Chapitre 6 (7) : Seven

(On remercie Thal pour l'idée de musique très rigolote ;)))

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Septième jour.

Le moment approche.

Nous sommes réunis devant la salle de procès. Tous les quatre, alignés presque en rang d'oignon, guettant l'arrivée de Monokuma pour ce qui sera très certainement le dernier procès de toute cette Tuerie.

Le dernier procès que je vivrai jamais.

Le silence règne dans la forêt tropicale, pourtant, mes compagnons sont plus facilement déchiffrables que s'ils décidaient de s'exprimer oralement. Yuuki se tord les mains, aux ongles rongés, alors que des tremblements se répandent dans tout son corps, et son visage est d'un blanc opalin. Je vois les larmes perler à ses yeux, son estomac se tordre sous le stress.

Soma, lui, est complètement recroquevillé sur lui-même, assis en boule devant la salle de procès, les yeux dans le vague. De temps en temps, il ressort de sa léthargie pour me jeter un œil de travers. Un œil à la fois plein de ressentiments et de prières.

Saki, enfin, est toujours d'un calme saisissant. Mais il faut bien la connaître pour voir ses poings serrés sur son sac, et ses yeux qui vont de chacun d'entre nous à la porte rouge molletonnée qui marque l'entrée vers la salle de procès. Ou sa manière de doucement taper du pied au sol, bruit étouffé par la terre molle qui nous entoure.

Nous sommes tous stressés, paniqués, en attente. Quoi qu'il arrive, en sortant de là, l'un d'entre nous au moins sera un cadavre. Et ça peut aussi bien être nous que l'instigateur.

C'est un jeu à deux camps où nous n'avons aucune idée de qui est le camp d'en face.

Enfin, un bruit se fait entendre sur la route qui mène à la salle de procès. Et en surgit Monokuma, les genoux bandés et entourés d'armatures, assise sur un fauteuil roulant à reliures dorées.

Cela pourrait sembler ridicule, mais la quantité de haine et de soif de sang qu'elle dégage est suffisante pour que personne n'ose se moquer d'elle.

Le fauteuil roulant avance jusqu'à nous pour, finalement, se stopper à deux mètres de la porte.

Son occupante se penche en avant, nous balayant du regard d'un simple mouvement de l'œil.

« Pas de retardataires ? Étonnant.

— Rentrons qu'on en finisse, je l'invective. Toi comme moi n'avons pas la journée. »

Monokuma montre les dents.

« Dans ton cas, j'espère que ce sera littéral. Mais allons-y. Autant qu'on en finisse, en effet. »

Elle s'avance vers la porte, qui s'ouvre devant les roues de son fauteuil. Avant de s'engager dans la salle sans même nous accorder un regard.

Nous la suivons, chacun à notre tour, en silence. L'un après l'autre, mes trois survivants se lèvent et prennent une place derrière moi.

Le tribunal me semble bien plus sinistre que les premières fois. Est-ce parce que nous ne sommes que quatre ? Est-ce parce que cette fois, les tableaux qui marquaient chaque décès ont disparu ? Où est-ce parce que Monokuma ne semble pas vouloir se donner la peine d'allumer toutes les lumières ? Parce que personne ne se tient à côté de moi, cette fois ?

Je n'en ai aucune idée.

Nous prenons notre place, en silence, chacun à l'un des quatre coins du tribunal. Et ensemble nous regardons Monokuma monter à sa tribune, son fauteuil tracté le long de son bureau pour, enfin, se retrouver à la place du jugement.

Nous sommes de retour. De retour dans ce contexte si familier. Et cette fois, c'est pour y mettre fin.

Monokuma se penche sur sa tribune. Son regard est dénué de toute expression enfantine, joyeuse, ce regard plein de vie et de mort que chaque procès a vu défiler, l'un après l'autre.

« On va récapituler le problème, puisque visiblement tout le monde ne suit pas les dernières nouvelles... »

Je la vois grimacer.

« Nous sommes ici pour refaire le procès de Junko et Daisuke, dont le verdict a été contesté par mademoiselle Satou, elle crache, me jetant un regard plein de haine. L'objectif, c'est de donner le nom de l'organisateur, vraisemblablement impliqué dans ce meurtre, toujours selon miss... »

Elle me pointe du doigt depuis sa tribune, alors que Soma, Saki et Yuuki me regardent avec des yeux pleins de doute. Sa manière de présenter les choses ne me plaît pas trop. À la voir, elle a juste envie de tout me foutre sur le dos.

Comme d'habitude. Quelqu'un doit porter la responsabilité. Et ce quelqu'un, dans sa logique, ce sera moi.

Très bien.

Ainsi soit-il.

« Il va de soi, elle crache, que si vous ne parvenez pas à me donner son nom à la fin du procès, vous connaîtrez le même sort qu'en cas d'échec à démasquer un simple meurtrier. Les trois innocents meurent, et puisqu'il ne reste qu'un seul élève, la Tuerie sera terminée... Sommes-nous bien clairs là-dessus ?

— Très clairs, merci, Monokuma. Je peux commencer, maintenant ? »

Monokuma montre les dents.

« Vas-y. »

Et voilà.

On y est.

La consécration de mes recherches, de tant de temps passé.

Le pinnacle de toute ce que j'ai accompli jusqu'ici.

« Le meurtre de Daisuke et Junko, tel qu'on l'a présenté jusqu'ici, est simple. Michi rentre dans la chambre, tue Daisuke, Junko tente de s'échapper, elle la tue aussi. Tout ça sous l'influence de sa transe, la rendant incapable de nous expliquer ce qu'il s'est vraiment passé.

— Oui, c'est comme ça que Monokuma l'a présenté, grimace Soma. En disant qu'il n'y avait qu'un seul tueur. Et donc ? »

Je ferme les yeux.

« C'est impossible. »

J'entends le tribunal s'agiter. Yuuki a une moue incertaine, et derrière un Soma éberlué à l'air sur le point de cracher toute sa surprise. Il n'y a que Saki qui semble à peu près imperturbable.

« Michi a bel et bien tué Junko, j'annonce, coupant toute forme de protestations. Mais pas Daisuke. Elle était blessée et se ressortait d'une dangereuse maladie, et même au sommet de sa forme, elle fait à peine le poids contre lui. Impossible qu'elle ait réussi à le planter sans la moindre trace de lutte, en tout cas pas toute seule. Et je doute que Junko l'ait aidée. D'ailleurs, elle non plus ne porte pas de traces de lutte. »

Saki grimace, avant de ressortir sa tablette.

« Et on a oublié un détail pareil au procès ?

— On l'a oublié, je lui réponds, parce que Monokuma a dit qu'il n'y avait qu'un seul tueur. Et Michi a indubitablement tué Junko, ce qui fait qu'il n'y avait pas vraiment moyen de chercher plus loin sans risquer de tous perdre la vie. Vous comprenez mieux ce que je veux dire, maintenant ? »

Derrière le regard imperturbable de Saki, les rouages de son cerveau semblent tourner à plein régime. En silence, elle branche sa tablette sur sa tribune, avant de se pencher vers moi, de me regarder avec intérêt. Sur son expression, je ne lis qu'une soif d'explications.

Elle veut savoir. Elle veut savoir, tout autant que moi, où est-ce que cela va me mener.

À sa fin, peut-être ?

« ... Ouais, c'est exact, Monokuma a dit ça, intervient, hésitant, Soma. Mais nous, on l'a crue, on l'a crue parce que jusqu'alors, elle a pas menti une seule fois. Tu es en train de nous dire... Que c'était mal placé ? Et c'est juste ça, plus les traces de lutte de Michi, qui t'ont fait lancer un nouveau procès ? »

Je le sens sceptique. Il hésite, Soma, il se doute du bien fondé de mon initiative. J'imagine que je ne peux pas lui en vouloir d'être empli de doutes. Jusqu'ici, on a suivi les procès en se basant sur ce que Monokuma nous disait. Remettre sa parole en question, même pour une Monokuma, est... Étrange.

Je hoche doucement la tête.

« Cette histoire de traces de lutte est directement liée à ce que je vais dire. Et c'est probablement l'indice le plus déterminant.

— Dis-le, alors, me lance Yuuki. Pour qu'on voie. »

Je suis d'accord avec elle. Autant ne pas perdre de temps.

« Daisuke a lutté. C'est évident, pas besoin d'autopsie pour comprendre. Il s'est fait planter de face, et quelqu'un comme Daisuke ne se serait pas laissé faire. D'ailleurs, des traces sur ses poignets le prouvent. Traces qui m'ont paru étranges jusqu''à ce que je comprenne le problème.

— Quel problème ? Hurle Soma au bord de la crise de nerfs. Arrête avec ton suspense, dis-le, à la fin ! »

Je pousse un profond soupir.

« Personne ne portait de traces de lutte. À part Daisuke. Or, il a bien lutté avec quelqu'un. Mon hypothèse, qui je pense est prouvée par ce qu'on a retrouvé dans la chambre de Junko, est qu'il n'a pas lutté contre quelqu'un. Mais contre quelque chose.

— ... Et ce quelque chose...

— Tu as deviné, Soma. Ce sont les robots. Or, la seule qui peut les contrôler à notre connaissance, c'est Monokuma. Et pourquoi Monokuma se serait avancée à poignarder Daisuke ? »

Monokuma siffle de sa tribune, mais ne proteste même pas. Elle se contente de nous regarder d'un œil noir, œil qui se recouvre de plus en plus d'orage au fur et à mesure que le visage de Soma blanchit.

« ... Donc l'instigateur... Ou Monokuma... S'est servi des robots ? Pour le tuer ?

— Peu probable, avance Saki. Les robots savent moyennement se servir d'un poignard. Ils ne sont pas très agiles. Ils l'auraient tué à l'arme à feu. Or, l'arme à feu, c'est une blessure bien plus suspecte qu'à l'arme blanche. Une arme blanche, on pouvait facilement le coller sur le dos de Michi, et surtout Michi en pleine dissociation.

— Monokuma ne s'implique jamais dans les crimes, je continue. C'est une de ses règles. Envoyer les kumarobots immobiliser Daisuke était déjà une violation de ses règles, et on voit bien que depuis le début, elle les suit presque à la lettre. Sans doute l'aurait-elle tué s'il n'y avait pas ces règles contraignantes pour elle depuis le début. Donc, il ne reste plus qu'un candidat au meurtre de Daisuke. »

Soma pâlit encore plus.

« Et ce candidat...

— c'est l'instigateur. »

Silence.

Tout le monde dans la salle de procès me fixe de se grands yeux.

La haine transparaît dans ceux de Monokuma.

L'avidité d'informations dans ceux de Saki.

La surprise dans ceux de Yuuki.

La panique dans ceux de Soma.

Ils me fixent tous, sans bouger, avec leurs yeux de merlan frit.

Immobiles.

Je soupire.

On y est presque.

Maintenant, j'ai recréé le scénario du meurtre.

Maintenant, il faut comprendre qui en est à l'origine.

« Donc ça veut dire... Ça veut dire, enchaîne Soma, que ce que tu m'as dit hier... »

Je le coupe d'un mouvement de la main. Inutile qu'il répète la teneur de mes soupçons à son égard.

« Pour faire simple, tout se rattache à ce meurtre. Parce que l'organisateur était impliqué, évidemment. Mais aussi parce que le fait que Monokuma ait autant insisté pour le mettre sur le dos de Michi, alors que nous avions un autre meurtrier derrière et que ce n'était pas le cas pour, par exemple, le premier procès où nous avons eu deux victimes... ça indique beaucoup.

— c'est pour ça que tu penses que Monokuma protège son instigateur, intervient Saki. Parce qu'elle s'est impliquée. Alors qu'elle ne le fait jamais.

— Oui, c'est pour ça.

— .... Je comprends pas trop, lance Yuuki, le visage tordu par la réflexion. Donc tu me dis que tu as démasqué l'organisateur... Juste sur un détail du meurtre d'avant ? Parce que Daisuke avait des traces à ses poignets ? »

Je secoue la tête.

« C'est plus compliqué que ça, mais on peut le résumer de cette manière. Sauf que je n'ai pas démasqué l'instigateur. Justement. C'est pour ça que j'ai demandé un procès. »

De nouveau, le silence.

Que je brise d'un profond soupir.

« Maintenant quevous savez ça, c'est le moment de débattre. Je veux savoir qui, à votre avis,Monokuma pourrait le plus protéger. »


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