Chapitre 28
Rogers se racla la gorge, préparant ses cordes vocales à compter son récit.
- J’ai toujours été un pirate dans l’âme, commença-t-il son sourire se faisant plus doux alors que les souvenirs refaisaient doucement surface.
- Bah voyons… râla ce qui semblait être Morris.
Le charpentier fit une grimace à son collègue pirate avant de continuer.
- Je disais donc, que j’avais toujours été pirate. Depuis ma plus tendre enfance jusqu’à aujourd’hui. Mais un jour, mon père est décédé et en sa mémoire j’ai reprit notre navire. Durant des mois j’ai vogué sur des flots comme un pirate solitaire. J’ai pillé nombre de navires, se vanta-t-il. Ma chance a malheureusement tourné lorsque qu’un navire royal a réussi à m’avoir pour piraterie. Mais avant qu’ils n’aient pu m’emmener au port où la sentence allait être irrévocable, leur navire a croisé le Red Edan. Et tout a basculé ! Le bâtiment aux voiles rouges ne faisaient qu’une bouchée du leur. Le capitaine a décidé de me garder sur son pont. Et je suis devenu le charpentier de l’Edan. Lorsque je suis arrivé, le capitaine Black venait d’être promu depuis un moment. Je n’ai donc jamais connu le premier capitaine de l’Edan, finit-il en s’approchant de la table essayant d’être plus proche d’elle mais sans réel succès.
Son récit terminé, Rogers prit sa chope pour la finir en quelques gorgées. Un sourire montrait sa joie d’expliquer son passé à la noble.
- Autrefois, commença Moore qui avait écouté avec attention ce que disait le pirate. J’étais un simple pêcheur. Ce jour là, je cherchais un superbe poisson qui me rapporterai gros. Sauf qu’une tempête était annoncée et je n’ai pas eu le temps de retourner sur terre. Mon sloop a été balancé de tous les côtés, fracassé par les vagues, détruits en morceaux. Je me suis débattu au mieux pour survivre. Mais je ne respire pas sous l’eau. J’ai finit inconscient, certain que ma vie allait s’arrêter ici. Pourtant, je suis encore là.
Le pirate de la vigie s’arrêta pour boire une gorgée et reprendre son souffle. Puis il continua.
- C’est à ce moment que le Red Edan est arrivé, flamboyant comme à son habitude. Le soleil refaisait surface, ses voiles touchées par la lumière naissante. J’ai presque cru que j’étais mort. Mais lorsque ce bâtiment était au plus près de moi, les pirates ont crié “homme à la mer”. Et ils m’ont sauvé. Ma vie sera toujours entre les mains du capitaine, je la lui dois. Il m’a placé à la vigie car il avait remarqué depuis un moment que mes yeux ne se trompaient jamais, se mit-il à sourire en montrant ses deux orbites sur son visage.
Marie se mit à sourire en pensant que certains des hommes de l’équipage avaient été sauvés d’une mort certaine. La pendaison pour Rogers, la noyade pour Moore… ils avaient vécus d’horrible chose avant que le Red Edan ne leur ouvre les bras.
- Bien ! À moi, intervient Morris en posant bruyamment sa chope terminée sur la table.
- Elle est nulle ton histoire, cracha Rogers en dévisageant l’homme.
- Qu’est-ce que tu dis toi ? s’énerva le maître canonnier sûrement bourré depuis un moment. Je vais te faire la peau tu vas voir.
Maire ne savait plus trop où se mettre face à cela. Mais Scott à ses côtés la rassura en posant une douce main sur son épaule.
- Ils ont toujours été comme celà, ne t’inquiètes pas. Dans quelques secondes Rogers va se calmer, Morris se rasseoir et raconter son histoire, murmura-t-il à l’oreille de la jeune.
Elle regardait la scène surprise que tout se passe exactement comme il l’avait prédit. Après plusieurs insultes comme « rats d’égouts », « cafard » ou bien « marin d’eau douce », Rogers s’était tue en plantant son regard sur sa chope. Morris s’était effectivement reposé sur dans chaise pour continuer son histoire comme si de rien était.
- J’ai eu la chance de faire parti de l’équipage de l’ancien Red Edan, commença-t-il un point de fierté dans les yeux. Mais avant tout cela, j’étais tavernier. Travaillant comme ce type à vendre de l’alcool aux autres. C’était plus qu’ennuyeux ! Alors, j’ai pris une pause et sans même m’y attendre quelques jours plus tard je me suis retrouvé parmi les quelques à monter sur ce navire pirate. Plusieurs années après, c’était le petit qui faisait son entrée. Un gosse de quelques années seulement, une cicatrice sur la joue.
Marie était surprise que Morris parle d’Alexandre, mais elle n’en était que plus intéressée. Elle écouta alors attentivement ce qu’il racontait buvant ses paroles comme de l’eau.
- Le temps passa bien vite. Jusqu’au jour où notre capitaine perdit la vie. Et l’enfant fut promu, termina l’homme en croisant les bras et en s’affaissant sur sa chaise nonchalamment.
Donc certains des matelots ici présents étaient bien plus vieux qu’Alexandre, connaissant même l’histoire avant que celui-ci ne soit pirate. L’envie de lui demander son passé à lui grandissait en elle. Mais elle se garda bien de le faire part aux pirates à ses côtés.
- Je faisais aussi parti de l’ancien équipage du Red Edan, argua une voix. Mais j’ai commencé en tant qu’esclave.
La jeune tourna la tête pour mettre un visage sur cette voix : Smith, le maître d’armes. Il avait les bras croisés sur son torse, la tête haute fixant sa chope qu’il venait de terminer. Puis il se tourna vers elle, son regard marron fixant ses yeux.
- J’ai été servant dans une maison de noble depuis des années, trop pour pouvoir les compter. Et cela faisait un moment que j’avais pour but de quitter cet enfer.
Marie avait mal au cœur rien que de penser qu’elle était elle aussi une noble. Qu’auparavant, elle n’aurait peut-être rien dit sur cela, ayant peur de ce que d’autre pourrait penser d’elle. Aujourd’hui, il était inconcevable pour elle de ne rien dire. Mais elle avait surtout peur que Smith la déteste pour cela.
- Un jour, alors que je faisais mes taches comme à l’habitude, mon maître a appelé un de mes amis. Celui-ci est parti le voir. Et je ne me suis pas inquiété, râla-t-il les dents serrés. Le temps est passé. Il n’est jamais revenu. Je ne l’ai jamais revu. Les domestiques m’ont raconté qu’il avait été tué. Trop inutile pour cet homme. Il détruit ce qui ne sert à rien et qui prend de la place. J’étais aveuglé. Aveuglé par la vengeance. Une nuit, je me suis levé, me suis dirigé vers la chambre du maître et je l’ai tué. Les gens comme lui n’ont pas le droit de vivre. J’ai prit la fuite après sa mort. J’étais enfin libre et je me suis retrouvé sur le port où le Red Edan avait fait un arrêt. Le capitaine a décidé de me récupérer. Il m’a accueillit sur son navire non comme esclave, mais comme un homme.
La jeune femme en avait des frissons. Son geste était horrible, certes. Mais il avait eu un courage sans nom pour oser se lever et le tuer de ses propres mains pour venger son défunt. Elle baissa malgré tout la tête, se sentant presque coupable de cela. Et Smith l’avait remarqué.
Il leva les yeux pour regarder Marie.
- Ne t’inquiètes pas, je sais faire la différence entre les nobles comme lui et des comme toi. Sache, que si j’avais eu un mauvais pressentiment à ton égard, tu ne serais déjà plus ici à l’heure qu’il est.
Elle était soulagée, oui. Mais était tout de même heureuse de ne pas lui avoir offert un sentiment horrible, car que se serait-il passé si c’était le cas ? Il l’aurait tué ?
- Ne t’inquiètes pas Marie, j’étais moi aussi un noble, intervient Martin le cuisinier.
Elle se tourna vers lui surprise. Elle n’aurait jamais cru qu’il était lui aussi d'une lignée riche.
- Avant de me retrouver sur le Red Edan, j’étais un noble, comme toi. Ma famille avait pour but de m’organiser un mariage arrangé. J’étais contre. Mais ils ne voulaient pas l’entendre. Alors ma seule solution pour échapper à ce calvaire était la fuite.
Elle put voir dans son regard la tristesse de ce qu’il avait fait. Et elle le comprenait. Pourtant, un faussé énorme les séparaient tous les deux. Martin avait eu le courage de fuir et de refuser ce mariage forcé. Marie avait accepté. Et si les pirates ne s’en étaient pas prit à elle, elle serait sûrement déjà marié à l’heure qu’il est.
- Lorsque je suis arrivé sur le Red Edan, l’ancien capitaine était déjà mourant. Peu de temps après, c’était Alexandre qui prenait sa place.
Marie se tourna vers Scott, comme si elle avait eu un espoir. Il était l’un des meilleurs médecins, mais n’avait-il pas pu le sauver ?
L’homme la regardait des yeux doux sur le visage mais empli d'une étrange tristesse. Sans même qu’elle n’ait prononcé un mot, il avait déjà compris ce que ce regard voulait dire.
- Je n’étais pas encore à bord à ce moment.
C’était vrai. Elle l’avait oublié mais Scott était arrivé sur le Red Edan plusieurs années après qu’Alexandre soit promu capitaine. Il n’avait donc rien pu faire pour lui.
Le silence prit peu à peu la table et Marie ne faisait que penser à ce que chacun avait vécu. Ils étaient tous différents venant de tous les horizons et pourtant finissant tous ensemble dans un navire pirate. Elle passa son regard sur l’homme à la peau foncé, le dos droit. Il ne lui avait pas raconté son histoire.
- Powell, comment êtes-vous arrivé sur le Red Edan ? demanda-t-elle en espérant qu’il réponde sa question.
L’homme tourna la tête, détaillant longuement la jeune pirate avant de commencer.
- C’est grâce au capitaine Henderson.
Pendant sa réponse, elle remarqua quelque chose dont elle n’avait jamais vraiment porté son attention jusqu’à aujourd’hui. Chacun des pirates ici présents avaient sa propre façon de nommer le capitaine. Et Powell était le seul à utiliser le nom de famille de l’homme.
- Cela remonte à quelques années, le capitaine et moi étions esclaves. Il était encore jeune à cette époque et ils nous a tous sauvé. C’est pour cela que peu importe ce qu’il fera, peu importe où il ira, j’irais. Car je lui dois la vie. Alors, lorsque nous étions enfin libre je l’ai suivit jusqu’au port. Nous cherchions de quoi manger, de quoi survivre seuls. Et nous sommes tombés sur ce navire aux voiles rouges. Son capitaine nous a vite remarqué. Surtout l’enfant qu’était Henderson. Les années ont passé et le capitaine a finalement laissé sa place. Henderson a donc prit la tête du Red Edan. Il est devenu l’homme que nous connaissons aujourd’hui.
Donc Alexandre avait vécu quelques années en tant qu’enfant esclave. Une pique vint s’insérer dans son cœur en pensant à cela. Elle ne le connaissait pas et avait bien l’intention d’en apprendre plus sur ce pirate écarlate. Combien de blessure cachait-il derrière son masque de pirate ?
Rick brisa le silence.
- J’ai moi aussi connu l’ancien capitaine. Devenu mousse à un jeune âge et récupéré par le Red Edan. Je n’étais qu’un voleur sans famille, aucun proche, rien à perdre. Puis j’ai rencontré Alexandre. Ce petit jeune venu sur le navire comme si sa vie n’avait plus d’importance. Pourtant, il été heureux. Plus les jours passaient, plus son sourire s’agrandissait. Nous sommes devenu proche, tous les deux main dans la main. J’ai perdu ma jambe pendant un de nos combat contre un navire de la marine royale. Le petit ne s’en est pas totalement remis, se sentant impuissant face à cette situation. Il m’avait promis ce jour là de devenir le plus fort de tout les pirates et de venger mon membre perdu.
Le second se mit à sourire de plus belle, des paillettes naissantes dans ses yeux.
- Et c’est ce qu’il a fait.
Oui. Car il était devenu maintenant l’un des plus grands pirates connus de ces mers. Car le Red Edan était craint. Car ces voiles rouges offraient les tremblements de la proie.
- Certains d’entre nous sont restés sur le navire, continua Rick en fixant Marie. Brown le timonier et Sanders le voilier, sans compter les artilleurs et matelots.
- Eux aussi connaissaient l’ancien capitaine ? demanda la jeune.
- Seulement Brown, son père faisait partie de l’équipage. Il a donc toujours été lié aux cartes et aux compas, rigola l’homme. Puis son père a prit sa retraite. Et lui a prit sa place. Devenu timonier de l’ancien capitaine, il a vu Alexandre arriver sur le Red Edan et devenir capitaine à son tour.
- En fin de compte, beaucoup d’entre vous on vu l’ancien capitaine à la tête du navire, argua-t-elle en balayant son regard sur chacun des hommes.
Elle possédait un grand sourire, heureuse d’apprendre à les connaître un peu plus. Et elle ne regrettait pas d’avoir suivit Scott dans ce caboulot. Malgré le rhum qu'elle sobligeait à boire, Marie commençait à parler à l'équipage. Ce qu'elle n'avait jamais prit le temps de faire réellement.
- Sanders ne l’a pas connu, intervient Morris en posant son verre vide pour la énième fois avec un regard triste qu’il déplaça jusqu’à Marie. Il travaillait au départ pour la marine royale. Mais, faute de mauvais traitement, il a fuit pour se réfugier dans des caboulots à boire de l’alcool pour noyer sa peine et ses souvenirs douloureux. L’ancien capitaine était parti depuis longtemps déjà. Le petit capitaine l’a croisé. Il avait besoin d’un voilier et il se trouvait que l’un d’eux était face à lui. Sanders a accepté. Et la suite, nous la connaissons tous, finit-il.
Les heures s’étaient écoulées bien rapidement, après l’histoire de Sanders, Scott se leva. Il posa les mains sur la table faisant signe qu’il commençait à être tard et qu’il valait mieux rentrer pour ne pas être en manque de force le lendemain. Le groupe acquiesça, quittant les lieux.
Marie ne faisait que penser à ce qu’avait dû vivre Alexandre pour en arriver là. Elle se perdait peu à peu dans ses réflexions.
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