Chapitre 25
Marie était confuse. Elle qui attendait la réponse de l’homme, celle-ci n’avait même pas prit le temps de l’écouter. Ils se fixaient encore. Alexandre croisa les bras un sourire narquois sur le visage. Se moquait-il d’elle car elle pensait trop ?
- Vous ne m’écoutiez guère, n’est-ce pas ?
Elle voulu répondre mais aucune excuse valable ne lui vint. L’homme se mit à rire. Un rire qui donna un frisson à Marie. C’était l’une des premières fois où elle le voyait aussi décontracté que ce soir là. Et elle se mit à sourire à son tour, sans qu’elle ne puisse se contrôler.
- Pour en revenir à votre question, se reprit-il par un raclement de gorge. Je pense que vous faites maintenant partie de l’équipage. Vous n’êtes, pour moi, plus une noble joli cœur. Mais un pirate, finit-il avec un sourire pour appuyer ses propos.
Marie n’en revenait pas. Elle ne s’attendait guère à cette réponse là. Elle était une pirate. Et étrangement, la jeune femme avait l’impression que celui-ci lui avait fait un compliment. Son cœur s’était réchauffé comme si le soleil même venait lui offrir sa chaleur.
Alexandre repensa à un petit objet qui appartenait à joli cœur. Un objet qu’il avait pour but de lui rendre. Il inséra donc sa main dans sa poche afin de le sortir. Puis prit délicatement la main de la femme.
Marie-Louise n’avait pas réagi, seulement ses yeux grands ouverts fixant l’homme tandis que la main rugueuse du pirate tenait son point. Il glissa quelque chose, une légère sensation de froid vint lui parcourir la paume. Lorsqu’il eut fini, la jeune pirate avait le point fermé et l’ouvrît pour découvrir ce qu’il avait caché au creux de sa main. Elle fut d’ailleurs surprise d’y trouver la pierre verdâtre, celle qu’ils avaient vu à la place de la carte.
- Vous l’avez oublié dans ma cabine, intervient l’homme les yeux vers le loin mais toujours face à elle.
Marie eut presque le sentiment qu’il fuyait son regard. Mais peut-être n’était-ce qu’une impression ? Elle le fixait tout de même, des yeux qui voulaient tout dire. Après tout, c’était lui qui lui avait prit cette pierre.
Alexandre tourna peu à peu ses pupilles pour la fixer à son tour. Il sourcilla un instant avant de se reprendre avec une légère grimace.
- Très bien, avoua-t-il vaincu. J’ai omis de vous la rendre.
Elle se mit à rire. Il avait un visage qui donnait cet impression d’y voir un enfant dont on avait découvert la bêtise. Il était étrange comme cet homme arrivait à changer les humeurs de la femme pirate en quelques secondes.
Le pirate fut attiré tout de même par cette petite pierre qui reposait dans la main de son joli cœur.
- Mais, je dois aussi vous avouer que je ne comprends guère l’utilité de la garder. Étant donné que ce n’est qu’un caillou.
- Certes mais peut-être qu’un jour elle nous servira, fit-elle en détaillant l’objet verdâtre à son tour.
Un silence s’installa une énième fois entre eux, que le capitaine écarlate se pressa de briser.
- Il se fait tard.
Marie replongea ses yeux vers le visage de l’homme.
- Nous ferions mieux de retourner nous reposer, continua-t-il.
- Oh, oui vous avez sûrement raison, répondît-elle un brin de tristesse dans les yeux.
Aucun ne voulait se l’admettre, mais il leur était difficile de se quitter et ils n’en connaissaient pas la raison. Pourtant, Alexandre se tourna peu à peu vers la porte de sa cabine. Suite à cela, Marie descendit du pont pour retourner vers son branle.
Le capitaine la regarda partir et se décida à entrer lorsque les bruits de pas de joli cœur disparurent entièrement. Il laissa tout de même échapper un souffle, puis entra.
La jeune femme se rendit compte qu’elle était de plus en plus à l’aise dans ce qui lui servait de lit, ressentant à chaque fois un soulagement lorsqu’elle s’y allongeait.
Le lendemain, Marie déjà sur le pont aidait à diriger les voiles rouges pour être entièrement portées par le vent. Une fois décalé dans l’axe du souffle, celles-ci se mirent à gonfler et poussaient le Red Edan jusqu’à sa destination. D’après ce qu’elle avait compris, ils se dirigeaient vers l’île aux pirates où caboulots, alcool, femmes de joie et forbans se réunissaient pour prendre du temps et du plaisir.
Elle ne savait pas vraiment si elle avait envie d’y aller ou si elle avait hâte de vite repartir. Mais la pirate garda tout de même son ressenti pour elle. Comme à son habitude désormais, la femme se dirigea vers la barre où était positionné Alexandre près de son timonier. Pourtant, avant même qu’elle n’ait pu poser un pied en haut des marches, Rick la coupa rapidement dans son élan. L’homme au crâne lisse et luisant s’était arrêté face à elle, elle en fut d’ailleurs surprise. Elle n’avait jamais vraiment eu l’occasion de discuter avec lui, par conséquent elle ne le connaissait pas vraiment.
- Bonjour Rick, fit-elle en souriant à l’homme qui lui bloquait la route intentionnellement sûrement.
Il était en haut des escaliers de bois qui menait à la barre. La jeune avait le visage légèrement vers le haut pour pouvoir faire face à l’homme. Il se mit à sourire à son tour, des dents argentées furent visibles. Deux en bas à gauche et une en haut à droite. Mais elle n’en fut pourtant pas surprise.
- Bonjour Marie, comment se porte ta blessure ? commença Rick restant toujours statique sur les marches.
- Je vais bien, je pense.
- Tu n’as plus mal ? demanda-t-il.
Elle était surprise de toutes ses questions. À l’accoutumée, le second du capitaine ne se souciait pas vraiment d’elle. C’était d’ailleurs la première fois qu’il venait prendre de ses nouvelles depuis leur entrevue avec les cannibales de l’île. Pourtant, elle savait qu’elle était touchée de cette petite attention de la part du forban.
- Non non, ou alors ce ne sont que des douleurs passagères, répondît-elle en gardant toujours son sourire sur les lèvres.
- Scott veut que tu le rejoignes, il aimerait voir ce que cela donne, argua Rick.
Marie comprenait maintenant pourquoi le second avait posé tant de questions. Elle était déçue que cela ne vienne pas de lui. Mais elle ne s’en préoccupa pas plus que cela, acquiesçant donc d’un signe de tête positif. Après ce geste, Rick lui fit signe et quitta la barre pour rejoindre le pont. La jeune regarda Alexandre, bien trop concentré sur son compas pour qu’il la remarque. Elle fit ensuite demi tour afin d’aller voir Scott qui l’attendait au faux-pont - entre la cale et le premier pont -.
Elle descendit donc les marches menant aux étages inférieur et s’arrêta au faux-pont où elle y vit le médecin Scott l’attendre. Ses cheveux brun en pagailles sur sa tête, il avait un grand sourire sur le visage lorsqu’il la vit arriver.
- Bonjour Scott, commença-t-elle en se rapprochant de lui.
- Bonjour Marie-Louise, heureux que Rick ait pu passer le message à bon port, continua l’homme en posant ses affaires au sol. Je t’en prie, assied toi.
Il se leva pour lui monter une caisse non loin de lui. Elle fit donc, s’asseyant sur le bloc de bois.
Pendant les nombreux jours qui s’étaient écoulés - après leur entrevue sur l’île où reposait le Adventure Galley - elle et Scott s’étaient rapprochés et avaient apprit à mieux se connaître. Passant d’inconnu à ami. Lors des auscultations ils se mettaient tout deux à discuter de tout de rien.
Marie avait donc pu en apprendre plus sur lui. Au départ, le médecin travaillait à bord d’un navire de la marine royale. Il avait été le chirurgien de l’équipage durant des années durant. Ceux-ci combattaient avec bravoure les pirates, forbans des mers. Mais, ce fut l’attaque de trop. Leur navire, sorti perdant, était entrain de couler dans les profondeurs de l’océan. Certains furent sauvés par celui-ci, placé dans des chaloupes. Malheureusement, les blessés n’avaient pas survécu au dernier voyage pour rejoindre la terre. Les affaires de Scott étant restées dans le navire, il n’avait pu leur administrer les premiers soins. Une fois sur le sol, l’homme s’était vite fait connaître de par ses talents en son domaines mais aussi par son “exploit”.
Un jour comme un autre, une femme noble vint le voir lui suppliant de l’aider. Lorsqu’il fut sur place, il découvrit le mari de celle-ci malade, allongé sur le lit. Le teint blanc, des poches violettes sous les yeux, amaigri… Plusieurs médecins avant lui avaient décrété que cette étrange maladie était incurable. Mais la femme n’avait pas perdu espoir. Sa dernière chance fut Scott. Le chirurgien avait réussi un exploit et avait guéri ce noble qui souffrait depuis trop longtemps.
Pourtant, quelque chose manquait à sa vie.
L’océan.
Cette eau infinie qui s’entendait jusqu’à l’horizon.
Lorsque l’occasion lui permis, Scott fut accepté dans l’équipage du Red Edan. Alexandre Henderson en était le capitaine depuis déjà quelques années. Et Scott devint alors en ce jour, le médecin du redoutable bâtiment pirate aux voiles couleur sang.
L’homme face à elle se mit à sourire en regardant la blessure. Celle-ci n’était plus qu’un trait clair sur sa peau.
- Bien, le tissus n’est plus nécessaire, décréta-t-il en enroulant le bandage blanc autour de sa main. Je te demande tout de même de faire attention. Mais d’ici peut-être deux semaine, ce ne sera plus qu’un vague souvenir.
- Très bien.
Les deux se lancèrent leur sourires habituels.
Marie ne le remercia pas. Non parce qu’elle ne voulait pas être polie envers lui, mais plutôt par la demande de Scott lui-même. L’homme n’aimait guère qu’on le remercie pour cela. Il adorait son travail et devait sûrement faire parti des meilleurs de son temps. Mais il trouvait cela inconcevable que ses patients le remercie pour quelque chose qu’il pensait être tout à fait normal. Et n’aimait pas non plus quand il était vouvoyé. Cette politesse lui rappelait bien trop les années qu’il avait passé dans la marine royale. Scott demandait donc à chacune de ses connaissances de le tutoyer, ce qu’elle avait fait à condition qu’il fasse de même avec elle.
Les deux se saluèrent et se quittèrent. Marie remonta sur le pont où elle avait été interrompue dans son élan. Enchaînant donc les marches qui menaient à la barre, la pirate se plaça près du gouvernail dans le but de parler au capitaine. Elle était à sa droite, non loin des escaliers qu’elle avait emprunté. Mais avant même qu’elle n’ait pu placer un mot. Alexandre la prit de cours, commençant lui-même la conversation.
- J’ai entendu que Scott vous avait appelé.
Marie se tourna vers lui, surprise qu’il prenne l’avance sur elle.
- Oui, répondît-elle tout de même. La blessure est presque entièrement refermée. Dans quelques jours, je serais enfin rétablie.
Alexandre acquiesça d'un mouvement de tête sans rien ajouter. Un sourire se forma sur ses lèvres lorsqu’il aperçu enfin leur destination au loin : l’île des forbans buveurs de rhum. Il prit donc sa place de capitaine pour commencer à donner les ordres à son équipage.
Powell répéta chacun des ordres que le capitaine énonçait, demandant aux matelots de se préparer à mouiller - arrêt du bâtiment au port -. Après quelques heures, ils se mirent tous à leur poste. Marie-Louise fit de même, embraquant les cordages pour replier les voiles. Certains attendaient encore le signal pour jeter l’ancre. Et lorsque ce fut le cas, ils s’exécutèrent et le Red Edan fut à l’arrêt complet près du quai.
Tandis que quelques marins vérifiaient les stocks dans la cambuse, d’autres étaient déjà entrain de s’imaginer sur l’île à boire des chopes remplies de rhum sans jamais s’arrêter. Quelques pirates quittèrent le bâtiment pour remplir leur stocks vides d’après une liste que les pirates leur avaient énoncé. Ils ne revinrent qu’après quelques heures sur le navire avec tout ce qu’il fallait en main.
Une fois que tout fut rangé là où il fallait, la pirate entendit au loin des murmures qui l’intriguaient. D’après ce qu’elle arrivait à entendre, ils avaient besoin d’un pigeon voyageur pour aller parler au capitaine. Les pirates avaient en tête de demander quelques chose à leur chef. Mais fallait-il encore qu’ils aient le courage de se déplacer et se lancer pour poser la question ?
Encore plus intéressée, elle resta au loin, continuant d’écouter cette conversation qu’elle trouvait de plus en plus drôle. Après tout, depuis le début elle n’avait cessé d’aller parler sans gêne au capitaine tandis qu’eux s’inquiétaient visiblement quand ils voulaient le faire. Étrangement, l’un d’eux s’était avancé pour se porter volontaire. Elle ne mit pas longtemps à reconnaître la voix de celui-ci, Rick. Ils acquiescèrent tous heureux que quelqu’un ait enfin décidé de faire le pas.
Le boiteux quitta donc le groupe d’homme pour rejoindre Alexandre dans sa cabine. Avant d’entrer, il toqua calmement et ouvrit la porte. Le capitaine était assis comme à son habitude dans sa chaise de bois où il leva la tête pour fixer son ami.
- Capitaine, avec l’équipage nous avons une question à te poser, commença Rick.
Il n’avait en aucun cas peur de parler à ce pirate écarlate. En revanche, il redoutait la réaction de celui-ci.
- Je t’écoute Rick, dis-moi, qu’est-il ?
Le second à la jambe de bois se redressa et Alexandre lui lança un sourire calme sans rien dire de plus, attendant patiemment que son ami pose sa question.
Le chauve se lança donc.
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