Chapitre 4
Marie-Louise surprise, leva la tête vers l'inconnu. Il y avait, dans la prison en face d'elle, un homme. Il possédait une légère barbe et des cheveux mal coiffés et sales sur le crâne. Elle avait les yeux rouges qui commençaient à lui piquer mais continua de regarder cet homme aux yeux bleus.
- Tu es nouvelle ? demanda-t-il une fois qu'elle fut calmée.
Elle acquiesça d'un mouvement de tête. L'homme lâcha son regard pour reposer sa tête contre le mur à son dos. Il ferma les yeux et se mit à soupirer.
- Eh bien il va falloir t'y faire, cet homme n'est pas du genre gentil. Fais une seule erreur et tu finiras en proie au fouet.
La jeune frissonna à cette simple pensée.
- Qui êtes-vous ? fit-elle tout en gardant sa position, ses bras sur ses genoux.
Il ouvrit un œil face à elle, il la dévisageait même. Puis il ricana d'un air mauvais.
- Une noble, cracha-t-il en fermant l'œil.
Sa phrase sonnait comme une insulte. Mais Marie ne s'en preoccupa guère. Elle avait pour but de lui demander comment est-ce qu'il pouvait en être aussi sûr. Mais il reprit avant, la coupant dans son élan.
- Ta robe, ta façon t'adresser à moi... en fin de compte, je pense que tu ne survivras pas longtemps sur le Nightmare.
- Pourquoi dites-vous cela ?
- Tu es trop faible, ria-t-il offrant un noeud encore plus gros dans l'estomac de la noble. C'est dommage pour toi, tu as l'air plutôt jeune. Fais toi à cette idée, la mort se rapproche à grand pas.
Elle ne prêtait plus attention à ce qu'il disait, une question venant d'apparaître en son esprit.
- Depuis combien de temps êtes-vous ici ?
L'inconnu se redressa et ouvrit ses deux yeux bleus vers elle. Il avait un regard froid et vitreux, sans aucune émotion. Un regard déjà mort de l'intérieur. Il ne répondît rien détaillant la jeune face à lui.
- Bientôt un an, murmura-t-il.
Un an... Il avait donc visiblement passé des mois interminables sur ce navire pirate à se battre tant bien que mal pour rester en vie. Elle eut une douleur au cœur à cette réponse. Plusieurs chemins s'offraient à elle : elle perdrait la vie sur ce navire ou alors elle y passera sa vie entière. Dans tous les cas, elle ne reverrait plus la terre ferme. Marie replaça donc sa tête dans ses bras. Elle était plus qu'effrayée.
Les heures passaient sans qu'il ne lui arrive quoi que ce soit. La nuit tomba bien vite. Et la jeune femme le senti lorsque son estomac criait famine, se tordant de douleur. Elle venait de passer la moitié de la journée recroquevillée sur elle-même dans un navire pirate sans rien autour. Tous ses membres lui faisaient mal et la nuit laissait passer un air frais désagréable sur sa peau. Le froid venait de se rajouter à la liste de ses malheurs.
Rien n'allait plus. Elle qui pensait que ce voyage l'emmènerait seulement voir son fiancé et qu'elle vivrait sans doute heureuse avec lui. Elle était dorénavant prisonnière d'un navire pirate sans aucune idée qui pourrait la sortir de là. La boule présente en son estomac s'agrandissait à mesure que le temps passait, coincée dans cette prison. Sa gorge commençait à s'assécher, son ventre et ses membres se tordant de douleur.
Sans réussir à se contrôler, d'autres larmes chaudes se mirent à tomber sur ses joues rougies par le froid. S'en était fini d'elle.
Marie-Louise ouvrit les yeux lentement et durement. Ses pupilles s'étaient vite habituées à la lumière qui s'échappait des escaliers de bois menant au pont du navire. L'homme face à elle était toujours présent, il n'avait d'ailleurs pas changé de position, les yeux fermés. La jeune étira chacun de ses membres un par un, lui offrant une atroce douleur. Elle était prise de courbatures et des nombreux bleus qui devaient être présents sur chaque parcelle de sa peau.
Alors qu'elle croyait passer encore une journée assise dans la pénombre, elle vit une ombre se rapprocher d'eux, descendant les marches de bois grinçantes. Il était costaud et armé mais elle remarqua quelque chose qui n'était ni une bonne nouvelle, ni une mauvaise. Le pirate avait entre ses mains les clefs qui avaient le pouvoir de la faire sortir de cette prison.
Le bon côté de la chose était qu'elle allait enfin se mettre debout et marcher à l'air frais. Le mauvais, c'était pour quelle raison ? En réalité, elle n'avait aucune envie de le savoir ni de le découvrir. Malgré tout, il vint ouvrir la prison de l'homme aux yeux bleus et fit de même avec elle. Les deux prisonniers se suivaient, direction le pont du navire. Une fois à l'air frais, elle se senti comme revivre, chacun de ses muscles se détendait légèrement et ses mouvements étaient plus libres.
Le pirate vint pourtant gâcher son seul moment de répit en la prenant par l'arrière du cou pour l'obliger à se mettre à genoux, ses deux rotules claquant le sol. Elle émit un gémissement de douleur à cet atterrissage qui venait sans aucun doute de rappeler le mal endormi qu'elle avait eu le jour d'avant. Le pirate força son compagnon à faire de même, sans se préoccuper plus d'elle.
Le capitaine sortit de sa cabine, un pistolet en main et un rictus odieux ancré sur son visage. Il s'approcha de Marie qui ne baissa pas les yeux, soutenant son retard dans celui de l'homme. Puis il mit fin lui même à cet échange en fixant l'inconnu aux yeux bleus.
- Lève toi, lui ordonna-t-il.
Ce que l'homme fit. Puis le capitaine se mit étrangement à lui tourner autour, détaillant chaque parcelle qui composait le prisonnier. Partant de ses pieds nus et sales, pour aller jusqu'au pantalon marron clair décoré de trous et tâches, à la chemise grisâtre abîmée pour finir sur sa chevelure emmêlée et son visage. Un air neutre décorait le prisonnier.
Le cœur de Marie, malgré elle, battait de plus en plus vite. Ses mains tremblaient l'une dans l'autre. Elle regardait la scène qu'elle ne comprenait pas se dérouler devant ses yeux. Qu'allait-il faire à l'inconnu ? Elle aussi allait y être confronté ?
Le capitaine s'arrêta face au prisonnier, un regard où nulle expression ne se laissait paraître. Edward, sans qu'aucun des deux ne puissent comprendre, frappa de toutes ses forces dans l'estomac du prisonnier qui fini au sol recroquevillé. Il toussa fortement de douleur, les yeux fermés, ses jambes avaient lâché sous la surprise. L'homme était allongé sur le bois, se tenant le ventre comme si cela pouvait aider à son mal.
- Trop faible, ajouta le pirate reprenant sa pose en pleine réflexion.
Marie regardait inquiète son compagnon de cellule. Son tourment s'était agrandit encore plus telle une boule douloureuse en son estomac. Elle ne savait quoi penser, trop perdue à réfléchir sur son propre sort.
Puis le capitaine redressa son pistolet vers la tête du prisonnier qui s'était peu à peu redressée pour planter ses yeux bleux vers ceux du forban. Les genoux au sol, il regardait le pirate, l'arme pointée vers son front. Marie ne put l'accepter. Il était pour elle hors de question d'assister à une mise à mort. Surtout si la personne tuée n'était coupable de rien, enfin... qu'en savait-elle ?
- Vous ne pouvez pas faire ça ! cria-t-elle tout de même stoppant net l'homme au pistolet.
Edward se tourna donc vers la jeune prisonnière. La détaillant étrangement, son rictus habituel était revenu décorer ses lèvres sèches.
- Voyez cela, notre petite princesse ne veut pas que je le tue. Mais, pourquoi donc ?
Ses lèvres s'étaient mises à trembler, que pouvait-elle répondre à cela ? Ça ne lui plaisait pas mais un pirate n'allait pas écouter son avis, il n'en n'avait évidemment rien à faire. Le regard perdu, la noble n'eut pas le temps de se pencher plus sur le sujet que le capitaine avait déjà reprit la parole.
- Sache, poupée, que les matelots trop faibles n'ont en aucun cas leur place ici. Mieux vaut supprimer l'inutile qu'en garder le poids, ne penses-tu pas ?
Son cœur s'accéléra. Il était horrible... odieux même. Tellement qu'elle n'en trouvait pas les mots pour le qualifier et resta, malgré elle, muette face à la situation. Une sensation qu'elle ne connaissait guère vint s'installer, comme un déchirement. Elle était énervée contre ces hommes et n'avait qu'une seule envie : qu'ils disparaissent à leur tour, pendu face à la foule. Mais à cela, s'était joint la peur, cette lourde peur qui l'empêchait de faire ne serait-ce qu'un mouvement pour se rebeller, restant donc cloué au sol en regardant cet horrible spectacle.
L'homme aux yeux bleus avait tourné son regard vitreux vers elle, sans aucune émotion sur le visage. Et pour la première fois, Marie y distingua un très léger sourire qui s'estompa la seconde suivante. Sur ses lèvres, elle pu lire une phrase qui déchira d'autant plus son cœur : « Évidemment que vous n'avez rien à dire, noble, c'est vous les monstres de ce monde. Les gens comme moi n'ont pas le droit au répit... ».
Ses jambes, maintenant trop faibles, venaient de la lâcher, mais le pirate derrière elle la rattrapa pour tenir son visage vers cette mise à mort. Contre sa volonté, ses yeux fixaient la scène déplaisante où le pirate armé pointait le prisonnier. Sa vue était devenue vite flou par les larmes qu'elle n'arrivait plus à contenir.
- Bien, maintenant si vous voulez bien, intervient Edward en reposant son regard noir sur celui de sa proie.
Puis, en seulement une fraction de seconde, le coup de feu se mit à résonner dans les oreilles de Marie. Le corps du prisonnier gisant au sol, une flaque rouge s'était formée. Elle senti quelque chose se briser en elle. Il venait de tuer quelqu'un sous ses yeux. Il venait de perdre la vie face à elle. La noble tremblait de plus belle, l'angoisse et la peur se lisaient sur son doux visage maintenant déformé par l'inquiétude.
- Je crois que c'est à votre tour, sourit le capitaine en s'approchant d'elle.
Ne sachant comment réagir, elle resta bloquée entre les bras trop musclés du pirate qui la tenait encore. Elle voulait fuir. Partir loin de ce navire de malheur et de ces monstres. Partir chez elle, voir sa mère, son père, Jeanne... peu lui importait si elle accomplissait son devoir ou non. La seule chose qui comptait en ce moment, était de survivre et de fuir au plus loin ces océans qu'elle venait de détester.
Edward plaça sa main rugueuse sous le menton de la jeune de sorte à ce qu'elle lève la tête. Son haleine odieuse venait frapper les joues de Marie, son visage trempé de larmes qu'elle ne maîtrisait plus.
- À ton tour poupée, ajouta-t-il.
Mais avant même qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit, la vigie s'était mise à crier. Il se détacha d'elle à son plus grand soulagement.
- Qu'a-t-il dit ? demanda le capitaine au pirate qui tenait encore Marie entre ses bras.
- Des voiles rouges ? s'interrogea l'homme en lâchant la noble.
Aucune force présente dans ses jambes, elle s'écrasa contre le sol, où seuls ses bras avaient amorti la chute évitant que son visage ne se prenne le bois.
- Des quoi ? répéta Edward un air changeant sur le visage.
- Des voiles rouges capitaine, fit l'homme maintenant crispé face à son supérieur.
Le pirate commençait visiblement à s'inquiéter, entre l'énervement et la peur sur le visage. Il ne prêtait plus du tout attention à la jeune Marie-Louise encore au sol qui essayait de comprendre ce qu'il se passait. Mais elle ne mit pas longtemps pour cela, car elle vit à son tour au loin, sur l'horizon, des nuages rougeâtres traverser le ciel.
Le capitaine commença à faire des grimaces étranges. Paniquant, il fit quelques pas aléatoirement. Il avait les mains sur le visage en proie à la peur. Edward marchait en rond sans solution. Puis il se tourna vers son matelot qui tenait auparavant Marie.
- Que tout le monde se réunisse sur le pont ! Je veux que les matelots se préparent au plus vite ! s'était-il mit à crier en retournant dans sa cabine un air préoccupé.
Le pirate acquiesça et parti en courant chercher le reste de l'équipage. Marie utilisa toute sa force pour se lever et avancer vers la rambarde. Elle fixait les voiles rouges qui s'approchaient dangereusement d'eux. Les bruits de pas comme de voix commençaient à remplir le pont. Ils allaient visiblement se préparer à quelque chose de mauvais.
Le capitaine sorti de sa cabine après quelques minutes, il avait enfilé un grand manteau de cuir noir et son tricorne. Se postant près de la barre où le timonier tenait le gouvernail, Edward regardait son équipage visiblement secoué.
- Mes chers pirates, c'est le moment de montrer ce que vaut l'équipage du Nightmare !
Un des matelots près de Marie regardait à son tour l'horizon. Ils étaient tous paniqués, comme leur chef. Avant même qu'il n'ait pu finir son discours ; deux d'entre-eux, voire même un troisième, sautèrent dans l'eau trop effrayés pour continuer.
- Que se passe-t-il capitaine ? hurla un des hommes qui venait d'arriver sur le pont.
Il était visiblement lui aussi dans l'incompréhension totale face à tout cela. La noble à l'écoute regardait attentivement le capitaine dont le visage était encore plus déformé qu'à l'habituel. Ses yeux étaient grands ouverts. Le silence prit le pont. Personne ne parlait. Seules les vagues salées brisaient le calme absolu dont était victime le Nightmare. Puis Edward Meyer baissa les yeux, victime de la peur qui avait assombri ses pupilles.
- Mes chers matelots, nous sommes face au capitaine de ces océans, au navire rouge sang.
Il s'arrêta avant de reprendre. Prenant une grande inspiration, il posa ses orbites marrons sur son équipage.
- Le Red Edan nous a prit en chasse.
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