Chapitre 10
Stiles se sentait fiévreux et pour couronner le tout, il avait un mal de tête affreux et sa faiblesse le clouait au lit. Lit dans lequel il n'avait même pas conscience d'être, enfin pas vraiment. Disons simplement qu'il reprenait doucement connaissance et que son corps se rappelait lentement à lui et malheureusement pas de la meilleure des manières. Il se sentit grimacer : vraiment, il avait connu mieux comme réveil. Là, c'était comme s'il sortait d'un état d'inconscience bienheureuse et qu'il replongeait dans la dure réalité de la vie – ce qui était, en soi, le cas. Stiles voulut bouger, se lever parce que des choses à faire, il en avait, mais tout ce qu'il réussit à faire fut de se tourner sur le côté. Son cerveau encore embrumé, il n'avait pas accès à ses souvenirs les plus récents, mais cela viendrait lorsqu'il serait un peu plus conscient.
Les minutes qui s'écoulèrent lui parurent si lentes qu'il crut qu'il s'agissait en réalité d'heures. Il ressentait la même chose que quand il dormait et se réveillait, restant dans un état de semi-conscience sans arriver à en sortir : la sensation du temps qui passait lui semblait complètement déformée et comme remise à zéro. Il ouvrit la bouche, péniblement, articula quelque chose, juste pour essayer de se tester, de se sentir, de s'entendre. Sa bouche était pâteuse, prononcer un pauvre « 'tain de merde » s'avéra être une épreuve, d'autant plus qu'il perçut à peine ses propres mots. Si l'on ajoutait à cela le fait qu'il avait froid et se sentait plus que faiblard... Quel réveil de merde, songea-t-il plus ou moins clairement.
Néanmoins, son corps réagir étonnamment bien lorsqu'une source de fraîcheur entra en contact avec son front luisant de sueur : il sursauta de tout son être et sentit son souffle se couper l'espace d'un instant, si long et si court à la fois. Son cœur se mit à battre la chamade, ses muscles se tendirent et l'hyperactif trouva d'un coup l'énergie d'entrouvrir les yeux... Mais l'aveuglante lumière pourtant fade d'une vieille lampe de chevet le força à les fermer à nouveau. Sur son front, le froid restait et peu à peu, Stiles eut l'impression que l'origine de cette fraîcheur était... Mouillée, ou en tout cas particulièrement humide.
- Tout va bien Stiles, calme-toi...
La voix féminine, si elle lui parvint plutôt clairement, ne le fit pas tout de suite réagir. En fait, Stiles mit un peu de temps à faire le lien, puis le tri dans sa tête, ses souvenirs embrumés. Après un long travail de recherche intérieur, Stiles finit par relier la voix à sa douce amie, la belle Lydia Martin. Un ancien fantasme transformé en une réelle amitié, l'une des meilleures qu'il avait. Stiles fit des efforts, força et finit enfin par réussir à ouvrir les yeux et les maintenir ainsi. Enfin, ils se résumaient à deux fentes desquelles on voyait à peine la couleur ambrée, mais c'était déjà ça. La banshee était penchée sur lui, une moue inquiète déformant son visage à la beauté immortelle. Stiles réussit à faire ralentir son rythme cardiaque et réduire le stress qu'il ressentait à son minimum. Il était avec Lydia, quelqu'un de confiance, tout allait bien.
Enfin non, rien n'allait. Stiles pouvait compter sur les doigts d'une main les fois où il s'était senti aussi mal en point. Comment décrire sa faiblesse ? Il n'y avait pas de mots adéquats, en tout cas, aucun qu'il serait capable de sortir dans son état qu'il jugeait lamentable. Lydia eut de son côté la délicatesse de ne pas l'inonder de questions. Elle parla lentement, avec une patience énorme, et lui demanda simplement s'il allait bien. Elle testa doucement ses capacités, chercha à le faire parler, mais pas trop. En fait, sa simple voix le rassura et tut le nombre incalculable d'interrogations qui commençaient à se bousculer dans sa tête. Si Stiles resta conscient malgré cette fatigue lancinante qui le tiraillait de part en part, il ne fut toutefois pas très réactif et ne fit pas beaucoup d'efforts. Il en était incapable. La seule chose qu'il réussit à faire fut de dire à Lydia qu'il avait froid, ce à quoi elle répondit qu'elle ne pouvait pas faire grand-chose : il était déjà couvert et elle n'avait pas d'autre couverture à disposition que celle qu'elle lui avait étalé dessus. Stiles n'insista pas malgré cette fraîcheur désagréable qui le tiraillait de part en part.
- Où... Où j'suis ? Articula-t-il péniblement.
Parler était un effort considérable en lui-même et c'était pour cela qu'il n'ouvrait pas souvent la bouche. En fait, il ne tenta même pas de se souvenir de ce qui aurait pu l'amener à se retrouver dans cet état lamentable. C'était inutile : puisque Lydia était là, elle pourrait le renseigner sans aucun problème.
- Chez moi, répondit-elle de sa douce voix. Tu nous as fait peur, tu sais ?
Si Stiles avait été en forme, il aurait haussé les épaules. Mais il se contenta de lancer un regard fatigué à Lydia. Il ne posa pas la question, mais n'en eut pas besoin. En rassemblant ses cheveux en une queue de cheval simple, Lydia lui résuma la situation en quelques mots seulement :
- Tu t'es évanoui, quand on était au centre commercial.
Les informations mirent un peu de temps à monter puis à faire sens dans son cerveau, mais lorsque ce fut le cas, l'hyperactif fronça les sourcils, l'air perplexe. Ce n'était pas qu'il ne s'en souvenait pas, pas vraiment en tout cas... Disons qu'il était bien trop mal en point pour faire l'effort de chercher lesdits souvenirs dans sa mémoire assez embrumée. Son évanouissement avait dû être... Violent. Ou alors son état laissait peut-être plus à désirer qu'il ne l'avait cru de prime abord – et ce n'était déjà pas très reluisant. Dans tous les cas, ce n'était ni bon signe, ni agréable pour lui. Parce que, s'il s'était effectivement effondré lorsqu'il était avec ses amis, il avait dû attirer leur attention et... C'était quelque chose qu'il détestait au plus haut point. Lui, ce qu'il aimait, c'était faire ses affaires dans son coin et régler ses problèmes dans l'ombre, pas... Pas sombrer en leur présence. Déjà, il s'était retrouvé assez mal en point en présence de Jackson et... Une minute. Doucement, les choses firent leur chemin dans sa tête. Les images explosèrent en lui, mirent sous son nez une scène qu'il n'aurait jamais crue possible. L'hyperactif se vit, fugacement, à moitié enlacé par le kanima qui le soutenait avec patience, l'obligeait à s'assoir, rester avec lui le temps qu'il reprenne son souffle. Puis, il se rappela vaguement de sa fuite, leur pseudo dispute et... C'était tout. Le reste de ses souvenirs se refusa à apparaître.
- Jackson, articula-t-il péniblement.
Le prénom du kanima roulait étrangement sur sa langue et à nouveau, il le revit, prenant soin de lui lors de cette sortie maudite. Qu'est-ce qui lui était passé par la tête ? Pourquoi était-il resté ? Et après ? Que s'était-il passé ?
- Il est à la cuisine, il mange un bout, l'informa Lydia. Il n'a pas voulu partir, il s'inquiète pour toi.
Stiles fronça les sourcils et faillit faire entendre verbalement son désaccord. Jackson, s'inquiéter pour lui ? Jackson Whittemore ? On ne parlait pas du même Jackson, ce n'était pas possible. Celui qu'il connaissait le méprisait tout autant que lui, le méprisait. Il y avait erreur sur la personne.
- On peut dire qu'il a eu du flair, commenta Lydia en retirant le ligne mouillé qui était posé sur son front. Sans son sens de la déduction, je pense qu'on aurait pataugé pour savoir ce que tu as.
- C'que... J'ai ? Articula Stiles, incrédule.
- Oui, ce que tu as. Mais à partir de maintenant, tout va s'arranger. On va te sortir de là.
Loin d'être rassuré par ces paroles pourtant bienveillantes, l'hyperactif afficha une moue perplexe dont l'effet fut grandement amoindri à cause de cette faiblesse lancinante. Il arrivait à parler, garder les yeux ouverts, penser plus ou moins clairement, mais il avait déjà connu mieux. Face à lui, Lydia sourit faiblement. Elle semblait fatiguée, comme si elle s'était démenée à faire il ne savait quoi ou comme si... Elle s'était rongé les sangs. Probablement à son sujet. Stiles fronça les sourcils. Il n'avait rien, il s'était juste... Evanoui. Il manquait de sommeil, rien de bien méchant et son moral n'était pas au beau fixe. Il était également bien connu qu'un moral bas pouvait influer directement sur l'état du corps, y compris sa forme. C'était tout, il n'y avait rien à dire d'autre.
Alors pourquoi lui dire qu'on allait le sortir de... De quoi, en fait ? Il n'était pas en enfer, n'était pas une victime de harcèlement scolaire, n'était pas battu par son père, ne vivait rien de spécial et... Non, il n'y avait pas de quoi se plaindre. Il avait une vie plutôt classique, si l'on exceptait le côté un tantinet surnaturel qui saupoudrait son existence d'un grain de folie. Malgré le brouillard qui empêchait son esprit de fonctionner à sa vitesse habituelle, Stiles réussit à se dire que Lydia avait une longueur d'avance sur lui. A raison d'ailleurs. Le jeune homme se concentra un peu plus sur lui-même et balaya la chambre du regard. Ses paupières désiraient ardemment se fermer, mais il luttait. Il devait en apprendre plus.
Il reconnut l'une des chambres d'amis de la maison des Martin et tâta faiblement les draps propres et épais. Il était allongé dans le grand lit et nota le tissu humide que son ami venait de retirer de son front. Que s'était-il passé, bordel ? Esquisser le moindre mouvement lui demandait des efforts considérables, parler l'essoufflait rapidement – raison pour laquelle il mesurait ses mots et ne parlait que lorsqu'il le jugeait réellement nécessaire. Peut-être s'était-il retrouvé dans cette situation parce qu'il avait fait... Une sorte de burn out, sans doute. Il était vrai que l'histoire avec son père, liée à la découverte de son homosexualité, l'avait sacrément remué, quand il y pensait. Objectivement, Stiles pouvait reconnaître que tous les efforts qu'il faisait pour lui plaire et remonter dans son estime le fatiguaient. Ces derniers temps, il ne pensait qu'à ça et ne prenait plus vraiment de temps pour lui, d'autant plus qu'il cachait sa passion pour le tricot à tout le monde, de peur que l'on agisse de la même manière que son père.
Autant dire que Stiles n'avait pas besoin qu'on le regarde avec ce mépris caractéristique de cette haine pour la différence.
- De quoi tu parles... ? Articula-t-il péniblement.
Il avait beau remuer les informations qu'il avait dans tous les sens, c'était peu, trop peu pour qu'il puisse établir un lien correct. S'il avait été complètement objectif et en forme, peut-être aurait-il pu envisager l'inenvisageable. Mais pour cela, il aurait fallu également que l'hyperactif ne soit pas tant dans le déni. Et en même temps, qui imaginerait un père commettre une telle chose ? Sur son enfant, qui plus est ?
A ses côtés, la jeune femme eut l'air de réfléchir. Puis, la peine se peignit sur son visage tout autant qu'une certaine horreur :
- Tu n'as aucune idée de ce qui t'arrive, n'est-ce pas ?
Stiles secoua lentement la tête. Ce qu'il était fatigué... C'était tel qu'il ne se rendit pas tout de suite compte... Qu'il angoissait. Son épuisement l'empêchait de ressentir réellement la chose. Déjà que réfléchir était un tantinet compliqué, alors sentir et analyser ses propres émotions... Et tandis qu'il s'attendait à ce que Lydia éclaire sa lanterne sur la situation, elle fit l'exact inverse. Elle caressa sa joue de manière presque maternelle et lui dit d'une voix douce :
- On en reparlera plus tard, repose-toi...
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