et de cheveux, encore moins. Oh, oui, Stiles devait réellement rêver. Pour preuve, il voyait encore bon nombre d'étoiles danser devant ses yeux et avait l'impression de ne plus avoir la moindre force. Comme si ce simple coup lui avait drainé toute son énergie... Ou peut-être était-ce le choc quant à ce qu'il venait de subir et ce à quoi il échappait momentanément. Il ferma à nouveau les yeux, sourd aux bruits qui l'entouraient. Hermétique à tout.

Ou presque.

Car peu à peu, il perçut une voix. Au départ, elle criait. Puis, elle s'abaissa et Stiles... Eut grand peine à essayer de comprendre ce qu'elle disait. D'une part parce qu'il avait l'air complètement out et de l'autre parce qu'il n'en avait plus ou moins rien à faire. Dans un sens, il était détruit et pour le coup, le choc était particulièrement difficile à combattre. Et pourtant, il finit par réussir à réintégrer son corps. A faire bouger ses doigts, à obliger ses paupières à se soulever. Au-dessus de lui, un visage. De courts cheveux blonds. Des yeux bleus qu'il connaissait bien. Stiles n'alla pas plus loin dans l'analyse : il était fatigué. Terriblement fatigué. En fait, il voulait dormir... Mais le pourrait-il ? Si le choc n'était pas aussi puissant, peut-être aurait-il déjà tenté de fuir, ou... D'essayer d'en mettre une à Noah pour lui montrer que se laisser faire, ce n'était toujours pas son genre.

Stiles eut grand mal à suivre le mouvement qu'on lui imposa. On le relevait, c'était tout ce qu'il savait. On lui demandait s'il pouvait tenir debout. Techniquement, oui. Mais ses jambes tremblaient, alors l'hyperactif ne fut pas capable de ne serait-ce qu'essayer de marcher.

- Bordel... Entendit-il.

Stiles referma les yeux. Cessa de sentir le sol sous ses pieds. Se laissa complètement aller.

Lorsque ses paupières se relevèrent, il était dans une voiture, assis côté passager, la ceinture attachée. Il tourna légèrement la tête et aperçut le paysage flou, les rues qui s'enchaînaient. Les lumières, trop fortes. Les couleurs, trop vives et pourtant paradoxalement si fades. Il grimaça. Sa tête lui faisait mal... Il se réinstalla comme il était et referma les yeux. Perçut à nouveau la voix, et chaque mot lui parut étrangement intelligible.

- Tu trouveras le shérif chez lui, il devrait être encore sonné quand tu arriveras.

Petite pause. Stiles perçut quelque chose, une sorte de voix ressemblant à un grésillement tant il entendait mal la chose.

- Je ne t'ai pas appelé pour que tu me fasses une putain de leçon de morale, Parrish.

Un appel ? Stiles eut à peine assez d'énergie pour tourner la tête vers Jackson. Oui, il savait que c'était lui car il avait reconnu sa voix avant d'en avoir conscience. Malgré sa vue trouble, il l'observa. Nota le fait qu'il tenait son téléphone scotché à son oreille avec sa main, tenant le volant avec l'autre. Il roulait vite. Et Stiles se fit une réflexion stupide.

- Le téléphone au volant c'est pas bien.

Sa voix était faible, elle portait peu, d'autant plus que l'hyperactif avait lâché ça sans réellement s'en rendre compte. En cet instant, il n'avait pas de filtre. En fait, il n'était pas réellement là. Ne ressentait rien, à part quelques tiraillements ici et là. C'était comme lorsqu'il était chez Lydia et que l'apathie dictait ses mouvements. Il ne sentait plus le choc, n'imaginait même pas qu'il puisse encore être dans cet état-là. De son côté, Jackson lui jeta un bref coup d'œil, les sourcils froncés. Pour autant, il ne lui répondit pas et se concentra sur son interlocuteur.

- Je préférais t'informer avant. Tu ne peux pas imaginer ce que ton supérieur a pu faire ou dire. (Légère pause) Stiles ? Il est avec moi. Je l'emmène en sécurité.

Stiles faillit rire jaune. Jackson ? En sécurité ? En cet instant, il avait oublié beaucoup de choses, notamment cette espèce de bienveillance un peu brutale dans sa démonstration, ainsi que la manière dont il s'était « inquiété » pour lui ces derniers jours. Jackson savait tout depuis le départ et il n'avait cessé d'essayer de savoir, de le prévenir. De l'alerter par rapport à son propre père. Oui mais voilà, Stiles ne pensait pas correctement et une partie de ses souvenirs se voyait momentanément reléguée aux oubliettes. Parce qu'il était complètement perdu. Parce qu'il ne savait pas à quoi il était censé penser. Parce qu'il était loin d'être lucide.

Et qu'il avait envie de pleurer, sans trop réussir à dire pourquoi. La raison, il l'avait sous le nez. Son corps lui faisait mal. Sa joue. Sa tête. Son bras maltraité. Tout était là pour lui rappeler la raison pour laquelle il se sentait détruit sans pour autant qu'il n'arrive à faire le lien. Dans son état, il n'était plus capable de rien et n'arrivait même pas à ressentir quoi que ce soit de viable. Tout n'était qu'un fatras sans nom et sans logique.

Alors il ne pleurait pas. Mais il n'arrivait pas non plus à se sentir soulagé que Jackson ait été là. Qu'il l'ait sorti de cet enfer qui n'en était qu'à ses prémices.

En fait, il ne savait même pas ce qu'il ressentait vraiment. Ni comment contrôler le chaos dans sa tête. C'était tel qu'il n'eut pas la présence d'esprit de se demander où Jackson l'emmenait et qu'est-ce qui, selon lui, était un endroit sécuritaire.

Sans même s'en rendre compte, Stiles glissa à nouveau dans une demi-conscience si vide qu'il n'était pas certain de vouloir quitter. Peut-être parce qu'il avait besoin d'un temps mort.

Peut-être parce qu'il n'avait pas la force de réaliser ce qu'il avait vécu, ni ce à quoi il avait échappé.

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