Chapitre 47
Marie plaça ses pieds sur le tonneau et posa ses bras dessus de façon à y appuyer sa tête tel un cousin de chaire et de peau. Elle fixait encore le groupe plein de joie et de bonne humeur. Un petit sourire vint malgré elle se dessiner sur ses lèvres en les voyant de la sorte. Elle était heureuse. Cette vie lui plaisait. Plus que tout. Sans règle. Sans personne qui lui dictait quoi faire. Elle était libre. Et l’Edan était devenu sa liberté. Elle aimait cet équipage dont elle faisait partie. Mais plus encore, celui qui en était à la tête.
Alexandre qui était dans le groupe tourna la tête vers elle, ses yeux attirés par la jeune femme en boule sur un tonneau de bois. Alors, il quitta les marins doucement pour venir la rejoindre d’un pas doux. Le regard bleuté de son joli cœur s’était mis à le suivre. Puis il se plaça près d’elle, venant s’appuyer sur le baril.
- Vous avez réussi capitaine, fit-elle en reposant son regard sur le groupe d’homme.
Il fit donc de même, fixant ses pirates plus heureux que jamais. Il ne se souvenait pas de les avoir déjà vu comme ça, ce qui lui fit d’autant plaisir.
- Oui, tu as raison joli cœur, nous avons gagné.
- Quel est le prochain cap ? continua-t-elle en tournant la tête vers lui afin de plonger son regard dans celui qu’elle aimait.
- Hmmm… réfléchit-il sans pour autant donner de réponse.
Un sourire s’incrusta sur ses lèvres et il se mit complètement face à elle, plaçant ses deux bras de chaque côté de son joli cœur. Son visage était face à elle, leurs nez à quelques centimètres seulement, si ce n’était moins.
La respiration de la jeune se faisait moins régulière. Elle aimait ce peu de proximité entre eux, pourtant, l’homme avait toujours le même effet sur elle. Son cœur s’était mis à battre plus fort, ses joues semblaient légèrement chauffer et sa peau refroidi par la température n’attendait que la chaleur d’Alexandre. Elle était attirée par lui comme un aimant. Elle sentait l’odeur de cet homme et son souffle qui venait se frotter à ses joues.
Lui aussi s’était perdu dans ses pensées, il en avait d’ailleurs presque oublié qu’il se devait de lui répondre. Mais comment pouvait-il résister à elle ? À chaque fois qu’il la voyait l’envie devenait de plus en plus dure à contrôler. Ce n’était guère comme ces autres femmes qu’il avait eu. Il n’était jamais vraiment tombé amoureux. Il ne faisait que de se prélasser avec celles qui le voulait bien. Et lorsqu’il n’en voulait plus, il ne les revoyait jamais. Mais, son joli cœur… Alexandre ne pouvait se passer de son regard océan, de sa douceur, de sa force, de son odeur, son toucher… sa présence même venait à devenir aussi chaleureuse que le soleil en été. Il était devenu addict à elle, comme un pirate était addict aux trésors et au rhum. S’imaginer sans elle devenait un supplice dont il ne voulait connaître la douleur.
- Eh bien, cela reste à voir. Après tout, l’océan nous appartient.
Il en avait envie. Il manquait cruellement des lèvres de ce joli cœur qui avait redressé la tête à l’instant même où il s’était rapproché un peu plus d’elle. Alors comme attiré par des aimants, l’un et l’autre se rapprochèrent doucement jusqu’à ce que leurs bouches s’entrechoquent comme du coton. Alexandre plaça sa main gauche sur le côté du cou de joli cœur pour la remonter doucement en caresse vers sa joue, l’attirant plus vers lui. Mais ils ne purent aller bien loin quand ils sentirent des regards interrogateurs sur eux.
Après tout, c’était la première fois que l’équipage voyait se rapprochement soudain entre eux. Il était évident qu’ils allaient être surpris. Le capitaine avait eu une énergie et un courage qu’il ne connaissait guère, mais il était vrai qu’il n’était en aucun cas gêné par tout cela. Alexandre recula tout de même de quelques centimètres d’elle pour fixer ses hommes qui détournèrent les yeux.
Marie avait tenté de s’éloigner, mais sans grand succès. Il l’avait retenue prisonnière passant sa main libre à son dos. Elle fixait le visage du pirate écarlate qui avait un regard noir comme s’il tentait d’éloigner les personnes un peu trop curieuses. De leur côtés, les marins s’étaient mis à rire avant de quitter le pont pour leur laisser un moment d’intimité.
Elle n’avait guère fait attention, mais la pluie était toujours présente, et n’avait pas pris longtemps avant de les tremper entièrement encore une fois. Un petit frisson parcouru son dos lorsque le vent souffla. Alexandre s’était retourné vers elle prêt à continuer où ils s’en étaient arrêté. Mais le sort ne fut pas de leur côté.
- Capitaine.
L’écarlate grogna comme à son habitude avant de s’écarter de Marie malgré lui. Il se tourna vers Powell avec un regard qui voulait tout dire. Mais le maître d’équipage ne se laissa pas faire. Il tenait entre ses mains les affaires si connues de son capitaine.
- Il est temps de sortir d’ici, fit-il en lui tendant sa veste et son chapeau.
L’homme aimait ses effets. Alors, même s’il était déçu d’avoir était coupé dans ce moment si agréable, il se mit à sourire et attrapa ses vêtements. Très vite, l’allure du grand Black le Sanguinaire revint à la surface. Il se tourna vers son joli cœur, puis reporta son regard vers Powell.
- Retournons écumer les flots, comme au bon vieux temps, fit le capitaine en tapant amicalement sur l’épaule de son maître d’équipage.
Il commença à marcher pour rejoindre la barre suivit de Marie qui était descendue du tonneau pour rester avec lui. Alexandre se plaça aux côtés de Brown qui lui laissa vite la place. Rick qui était encore sur le pont commença à crier les ordres avant même que le capitaine ne les ait prononcé. Très vite, l’équipage se mit en place et le Red Edan reprit sa route, quittant la forteresse qui s’éloignait de plus en plus.
Marie avait vu l’habilité dont Alexandre avait fait preuve en maniant à la perfection le gouvernail. Faisant sortir le bâtiment des crocs de corails, il n’y avait eu aucune égratignure sur la coque, ni même un seul impact. Elle était fascinée par cet homme, que ce soit son physique d’Apollon qui ne l’avait jamais laissé indifférente, son caractère dur et froid pour le pirate mais doux et bon en tant qu’humain et même tout ce qu’il avait accompli. Elle aimait tout de lui. Marie s’était déplacée pour s’appuyer sur le bastingage et fixer la forteresse qui devenait de plus en plus petite à mesure qu’ils avançaient. Bientôt, elle fut cachée par une petite brume grisâtre et disparue tel une illusion.
Regardant son compas pour mener le navire dans la bonne direction, il redonna la barre à Brown pour reporter son attention sur son joli cœur. Alors qu’il pensait la trouver à côté de lui, il ne la vit que plus loin. Elle était derrière eux le visage contemplant l’horizon. Il fit quelques pas vers elle et posa délicatement ses mains sur les épaules de la jeune.
- Je pense que notre prochain cap sera le trésor enfoui de Barbe noire, commença-t-il en restant au dos de Marie ses yeux posés eux aussi sur l’océan.
- Barbe noire ? demanda-t-elle sans pour autant se retourner.
- Edward Teach. Il y a peu, j’ai entendu dire que le Queen Anne’s Revenge se serait échoué sur un banc de sable en Caroline du nord, vers la baie d’Ocracoke. Il avait un trésor avec lui. Évidemment, celui-ci doit être bien petit comparé au butin des abysses. Mais cela vaut toujours le coup de s’en emparer.
Marie était entrain de réfléchir. Edward Teach, un grand pirate. Il tenait son surnom de son apparence inquiétante par cette grande barbe noire. Celui-ci avait même pour habitude de mettre des mèches à canon allumées dans ses cheveux lors des combats. Il était avisé et calculateur, toujours entrain d’éviter la force, comptant plutôt sur la dissuasion que lui permettait sa réputation. Malheureusement, Barbe noire était décédé, tué par un groupe de marins dirigé par le lieutenant Robert Maynard.
Elle se tourna lentement vers Alexandre pour fixer ses yeux bruns. L’homme avait levé ses mains pour les reposer ensuite sur la rambarde de chaque côté de la jeune.
- Alors comme ça tu comptes prendre le trésor de Barbe noire ?
- Non mon joli cœur, je compte le piller comme un affreux forban sans cœur et dépenser chaque pièce jusqu’à ce qu’elles aient toutes disparues, en pensant bien sûr à lui sachant qu’il ne pourra jamais plus le faire. Voilà ce dont j’ai prévu.
Un sourire vint se marquer sur les lèvres de la jeune pirate.
- J’adore cette idée capitaine.
- Alors direction sur la Caroline du nord mon joli cœur.
- Parfait.
Même si leur regard était l’un dans l’autre. Aucun des deux ne bougea, continuant de se fixer en oubliant tout de ce qui les entourait. Ils paraissaient seuls avec eux même. Alors que pour la énième fois, leurs visages se rapprochaient peu à peu, le regard de Marie fut attiré vers l’avant du bâtiment, venant couper court à leur baiser qui n’avait d’ailleurs pas vu le jour. Ses yeux étaient écarquillés devant tant de splendeur.
L’eau de l’océan était turquoise, le soleil haut dans le ciel. Elle ne savait plus combien de temps ils avaient passé dans le triangle. Mais Marie avait l’impression que cela faisait une éternité qu’elle n’avait pas vu de ciel aussi dégagé et de soleil aussi éclatant.
Alexandre dégoûté et déçu de cette soudaine interruption tourna sa tête à son tour pour voir ce qui était plus important que son baiser. Un petit sourire vint se former sur ses lèvres à la vu de ce merveilleux océan qui avait attiré sa belle pirate.
- Nous venons de quitter le triangle, argua-t-il en se redressant.
L’eau était calme et turquoise. Le vent de leur côté et léger, les voiles de l’Edan furent gonflées d’air et poussées vers l’horizon. Le ciel était dégagé et la pluie avait enfin cessé. La chaleur s’était installée doucement sur le pont pour venir sécher à son rythme les planches du navire pirate.
- Brown ! intervient le capitaine en se tournant vers son timonier. Cap vers le Nord-Ouest, nous allons en Caroline du Nord.
L’homme acquiesça d’un signe de tête avant de tourner légèrement le gouvernail pour se diriger dans la bonne direction. Alexandre qui comptait encore une fois reprendre la où il s’en était arrêté, fut interrompu.
- La Caroline du Nord ? avait prononcé une voix qui grimpait les marches d’un son boiteux.
Le capitaine se tourna vers son second en croisant les bras. Rick fit vite son apparition en se rapprochant des deux jeunes gens. Marie resta appuyé sur le bastingage écoutant ce que les deux hommes se disaient.
- Edward Teach ? continua le boiteux d’un petit rictus.
- Barbe noire, répondit Alexandre de ce même sourire triomphant.
- Alors comme celà nous allons rendre une petite visite au capitaine du Queen Anne’s Revenge ?
- Amicale évidemment.
- Bien sûr voyons.
Elle ne comprenait pas ce qu’il se passait exactement, mais elle voyait énormément de complicité entre eux. Et il était agréable de les voir de la sorte.
Rick et Alexandre avait entendu, il y a peu dans une taverne, l’existence du trésor de Barbe Noire. Ce pirate qui venait à peine de se faire tuer. Mais, il avait eu le temps de cacher son trésor avant de perdre la vie. Des bruits courrait comme quoi la richesse était au bout de ce voyage. Évidemment qu’ils allaient y aller. Après tout, un pirate n’était jamais assez riche.
Rick demanda à Alexandre de le suivre, celui-ci ne voulait guère laisser Marie seule. Mais la jeune femme lui fit un petit signe de tête lui montrant qu’il pouvait y aller l’esprit tranquille. Alors que le second commençait à y aller, le capitaine se tourna vers joli cœur en plaçant son front sur celui de la jeune. Il respira un grand coup, comme si l’odeur de la jeune était un moyen de prendre des forces. Ils s’embrassèrent rapidement, tellement qu’aucun des deux ne purent réellement en profiter, puis il parti rejoindre son second.
Marie senti un léger vide en elle, qu’elle écarta de la main en allant à son tour sur le pont pour reprendre les taches qu’elle avait : s’occuper des voiles, nettoyer les sols… il y avait du travail après cette tempête qu’ils avaient eu dans le triangle. Elle savait pertinemment qu’elle n’aurait pas le temps de penser à se vide.
En descendant les marches pour quitter le pont principal, elle attrapa une serpillière et commença son travail tranquillement. La tempête avait rempli le sol de la cale, l’eau leur montait au moins jusqu’à la cheville. Un petit groupe d’homme écopa tandis que d’autres nettoyaient les planches pour enlever les restes d’eau salée qui finirait par abîmer le sol.
Le temps passa rapidement, car le soleil se couchait peu à peu sans qu’aucun des marins ne s’en rendent vraiment compte. Elle finissait de ranger les caisses qu’ils avaient déplacé et s’étirant un bon coup elle espérait que les douleurs présentes dans ses jambes et bras disparaissent au plus vite. Elle se tourna lentement tout en réfléchissant à ce qu’elle allait faire pour occuper sa soirée, lorsqu’elle fut surprise par deux pirates qui étaient apparus devant elle.
- Le capitaine nous a autorisé à boire ce soir, commença Nunez.
- Pour fêter notre victoire, continua Gill avec un sourire.
- Nous sommes venus te chercher, ils nous attendent tous, argua l’homme à la peau foncée.
- Même le capitaine, continua le second en offrant un clin d’œil à Marie avant de commencer à partir.
Elle savait que l’équipage les avait vu. Et elle savait aussi qu’elle n'allait plus être tranquille. Mais la jeune femme était tout de même heureuse de savoir que tout le monde était là, même lui. Alors elle se mit à les suivre pour fêter leur butin.
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