Chapitre 33

La jeune voulut le suivre, mais il avait raison, elle avait froid. Tellement que chacun de ses membres refusaient de bouger préférant rester devant le feu. Elle attendit donc qu’il revienne. Ses yeux se fermèrent petit à petit comme bercés par les mouvements des flammes.

Alexandre quitta le navire, après plusieurs minutes, où il retrouva son joli cœur endormi. Elle n’avait pas changé de position, toujours assise ses bras se serrant contre ses jambes. Il s’approcha d’elle, réveillant la jeune qui grogna doucement.

- Capitaine ? chuchota Marie en ouvrant difficilement ses yeux bleus vers l’homme.

- Je vous ai apporté de quoi vous réchauffer.

La femme quitta donc sa position lui offrant un frisson désagréable de froid pour se tourner vers lui. Il était accroupi face à elle avec deux tissus en main. L’un ressemblait à une veste foncée, l’autre à un simple drap.

- Je les ai trouvés dans la cabine, on ne nous en voudra pas de les avoir pris, fit-il en déposant le drap au sol pour libérer une main et déplier la veste.

Avec l’aide de l’homme, elle enfila la tenue pirate. Au départ froide, elle fut vite réchauffée par sa chaleur et ses tremblements cessèrent petit à petit. Le capitaine pirate posa donc le second tissu près de la jeune et reprit sa place face à elle, où le feu les séparait.

- Merci… fit-elle avec une voix douce qu’il put à peine entendre.

Le pirate se mit à sourire doucement. Il était fou comme ce petit bout de femme arrivait à le rendre bien par sa simple présence. Tandis que Marie se maudissait d’être aussi faible, lui essayait d’être assez fort pour elle.

Maintenant qu’elle était au chaud et éveillée, elle ne comptait pas se rendormir de suite. Elle voulait parler avec lui, mais que lui dire ? Elle se creusait les méninges pour lancer la conversation.

Alexandre de son côté regardait le ciel d’un air neutre. Il attendait qu’elle s’endorme avant de faire de même. Après tout, elle avait eu du mal à s’habituer aux branles. Alors dormir à même le sol ? Cela le faisait presque rire.

- Vous êtes le capitaine… commença-t-elle en attirant l’attention de l’homme qui planta ses yeux interrogateur dans ceux de son interlocutrice. Je me demandais. Pourquoi avoir appelé le navire le Red Edan ?

Joli cœur essayait d’en apprendre plus sur le monde d’Alexandre. Il lui offrit inconsciemment un sourire avant de répondre.

- Je ne suis que la relève du vrai Black le Sanguinaire, argua-t-il. Je n’ai pas choisi le nom du bâtiment, étant donné que je suis arrivé après sa création.

Marie l’écoutait attentivement, plus qu’intéressée par ce qu’il racontait.

- Le premier Capitaine pirate était Edanler Lawson.

- Pourriez-vous me raconter son histoire ? le coupa-t-elle alors qu’il faisait une pause pour respirer.

Ses yeux grands ouverts, il mit quelques secondes avant d’accepter. Il aimait son capitaine et cela faisait déjà plusieurs années qu’il n’avait pas parlé de lui.

- C’était un commerçant qui traversait les océans, c’est ce qu’il aimait le plus. Mais alors qu’il revenait d’un voyage, il fut attaqué par des pirates. Ces forbans l’ont laissé sur l’eau, seul face à la mort dans une chaloupe avec seulement un pistolet pour se donner la mort si la survie devenait trop dure. Mais, le capitaine n’avait pas choisi la voie de l’abandon. Tant bien que mal, le commerçant qu’il était réussi à rejoindre la terre.

Alexandre reprit son souffle, posant son regard vers les flammes ardentes du feu.

- Durant plusieurs années il s’était mis en tête de devenir lui aussi un de ces pirates dans le but de se venger. Ce forban l’avait condamné à la mort. Il avait détruit sa vie. Edanler devait tout redémarrer, de zéro. Seul avec lui-même, contre le monde. Il commença donc à voler, à piller... Il se créa un nom parmi la société. 

Marie voyait en lui une étincelle. Ses yeux brillaient d’une passion pour l’homme dont il comptait l’histoire. Edanler Lawson était un modèle pour lui.

- Il commença d’abord avec un simple sloop. Puis petit à petit son navire s’agrandissait pour devenir un galion de trente deux canons, coque brune qui reflète rouge dont les voiles étaient blanches. Après plusieurs jours, Edanler réussit à se venger. Mais il avait pris goût à cette vie de pirate. Un nom lui fut donné : Black le Sanguinaire. Un pirate à la barbe noire, qui n’avait pas peur de tuer, connu pour sa force… Pendant l’un de ses pillages, dans un navire noble, il trouva cette fameuse veste rouge et ce chapeau à la plume. Après plusieurs abordages, les voiles furent vite abîmées. Ils se devaient de rénover le bâtiment. C’est alors que l’un de ses matelots lui offrit les voiles rouges. Et ce fut à ce moment que le nouveau nom fut inscrit sur la coque : le Red Edan. Edan, n’est pas seulement un diminutif de son propre prénom, mais aussi représentatif du navire : fier et zélé. Et ce n’est qu’après quelques années que je suis arrivé dans son équipage. J’en suis devenu le capitaine.

- Comment avez-vous réussi à le devenir ?

Le visage de l’homme se ferma, son air neutre reprit ses yeux. Le pirate se redressa puis replongea son regard dans celui de joli cœur.

- Il serait temps de dormir, fit-il croisant les bras sans pour autant faire le moindre geste.

Marie était déçue, mais elle comprenait. L’homme ne voulait sûrement pas en parler. Peut-être était-ce un souvenir trop douloureux ? En tout cas, ce dont elle était sûre, c’est qu’elle n’avait en aucun cas son mot à dire. Le passé de l’homme ne la regardait pas. Et si celui-ci voulait en parler, alors il le ferait de lui-même.

Elle acquiesça donc d’un mouvement de tête avant de s’allonger doucement sur le sol. Il n’était pas agréable. Les petits cailloux venaient s’insérer dans son dos, l’herbe lui chatouillait le visage, la terre était dure contre son corps... Rien de très agréable pour dormir. Bien loin de ce dont elle avait l’habitude. Mais après tout, elle avait réussi à dormir dans un branle alors qu’elle n’y croyait guère. Peut-être serait-ce la même chose avec le sol ?

Même si elle essayait de se le prouver à elle-même, son inconscient n’était en aucun cas convaincu.

La jeune pirate ferma tout de même les yeux, se concentrant surtout sur le crépitement des flammes face à elle et des bruits que lui offraient la nature. Malheureusement, dans cette position allongée, la jeune eut vite froid de nouveau. Elle s’était recroquevillée amenant ses cuisses le plus proches d’elle.

Alexandre était perdu dans ses nombreuses pensées, encore une fois elle lui avait fait remémorer son défunt capitaine qu’il aimait tant. Et son cœur se serrait de plus en plus fort lorsque le visage de l’homme parcourait son esprit. Une fois revenu à lui, il vit son joli cœur replié comme auparavant. Il allait visiblement être difficile pour elle de s’habituer à dormir à même le sol. Un sourire vint effleurer le visage de l’homme.

Alors comme avant, il se leva et attrapa le drap récupéré plus tôt dans la cabine. Puis il le plaça délicatement sur la jeune qui tentait tant bien que mal de s’endormir. Le pirate se replaça par la suite face au feu où il s’allongea à son tour, le visage vers le ciel étoilé.

Marie l’avait senti. Elle avait senti le doux geste de l’homme. Malgré ce qu’il tentait de montrer, il était bon. Un capitaine qui voulait surtout paraître fort, dur et imposant face à son équipage. Mais il était doux et gentil avec elle. Ce n’était plus du tout un calvaire que d’être avec lui. Elle appréciait même ces moments où ils n’étaient que tous les deux. Il s’ouvrait à elle. Et la jeune pirate aimait l’écouter parler, que ce soit de lui, de son équipage, de son passé, des océans, des trésors…

Non sans difficulté, les deux pirates réussirent à trouver le sommeil.
La nuit passa bien vite car le soleil toucha l’horizon à la première heure. La douce lumière orangée vint lentement illuminer les paupières des deux endormis.

Alexandre ouvrit les yeux quelques minutes avant Marie. Son joli cœur était encore endormi mais pour peu de temps, au moment même où l’homme se leva, la jeune s’éveilla de son dur sommeil.

- Bien dormi ? demanda le capitaine avec un sourire en coin en voyant la coiffure folle qu’elle arborait.

Des marques rouges sur le visage, des yeux encore endormis, des cheveux qui partaient dans tous les sens et une tête à tout dire. Pourtant, il y voyait toujours ce beau joli cœur.
La jeune grogna comme réponse tout en se redressant, une douleur longeant son bras gauche.

- Nous n’allons pas tarder à revoir le navire à l’horizon. Lorsque le soleil sera à son zénith, nous en profiterons pour les rejoindre, continua-t-il face à la jeune qui avait encore un œil endormi.

Elle agita lentement sa tête pour signer son accord. Ses yeux se perdirent vite dans le vide avant qu’elle ne se reprenne pour fixer l’homme.

- Qu’allons-nous faire du butin du Ganj-i-Sawaï ?

Alexandre était étonné qu’elle en reparle. Les jambes replié, il plaça ses bras dessus comme pour les soutenir, concentrant surtout son regard sur la jeune femme décoiffée.

- Pourquoi joli cœur ? Vous vous intéressez à ce trésor ? fit-il un air narquois sur le visage accompagné d’un léger sourire.

Elle avait l’air troublé de ce qu’il lui avait dit. Marie quitta donc vite les yeux de l'homme, l'air rembrunit.

- Je n’ai pas dit cela. C’est seulement que nous partons à la recherche d’un grand trésor alors qu’il y en a un sous nos yeux. Celui-ci est décrit comme étant l’une des meilleures prises ! Une richesse qui vous conviendra sûrement.

- Certes, mais je pense qu’il devrait rester à sa place. Les sirènes nous en voudront sûrement, plaisanta-t-il avant de vite reprendre son sérieux. Vous avez raison joli cœur, ce butin est l’un des plus grands, car il n’est que rempli de plusieurs chasses. Mais, le trésor des abysses n’a pas encore été trouvé.

- Que voulez-vous dire ?

- La richesse de Henry Every est l’une des plus grandes connues. Pourtant, le trésor que nous cherchons le dépasse de bien loin. Sauf qu’à la différence, il n’a encore jamais été vu, ne serait-ce par un œil humain. Mais, je garderais en tête que l’or gît ici. Si l’équipage et moi-même en avons besoin, nous y reviendrons.

Le soleil avançait de plus en plus dans ce ciel bleu, il était enfin temps de reprendre la route. Marie se devait de surveiller une seconde fois que le capitaine ne fasse rien qui puisse les nuire.

Ils étaient tous deux sur la plage, près de la chaloupe qu’ils avaient laissée. La jeune regardait l’océan sans dire un seul mot. Alexandre posa une douce main sur l’épaule de la jeune.

- Ne vous inquiétez pas, joli cœur. Je résisterais au mieux, et tout se passera bien. Une fois que nous aurons quitté l’île je reprendrais petit à petit mes esprits et je finirais le chemin, cela vous convient ?

L’homme avait pour but de faire comme la dernière fois. Prendre les rames et lui éviter trop d'efforts. Mais ce n’était pas de cela dont elle avait le plus peur. Même si elle savait pertinemment que ces monstres marins n’allaient pas les toucher, de peur d’être brûlés vif par le soleil, elle n’en était toujours pas sereine. De plus, le baiser lui revint vite en tête.

Se souvenait-il de ce qu’il s’était passé ? Qu’allait-il faire une fois sur l’eau ? Arrivera-t-elle à le contenir comme auparavant ?

Tant de questions dont elle n’arrivait pas à trouver de solution. Pourtant, elle prit une grande inspiration, se lançant pour de bon dans ce retour aquatique.

Marie enleva la veste pirate qu’elle avait gardé. La jeune la posa dans la chaloupe faisant signe à Alexandre de prendre place. L’homme acquiesça l’aidant tout d’abord à tirer le petit bateau dans l’eau avant d’y grimper. Elle fit de même attrapant les pagaies.

Il était temps.

D’un mouvement de bras, le navire commença à s’élancer doucement vers l’océan. Les premières minutes passées sur l’eau furent tranquilles, jusqu’à ce que celle-ci soit assez profonde.

Les beaux visages se mirent à sortir de l’eau, leurs yeux fixaient le bel homme à la tunique rouge. Elles étaient toutes si belles, leurs cheveux venant se fondre dans l’eau, leur yeux pétillants de malice. Mais, tout le monde savait ce dont elles étaient capables.

Alexandre fixait les planches du navire se concentrant au mieux sur tout ce qui n’avait aucun rapport avec ces belles et dangereuses créatures. Son corps tremblant, il ne mis pourtant pas longtemps à succomber aux doux yeux verts de cette femme.

Une belle femme. Ses cheveux ondulés d’un roux semblable aux flammes, de belles petites taches sur le visage et des lèvres rosées comme des fleurs.

- Bonjour mon pirate, fit-elle en s’approchant de plus en plus de la chaloupe.

Forçant sur ses bras du mieux qu’elle le pouvait, Marie n’arrivait pas à les devancer. Elle était coincée entre ces sirènes.

La rousse avança plus encore, ses yeux plongés dans ceux du capitaine. L’homme s’était légèrement penché, essayant lui aussi de réduire la distance entre eux.

Elle s’appuya doucement sur le rebord de la coque pour s’approcher de l’oreille de l’homme. La sirène savait pertinemment ce qui les bloquait, ce qui les empêchait d’avoir leur proie. Et c’était elle.

- Mon beau pirate, commença la femme d’une voix douce mais que Marie pu tout de même entendre. J’ai besoin de ton aide.

Alexandre était visiblement prêt à tout pour elle car il acquiesça sans même savoir ce qu’elle désirait. Puis un sourire vint s’incruster sur les lèvres du monstre aquatique. Son beau visage se tourna vers Marie, sans pour autant s’écarter du capitaine.

- Tue la.

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