Chapitre 36

La jeune le regardait attendant qu’il lui parle. Mais l’homme n’avait pas bougé d’un pouce, se haïssant surtout d’avoir succombé. Il était maintenant obligé de lui dire quelque chose. Alexandre se mit sur sa chaise, une horrible guerre en lui en cherchant une solution pour ne pas tout dire.

- Vous rappelez-vous de cette lumière verte que vous aviez vue ? demanda-t-il heureux d’avoir trouvé quelque chose.

- Le vaisseau fantôme près du triangle ? se rappela-t-elle en ayant un très mauvais pressentiment.

L’homme n’avait rien dit de plus acquiesçant d’un mouvement de tête.

- Nous allons nous retrouver face à lui ? s’inquiéta-t-elle.

Il continua de garder le silence mais elle remarqua vite qu’elle avait vu juste. Elle comprenait maintenant pourquoi il était si perdu. Un navire fantôme, le Pincess Augusta.

- Vous pensez qu’il nous prendra comme cible ? avait-elle demandé presque dans un murmure.

- Oui, c’est fort probable que ce soit le cas.

Marie sentait ses jambes devenir faibles. Elle avait fait face aux sirènes, pourtant la femme pirate était effrayée à l’idée de se confronter aux morts. Des fantômes. Des esprits. Des squelettes. Des corps sans vie. Généralement des histoires pour enfants.

Elle se sentait trembler rien qu’à l’idée d’aller à leur rencontre. Mais c’était le seul moyen d’accéder au trésor qu’ils avaient mit tant de temps à chercher. Elle avait l’impression de perdre son énergie.

Alexandre la fixait sans rien dire. Le visage de son joli cœur était devenu blanc. L’homme prit d’inquiétude se leva alors pour se rapprocher d’elle et préparer une éventuelle chute de sa part.

- J’ai besoin de m’asseoir… chuchota Marie en s’appuyant contre le mur à gauche du bureau.

Son dos sur le bois, elle se laissa glisser doucement vers le sol. Le capitaine avança de quelques pas vers elle avant de s’accroupir pour être au même niveau.

- Joli cœur… s’inquiéta l’homme en fixant toujours le visage de la jeune.

Marie respira longuement, laissant la peur quitter son corps petit à petit. Elle se sentit vite mieux.

- Je vais bien, argua-t-elle restant tout de même assise au sol ne voulant pas se brusquer.

La tension présente dans le corps d’Alexandre se mit alors elle aussi à partir. Il se laissa donc tomber de soulagement. Accroupît face à elle, il continua tout de même de surveiller de près l’état de son pirate.

- Marie… ai-je fait quelque chose de mal à votre égard lorsque nous étions avec les sirènes ? demanda le capitaine ses yeux bruns toujours dans le bleu océan de la femme.

Elle le fixait. Surprise du prénom qu’il avait utilisé en son égard. Il l’avait appelé pour la première fois "Marie". Mais pourquoi cela la dérangeait autant ?

- Capitaine, vous allez bien ?

L’homme fronça les sourcils, étonné de cette soudaine question.

- Ce serait plutôt à moi de vous demander celà, ne croyez-vous pas ? argua-t-il armé d’un léger sourire.

- Vous m’avez appelé Marie… continua-t-elle sans prendre en compte ce qu’il venait de dire.

- Vous vous appelez bien Marie-Louise ?

- Oui, c’est bien moi…

- Alors quel est le problème ?

Le cœur de Marie fit un bon dans sa poitrine. Pourquoi celà la dérangeait autant qu’il utilise enfin son prénom comme elle l’avait tant souhaité auparavant ? Elle avait l’impression qu’un mur s’était érigé entre eux. Qu’une distance venait tout juste de les éloigner l’un de l’autre.

Elle détestait cela. Elle avait mal.

Bien trop d’émotions avaient parcouru son corps en peu de temps. Sans même qu’elle ne s’en rendre compte, une petite larme vint glisser le long de sa joue droite.

Alexandre n’avait fait que la regarder. Il ne s’attendait guère à ce qu’elle pleure face à lui. Mais il resta tout de même doux, laissant un calme entre eux.

- Joli cœur, intervient-il après quelques secondes. C’est vous qui n’allez pas bien.

Son visage était décoré d’un sourire que lui-même ne connaissait guère. Il se décala donc contre le mur à son tour, se plaçant à côté de la femme.

- Je pense que vous avez besoin d’un
peu de calme et de réconfort, fit-il en plaçant son bras gauche sur son genoux plié.

Elle le regarda sans rien dire, la gorge toujours serrée.

- Vous avez de la chance, un grand capitaine pirate sans cœur vous offre son épaule, tenta-t-il presque dans la plaisanterie avec un grand sourire.

Elle posa donc sa tête sur l’homme fermant les yeux pour se calmer au mieux. Marie venait tout juste de craquer devant lui… Elle s’en voulait légèrement. Mais il était tout de même plus agréable de pleurer seule face au capitaine que devant des dizaines d’hommes.

Enfin… c’est ce qu’elle pensait.

Les deux jeunes gens restèrent comme celà pendant plusieurs minutes où aucun d’entre eux ne prirent la parole.

- Capitaine, intervient la jeune sans pour autant bouger laissant sa tête appuyée contre l’épaule de l’écarlate. Vous n’avez rien fait de mal lorsque nous étions avec les sirènes.

L’homme écouta attentivement, continuant de fixer le lit qui se trouvait face à eux, les yeux vers un point que seul lui apercevait. La jeune quitta l’épaule de celui-ci pour se redresser et lui faire face.

- Nous les vaincrons, fit-elle avec un grand sourire. Le Princess Augusta ne fera pas le poids face au Red Edan.

Alexandre avait tourné la tête pour plonger ses yeux dans ceux du pirate. La tête légèrement levée, il lui offrit un sourire.

- Vous vous êtes fait à cette nouvelle vie, n’est-ce pas ?

- Je trouve effectivement qu’être libre comme le vent est plus agréable, répondit-elle.

- Regrettez-vous de ne pas être marié ?

Elle se remit contre le mur, plaquant son dos pour regarder face à elle. Le capitaine ne voyait plus que son profil.

- Je suis persuadée que William était un homme bon. Mais je n’ai jamais voulu ce mariage. J’étais contre depuis le début.

- Pourtant vous alliez le faire, intervient-il continua de fixer le visage de la femme.

- Oui, parce que j’ai été élevée pour cela. Toute ma vie on m’a répété que je me devais d’être parfaite pour mon futur mari. Une fois que tout sera terminé…

Marie n’aimait guère penser à cela. Parce qu’elle savait que son devoir l’attendait une fois rentrée au port. Pourtant, elle adorait voguer sur les flots sans réel but. Elle aimait la brise marine, le mouvement des vagues, la compagnie de l’équipage et du capitaine… elle appréciait être un pirate.

- Joli cœur, vous faites partie de l’équipage, lui dit-il d’un air sérieux.

Alexandre non plus ne voulait pas qu’elle quitte le Red Edan. Il aimait bien trop son joli cœur pour cela.

- Vous voulez dire que…

- Oui, la coupa-t-il. Une fois que nous aurons notre butin, vous resterez avec nous. Vous êtes un membre à part entière de l’Edan. Sauf si évidemment, vous voulez partir.

- Je reste ! avait-elle répondu sans réfléchir.

- Vous êtes bien enthousiaste joli cœur, continua l’homme en redressant à son tour son visage face à face avec celui de Marie. Mais je vous préviens, le travail sera dur. Vous ne devrez pas faiblir. Les océans peuvent être dangereux, êtes-vous prête pour cela ? Nous serons toujours pris de chasse par les gardes, les corsaires… la bataille n’est jamais finie.

- Je suis plus que prête capitaine.

- Qu’il en soit ainsi.

Les deux se regardaient, ils se fixaient. Leurs visages presque collés l’un à l’autre dont seulement quelques centimètres les séparaient. Le silence avait pris la cabine.

Et comme il l’aurait imaginé, Alexandre fut vite attiré par les petites lèvres rosées de son joli cœur. Ses yeux fixaient la partie basse de son visage.

Marie eut d’ailleurs le même sentiment. Cette envie irrésistible de se coller à lui. Son cœur battait la chamade.

Pourtant, ils se résignèrent tous deux en même temps, s’écartant l’un de l’autre. La jeune femme trouva un sujet pour détourner ce moment étrange.

- Votre soupe doit être froide.

- Sûrement, j’ai l’habitude de manger mes repas froids après tout.

- Oui, je vais peut-être vous laisser dans ce cas, continua-t-elle en se levant.

L’homme fut surpris et se redressa précipitamment à son tour. Époussetant son pantalon il regardait la jeune qui s’approchait de la porte.

- Joli cœur, intervient-il avec l’envie qu’elle reste.

Pourtant, il n’en fit rien.

- Oui ?

- Reposez-vous bien, nous avons un long voyage avant de trouver le trésor des abysses.

- Dans combien de temps arriverons-nous ?

- Plusieurs jours, mais moins d’une semaine si le vent nous est favorable.

Elle acquiesça d’un mouvement de tête puis quitta la cabine en jetant un dernier regard à l’homme. Marie descendit du pont principal, passant par la salle où tout le monde avait mangé. Il n’y avait plus que quelques-uns d’entre eux, la plupart sûrement partis se coucher.

Avant qu’elle ne puisse descendre, elle croisa le regard de Martin qui lui lança un grand sourire. Le cuisinier était toujours accompagné de Scott, ils rangeaient les nombreuses tables où se trouvaient encore quelques assiettes et verres.

- Tu lui as donné ? demanda le rouquin avec plusieurs couverts en main.

- Oui, je vais aller me coucher.

- Très bien, intervient Scott. Bonne nuit Marie, sourit-il.

Elle continua donc son trajet vers les branles où elle s’allongea doucement pour ne faire aucun bruit. Les ronflements des pirates lui faisaient toujours rire, mais ils étaient dorénavant comme des berceuses étranges. Plus rien ne la dérangeait. Car elle aimait tout cela.

Alexandre attrapa son plateau avant de quitter sa cabine, le bol était vide et le pain disparu. Il rejoignit la cuisine où il trouva deux de ses marins.

- C’était très bon Martin, commença l’homme en déposant le plateau près de son cuisinier.

- Alors c’est parfait capitaine, fit-il en commençant le nettoyage du bol restant.

- Vous êtes resté toute la soirée avec elle ? intervient un homme qu’il reconnut rapidement.

Brown venait de faire son entrée.
Le capitaine se tourna donc vers son timonier les bras croisés. Le pirate, voyant l’incompréhension sur le visage de son capitaine, continua donc de parler en s’approchant de lui.

- Je l’ai vu entrer dans votre cabine. Vous avez parlé un long moment.

- Oui, nous discutions sur notre destination, se défendit Alexandre en s’appuyant sur une des tables.

- Si je ne me trompe guère, le triangle est maudit, intervient Scott qui était debout entre Martin à la plonge et son supérieur.

Alexandre reprit vite son sérieux. On pouvait y voir le capitaine prendre possession de son visage. Ses yeux durs avaient pris place.

- Oui, de ce qu’on raconte, répondit-il.

- Le temps est différent là-bas, continua Brown. Les tempêtes sont courantes, même par une période chaude et ensoleillée.

- Mais n’oublions pas un détail crucial, fit Martin en s’essuyant les mains pour se joindre à la discussion. Le navire fantôme.

- Le Princess Augusta ? s’inquiéta Scott. Je pensais que ce n’était qu’une légende pour effrayer les enfants ?

Le médecin avait tourné la tête vers son capitaine espérant que celui-ci l’aide. Il n’avait pas prévu de combattre des morts. Il était médecin et cette histoire de fantôme lui paraissait folle et inimaginable.

- Malheureusement il existe bel et bien. Joli cœur l’a aperçu lorsqu’elle est arrivée sur le bâtiment.

- Comment est-ce possible ? murmura Scott qui avait l’habitude des théories scientifiques dues à son travail.

- La légende raconte que quiconque entre dans le triangle se voit visé par la malédiction, commença Brown.

- Si un navire coule dans le triangle, l’âme des hommes de l’équipage restera bloquée dans le monde des vivants. Sans aucun moyen d’accéder à la paix, avait continué Alexandre en fixant le sol.

- Et le Princess Augusta ? reprit Scott avec la peur et la curiosité qui brûlaient ses veines.

- Un grand navire à son commandement Andrew Brook. Ils sont sûrement les premières victimes du triangle, argua Alexandre en relevant la tête pour regarder son médecin inquiet.

Les navires victimes du triangle se voient prisonniers pour l’éternité. Des bâtiments qui vagabondent dans cet endroit de l’océan attendant une prochaine victime. Si aucun n’avait réussi à en revenir, c'était peut-être parce que ceux-ci avaient vite perdu la vie. Après tout, comment se défendre face à des équipages maudits dont la vie leur a déjà été enlevée ?

Alexandre ne savait pas du tout comment ils arriveraient à s’en sortir. Mais il était sûr d’une chose : l’équipage du Red Edan touchera au trésor des abysses.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top