Chapitre 15


Stiles avait finalement passé la nuit chez Lydia, parce qu'on le lui avait imposé. L'avis de Jackson n'avait pas beaucoup compté dans la balance, même s'il avait été pour cette idée-là. C'était la banshee qui avait convaincu l'hyperactif, en lui promettant qu'il pourrait s'en aller s'il le voulait dès le lendemain. Stiles avait hoché la tête. Il avait le cœur lourd et pas la moindre intention de poser de problèmes à qui que ce soit – ce qu'il n'avait pas dit. Il avait justifié sa décision de s'en aller au plus tôt par le fait qu'il ne comptait pas s'imposer, que ce soit chez Lydia ou autre part. Il avait notamment articulé un argument de taille : s'il devait tout de même finir par loger hors de la maison familiale, il lui faudrait des affaires. Des choses qu'il pourrait récupérer. Même si Lydia avait créé un mensonge le concernant – en disant à sa place qu'il passerait deux ou trois jours chez elle –, Noah finirait de toute façon par ne plus y croire s'il n'y mettait pas les formes. Stiles, en plus de faire un sac, avait également l'intention de parler à son paternel. Dans un sens, il continuait de croire qu'il pourrait lui faire changer d'avis ou du moins... Remonter dans son estime en lui promettant de ne jamais étaler ses préférences – qu'il ne pouvait nier. Il avait longtemps essayé, sans jamais réussir. Parce qu'une orientation sexuelle, ça ne se changeait pas, tout comme ça ne se choisissait pas.

Ainsi, il s'éveilla tôt dans la matinée et eut la surprise de se sentir un peu plus en forme que la veille. Toutefois, cette forme d'apathie dans laquelle il était tombé ne le quittait pas. Dans un sens, elle le protégeait. Grâce à elle, Stiles ne ressentait pas les choses avec autant de violence qu'il ne le devrait. Il était un peu ailleurs, restait un être sensible sans se laisser complètement happer par ses émotions, gardant ainsi un contrôle minimal sur sa personne. C'était une méthode des plus précaires, mais pour l'instant, ça fonctionnait.

Il retrouva rapidement Jackson et Lydia qui déjeunaient déjà dans la cuisine. S'il s'était écouté, Stiles serait déjà parti. Néanmoins, s'il allait un peu mieux que la veille, il savait qu'il n'aurait pas l'énergie nécessaire pour faire toute la route jusqu'à chez lui à pied. Il avait donc besoin que l'un des deux êtres surnaturels face à lui le ramène. D'ailleurs, pourquoi Jackson était-il encore là ? Stiles choisit de ne pas se poser davantage de questions à son sujet. Jackson... Il ne l'avait jamais vraiment compris et ne savait que rarement sur quel pied danser avec lui tant son attitude à son égard pouvait varier en un rien de temps. Parfois, Jackson lui donnait l'impression de le détester. D'autres fois, on pourrait presque dire qu'ils étaient amis. Presque. Jackson n'irait pas le laisser crever la bouche ouverte, mais... Il y avait des fois où il ne l'aidait pas non plus.

Il fallait avouer que cette fois-ci était une première et si Stiles s'était un peu relâché le concernant lorsqu'il avait failli tomber dans le couloir, la veille, il érigea de nouvelles barrières mentales, histoire de ne pas ressentir les choses outre mesure. Jackson lui faisait un peu penser à Drago Malefoy : un jeune homme cherchant des noises à son ennemi de toujours. Sans aucun fond de méchanceté – ou peut-être pas vraiment –, mais avec l'intérêt de simplement susciter son attention. Et ça, Stiles n'en voulait plus. Ou en tout cas plus pour l'instant. Il lui fallait du calme, du silence. Plus de piques acerbes, de tentatives brutes pour lui ouvrir les yeux sur quelque sujet que ce soit. Ainsi, après que Lydia l'eut obligé à petit-déjeuner quelque chose, Stiles lui demanda de le ramener.

C'est ainsi qu'il se retrouva dans une voiture, quelques dizaines de minutes plus tard. Avec Jackson comme conducteur. Evidemment. Stiles ne se souvenait plus de la manière dont ils en étaient arrivés là. A vrai dire, il n'avait pas vraiment écouté Lydia et Jackson lorsqu'ils avaient discuté entre eux. Il le pouvait, parce que les deux bougres ne s'étaient pas isolés, mais... Son esprit s'était égaré, une fois de plus. La dissipation était monnaie courante pour lui, en ce moment. Avec toutes les pensées et interrogations qui lui traversaient l'esprit, Stiles avait bien du mal à se concentrer sur des éléments concrets. Sur la réalité qui s'étalait sous ses yeux.

Une réalité qui tanguait, pour lui.

En fait, Stiles aimait son père à un point tel qu'il n'arrivait pas à se figurer l'idée que leur relation familiale soit ainsi. Qu'elle ait ainsi dérapé. Qu'elle semble réellement détruite. Et il restait bloqué sur cette idée, bloqué dans tous les sens du terme. Parce qu'il avait encore l'image d'un Noah adorable, ouvert sur tout un tas de sujet et très tolérant envers les gens qu'il connaissait. Puis... Comment le shérif pouvait-il accepter que l'entourage de son fils soit de nature surnaturelle et à côté, refuser l'orientation sexuelle de son fils ? Une simple orientation ? C'était ça qui coinçait, ça qui l'empêchait d'avancer, que ce soit dans sa réflexion ou dans sa vie. C'était ça qui le bloquait, qui le rendait apathique, mou.

Alors non, Stiles ne fut pas d'une très bonne compagnie – avec Jackson, il ne l'aurait de toute façon jamais été. Mais dans cet état, c'était pire que tout. Parce que le kanima percevait avec netteté chaque émotion qui composait actuellement avec la fragrance naturelle de son odeur.

C'était si noir, si nuageux que Jackson se retrouvait très surpris malgré lui de voir que Stiles ne décrochait pas un mot. Il ne lâchait pas une plainte, pas une question, rien. Son regard resta fixé sur un point dans le vide jusqu'à ce que la voiture s'arrête devant la maison des Stilinski. A ce moment-là seulement, Stiles sembla reprendre vie. Un peu. Assez pour bouger la tête, scruter les alentours, détacher mollement sa ceinture, ouvrir la portière. Il y eut un instant de flottement, et puis Stiles se tourna vers Jackson. Ouvrit la bouche. La referma d'un air perdu, avant de finalement laisser un fébrile « merci » passer la barrière de ses lèvres. Il sortit ainsi de la voiture sans un regard en arrière, sans remarquer que Jackson avait éteint le moteur au lieu de s'en aller tout de suite après l'avoir déposé. Stiles n'y faisait pas attention, de toute façon. Elle était ailleurs, encore une fois.

Par chance, l'hyperactif avait toujours ses clés sur lui. Son père était là – il avait aperçu sa voiture, garée un peu plus loin -, mais le jeune homme préférait ne pas le déranger et rentrer par ses propres moyens. Pour que Noah soit à la maison aussi tôt dans la journée... C'est qu'il avait dû prendre un jour de repos. Ou peut-être sa matinée. Dans les deux cas, cela signifiait qu'il désirait être tranquille. Stiles devait donc se montrer prudent pour lui parler et tenter de gagner quelques points. De comprendre, aussi. Oui, il avait véritablement de comprendre. Le fait qu'il ait une préférence amoureuse pour la gent masculine... Était-ce réellement le problème ? Noah avait déjà eu affaire à de jeunes – ou moins jeunes – hommes gay, que ce soit dans son travail ou dans la vie de tous les jours et Stiles l'avait toujours vu les traiter avec le même respect qu'il accordait à tout le monde. Alors pourquoi avec lui, son fils, ça serait différent ? Une légère flamme se ralluma dans le cœur de Stiles. Elle était fébrile, mais sa présence suffit à lui donner la dose de courage nécessaire pour pénétrer à l'intérieur de la maison. Un peu craintif malgré tout, Stiles retint un soupir et avança dans le silence ambiant.

Le jeune homme trouva son père dans le salon. Il était assis sur le fauteuil en simili cuir à côté du canapé et lisait le journal. Stiles se stoppa à l'entrée dans le salon et d'un coup, son apathie le quitta. Là, les choses étaient différentes. Il ne se trouvait plus chez Lydia, en sa compagnie et celle de Jackson. Il était de retour à la maison et se trouvait à quelques mètres de son père. Père qui l'avait sans doute entendu arriver, mais qui ne daigna pas lever les yeux de son journal. Stiles essaya de se dire que ce n'était qu'un hasard et que Noah... Était très concentré sur sa lecture. Oui, c'était sans doute ça. Alors, il chercha à s'avancer, ne serait-ce que pour entrer dans son champ de vision.

Il n'eut le temps de faire qu'un pas.

- Ne t'approche pas davantage.

Stiles se raidit et se figea malgré lui.

Noah garda les yeux rivés sur son journal et ne lui accorda pas l'ombre d'un regard. Mais ses lèvres bougèrent.

- Va dans ta chambre.

L'ordre claqua et Stiles eut l'impression d'avoir été giflé. Or, Noah ne bougea pas de son fauteuil et ses mains continuaient de tenir le papier à distance raisonnable de ses yeux. Mais, puisque Stiles ne bougeait pas, le shérif rouvrit la bouche et lui intima gentiment de monter dans sa chambre. La manière dont il prononça ce dernier mot fit frissonner l'hyperactif qui, désireux de gagner des points, finit par s'exécuter rapidement et sans un mot. Dans les escaliers, il s'appliqua à monter en faisant grincer les marches le moins possible. Son père semblait réellement concentré dans sa lecture alors... Il aimerait sincèrement éviter de le déranger. C'est alors qu'il arriva à l'étage et ouvrit la porte de sa chambre.

Le spectacle qui s'étala sous ses yeux le laissa sans voix.

Sa chambre était méconnaissable. Vide. Atrocement vide. Ne restait qu'un matelas posé à même le sol, un oreiller sans taie, une couverture grossièrement pliée. Et des sacs poubelle, rassemblés dans un coin. Le cœur au bord des lèvres, Stiles fut incapable de réagir durant de longues secondes tant la chose lui paraissait... Incompréhensible. Elle manquait totalement de sens. Qu'est-ce que c'était que ce bordel ? Le jeune homme finit par sortir de sa torpeur et s'approcha, fébrile, du tas de sacs poubelles. Il en ouvrit un. Y trouva des vêtements à lui, des vêtements mouillés. Plusieurs. Beaucoup, en fait. Ses affaires étaient rassemblées là et dégageaient une odeur qu'il ne connaissait que trop bien mais qu'il avait mis du temps à sentir.

De l'alcool.

Figé par l'horreur et l'incompréhension, Stiles resta là un moment, les yeux écarquillés. Incapable de dire un mot. Incapable de bouger alors qu'il entendait les marches grincer, puis les pas avancer lentement sur le parquet. Dans ses mains, il tenait encore un sweat. Un sweat bordeaux d'une incroyable qualité, que la meute s'était cotisée pour lui offrir pour son anniversaire l'année passée.

Les pas se rapprochèrent, se stoppèrent à l'entrée de sa chambre. Stiles se mit à trembler. Il ne pouvait pas croire ce qu'il voyait. Il était incapable de se dire que c'était réel.

- J'ai changé d'avis, entendit-il derrière lui. Le centre que je t'ai trouvé a un coût. Je n'ai pas envie de mettre autant d'argent quelque chose que je pourrais faire moi-même.

Le frisson qui traversa Stiles fut violent et ses mains tremblantes laissèrent le sweat tomber sur la moquette. Ce n'était pas possible. Ces sacs poubelle, ces mots, ce vide... Rien de tout ça ne pouvait être réel. Impossible. Il était incapable d'y croire. Il pouvait regagner des points, remonter dans l'estime de son père et régler cette histoire... Oui, mais...

... Il ne pouvait pas changer, tout simplement parce que Stiles ne pouvait contrôler pour qui allait son attirance. C'était tombé sur des garçons et il ne pouvait rien y faire. En quoi était-ce mal ? En quoi ses préférences justifiaient-elles ce traitement qu'il voyait déjà se profiler ? A cet instant précis, les paroles de Jackson lui revinrent en tête et Stiles sut qu'il avait eu raison. Noah l'avait empoisonné. Affaibli. Il lui avait fait du mal.

Un bruit de boucle métallique parvint vaguement à ses oreilles.

La colère monta d'un coup. Stiles se leva, se retourna. Croisa le regard polaire de son père.

- Je ne peux pas changer ! S'exclama-t-il, un éclair de détermination éphémère brûlant dans ses yeux.

Noah jeta un œil à sa ceinture en cuir, qu'il tenait dans sa main d'une bien étrange manière.

- Ce n'est pas mal ! Renchérit l'hyperactif avec une hargne nouvelle.

Une hargne faible, mais qui lui permettait au moins de ne pas s'effondrer. Et pour l'instant, il avait besoin de ça pour se tenir ainsi face à son père, pour lui montrer qu'il avait tort. Que ses préférences ne changeaient rien. C'était maintenant ou jamais.

Sauf que Noah soupira et secoua la tête avant de relever son regard glacial sur lui.

- Il est temps que je refasse ton éducation, fils.

Stiles répéta que ça ne changeait rien, que ce qu'il était... Ce n'était pas mauvais et qu'il pourrait le cacher s'il le voulait. Il donna tout. Oui, tout ce qu'il avait. Parce que c'était maintenant qu'il devait parler, lui montrer que... Ce n'était rien. Il était toujours le même.

Noah le regarda avec un air de prédateur et choisit de le couper en plein discours. Il en avait assez vu et les quelques mots de Stiles avaient suffi à le conforter dans sa décision.

Il fallait le mater.

C'est donc sans aucune hésitation qu'il agit.

Stiles s'écroula au sol dans une plainte sourde sous la violence de la morsure brûlante qu'occasionna la ceinture sur son visage.

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