Chapitre 32

Tandis qu'Alexandre continuait de fixer la coque abîmée du Ganj-i-Sawaï, Marie regardait de loin le pavillon qui était échoué sur un arbre. Un grand tissus noir décoré d'un crâne de profil avec un bandana et de deux os formant une croix dessous.

Henry Every.

De ce qu'elle savait sur lui, il était un pirate flibustier connu surtout pour toujours réussir à s'échapper avec ses nombreux trésors. Visiblement, il ne s'en était pas sorti de cette dernière chasse, attaqué par les sirènes. Ces monstres ont décidé de garder le bâtiment comme trophée, peut-être parce qu'il était surnommé le roi des pirates ?

Alexandre continua ses pas autour du navire. Il scrutait chaque parcelle de celui-ci, bien étonné qu'il soit aussi bien conservé depuis des années. Il s'arrêta au bout de quelques minutes face à un trou dans la coque, assez grand pour leur permettre de rentrer sans trop de problème.

- Joli cœur, l'appela-t-il.

- J'arrive, fit-elle en le rattrapant dans un pas rapide.

Les deux pirates entrèrent donc dans la carcasse de bois. L'intérieur n'était que peu éclairé, mais assez pour que le décors alentour soit visible à l'œil nu. Les décombres bloquaient légèrement le passage mais rien n'allait les arrêter pour autant. De ce que Marie pu constater, ils avaient pénétré dans la cale du Ganj-i-Sawaï où se trouvait des restes de caisses sûrement rempli de nourriture. Heureusement pour eux, tout était pratiquement vide, les épargnants d'une odeur pestilentielle de pourriture.

- À votre avis, où se trouve la carte ? demanda Marie en enjambant une planche brisée.

- Dans la cabine du capitaine. Nous allons devoir monter.

Elle acquiesça d'un mouvement de tête tandis qu'ils continuaient de marcher dans la carcasse peu lumineuse. Ils grimpèrent facilement les premières marches menant au faux-pont. Chacun de leur pas était suivit par des grincements dû à l'âge des planches de bois. Ce qui n'était en aucun cas rassurant. Le navire pouvait à tout moment se briser sous leur poids.

Sans rien se dire, le deux avancèrent vers les marches pour rejoindre le pont principal. Alexandre grimpa calmement vérifiant chaque marche. Aucune ne céda, il fit donc signe à joli cœur de le rejoindre. Elle le suivit mais lorsque ce fut le moment de poser un pied sur le pont, une des planches qu'Alexandre n'avait pas dû toucher se fracassa sous Marie-Louise.

Son cœur fit un bond. Elle n'avait pas réellement compris ce qu'il se passait. Son poids fut attiré vers le bas. Tout son corps se crispa de peur, ses yeux écarquillés. Mais à son plus grand étonnement, le capitaine qui se trouvait près d'elle, la rattrapa avant qu'elle ne se blesse. La tirant vers lui habilement.

Tout deux surpris de cela, ils ne bougèrent pas pendant quelques secondes avant de comprendre ce qu'il s'était passé. Marie-Louise assez proche de l'homme pour sentir l'odeur qu'il en émanait de lui.

Son cœur battait rapidement, bien trop vite pour être naturel. Elle ne savait si c'était la peur de la chute, ou la proximité réduite entre eux.

- Tout... tout va bien ? demanda Alexandre en détournant le regard surtout pour ne pas croiser celui de joli cœur.

Un frisson parcourra son échine. Elle recula de quelques pas, sentant son visage chauffer doucement.

- Je crois oui, merci de m'avoir aidé... répondît-elle les yeux baissés vers ses pieds qui devenaient étrangement bien intéressants.

- Bien, allons-y, argua Alexandre en se détournant d'elle vers la cabine du capitaine Every.

La jeune pirate suivit donc l'homme en faisant d'autant plus attention aux planches sur lesquelles elle marchait. Elle tourna la tête pour regarder le drapeau échoué sur l'arbre. Quelques lumières étranges attirèrent son attention. La jeune pirate plissa les yeux, comme si cela allait l'aider à mieux voir, pour regarder chaque petites lumières qu'elle apercevait.

Plus elle se concentrait, plus elle distinguait des pièces d'or qui devaient sûrement appartenir au trésor du pirate Every. Le fameux trésor qu'il n'avait jamais pu ramener à bon port.

Alexandre posa sa main sur la poignée de porte qui était étrangement encore en bon état, ou du moins assez pour pouvoir garder la porte fermée. Le capitaine pirate tourna la boule de fer et poussa le bois pour pénétrer dans la cabine. Évidemment le plafond était troué, ce qui laissa l'opportunité à la lumière du soleil de s'imprégner dans les lieux, offrant à toutes ces pièces d'or un rayonnement jaune magnifique.

La cabine avait presque l'air d'être un autre monde, de sol d'or et de bijoux accompagné de diamant et de rubis.
Marie n'en croyait pas ses yeux. Il y avait là le grand trésor d'Henry Every. Une richesse à en couper le souffle de quiconque qui s'aventureait dans cette cabine.

Les deux jeunes gens s'avancèrent vers le bureau qui se trouvait au milieu de la pièce. Sur celui-ci, trônait un petit coffre brun. Aucun ornement. Aucune pierre. Seulement fait de bois et de métal pour tenir le tout. Même la serrure n'y était point.
Ils firent lentement le tour en évitant de marcher sur les trésors qui se trouvaient à leurs pieds. Une fois face au petit coffre, Alexandre s'avança pour l'ouvrir. Pourtant, son geste se stoppa lorsque ses doigts touchèrent le bois.

- Que se passe-t-il ? demanda Marie qui s'inquiétait pour lui.

Mais le pirate ne répondit rien. Il avait peur de se retrouver face à une boîte vide. Que la carte n'y soit pas. Son cœur battait rapidement. Il voulait savoir à quoi ressemblait ce papier qui les mèneraient vers le trésor des abysses. Mais son corps même restait statique, ne pouvant plus bouger par peur de tomber sur un second échec.

La jeune femme le regardait, fixant son visage. Elle décryptait dans son regard qu'il ne dirait sûrement rien. Marie souffla doucement et posa lentement sa main sur celle du pirate. Son état statique disparu instantanément, tout son corps se relâcha. Son bras retombant le long de son corps comme si celui-ci venait de reprendre vie.

Le capitaine regarda joli cœur surpris que sa si petite main puisse lui faire autant d'effet. Il se redressa, laissant ses yeux sur le doux visage de la pirate.

- Je m'en charge, fit-elle avec un grand sourire.

L'homme ne répondît rien, il ne faisait que fixer ses faits et gestes. La jeune s'approcha du coffre. Et sans même réfléchir plus longtemps, elle ouvrit la boîte de bois pour y voir ce qu'elle contenait.

Un rouleau. Un papier jaunâtre qui était enroulé sur lui même.

Elle attrapa donc ce qu'elle espérait être la fameuse carte. Puis la déplia lentement. Sauf qu'à leur grand étonnement, celle-ci était vide.

Le cœur du capitaine se déchira en morceau de l'intérieur à cette découverte.

Il avait faillit.
Encore une fois.

Pour contrôler sa colère, il quitta les lieux dans des pas bruyants afin de sortir. Marie était aussi déçue que lui. Mais pourtant, elle avait toujours un espoir. Une petite flamme étincelante en elle qui lui criait de garder la tête haute. Qu'ils allaient réussir. Qu'il ne fallait pas abandonner aussi tôt. Aussi près du but.

Gardant alors la carte vide dans ses mains, elle quitta à son tour la cabine.

- Nous ne trouverons jamais le trésor des abysses. Je suis désolé, commença Alexandre le visage planté vers l'horizon.

Il était debout, près de ce qui était des restes du bastingage. De profil, il fixait d'un visage neutre la nature qui s'étendait autour du Ganj-i-Sawaï, les bras croisés sur son torse.

Elle fit quelques pas vers lui, des grincements de bois accompagnaient ses mouvements. De peur de retomber et de traverser le sol, Marie s'arrêta vite laissant une distance entre eux.

- Nous trouverons l'Introuvable. Ce n'est pas quelques échecs qui nous arrêterons, intervient-elle en essayant de redonner à son capitaine cette envie qui le nourrissait auparavant.

Puis un silence s'installa entre eux. Elle voulait l'aider. Et avant même qu'elle n'ait pu continuer, une chaleur vint se propager dans sa main. Une douce chaleur s'émanait de la carte qu'elle tenait, venant caresser ses doigts, sa paume...

Marie regarda donc le papier jaunâtre replié sur lui-même. Elle distingua des lueurs orangées s'y échapper. Plus rien n'avait d'importance autour d'elle, comme si elle avait été envoutée par cette carte. Ses doigts déplièrent donc le papier.

Alexandre n'entendait plus aucun son venant de son joli cœur, il se tourna vers elle remarquant la lumière dans ses yeux. Il s'approcha pour être sûr que tout allait bien lorsqu'il vit à son tour la carte.

Elle était bien là.

Le papier jaunâtre avait des écritures orangées presque semblables à des flammes. La feuille elle-même prenait vie. Le nom du trésor avait sûrement éveillé la carte des milles richesses.
Ils l'avaient trouvé. Ce n'était pas un échec.

Le trésor était inscrit.

Ils avaient réussi.

Alexandre étudia les inscriptions plus vite qu'il ne le cru, car il pu vite distinguer l'endroit où se trouvait leur butin. Un grand triangle présent sur les flots. Au milieu de celui-ci était dessiné comme une île, mais qu'il ne connaissait guère. Sûrement non répertorié dû à l'endroit qu'elle occupait.

- Le triangle des Bermudes ? demanda Marie en reconnaissant les îles qui l'entouraient.

L'homme se redressa. Comprenant que même s'ils avaient eu la réponse, il leur fallait maintenant franchir cet endroit dangereux où plusieurs navire y avaient déjà laissé la vie. Les tempêtes, les attaques mystérieuses, le Princess Augusta... et puis, que ce trouvait-il sur cette étrange île ? Tout n'était que flou dans sa tête. Que de question sans réponse. Que de dangers inconnus qu'ils devront affronter.

Le capitaine pirate vit l'ombre du grand mât s'éloigner d'eux, grandir de plus en plus. Le soleil se couchait bien trop vite à son goût.

- Nous ne pourrons plus rentrer, argua-t-il les yeux plissés vers la colonne de bois abîmée.

Marie ne comprit pas de suite de quoi il s'agissait, jusqu'au moment où elle vit au loin un beau coucher de soleil. La lumière du jour s'effaçait lentement, la chaleur baissait. Le froid venait caresser leur peau tandis que les monstres marins devaient sûrement se préparer à leur retour.

- Les sirènes ont un trop gros avantage la nuit. Restons ici jusqu'à demain. Une fois que l'astre solaire aura reprit sa place haut dans le ciel, nous partirons, expliqua l'homme en croisant les bras.

Marie regardait les voiles du Red Edan, elles semblaient s'éloigner puis disparurent dans l'horizon. Ils étaient partis ? Sans eux ?

Son cœur lui offrit des battements de peur qui virent tambouriner en elle violemment.

- Ne vous inquiétez pas joli cœur, commença Alexandre d'une voix douce en accompagnant sa parole d'un geste de main qui se posa sur l'épaule de la pirate. Je leur ai demandé de s'éloigner de l'île si nous n'étions pas de retour. Ils reviendrons demain. Mais ils doivent à tout prix s'écarter pour ne pas devenir la proie des sirènes.

Elle acquiesça d'un mouvement, toujours pas sereine d'être entourée de monstres aquatiques affamés de chair humaine.

Sans plus attendre, ils quittèrent avec prudence la carcasse du Ganj-i-Sawaï. Les deux jeunes décidèrent de rester près du navire pirate où ils montraient un feu.

Le capitaine était revenu près du bâtiment après être allé chercher quelques brindilles. Pendant ce temps la jeune avait fait, selon les instructions de l'homme, un cercle de pierre pour enfermer les flammes et éviter une propagation de celle-ci. Évidemment ils avaient pensé à le faire sur la plage mais les sirènes leur auraient causés quelques soucis techniques. Les deux pirates préféraient rester à l'abri près du navire d'Henry Every, assez éloigné de la plage.

Marie était recroquevillée sur elle-même, ses bras autour de ses jambes, assise au sol devant les flammes ardentes. Elle fixait le feu, écoutant attentivement le craquement du bois qui brûlait, les crépitements des flammes orangées. La jeune pirate ne s'en était pas aperçue, mais la température avait réellement baissée. Elle en tremblait. Mais étant concentré sur cette source de chaleur, elle n'y avait guère fait attention.

Alexandre face à elle, accroupit le dos droit, la regardait sans dire un mot. Il avait évidemment bien remarqué ses petits tremblements qu'il comptait remédier au plus vite. La nuit étant déjà présente depuis des heures, ils étaient entourés de noir. Seule la coque du bateau était légèrement visible, accompagnée de l'autre côté par quelques arbres avant de se perdre dans la grandeur de la forêt qui s'en suivait.

- Vous avez froid joli cœur, fit-il le regard sérieux toujours planté sur le visage de la femme.

Elle se redressa comme réveillée de ses pensées.

- Froid ? Non, non ça va.

Mais l'homme n'en cru guère un mot. Il se leva donc, pénétrant pour la seconde fois dans le Ganj-i-Sawaï, le pirate avait disparu aux yeux de Marie s'engouffrant dans les ténèbres qu'abritaient l'intérieur du bâtiment. La laissant seule devant cette lumière orangée qui dansait avec l'air.

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