Chapitre 12

Elle continuait ses mouvements de va et vient, frottant le plancher. Même si ce n’était pas une tâche facile, ni réellement ce qu’elle appellerai de “drôle”, Marie trouvait que c'était tout de même une bonne expérience. En faisant cela, elle se mettait à la place de ce que vivaient les domestiques. 

Après qu'elle eut finit sa tâche de plusieurs minutes - voir même une heure - elle remarqua bien vite que ses mains étaient devenues douloureuses. Elle les fixait, après avoir rangé les seaux et torchons, pour y voir des marques rouges. Ses doigts étaient légèrement tremblants par la fatigue et certaines phalanges plus colorées que d'autres. Visiblement, sa peau n'avait pas tellement bien supporté le travail qu'elle avait fait, ce qui lui valu de légèrement douleur qu'elle oublia bien vite.

Le pirate vint la voir.

- Merci de nous avoir aidé, fit-il presque timidement.

- Ce n’est rien, répondît la femme. Après tout, si je reste sur ce navire, je me vois dans l’obligation de vous apporter mon aide. Et puis, ça me permet de faire de nouvelles choses.

- Vous êtes blessée ? demanda-t-il en voyant les traces sur ses mains.

- Peut-être bien, mais je dirais plus que je n’ai pas l’habitude de beaucoup les utiliser, surtout pas de la sorte. Ça ira vite mieux, sourit-t-elle. Oh, j’avais une question à vous poser. 

Le marin, qui s’apprêtait à partir, resta donc devant elle et l’incita du regard à continuer son discours.

- Les planches brillent vraiment rouge à cause du sang ?

L'homme pouffa de rire. Elle ne comprit guère cette réaction et leva en sourcil à l'attente d'une réponse. Le pirate se calma vite murmurant un "désolé" avant de reprendre son sérieux.

- Non ! Bien sûr que non, répondît-il. Le capitaine est certes féroce mais pas au point de laisser couler le sang sur son bâtiment. Les planches ont une couleur rougeâtre car elles sont faites avec du bois d’Acajou, qui prend parfois des teintes rouges. 

Marie fut soulagée d’entendre ces mots. Elle acquiesça de la tête et l’homme la quitta, retournant voir le reste de l’équipage et la laissant seule.

À la suite de cela, la journée passa rapidement. Le soleil disparu peu à peu derrière l’horizon remplacé par la lune dans le ciel étoilé. Marie-Louise avait peur de cette seconde nuit avec l’équipage mais elle avait pu tout de même se rendre compte qu’ils n’étaient pas tous comme elle l’imaginait. Malgré leur hygiène quelques-unes peu déplorable, ils n'étaient pas d'horrible forbans comme elle le pensait.

La noble attendît tout de même que chaque matelot soit parti se coucher pour faire de même. Elle descendit donc les marches de bois grinçantes faisant de son mieux pour ne réveiller personne. La femme se mit ensuite à éviter les dormeurs afin rejoindre son branle, qui étrangement lui faisait bien plus envie que la nuit dernière. 

Elle avait passé une journée de travail bien plus mouvementée qu’à son habitude. Elle s’était rendue à l’évidence : Marie n’avait fait qu’un tiers de celui des marins. Pourtant, ayant fait de son mieux, la fatigue s’était vite installée en elle. S’allongeant donc sur le tissus, elle détendit tous ses muscles et le branle était bien plus agréable que dans son souvenir. Était-ce parce qu’elle avait changé de tenue ? Ou bien la fatigue accumulée de cette journée chargée ? 

Elle n’eut pas vraiment le temps de se pencher sur le sujet que ses paupières devinrent lourdes. Marie s’était endormie en une fraction de seconde, bercée par le mouvement qu’avait le navire grâce aux vagues d’eau salées. 

La nuit s’était écoulée rapidement. Tellement qu’elle ne l’avait même pas sentie passer et que le matin fut vite arrivé. La lumière du soleil s’échappant des escaliers, Marie se réveilla doucement. Le retour à la conscience n’était pas du tout compliqué. Elle avait pu entièrement se reposer, même si une très légère douleur était apparente au niveau de son dos. Elle n’était, après tout, toujours pas habituée au branle. 

Marie-Louise se leva et regarda autour d’elle. Mais à sa grande surprise, aucun marin n’était présent. La pièce était entièrement vide, chaque branle replié et rangé dans un coin de la salle. Elle fit donc de même se demandant encore où ils étaient tous passés. Un sentiment étrange vint s’installer en son estomac. Avait-elle peur ? Mais de quoi ? La noble n’en savait rien, se retrouver seule dans la pièce commençait à l’effrayer.

Peut-être que ça lui rappelait sa journée passée dans la prison du Nightmare ? Ce moment où elle s’était senti seule au monde, prise pour proie par des monstres sans qu’elle n’ait une seule chance de s’en sortir. Elle ne voulait plus revivre ce moment. De fait, Marie monta bien plus vite qu’elle ne le pensait sur le pont du Red Edan

Le soleil vint l’éblouir. Ses sourcils fronçés et ses paupières fermées, elle s’habitua doucement à la lumière. Une fois que l’extérieur devint net, elle put constater que tout l’équipage était déjà au travail. Le sentiment étrange disparut vite d’elle. Marie était soulagée de les voir. Pourtant elle aurait parié qu’elle ne les appréciait guère. Elle alla tout de même voir un des hommes. Lors de son arrivée il se tourna vers elle, des yeux surpris mais un sourire sur les lèvres.

- Depuis combien de temps êtes-vous debout ? demanda-t-elle.

- Quelques heures, lorsque le soleil touche les vagues, répondît l’homme en pointant la grande boule chaude et blanche dans le ciel.

- Pourquoi ne pas m’avoir réveillé ?

Le pirate avait l’air gêné, son sourire légèrement crispé. Il baissa les yeux vers le sol et sa main vint toucher l’arrière de son cou.

- Tu dormais si paisiblement, aucun de nous n’a eu le courage de le faire, avoua-t-il en rapportant son regard vers ses congénères. 

Le pirate reparti à son travail sans dire plus. Marie se perdit dans ses pensées qui venaient obstruer son esprit. Elle n’y arrivait plus… les détester lui devenait de plus en plus inconcevable. 

Tout ce qu’elle avait apprit...

Tout était faux. 

Elle était la seule femme sur ce navire et pourtant aucun d’eux ne l’avaient touché une seule fois. Même lorsqu’elle s’était endormie avec l’équipage, aucun des pirates n’avaient fait quoi que ce soit. Alexandre avait raison sur toute la ligne : pas tous les pirates n’étaient des forbans sans cœur. En tout cas, ce n’était pas le cas du Red Edan et de ses matelots. 

Marie reprit peu à peu ses esprits. Un sourire vint chatouiller ses lèvres et elle se mit elle aussi au travail. Attrapant une serpillère, elle alla - avec un petit groupe - nettoyer le fond de cale. 

Les jours passèrent lentement, Marie eut même l’impression que le Red Edan ne faisait que tourner en rond sur ces océans. Les jours devenaient longs et chacun se ressemblait. Ils se réveillaient, faisaient quelques corvées pour s’occuper, avaient du temps libre, mangeaient, refaisaient quelques corvées... Il arrivait parfois que Rick donne des ordres pour déplacer le navire, changer de direction. Et tout recommençait.

Marie n’était plus aussi en forme que le début du voyage. Et elle n’avait même pas aperçu Alexandre depuis, il restait jour et nuit dans sa cabine. Certains matelots lui avaient expliqué, ou du moins hypothétiquement, que leur capitaine devait sûrement être entrain de faire de nombreux calculs pour trouver le Adventure Galley

De ce qu’elle avait compris, le navire de William Kidd posséderait une clef leur permettant d’accéder à la carte qu’ils recherchaient. Mais pour cela, il leur fallait trouver la position exacte du navire disparu. Elle se demandait même s'il n’était pas perdu dans les abysses de l’océan tellement la quête était difficile. 

La jeune arrêta d’y penser, elle venait de finir de ranger quelques affaires dans la cale. Remontant alors sur le pont, Marie fut quelque peu surprise lorsqu’une silhouette qu’elle n’avait pas vu depuis longtemps, refit surface. Alexandre était visiblement de sortie, mais le cœur de la jeune n’était pas pour autant plus léger. L’homme avait un visage légèrement fermé, des yeux fatigués suivit de contours foncés montrant son manque de sommeil. Sa barbe, auparavant courte - voire inexistante - était plus longue, de peu. L’homme était tellement occupé à trouver la carcasse du navire qu’il en avait oublié de penser à lui. Pour ce qui était de manger, c’était un pirate de l’équipage qui s’en chargeait. Lui apportant son repas, qui lorsqu'il revenait, n’était qu’à moitié terminé.

Marie, en le voyant de la sorte, avait un poids sur le cœur. Elle qui avait eu l’habitude d’y voir de beau sourire sur le visage du pirate, il était maintenant froid. Sans même qu’elle ne puisse continuer de penser à lui, Alexandre fit un signe de main attirant tous ses matelots.

Avant qu’il ne dise quoi que ce soit, l’équipage du Red Edan tira sur les cordages pour retrousser les voiles et lorsque le moment fut venu, il jetèrent l’ancre. Le navire s’arrêta doucement près d’une île qui semblait vide de vie. 

Mais ce qui les intrigua plus encore se trouvait non loin de leur bâtiment. De belles et grandes voiles blanches abîmées et déchirées par le temps flottaient au dessus de l’eau. 

Il avait réussi.

Alexandre avait réussi à trouver la carcasse du Adventure Galley. Le grand mât dépassait, ses voiles blanches avaient quelques changement de couleur sur les parties qui touchaient l’eau, passant d’un pur à du jaune voire même vert. Mais surtout le pavillon noir était toujours présent. Il représentait un démon légèrement squelettique et décoré de deux cornes sur le front. Celui-ci portait en sa main droite une coupe. La gauche tenait en revanche une flèche qui pointait, sur le côté droit du drapeau noir, un grand cœur rouge accompagné de trois points de cette même couleur. 

- Mes chers mathurins, commença Alexandre une voix rauque de fatigue qu’il essayait de ne pas montrer. Nous sommes arrivés à bon port. Le trésor nous appartiendra ! fit-il en levant un point au ciel.

Des cris de victoire se firent entendre sur le pont du Red Edan. Marie venait de balayer son regard de la carcasse au capitaine, qui même prit de fatigue se montrait fort pour l’équipage. 

L’homme descendit de la barre. Rejoignant son équipage, il savait que la suite n'allait pas vraiment plaire à ses hommes. 

- Nous avons de la chance matelots, le Adventure Galley est échoué sur l’île, il n’est donc pas trop profond et accessible. Mais, continua-t-il en marquant une pause. Quelqu’un va devoir plonger. 

Le silence avait reprit le pont du navire. Chacun regardait dans la direction de l’autre, se demandant sûrement qui serrait assez fou pour plonger. Le capitaine, de son côté, les fixait sans rien dire de plus. Un sourcil se leva, il avait besoin d’un volontaire. Mais personne ne répondît, ce qui ne l’étonna pas. 

Il fit donc quelques pas dans la foule, ses yeux bruns se portant sur chacun des hommes de son équipage. Étant donné qu’aucun d’eux n’avait réagis, il lui fallait choisir. Puis de sa main droite, il prit son pistolet qu'il retira de ses ceintures pour la ponter sur Marie-Louise. Alexandre était de profil, se tournant vers elle doucement avec un sourire narquois sur les lèvres. Le joli cœur face à lui avait des yeux écarquillés de surprise.

- Joli cœur, pourriez-vous plonger ? Comprenez moi, je ne veux pas finir trempé. 

Marie faillit presque s’étouffer à l’entente de cela. Comment pouvait-il dire ça ? Elle était surprise et offusquée. Il convoitait un trésor mais ne prenait pas la peine d’aller le chercher lui-même ? Pire dans tout celà, il demandait à une femme - noble qui plus est - d’y aller à sa place par peur de froisser sa belle chemise blanche ? 

Il était odieux. La jeune avait enfin espéré qu’il serait bon avec elle. Mais elle s’était lourdement trompée. Il n’était que le pire des forbans. Et Alexandre venait tout juste de lui prouver. 

- Vous savez nager au moins ? demanda-t-il tout de même.

Elle était plus que blessée. Tout ce qu’elle avait réussi à voir auparavant sur cet homme venait de se briser en seulement quelques secondes. 

- Vous vous en souciez vraiment ? argua-t-elle son regard le plus sombre dans les yeux.

L’homme grimaça.

- Ce serait dommage que vous vous noyez avant d’avoir récupéré le coffre, sourit-il tout de même en se mettant face à elle le pistolet toujours vers son visage. 

La noble soutenait le regard du pirate écarlate. Tandis que les lèvres de celui-ci étaient étrangement souriantes, Marie avait des sourcils froncés en un plis sur le front. 

Plus elle y pensait, plus elle savait pertinemment qu’elle n’avait d’autre choix que de faire ce qu’il demandait. Après tout, si par malheur elle refusait, son corps aurait été gisant au sol sans vie. Elle le détestait. Elle en était persuadée dorénavant. Derrière ses airs d’Apollon pirate ne se cachait qu’un homme odieux, profitant des autres pour ses propres fins. Malgré elle, son cœur se serra dans sa poitrine, elle avait cru à un beau mirage. Tout s’était effondré, elle revenait à la réalité. La jeune était coincée dans un navire pirate sous les ordres d’un horrible capitaine. 

N’ayant pas le choix, elle se devait donc “d’accepter” l’offre. Elle n’avait aucune envie de connaître la suite si sa réponse était le contraire. Son cœur battait la chamade. Elle avait peur. 

Marie respira un grand coup, gonflant ses poumons comme pour se donner du courage, puis continua.

- Que dois-je faire ? 

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