Chapitre 52
Ils arrivèrent bien vite au port. Lorsque Marie remarqua l’arrêt du bâtiment une boule se forma dans son estomac. Elle ne voulait pas rentrer, surtout en sachant que la mort attendait l’équipage. Elle ne voulait encore moins y penser. Serrant plus ses bras autour de ses jambes, elle fermait les yeux tellement fort qu’elle en avait mal. Quel cauchemar. Elle trouvait ce sort triste.
Elle se demandait comment allait l’équipage ? Ils devaient sûrement s’attendre à ce qui arrivait. Était-ce sa faute ? Après tout, si elle ne s’était pas baladée sur le port, les forbans ne l’auraient pas capturé et Alexandre n’aurait pas eu à la sauver des griffes de cet horrible pirate qu’était Meyer. Une boule se forma plus encore dans son estomac. Elle avait envie d’hurler jusqu’à perdre la voix, de pleureur à s’en déshydrater le corps. Mais rien ne sorti.
Des gardes vinrent vers elle, ils ouvrirent la prison et la firent sortir de force. L’aidant à se lever, ils la traînaient presque vers le pont. Le soleil tapa agressivement sur ses paupières avant qu’elle ne puisse s’habituer. William avait déjà commencé à ouvrir la route, se dirigeant vers ses gardes qui descendaient du Red Edan. Il leur ordonna quelque chose que la jeune ne put entendre, ceux-ci leur donnèrent plusieurs papiers enroulés et le noble continua sa route tranquillement. Elle reconnu très vite la carte des milles richesses accompagnée de quelques croquis d’îles. Elle ne savait d’ailleurs pas pourquoi ils l’avaient prit. Après tout, cette carte ne répondait que lorsqu’une destination était demandée. Le reste du temps, elle était vide. Sans importance. Peut-être qu’il l'avait prit sans s’en rendre compte ?
Elle trainait des pieds. Marie avait espéré les revoir une dernière fois, elle partait devant alors qu’eux étaient encore dans l’Edan. Mais, elle savait aussi que cela aurait été la dernière. Un frisson parcouru son échine à cette pensée, toutefois elle se força de rester neutre. Il était hors de question qu’elle montre ses sentiments. Pourtant, elle tourna tout de même la tête vers le port qui s’éloignait peu à peu. Alexandre était légèrement visible, sa grande veste rouge le faisant ressortir parmi la ville terne. Ils étaient escortés vers les geôles en attendant leur sentence.
Les deux gardes la poussèrent de sorte à ce qu’elle reporte son attention face à elle. Après tout, elle les ralentissait en fixant derrière. Marie souffla en guise de râle et fit quelques mouvements de bras signalant qu’ils étaient plus que dérangeant. Les hommes n’en firent rien, continuant leur chemin vers la demeure de Gardner. Cette maison qui devenait de plus en plus grande. Cet endroit ne lui avait guère manqué.
Ils entrèrent dans la bâtisse. Fermant la porte derrière eux, ils laissèrent Marie dans le hall, se postant de chaque côté de la porte. Elle n’avait rien oublié que ce soit ces escaliers de bois noir, ces lustres fait d’or et même les quelques fenêtres qui laissaient le jour entrer. Mais elle ne se sentait plus chez elle. Elle n’aimait plus autant l’endroit. Elle voulait rentrer. Retourner sur le Red Edan. Le vent dans ses cheveux, le souffle d’air frais, l’odeur de l’océan, le ciel nuancé et cet horizon qu’elle n’oublierait probablement jamais. Son visage avait perdu toute sa splendeur, restant statique sur cette même émotion. Le vide. Car en cet instant, elle ne ressentait plus rien. Sa vie s’était écroulée. Son amour était perdu. Il ne lui restait qu’une coquille, bientôt vide.
William se tourna vers elle, le dos droit, la détaillant avec un regard empli de jugement.
- Vous avez été irresponsable, commença-t-il.
Il ne criait pas, elle avait presque l’impression qu’il s’était inquiété. Mais comment en être sûre ? Peut-être que cette lumière qu’elle avait aperçu était encore là ? Peut-être qu’elle avait une chance de sauver l’équipage de l’Edan ? De se sauver elle ?
- Folle, continua-t-il. N’avez-vous donc pas eu conscience du danger que vous encouriez ? Les pirates tuent leur prisonnier ! Ils les volent, ils les pillent et s’en débarrassent. Que vous est-il passé par la tête ?
Marie cligna des yeux plusieurs fois avant de se remettre. Elle avança de quelques pas afin de lui faire face. La tête haute, elle le fixait droit dans les yeux.
- J’ai compris ce que ressentent ces personnes…
- Forbans ! la coupa-t-il avec des sourcils froncés. Ce sont des hors la loi Marie-Louise, ne l’oubliez pas.
- Ils sont libres et se battent pour une juste cause ! les défendit-elle. William, j’ai découvert une nouvelle facette de l’océan. Je pensais que toutes ces histoires sur les pirates étaient vraies, mais c’est faux. En tout cas pas pour tous. Ils sont libres d’aller où bon leur semble ! Ils se battent pour vivre ! Tout, là-bas, me donne envie d’y retourner. Il n’y a pas de règle, pas de manières. Tout le monde est accepté peu importe leur passé. Je t’en prie, libère les, finit-elle.
Elle n’arrivait pas à décrypter ce qu’il pensait. Mais ses sourcils étaient froncés, il n’était visiblement pas d’accord avec ce qu’elle venait de dire. Alors qu’elle allait continuer son discours pour plaider leur cause, William la coupa d’un geste de main. Celle-ci était placée devant son visage, l’arrêtant net.
- Croyez-vous vraiment que je vais laisser ces hors la loi s’en tirer ? Les laisser libre, dehors ? Je les préfère de loin pendu au milieu de la place ! Leur tête est mise à prix, j’en tirerait un bon parti en récupérant la récompense.
Elle le regardait encore, des yeux ronds et surpris. Marie ne savait plus que penser de cela. Pourquoi ne prenait-il pas le temps de comprendre ? Pourquoi rapporter ces vies humaines à une simple récompense ? Elle avait mal au cœur de voir cela. En fin de compte, Alexandre avait vu juste. Sur tout. Il avait raison. Et elle le savait. William ne changerait pas d’avis. Elle le sentait. Ses membres tremblaient de rage. Alors c’était comme cela ? La vie de ces hommes lui importaient peu ? Tellement peu, qu’il les préférait même pendants au milieu d’une foule.
- Les vrais monstres, commença-t-elle en haussant la voix pour qu’il entende clairement ce qu’elle pensait. Ce ne sont pas eux, mais les gens comme toi William ! Tu ne penses qu’à ta petite tête ! Et à l’argent ! Pourquoi autant d’injustice ? Dis-moi !
Le noble se mit à sourire, une réaction dont elle ne s’attendait guère. Puis il approcha son visage près d’elle.
- Vous allez d’abord changer votre tenue mademoiselle Marie-Louise White. Ensuite, nous finirons ce que nous faisions avant votre départ.
Elle se perdait peu à peu dans sa colère. Ses yeux s’étaient obscurcis. Alors qu’il n’essayait guère de les comprendre, il voulait en plus de cela qu’elle se marie avec lui ? Qu’elle brise la liberté qu’elle avait ? Pour de bon ? C’était hors de question.
- Tu veux qu’on se marie ? Alors qu’eux seront pendu ?! Je refuse catégoriquement de passer le restant de mes jours avec un homme comme toi William Gardner ! Tu me dégoûtes jusqu’à la moelle, cracha-t-elle.
- Le mariage aura lieu, comme prévu.
- Alors je dis non.
Il s’énervait, mais il garda tout de même son calme.
- Vous êtes sous Ma responsabilité Marie-Louise, alors vous n’avez pas le choix.
- C’est là que vous vous trompez, je le serais une fois le mariage accompli. Pour l’instant, c’est mon père mon représentant.
- Sauf que vous vivez sous mon toit, dans ma maison, et que je suis votre fiancé. Votre père n’est pas là. Et c’est donc moi qui décide.
Marie s’avança vers lui pour lui cracher une énième phrase lorsque celui-ci lui coupa la parole avant même qu’elle n’ai commencé.
- Je vous somme d’aller vous changer et ce n’est pas discutable. Sur ce, je vous attendrais dans la salle à manger.
- Je n’ai pas faim, continua Marie alors qu’un garde s’approchait d’elle pour finir par lui tenir le bras.
- Soit, comme bon vous semblera.
William quitta donc le hall sans même daigner se retourner. Elle fut escortée dans sa chambre. Ils montèrent les marches, traversèrent le couloir et il ouvrit la porte pour la laisser entrer. Le garde ferma la chambre et resta devant à l’extérieur pour la surveiller.
Marie était au milieu de la pièce. Tout son corps tremblait d’une haine sans pareil. Sa vie s’était écroulée si vite. Elle ne voulait pas porter ces affreux corset, ni ces robes beaucoup trop lourdes.
Après quelques minutes à rester assise au sol sans un bruit, une femme de chambre la rejoignit.
- Monsieur Gardner m’a demandé de vous aider à vous changer, fit-elle en la regardant.
Les yeux qu’elle avait étaient doux et sans jugement. Mais même si Marie savait qu’elle n’avait rien fait, elle ne comptait pas accepter cette aide. Préférant pour le moment rester seule.
- Je n’ai besoin de personne, tu peux repartir.
La femme de chambre se redressa et, sans écouter ce que Marie avait dit, se dirigea vers la salle de bain où elle le prépara pour la jeune. Elle fit couler l’eau chaude, mit le savon et déposa une belle robe rouge. Une fois terminé, elle la retrouva avec un petit sourire.
- Un bain vous fera le plus grand bien.
- Ce n’est pas d’un bain dont j’ai besoin, rétorqua-t-elle peut-être un peu trop violemment qu’elle ne l’avait prévu.
- Peut-être bien, vous voulez surtout que monsieur Gardner vous écoute, n’est-ce pas ?
Marie leva la tête vers elle, plongeant son regard bleuté dans celui de la femme de chambre. Elle avait compris.
- Changez-vous et allez lui parler, il sera possiblement plus à même de vous écouter.
- Oui, ça pourrait fonctionner… murmura-t-elle. Merci… ?
- Appelez moi Sophie, sourit-elle en s’inclinant avec un grand sourire.
- Sophie, répondit Marie en allant vers la salle de bain.
Elle ôta ses vêtements, les posa sur le sol et entra dans l’eau chaude qui la fit frissonner. Cela faisait longtemps qu’elle n’en avait pas fait. Et malgré elle, il fallait s’avouer qu’elle appréciait ce moment. Même si elle préférait de loin les bras chauds d’Alexandre.
Alexandre… elle ne savait ce qu’il devenait. Très sûrement prisonnier dans les geôles attendant son sort. Ou bien entrain d’élaborer un plan pour s’échapper. Elle préférait la seconde option. Son visage lui manquait, sa voix aussi, sa chaleur, son odeur, ses yeux, sa peau… en fait, tout de lui devenait un manque chez elle. Marie ne voulait pas s’imaginer sans cet homme. Mais si elle n’arrivait pas à convaincre William de les libérer… Elle ne voulait pas y penser. Pourtant l’image de son pirate écarlate pendu face à une foule vint la hanter.
Elle regardait l’eau onduler doucement près de sa peau. Sa vision devint floue. Et après un clignement de sa part, deux petites gouttes salées s’écrasèrent dans le bain. Son corps tremblait, mais pas de froid. Elle avait si peur. Peur de devoir vivre avec la mort de tous ces hommes qu’elle chérissait tant. Peur de devoir se lever chaque jour en sachant que certains ne le feront plus. Cette sensation était affreuse. Elle la détestait. Marie détestait cette situation. Détestait le Snap Grail. Détestait les nobles. Détestait William. Et détestait ce bain.
Elle passa ses mains violemment sur son visage pour effacer toute trace de larme. Puis plongea sa tête dans l’eau chaude pour détruire ces pensées qui ne cessait de brouiller sa vue. Ces pensées qui ne cessaient de hurler dans sa tête. Elle avait l’impression qu’une foule était présente tant ces horribles images défilaient rapidement et en nombre. Elle n’en pouvait plus. Elle avait besoin de respirer. Elle avait besoin de cet air frais sur le visage. Du calme que lui offrait l’océan, de ce bel horizon, de l’odeur de la mer et de lui.
Marie remonta pourtant vite à la surface, en manque d’air, son visage lui brûlait. Il était hors de question qu’elle laisse William s’en sortir de la sorte. Les pirates vivront. Elle allait faire tout son possible pour revoir les voiles du Red Edan reprendre le large gonflées par le vent.
Alors la jeune femme sortit du bain, Sophie l’aida à enfiler sa robe rouge. Passant ses bras dans les manches de la petite tunique blanche, vint le tour de mettre le corset. Sophie le serra comme il le fallait. Mais tout le corps de Marie se sentie écraser et compressé. Elle détestait cette sensation. La femme de chambre l’aida par la suite à se coiffer. Quelque chose de simple, comme elle lui avait demandé. Un chignon derrière la tête dont quelques mèches qui tombaient devant ses oreilles. Sophie lui donna par la suite ses chaussures à talons inconfortable.
Elle était fin prête. Même si elle trouvait cet accoutrement désagréable, entre le corset qui lui coupait la respiration, les talons lui faisant mal aux pieds et cette robe insupportable. Elle quitta sa chambre replie d’énergie prête à en découdre avec William.
Descendant les marches de bois, elle rejoignit vite la salle à manger où le noble était assis face à son assiette. Il mangeait seul, sans un bruit.
- Je vois que vous vous êtes enfin changée. Cette robe est magnifique, ne trouvez-vous pas ?
La jeune femme encore debout ne répondit rien restant fixe face à lui.
- Je vous l’ai acheté lors de mon voyage d’affaire, vous plaît-elle ?
En réalité, la seule partie qu’elle aimait de cette robe était sa couleur. Le rouge. Comme Alexandre. Comme le Red Edan. Des souvenirs qui lui lacéraient le cœur.
Elle allait les sauver.
Elle s’en était dorénavant convaincue.
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