Chapitre 50
Marie ne cessait de regarder ces voiles blanches, bombées par le vent, qui se rapprochaient de plus en plus d’eux. Elle ne s’y connaissait pas encore assez pour savoir à qui il appartenait. La seule chose dont elle était sûre, c’est que l’équipage de ce navire était assez fou pour venir vers le Red Edan.
- Navire à tribord ! cria la vigie qui l’avait lui aussi remarqué.
Alexandre qui parlait à Rick tourna la tête au moment même où il avait entendu Moore. Il trouvait cela étrange de voir un bâtiment noble aussi près du triangle des Bermudes. Ces voiles blanches, aucun pavillon… il ne savait à qui appartenait ce rafiot à trois mâts, mais il était hors de question que celui-ci parte indemne. Il ne fallait pas trop s’approcher de son bâtiment, ou l’un des deux finirait au fond de l’océan.
Le capitaine savait déjà ce qu’il comptait faire de ce vieux rafiot blanc. Un petit sourire vint se former sur ses lèvres. Un autre abordage, que demander de plus ? Il croisa les bras tout en restant debout à fixer ce navire qui s’avançait vers eux.
- Ralentissez le bâtiment, ordonna-t-il. Après tout, nous devons les laisser nous rattraper.
- Carguez les voiles mathurins ! cria Rick aux hommes qui se mirent très vite au travail.
Marie s’était déplacée afin de s’approcher d’Alexandre. Après tout il était hors de question que cet abordage se fasse sans elle. Mais pour cela elle devait au moins le prévenir qu’il ne pourrait la retenir de faire ce qu’elle voulait. Avec le temps elle avait vite appris à se comporter comme un pirate, ou du moins à ne plus avoir peur de faire ce que bon lui semblait. Elle avait aidé à vaincre l’équipage fantôme. Même si sa technique en combat n’était pas encore parfaite, cet abordage pourrait être le meilleur entraînement qu’il soit. Il était donc hors de question que l’équipage s’amuse sans elle.
- Je viens aussi, fit-elle en se tournant vers l’horizon où le navire ennemi s’approchait de plus en plus.
- Tu viens ? demanda-t-il en la regardant interrogateur.
- Je participe à l’abordage capitaine ! répondît-elle en plantant son regard océan dans celui de l’homme.
- Oh, continua l’homme avec un regard amusé tout en posant une de ses mains sur le bastingage.
Il était légèrement en avant, plus près de Marie. Cette situation l’amusait.
- Mon joli cœur veut aller piller les riches nobles ?
- N’était-ce pas le plus amusant ? joua-t-elle à son tour en s’approchant plus de lui.
- Bien sûr que si, après tout, ils n’ont pas besoin de tout cet or.
- Et nous oui ?
- Évidemment, qui paillera notre rhum lorsque nous auront gagné ?
Ils se cherchaient l’un l’autre, mais différemment de leur première rencontre. Aucun des deux ne fusillait l’autre du regard, aucun des deux ne lui lançait de pics lacérants dans leur parole.
Alors qu’ils étaient encore entrain de se noyer dans leurs yeux, le navire noble s’approchait de plus en plus. L’Edan avait ralenti sa course laissant la possibilité de se faire rattraper par quiconque voudrait le faire. Mais qui était assez fou pour venir perturber le trajet du navire aux voiles rouges ? Tout l’équipage avait hâte de voir ce noble suicidaire. Comme le dernier abordage, chaque matelot avait cette petite boule d’impatience qui grandissait en eux. C’est ce qu’ils préféraient par dessus tout : piller les navires. Ils étaient totalement dans leur élément.
Sans même attendre les ordres du capitaine, chaque mathurin avait déjà prit leur arme et s’était préparé à aborder ce navire. Celui-ci s’approchait toujours, à basse allure certes, mais il devenait de plus en plus grand presque plus que le Red Edan. D’ici, ils pouvaient déjà apercevoir le nombre d’homme dans l’équipage adverse qui s’attelait au travail.
Le navire aux voiles blanches commença à se tourner de sorte à ce qu’ils soient tout deux côté à côté. Alexandre trouvait d’ailleurs cette manœuvre étrange de la part d’un noble mais il passa outre de cette réflexion, préférant se concentrer sur son but principal. Marie descendit les marches, la menant sur le pont principal où elle regardait leur cible s’arrêter doucement.
Le capitaine écarlate allait lever la main pour autoriser ses hommes à attaquer. Ce navire devait renfermer quelques trésors brillants et intéressants aux yeux des pirates.
Les pupilles de la jeune pirate fixaient l’équipage et furent vite attirés par une tenue colorée sortant de la cabine principale. Un veston violet clair et une chemise blanche dessous, accompagné d’un pantalon gris perle ce qui le fit ressortir en comparaison à l’équipage qui était bien plus coloré. Pourtant, ce n’était pas ce qui avait réellement attiré son attention. L’homme présent sur le pont possédait une petite queue de cheval basse. Ses cheveux brun étaient victimes du soleil et reflétaient une belle couleur rousse. Lorsque l’homme se tourna vers le Red Edan une boule au ventre se forma en elle.
Ce poids qui avait disparue depuis quelques temps venait de lui retomber sur les épaules. Tout les problèmes qu’elle avait fuit, tout ce qu’elle détestait dorénavant chez elle venait de refaire surface. Elle venait de se prendre la réalité en pleine figure, un fouet invisible qui frappa son cœur douloureusement.
Elle ne savait comment réagir. Devaient-ils continuer leur abordage ? Marie ne s’était pas laissée le temps de réfléchir à cela qu’elle était déjà entrain de courir vers Alexandre pour le stopper dans son geste.
- Arrête je t’en prie ! cria-t-elle ce qui fut un grand succès car l’homme la regarda surpris.
- Joli cœur ?
Il ne savait pourquoi elle avait l’air aussi déboussolé ni pourquoi elle réagissait de la sorte. Mais l’inquiétude vint vite marquer les traits du pirate. Il s’approcha d’elle cherchant la raison de tout cela.
La jeune ne savait pas si ce qu’elle avait vu était réel ou non. Elle ne savait pas si c’était lui ou pas. Peut-être était-ce une personne qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau ? C’est en tout cas ce qu’elle espérait. Car elle ne voulait guère le revoir. Elle avait peur. Peur de retrouver cette vie d’avant. Peur de quitter pour de bon le Red Edan et son équipage. Mais son instinct de noble avait reprit le dessus. Elle ne voulait pas lui faire de mal.
Durant le peu de temps qu’elle avait passé avec lui, elle avait vu quelqu’un de bien. Même si Alexandre avait eu raison sur un point, Marie ne le connaissait pas vraiment, elle voulait tout de même lui faire confiance. Prouver que les nobles n’étaient pas tous odieux comme le capitaine se l’était tant convaincu.
Alors qu’elle avait retourné la tête vers cet homme, ses yeux lui faisaient encore défaut. Il était là. Elle ne savait dire si c’était la vérité ou non, si ce qu’elle voyait été réel ou encore une épreuve du triangle.
- Que se passe-t-il joli cœur ? répéta pour la énième fois Alexandre qui tentait de se faire entendre par celle-ci.
- C’est lui… murmura Marie qui ne cessait de regarder ce navire aux voiles blanches.
- Lui ? fit-il en se redressant pour essayer de comprendre ce trouble étrange.
Alexandre était perdu. Il fixait chaque marin d’eau douce de l’équipage adverse sans comprendre réellement qui il cherchait. Puis ses yeux tombèrent sur le jeune homme au veston violet. Étrangement il était sûr que c’était de lui dont elle parlait. Il le détailla en seulement quelques secondes. Corps plutôt fin, aucun de ses muscles n’étaient trop visibles, visage sérieux, tenue à la hauteur, cheveux bien coiffés… Le visage du capitaine pirate resta de marbre face au noble. Il avait comprit pourquoi son joli cœur était aussi chamboulé à la vue de ce noble. C’était donc lui. Lui dont elle était la fiancé.
Les deux navires s’arrêtèrent l’un à côté de l’autre. L’équipage noble était armé et n’attendait plus que les ordres de leur supérieur. L’homme au veston violet s’était avancé vers le bastingage à bâbord du navire, de sorte à voir qui était présent sur le bâtiment pirate. Le Red Edan paraissait moins organisé mais cela ne l’empêchait pas d’être prêt à se battre jusqu’à la mort.
Alexandre déplaça ses yeux vers la coque du bateau aux voiles blanches, de sorte à voir les gravures qui lui signalerait au moins le nom du bâtiment.
- Le Snap Grail ? murmura-t-il en cherchant à savoir si quelqu’un lui en avait déjà parlé.
Alors qu’il se penchait sur ses pensés afin de savoir exactement quelle était la réputation de ce rafiot blanc, Marie avait fait quelques pas en arrière mais fixait encore cet homme dont elle aurait préféré oublier l’existence.
- Un bâtiment qui ne prend pas souvent l’eau, me trompe-je ? continua Alexandre assez fort afin que le noble puisse l’entendre.
Le capitaine écarlate descendit les marches pour se retrouver face à face avec l’homme au veston violet. Il croisa les bras et laissa apparaître un léger rictus.
- Je ne cherche pas à me battre, commença le violet en ordonnant d’un mouvement de main à ses hommes à baisser les armes.
L’équipage du noble baissèrent donc les fusils mais ne bougèrent pas pour autant.
- Je veux juste récupérer ce qui est à moi. Je m’en irais par la suite sans faire d’histoire.
Marie écoutait attentivement tout ce qu’ils se disaient. Il parlait d’elle ? Elle avait surtout l’impression qu’il cherchait un objet… Elle prit une grande inspiration. En tout cas, elle ne comptait pas fuir toute sa vie, il lui fallait l’affronter. La jeune femme descendit donc à son tour de la barre pour rejoindre le pont principal et se placer aux côtés d’Alexandre. Le noble aux veston violet fut d’autant plus surpris de la voir, des yeux écarquillés décoraient son visage.
- William, fit-elle comme une salutation.
- Marie-Louise, avait-il répondit vite remis de cette surprise.
Les yeux du noble se baissèrent, scrutant chaque partie du corps de la jeune, il y avait aussi visiblement beaucoup de critique dans son regard. Puis il le reporta sur le visage de celle-ci, un sourcil levé.
- Quel est donc cet accoutrement ? demanda-t-il. Il était temps que je vous retrouve à ce que je vois. Vous êtes habillée comme une gueuse ma chère.
- Comment oses-tu dire cela ? répliqua-t-elle en empêchant Alexandre de faire le pas qu’il comptait faire.
Le capitaine écarlate ne faisait que regarder ce noble dont elle avait été promise. Ces mots qu’il osait prononcer étaient digne du piètre homme qu’il était. Mais il était pourtant fière que son joli cœur ne se laisse pas faire. Il ne disait donc rien, la laissant agir d'elle même. Pourtant, il cachait bien cette haine qui grandissait en lui.
Elle se redressa, fixant William droit dans les yeux. Il était hors de question qu’elle se laisse faire. Ces mois qu’elle avait passé parmi le Red Edan n’avait pas servi à rien. Elle ne laisserait plus un petit noble lui marcher dessus. Même si elle espérait encore qu’il soit digne de confiance. Que l’homme qu’elle avait vu la première fois soit encore là.
- Que cherches-tu exactement William ? continua-t-elle.
Le noble n’aimait pas cette façon dont elle avait de parler. Il détestait tout ce qu’il la composait. Que ce soit ses vêtements, sa façon de parler, de se tenir... Même son regard avait changé, elle avait bien plus confiance en elle, plus d’entrain, de courage que lors de leur rencontre. Et rien de tout cela n’était bon elle. Car elle était une noble.
Il grimaça légèrement avant de se racler la gorge et reprendre son sang froid.
- Je cherche à récupérer ma fiancé.
- Alors tu peux repartir. Je reste avec l’Edan et son équipage. Retourne au port sans faire d’histoire je t’en prie.
Il se mit à rire. Un rire qui sonnait affreusement mal dans les oreilles de la jeune femme.
La facette de lui qu’elle voyait n’était pas la même que ce qu’elle connaissait. Peut-être était-ce à cause de la présence de pirate ? Ou alors s’était-il vraiment inquiété de son absence ? Elle ne savait dire ce qu’il pensait réellement, mais une chose était sûre, elle ne comptait pas revenir au port. Elle voulait sentir le vent dans ses cheveux chaque jour. Sentir l’air marin lui chatouiller les narines, le claquement des vagues sur la coque du bâtiment, le mouvement de l’océan qui faisait danser le navire… il y avait tellement de détail dont elle s’était attachée durant ces jours passés en mer. Elle aimait trop l’océan pour le quitter. Elle aimait trop le Red Edan et ses belles voiles rouges qui se mélangeaient aux nuages. Le capitaine et l’équipage était devenu sa deuxième famille.
Elle avait réussi à se découvrir. Elle ne comptait pas tout lâcher maintenant.
William la regardait d’un air mauvais, ses yeux toujours ballants entre ses vêtements et son visage.
- Je n’ai pas passé ces quelques semaines à bord de ce navire pour repartir sans ce que je suis venu chercher. Alors vous allez gentiment monter sur ce bateau, s’il vous plaît.
- Je ne reviendrais pas William, argua-t-elle sans bouger.
L’homme en avait plus que marre de la voir se débattre de la sorte. Une noble se devait d’écouter son mari, même s’ils n’étaient pas encore mariés, elle était sous sa responsabilité. Son sourire disparu bien vite, laissant entrevoir un visage sombre et froid.
- Allez la chercher, ordonna-t-il à ses matelots sans faire le moindre mouvement.
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