Chapitre 22

Marie-Louise était concentrée sur ce qu’elle voyait et ce que lui avait raconté le capitaine. Il la sorti tout de même de ses pensées lorsqu’elle entendit le mot “abordage”. Elle se tourna surprise.

La jeune avait passé plusieurs semaines avec eux. Elle ne serait dire combien exactement, mais il était vrai que le mot “abordage” faisait parti des principaux qui étaient liés aux pirates. Pourtant, elle n’avait jamais vu le Red Edan en plein action. 

La noble se rapprocha du capitaine.

- Vous allez les attaquer ? demanda-t-elle même si Marie devait sûrement déjà connaître la réponse.

- Évidemment, c’est tout le but de l’abordage joli cœur, répondît-il sans pour autant dévier son regard vers elle.

- Vous ne pouvez pas.

Au moment même où elle allait expliquer sa vision des choses, l’homme la coupa net dans son élan, plaçant sa main devant son visage. 

L’abordage était l’une des nombreuses techniques qu’avaient les pirates pour gagner de l’or ou même des provisions pour les jours qu’ils passaient sur l’eau. Le but était de s’introduire de force sur le navire “proie” et de piller sans cœur leur réserve. Mais la suite étant libre pour chacun. Certains avaient pour but de laisser leur cible tranquille après avoir eu ce qu’ils voulaient. D’autres les tuaient sans sourciller faisant ensuite couler le navire marchands ou alors le réquisitionnaient. 

- Je vous l’ai dit, je ne pille que les riches, finit-il en descendant les marches de bois pour se préparer à sauter dans le bâtiment adverse. 

Le Red Edan, aussi appelé le navire sanglant, était bien plus rapide et rattrapa le bateau “proie” plus vite qu’elle ne le pensait possible. Les voiles rouges dans le vent étaient gonflées à bloc, la coque glissait sur les vagues à une vitesse fulgurante. Marie avait les cheveux dans le vent et les yeux écarquillés. Un sentiment lui prit l’estomac comme si elle avait elle-même hâte de les voir à l’œuvre. Mais en réalité, elle détestait le fait de savoir qu’ils allaient voler une marchandise qui ne leur appartenait guère. 

Les hommes de l’équipage adverse, de leur côté, commençaient à s’inquiéter pour leur stocks. Ils marchaient sur leur pont de façon bien agité. Tandis que les hommes du Red Edan se préparaient à l’assaut. 

Le second fit son apparition, répétant chaque phrase qu’ordonnait le capitaine. Les matelots se mirent tous au travail. À son tour le maître canonnier ordonna à ses artilleurs de préparer les canons, ils apportaient donc des caisses remplies de boulets et de poudre. Et en fin, le maître d’armes fit l’inventaire de l’arsenal, s’assurant que chacun en ait lorsqu’il devront monter à bord. 

Marie put, pour la première fois, assister à un abordage pirate. L’excitation vint s’installer dans ses veines. Son cœur battait la chamade, ses jambes et ses bras fourmillaient comme s'ils avaient eux aussi hâte de faire quelque chose. Mais elle se concentra tout de même, restant calmement près de la barre. Elle ne voulait surtout pas déranger l’équipage qui s’attelait à la tache. 

Après plusieurs minutes, ils étaient fin près. Alexandre avait la main levée près de son visage. Le silence prit le pont où seules les vagues frappant la coque venaient briser le calme. Chacun attendait les ordres de leur capitaine. Les secondes s’écoulaient telles des heures. 

Ils étaient tous impatients. Sûrement que leurs cœurs battaient  d’excitation à l’unisson. 

Ils attendaient. Encore. Encore…

- À l’abordage ! ordonna Black le Sanguinaire en baissant sa main pour ensuite s’armer de son sabre.

Directement après cela, le maître canonnier ordonna l’assaut. Chaque canon lancèrent, à la grande surprise de Marie, des cordages dont le bout était un pic de fer : des crochets. Prit d’élan, chaque cordage offrit une danse suivit de détonation comme musique pour ensuite atterrir violemment contre la coque du navire marchand. Les crochets de fer s’enfoncèrent dans les planches de bois. Les deux bâtiments étaient maintenant collés l’un à l’autre, sans qu’il n’y ait possibilité de fuir pour les cibles des pirates.

L’équipage armé se mit à courir avec des cris, sautant d’un pont à l’autre. Leurs lames commencèrent à s’entrechoquer avec celles de leur cibles. Les pistolets grondèrent à leur tour. Marie regardait la scène du haut de la barre. 

C’était un spectacle dont elle ne s’attendait guère. Quelques gouttes de sang coulaient au sol, les cris s’étaient emparés des lieux suivit de près par les échos des lames et pistolets. Malgré la scène horrible que cela montrait, elle avait encore le courage de regarder ce combat acharné. Et remarqua vite que tous les pirates, sans exception, ne tuaient guère leur victime. Ils les blessaient, certes, mais aucun des marchands n’avaient été violemment transpercés. Non. Ils étaient encore vivants, tous bien en vie. 

Au bout seulement d’une dizaine de minutes, les pirates furent vainqueurs, les “proies” encerclées par l’équipage.

- Bonjour messieurs, commença Alexandre son sabre en main un sourire triomphant ornait ses lèvres.

Le capitaine avança d’un pas tranquille vers ces hommes. L’un d’eux le regardait froidement. Mais cela ne le fit même pas sourciller. 

- Pirates ! Vous le regretterez ! se débattait l’un des hommes.

Marie se rapprocha de la rambarde, regardant encore plus intéressée ce qui allait suivre. Mais elle avait aussi peur de ce qu’ils pourraient faire. Maintenant qu’ils avaient ces hommes entre leur main, allaient-ils les tuer ? 

- Peut-être bien, un jour, qui sait, répondît Alexandre en rangeant son arme dans son fourreau. Sur ce ! Nous nous permettons de nous servir de vos superbes caisses !

Le pirate écarlate vit leurs regards se décomposer. Après tout, ces caisses qu’ils portaient n’étaient autre que ce qui leur permettrait de gagner de l’argent. Mais cela lui importait peu. 

- Ne nous en voulez pas, continua Alexandre. Nous avons tous nos façons de survivre. Grâce à vous, marchands, les pirates ont de quoi rassasier leur faim ! finit-il en se tournant par la suite vers son équipage. Servez-vous mathurins.

À peine eut-il prononcé ces quelques mots que chacun de ses hommes commencèrent à l’acclamer. Puis ils se mirent à courir vers la cambuse - local de stockage des vivres - pour aller chercher les nombreuses caisses. Ils remontèrent tous les uns après les autres, une cargaison en main les déposant dans la cambuse suivante, celle du bâtiment pirate. 

- Vous êtes répugnants ! cracha un des hommes. Voleurs !

- Ah ! intervient Alexandre en se rapprochant de son interlocuteur.

Évidemment qu’il allait réagir, après tout, les pirates n'étaient pas de vulgaires voleurs. Il avança donc son visage vers celui du marchand, un regard tranchant.

- Nous ne sommes pas de simples voleurs. Mais des Pirates, argua-t-il avec maintenant un air d’amusement dans les yeux. 

L’homme, en face du capitaine, était perplexe ne sachant pas comment prendre cette réponse. Les pirates. Des forbans qui volaient les navires qu’ils croisaient. Peu importait que ce soit des marchands, des gardes royaux ou même d’autres pirates. Les bâtiments de ces hommes pillaient tout ce qui se mettait en travers de leur route. Le fait était, que ces hommes n'étaient que des voleurs sans cœur. Pourtant, le capitaine écarlate avait l’air de l’avoir prit comme une insulte. 

Après plusieurs minutes, l’équipage eut enfin fini de remplir le Red Edan de leurs nombreuses trouvailles. Alexandre quitta donc lui aussi les lieux, laissant les marchands attachés entre eux pour retourner près de ses hommes. 

- Mais qui êtes-vous ? s’égorgea l’homme encore prisonnier de ces cordages. 

Celui-ci criait pour se faire entendre du capitaine pirate. Alexandre se tourna pour fixer les yeux de son interlocuteur. Un sourire vint se dessiner sur ses lèvres. Peut-être était-ce sa partie préféré dans l’abordage ? Certaines des cibles qu’il prenait en avaient peur et donnaient vite tout ce qu’ils avaient pour être sûr de rester en vie. D’autres lui tenaient parfois tête, ce qui généralement finissait sur des regrets de leur part. Et le plus rare, ceux qui ne le connaissaient encore point. 

- Nous sommes l’équipage du Red Edan. Un navire pirate encore jamais attrapé par les gardes royaux. Et j’en suis le capitaine, Black le Sanguinaire, fit-il la tête relevé pour montrer la puissance de son battement. 

Il fallait bien continuer de perpétuer le nom du redoutable navire aux voiles sanguinaires. Alexandre s’apprêtait à partir, lorsqu’il continua. Comme si celui-ci avait omis un détail des plus importants.

- Oh, et avant de partir, fit-il en se retournant face aux marchands pour les regarder. Souvenez-vous de cela : lorsque vous verrez les voiles rouge sang traverser le ciel. Pensez à ne pas être sur leur route. Il serait dommage de terminer de la même couleur qu’elles.

Alexandre s’était mis à sourire de plus belle lorsqu’il vit quelques regards effrayés face à lui. 

- Sur ce ! Chers marchands, nous vous remercions de votre superbe travail ! Grâce à vous, nous ne mourrons pas de faim ce soir. Et, rajouta-t-il pour terminer. Je vous souhaite de vous en sortir indemne. 

Il leur fit dos pour fixer ensuite l’horizon. Son équipage faisait déjà son travail. Un groupe remonta l’ancre, un autre s’occupait des voiles tandis que le canonnier, armé d’un sabre, coupa avec force chaque cordage qui liaient les deux navires. Très vite le Red Edan reprit son chemin, voiles aux vent vers leur destination. Abandonnant sans scrupule ces pauvres marchands qui étaient encore attachés les uns aux autres. Le capitaine et son équipage s’éloignèrent à pleine voiles vers l’horizon bleu. 

Marie était subjuguée, surprise. Le cœur encore rempli d’excitation. Alexandre monta vers la barre, où la jeune était restée tout du long. Puis il ouvrit son compas près de Brown. La noble encore immobile à côté du bastingage regardait maintenant, de ses pupilles bleu océan, cet homme. Elle ne savait que penser de l’abordage dont elle avait été spectatrice. 

Après tout, c’était un acte horrible. Mais ils étaient tellement fort dans leur domaine, qu’elle en avait presque aimé voir celà. Elle ne savait que penser de cette scène. 

Marie-Louise y prenait goût.
De plus en plus. 
Elle aimait ça.

La femme chassa pourtant ces pensées pour y voir plus clair. Son instinct de noble rempli de règle reprit le dessus. Mettant évidemment un point sur ce qui la dérangeait, elle ne se gêna pas d’aller voir le capitaine pour le lui en faire part. Mais, étrangement, ce n’était pas du vol dont elle allait faire allusion.

Alexandre senti directement joli cœur se rapprocher de lui. Un petit sourire chatouilla ses lèvres, mais il ne tourna pas son regard pour autant. Il la laissa donc commencer.

- Vous ne pouvez pas les laisser dans de telles conditions, fit-elle en levant la tête pour regarder le visage d’Alexandre. Ils ne s’en sortirons pas.
 
- Ils s’en sortirons, répondît le pirate les yeux toujours planter vers le loin. 

Elle fit donc de même, laissant un petit silence s’installer en eux. Comment pouvait-il dire cela ? Ils les avaient laissé seul, prisonniers de cordages serrés sur leur poignets. 

- Comment pouvez-vous en être aussi certain ? Ils sont attachés entre eux, les mains figées et leurs armes trop loin pour qu’ils arrivent à s’en servir.

- Ils sont encore loin de mourir de faim, croyez-moi. 

Marie était perplexe face à cette réponse, qu’elle trouvait trop sûre à son goût. Alexandre le sentait, il continua donc pour ne pas la laisser penser plus. 

- Il y avait, dans la prison de ce navire, un jeune homme qui a été évidemment libéré par mon équipage. Un voleur sûrement, fit-il comme s'il se parlait à lui-même. Comme vous avez pu le constater, le bâtiment marchand n’avait pas de chaloupe. Il est donc impossible pour lui de fuir seul, sauf s'il veut se confronter aux profondes abysses des océans. Son seul choix est donc de libérer ces hommes. Car il ne peut pas naviguer avec un tel rafiot seul. 

La noble était d’autant plus surprise de voir qu’il avait tout prévu. 

- Il ne pourra donc pas fuir autrement que par le bâtiment marchand lui-même… murmura-t-elle en réflexion.

- Ils seront donc libres d’ici peu et pourront continuer leur vie paisible de minable marchand. 

Il tourna la tête vers elle et croisa le regard bleuté de la noble. Ce qui lui offrit un frisson de chaleur agréable. Son souffle se coupa quelques secondes, comme si ce simple fait l’avait électrocuté. Alexandre put lire en elle. Joli cœur avait un sourire sur les lèvres, de doux yeux plantés sur lui. Elle avait visiblement eu une révélation des plus agréables car cela se voyait seulement en la fixant. 

D’après ce qu’il venait de dire, il avait tout prévu jusqu’au moindre détail. Pour cela, le capitaine avait dû détailler tout ce qui l’entourait. Marie le trouvait impressionnant. Ne serait-ce que pour l’observation dont il avait fait preuve. Et en quelques secondes à peine, son plan avait été construit. Libérant donc le prisonnier, leur garantissant la survie à tous. 

Malgré ce qu’il voulait montrer, Alexandre était en réalité un homme plus bon que froid et méchant. Préservant seulement son image face à ses matelots. Mais l’homme gardait tout de même son humanité. Marie sourit de plus belle en pensant à tout celà. Ce qui donna un second frisson à l’homme qui détourna légèrement le regard sentant son cœur plus rapide. 

La noble continua donc la conversation, quelque chose dans ce qu’avait dit le marchand avait gêné le capitaine. Mais même elle ne savait dire pourquoi.

- J’ai remarqué comme ça vous avait dérangé qu’ils vous appellent “voleurs”. N’était-ce pas la même chose qu’un pirate ? demanda-t-elle sans réelle méchanceté dans la voix.

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