Chapitre 6 (6) : Six
Sixième jour.
Plus qu'un avant l'ultimatum de Monokuma.
J'ai suivi son conseil. J'ai mis ce temps à profit pour préparer mon argumentaire. Comment je vais attaquer ce procès, les arguments que je vais employer pour expliquer comment, exactement, l'organisateur s'est trahi, tout est prêt.
À un détail près.
Minuscule, hein le détail.
Le fait que je ne sache toujours pas qui c'est.
Au bout d'un moment, je tourne pas mal en rond. J'espérais que l'ambiance du procès forcerait l'organisateur à commettre une erreur, mais visiblement, j'avais vu juste dans le fait que Monokuma protégeait son instigateur.
Je n'ai pas le droit à l'erreur.
Et puisque je n'ai pas le droit à l'erreur, je dois absolument mettre à profit le temps qu'il me reste.
Ce midi, lorsque je suis partie manger, j'ai eu la chance de croiser Soma. Ce dernier m'a jeté un regard étrange et pas forcément amical, mais j'ai quand même réussi à le convaincre de me ramener Saki et Yuuki dans la salle informatique pour le milieu de l'après-midi. Je vais devoir leur parler, même si c'est seul à seule, même si je dois les forcer, pour recueillir le témoignage le plus précis possible sans dévoiler les cartes que j'ai en main.
Cela pourra être une solution pour moi trouver le coupable. Les interroger sur leur passé, sur leur avenir, sur leurs objectifs. Essayer de remonter aux sources de cette Tuerie pour finalement, en arriver à la fin.
C'est ce que j'attends, en ce moment. Je n'ai rien à faire sur les ordinateurs, tous les fichiers d'Haruko ayant été décryptés ; Et de toute façon, je crois que cette tuerie n'a plus rien à m'apprendre. Dorénavant, mes cibles, ce sont les participants. Ce sont eux, les véritables clés.
Je dois trouver comment m'en servir si je veux pouvoir gagner.
Justement, la porte s'ouvre. Et la passent chacun à leur tour Soma, puis Saki et Yuuki, les trois s'avançant vers le centre de la pièce d'un pas un peu hésitant.
J'incline la tête dans leur direction.
« Ah, vous êtes là. Parfait. »
Soma fait la grimace. Et je vois Yuuki se recroqueviller contre la jambe de Saki, qui semble être la seule à conserver une expression neutre. Cette dernière est la seule à me rendre mon salut.
Je leur fais signe de s'asseoir d'un geste de la main. Mais aucun n'obéit. Malgré les regards qu'ils s'échangent.
C'est Soma, qui, finalement, prend la parole.
« Euh, Reina. Avant qu'on... commence ce que tu veux qu'on commence, je voulais te demander... t'es sûre de vouloir faire ça ? »
Je hausse un sourcil.
« Comment ça ?
— Eh ben.... Si Monokuma protège vraiment son organisateur, il balbutie, ça veut dire qu'elle veut qu'il s'en sorte vivant. T'aurais pu... Lui faire un ultimatum sur n'importe quoi d'autre qu'un procès final... »
Génial, je m'attendais à tout sauf à ça. Soma qui veut protéger la vie de l'instigateur ? Il commence drôlement bien, cet interrogatoire.
« Tu crois vraiment qu'il y avait un autre moyen ? Je grimace. Monokuma ou pas, les autres seront intransigeants. Lorsque l'Ultime Fabricante de Poupées a contourné les règles, Haruko a été envoyée pour la tuer, elle et le maître du jeu. Jamais elle n'accepterait de se mettre en danger de la sorte.
— Tu aurais juste pu la forcer à dire son nom, grimace Soma. Et la laisser entre les mains de Monokuma. Comme ça, on l'a trouvé, hop, basta, et ensuite, ce qui leur arrive, c'est leur problème... Je veux dire, nous, on a rempli notre part du contrat...
— Absolument pas. »
Je pousse un profond soupir, avant de me recaler dans mon siège.
« Soma, notre part du contrat, ce n'est pas de le trouver, c'est de le trouver et le tuer. Si on le tue comme le jeu nous l'indique, Monokuma se vengera sur le tueur, sans le moindre doute. Elle serait même capable de tuer les autres sous prétexte qu'on a mis au point le plan ensemble. Avec un procès, il sera mis face à ses propres actes sans qu'on ait besoin de verser le sang davantage. Et sa punition, j'ajoute, froidement, sera l'affaire de Monokuma. À voir comment elle prend devoir tuer la personne qu'elle souhaitait protéger au point de briser ses propres règles... »
... Et ce serait une si douce vengeance, n'est-ce pas ?
La voir, pistolet à la main, braqué sur une personne déjà condamnée. L'obliger à suivre ses propres règles jusqu'au bout. Le Désespéré meurt. Et avec ce coup-là, je pourrai peut-être même les tuer tous les deux.
Je verrai la femme qui a joué avec nous comme si nous étions ses pions, ses marionnettes, entremêlée dans ses propres fils au point qu'ils l'étouffent, sans espoir de sortie.
Et après, elle mourra.
Enfin.
J'ignore quelle expression prend mon visage en cet instant. Mais cela ne semble pas vraiment rassurer Soma. Au contraire, ce dernier recule d'un pas, avant de se poster derrière une des tables d'ordinateur.
« ... C'est ça le problème, Reina... Je... Je veux bien admettre que Monokuma mérite tout ce qu'elle nous a fait subir et sans doute plus. Moi aussi, je veux qu'elle crève, pour tout ce qu'elle m'a pris. Mais je ne veux pas m'abaisser à son niveau. Et je ne veux pas que toi, tu t'abaisses à son niveau... »
Ses mains se tordent, et une larme s'échappe de ses yeux, alors qu'ils se plantent dans les miens.
« Hier... Hier, je crois que t'as fait peur à tout le monde. Moi non plus, je pensais pas que t'allais tirer. Je savais même pas que t'avais une arme, enfin bref... J'ai peur, Reina. Et je veux pas avoir peur de toi. J'aimerais continuer à te voir comme une amie jusqu'au bout, même si on doit y passer, je... Je suis fatigué d'accuser des gens. »
Il pousse un profond soupir. Et se tourne vers Saki, toujours imperturbable, et Yuuki, toujours tremblante. Les deux lui rendent exactement le même regard.
Je ne sais même pas comment lui répondre.
Est-ce que je deviens comme Monokuma ?
A semer la mort derrière moi, à me repaître de la souffrance des autres, même si c'est une juste rétribution, la souffrance de celle qui m'a entraînée dans cette spirale ?
...
Non.
Non.
Je ne peux pas l'accepter.
Je ne peux pas.
« C'est la seule solution, Soma, je finis par dire, sans émotion. N'importe quelle autre impliquerait de se mettre en danger, ou de prendre le risque de laisser sortir un monstre. Je ne veux pas être celle... Qui aura laissé échapper un nouveau Veikko.
— Tous les boss finaux ne sont pas forcément comme Veikko, intervient Yuuki. Ils sont tous différents. Peut-être que... Peut-être que celui-ci a juste besoin d'aide ?
— On a vachement besoin d'aide quand on déclenche une Tuerie, en effet, je grince des dents, aigre. Quand on regarde les gens mourir sans aucune autre pensée que celle qu'on a provoqué tout ça et qu'on peut l'arrêter, sans jamais le faire. »
Yuuki grimace, et Soma, qui semblait sur le point d'ajouter quelque chose, se tait. Son visage est fermé, et il continue de me regarder, mais pas avec le même regard qu'avant. Dans ses yeux, j'ai l'impression d'être une nouvelle personne. Et ce qu'il voit ne lui plaît pas.
Je me demande à qui ça plairait.
Finalement, c'est Saki qui s'avance.
Sa tablette, entre ses mains, crachote quelques mots dont je comprends à peine le sens.
« Je suis d'accord avec Reina. »
Soma écarquille les yeux.
« Comment ça ?!? Tu... Tu peux pas être d'accord avec un truc pareil !
— Elle a raison sur un point. C'est le seul moyen. On ne peut pas arrêter la Tuerie avec un simple ultimatum. Laisser l'organisateur en vie est trop dangereux, qu'il soit ou ne soit pas comme Veikko. Même s'il jurait de ne plus recommencer, même si Monokuma lui laissait un sursis, les autres Monokuma, eux, ne l'entendront pas de cette oreille. Ils le traqueront, et le tueront, et peut-être nous avec pour l'avoir aidé. »
Je vois Soma se recroqueviller. Comme si les conséquences d'un tel acte ne l'atteignaient que maintenant.
L'expression de Saki s'adoucit.
« Soma. Je comprends ce que tu ressens. Mais on ne s'en sortira pas à quatre. Et si on ne fait pas quelque chose, on ne s'en sortira jamais. Le procès est le meilleur moyen de mettre fin à cette Tuerie. En faisant le moins de victimes possibles. »
... Le moins de victimes possibles...
Parce que quoi qu'il arrive, il y en aura au moins une, n'est-ce pas.
Et si le sort de Monokuma m'indiffère plus que n'importe quoi dans ce monde, je ne peux pas me détacher de l'idée que l'un d'entre eux, l'un de ces gens qui a traversé tant d'épreuves avec moi, qui a atteint le bout de ce jeu infernal avec moi, va très probablement perdre la vie.
Non, cette personne va mourir.
Elle mourra pour qu'on puisse survivre.
Et même si c'est une ordure, même si en cet instant je ne désire que revanche... Je ne pense pas avoir la même opinion une fois le fait accompli.
Saki s'assied sur le rebord de la table, avant de me lancer un regard indéchiffrable.
« Et donc, que voulais-tu, Reina ? »
Je hausse les épaules.
« Vous parler. De préférence seuls à seule. Si cela ne vous dérange pas. »
Les gros interrogatoires viendront au procès. Lorsque je n'aurai pas d'autre choix que de dévoiler toutes mes cartes.
Saki hoche la tête. Avant de balayer les deux autres du regard, et de se lever, avant de me tendre la main.
Je la lui prends, appréciant le geste de paix.
Et la laisse me guider dehors.
Je pensais m'arrêter à quelques mètres de la salle informatique, histoire de ne pas partir trop loin, mais Saki m'entraîne bien plus loin, vers le couloir des laboratoires. Avant de, finalement, ouvrir le sien et s'y installer, royalement, accoudée à une table.
Elle me fait signe de la rejoindre, et je fais de même.
Une fois assise, je ne peux m'empêcher de jeter un œil aux alentours. Le labo s'est fermé derrière moi, garantissant son insonorisation ; il n'y a pas un seul kumarobot aux alentours. Juste Saki, accoudée en face de moi, qui attend.
« J'espère, je lance avec une pointe d'humour, que tu ne m'as pas fait venir ici pour me tuer à l'abri des regards. »
Elle a un petit rire. Rauque, mais bien là.
« Allons, Reina. Moi ? Prendre le risque de tuer en premier la mieux armée ? »
... Est-ce qu'elle vient de parler, là ?
« Saki–
— je ne pense pas... Que ce soit toi, elle enchaîne, d'un seul coup beaucoup plus sérieuse. Demander ton propre procès alors que Monokuma, selon tes propres dires, te protège, ce serait très mal joué de ta part, ou une tentative de suicide, et disons qu'il y a mieux. »
Son élocution est hésitante, exactement comme celle de quelqu'un qui n'a plus parlé depuis très longtemps. D'ailleurs, même sa voix semble bien plus rauque qu'avant. Mais pas de doute, elle est bel et bien en train de me parler. À moi.
Saki hausse un sourcil.
« Alors ? Que voulais-tu me demander ? »
Je grimace. Saki, une de mes trois suspectes, et pas la moins probable. Si c'est elle... Si Kichiro avait bien raison, depuis le début, je dois trouver le moyen de la déjouer.
Comment je peux faire ?
« Tu en penses quoi ? De l'objectif de cette Tuerie, j'entends. »
Saki prend son menton entre ses mains.
« Bonne question. C'est clairement pas anodin, entre ces histoires de projet Renaissance, l'Ultime Assassin parmi nous, tout ça. Sans compter la présence de Junko, qui est là sans être l'organisatrice alors qu'elle a bossé avec eux. Je pense qu'il y a bien plus derrière que le simple amusement d'un gamin immature prêt à diffuser ses moments les plus intimes. Mais derrière, l'objectif est peut-être celui de Monokuma. »
... ça ne m'aide pas beaucoup, ça. Parce qu'il est vrai que depuis le début, les morts servent Monokuma. Haruko, Shizuka, Kazumi, Junko, ce sont toutes des victimes pour le bien des Monokuma. Soit parce qu'elles en savaient trop, soit parce qu'elles étaient devenues inutiles, soit parce qu'iels étaient extrêmement dangereux quoi qu'il se passe.
Dans ce cas de figure, je me demande si le maître de jeu est vraiment une part de son plan.
Mais pourquoi le protéger, dans ce cas ?
« Au moment du meurtre de Junko, je continue, tu faisais quoi ? »
Saki grimace.
« Je n'ai pas trop de souvenirs, désolée. Je peux te ressortir l'interrogatoire des deux autres, qui ne t'aidera pas beaucoup parce que ce ne sont que des trucs que tu sais déjà. Mais je traînais au deuxième étage. Je réfléchissais à l'installation de l'hôpital, voir s'il y avait des objets utiles.
— Et tu n'as vu personne ?
— J'ai vu Michi passer, en panique. Et puis Soma m'a récupérée après pour me parler de Yuuki en crise, mais c'est tout. »
Personne d'autre...
Hmm.
Donc, elle n'a pas d'alibi. Enfin ça, je le savais, mais ça fait toujours du bien de se l'entendre répéter.
Intéressant.
Je prends mon menton entre mes mains, réfléchissant, et Saki se penche vers moi.
« Honnêtement, Reina, ça m'a surprise quand tu m'as dit que Monokuma protégeait son MasterMind. Parce que dans ce cas, la question que je me pose, c'est quelle est le but de cette protection ? Elle ne l'a pas mise pour rien. Et je suis persuadée qu'il y a un rapport avec sa propre vision de la Tuerie. »
... Elle a raison.
Et ça ne me fait jamais que plus de choses à réfléchir.
Saki laissée à la salle informatique, c'est au tour de Yuuki, qui n'est pas allée bien loin dans les couloirs. Elle me fixe avec circonspection, les mains serrées contre elle. Pour un peu, on pourrait jurer qu'elle a peur de moi.
... Qu'est-ce que je raconte. Bien sûr qu'elle a peur de moi.
Je me stoppe, dans le couloir des chambres, avant de me tourner vers elle.
« Tu veux qu'on aille plus loin, Yuuki ? »
Elle déglutit.
« Tu... tu vas pas me tuer, hein ? »
Je soupire. Je m'en doutais.
« Bien sûr que non, je veux juste te parler. Je ne veux voir personne mort, ici. »
À part Monokuma.
« Et puis, je reprends, ce serait quand même idiot de ma part de te tuer maintenant, non ? Tout le monde saurait que c'est moi... »
Ça ne semble pas la rassurer plus. Mais je ne peux pas faire grand-chose de plus, de toute façon. Je me contente de m'accouder au mur, assise, les mains bien en vue, et Yuuki se rapproche à petits pas de moi, avant de s'asseoir en face. Le dos appuyé contre la porte de Michi.
« ... okay. On peut parler, maintenant. »
J'essaie d'avoir un sourire rassurant.
Ce n'est pas spécialement facile.
« Dis-moi, Yuuki, est-ce que tu te souviens de quelque chose, avant ta dernière crise ? Celle où je t'ai aidée à aller mieux ? »
C'est sans doute un peu cruel de rappeler ce détail à une enfant qui pense que je peux lui tirer dessus à tout moment, mais je ne pense pas avoir vraiment le choix. De toute façon, ça ne semble pas lui faire grand-chose. Elle se contente de serrer les dents.
« Mes souvenirs... Sont très flous. Je me rappelle de cris, mais je sais pas si... Si vous pouviez les entendre aussi, tu vois ? Et puis après, il y a eu tout ça. Je ne sais même pas ce que j'ai fait avant que tu me trouves... »
Génial, ça va bien m'avancer, ça. Qu'elle mente ou pas, je ne pourrai pas le prouver.
« Et tu n'as vu personne d'autre que nous et Michi ?
— Non, personne. Ou alors j'ai pas retenu. Je peux y aller maintenant ? »
Je soupire.
« Une dernière question s'il te plaît. Ça va être un peu dur, mais j'aimerais que tu me répondes. »
Elle hoche la tête, hésitante, et je prends une profonde inspiration.
« Pendant ton année à Hope's Peak... Tu ne logeais pas à l'internat, pas vrai ? Saki y était, et je pense qu'elle t'aurait mentionnée, l'année dernière, ou se serait souvenue de toi en arrivant... pourtant, je n'ai pas l'impression que ce soit le cas. Pourquoi ne pas avoir sauté sur l'occasion, vu ce que tu me décrivais avec tes parents et ta sœur ? »
Yuuki a un sourire triste.
« Quand j'ai remporté ma compétition, une gentille dame est venue me voir. Elle m'a dit qu'elle faisait partie des services soc... socaux ? sociaux ? je sais pas trop. Et qu'il valait mieux pour ma santé que je vive plus avec papa et maman. Du coup, je suis venue avec cette dame. Et j'ai vécu chez elle toute l'année, avant que... Que ça ne commence.
— Qui était cette dame ?
— Elle m'avait demandé de l'appeler madame Lotus. J'en sais pas plus. Elle était jeune, très jeune, et petite comme Yuuki. Les cheveux noirs et courts, et les yeux marron. Et elle était... Tellement gentille... »
Elle renifle. Avant de s'essuyer le visage sur un de ses gants.
« Pardon, Reina. Mais elle me manque. Et puis j'ai peur. J'ai peur de mourir ici sans jamais la revoir. Ou de voir mourir encore quelqu'un. Les morts ne reviennent pas...
— Personne ne mourra, j'affirme. À part l'instigateur. Je peux te l'assurer. »
Son sourire se tord en quelque chose d'ironique.
« C'est facile de dire ça pour toi, Reina. Toi, tu as une arme, tu sais faire peur. Moi, je n'ai rien. Rien pour me dire que je vais m'en sortir. Et quand je mourrai, je reviendrai pas. »
Un léger rire presque trop froid lui échappe.
« Game over. Fini. Plus de Yuuki. »
Yuuki n'a plus dit le moindre mot pendant que je la ramenais à la salle informatique, au point que Soma a cru que je l'abusais psychologiquement. En tout cas, c'est ce que sa tête m'indique. Et c'est ce que sa tête m'indique toujours alors que je suis maintenant dans son laboratoire, debout devant une de ses tables de dessin.
Le laboratoire de l'Ultime Illustrateur. Je ne l'ai jamais visité, mais il semble contenir absolument tout ce qu'un artiste peut rêver. Une table lumineuse. Des pinceaux, stylos, autre matériel de partout. Des feuilles de première qualité. Un écran doté d'une superbe tablette graphique telle que je n'en ai jamais vue.
Mais au vu de la poussière qui s'accumule, rien de tout ça ne semble vraiment intéresser Soma.
Il se contente de regarder le sol, les traits figés.
Je lève les yeux au ciel.
« Tu vas me bouder encore longtemps ? »
Il grimace.
« J'aime pas ça du tout, Reina, et tu le sais. J'ai l'impression de jouer le jeu de Monokuma envers et contre tout, et ça me rend malade.
— C'est peut-être le but. Jouer son jeu pour que la victoire soit incontestable. »
Il se relève d'un bond.
« Mais à quel prix ? Si on se rate, on meurt tous, et si on réussit, on envoie quelqu'un à la mort ! J'arrive pas à croire que... J'arrive pas à croire que tu veuilles utiliser exactement les mêmes méthodes qu'elle ! »
Il pointe un doigt vers moi. Ses yeux se remplissent de larmes, mais il n'y a que de la colère sur son visage.
« On s'était juré de ne plus jamais tuer personne, pas vrai ? Sur les corps d'Akihito et de Shizuka ! Et pourtant, regarde où on en est, il crache. La moitié des sept sont morts et toi, toi tu déclenches un procès de ta propre volonté, en hésitant pas à tirer sur Monokuma pour avoir ce que tu veux ! Est-ce que c'est vraiment ce que tu veux être ?!? »
Je le fixe. Longtemps. Les yeux dans les siens, brillant de larmes et de rage. Avant de fermer les miens, et de pousser un profond soupir.
« Si tu as une meilleure solution qui n'implique pas le risque qu'on ne meure tous les quatre ou qu'on amène un Désespéré au Gotoland, je t'en prie, dis la moi. »
Il ouvre la bouche.
La referme.
Avant de s'effondrer sur sa table, en larmes, le visage entre les mains.
Reste d'ancienne pitié ? ou simplement désir de réconfort ? En tout cas je m'avance vers lui, pour lui poser une main sur l'épaule dont il ne se dégage pas.
Nous restons comme ça, un petit moment. Avant qu'il ne renifle avant de se redresser, les joues rougies par les traces de ses larmes.
« ... J'en ai marre, Reina. Je suis pas assez fort pour tout ça. Je l'ai jamais été.
— C'est bientôt fini, je lui dis. Encore un peu de patience et on sera autorisés à sortir. Monokuma s'occupera peut-être même de nous ramener à la civilisation.
— Ouais, et pour ça on doit soupçonner des gens, des amis, les seules personnes qu'il nous reste. Rien que toi, d'ailleurs, tu m'as amené ici parce que tu me soupçonnes, pas vrai ? Tu essaies de voir si je joue la comédie. Et même si je peux te jurer tout ce que tu veux que non, j'ai pas de foutues preuves...
— Je ne pense pas que ce soit toi, Soma. »
L'Ultime Illustrateur écarquille les yeux.
« Comment ça ? »
Je pousse un profond soupir.
« Ou plus précisément, tu es probablement celui avec le moins de chances de l'être. Quant à savoir pourquoi, j'ai mes raisons, que je te dirais au procès et qui concernent surtout comment j'ai découvert la bourde du maître de jeu. »
Soma écarquille les yeux. Et je me penche vers lui.
« Je t'ai amené ici pour que tu me parles de tes soupçons. Je veux savoir ce que tu en penses, même si ce n'est rien. Il y a forcément quelqu'un que tu soupçonnes plus que l'autre. »
Je le vois grimacer. Il s'accoude contre sa chaise, évitant mon regard.
« ... J'aime vraiment pas ça du tout, Reina.
— Je sais. Mais je fais confiance à tes perceptions. Tu avais réussi à griller Haruko. Tu dois forcément savoir si quelque chose cloche. »
Soma pousse un profond soupir. Avant de se caler de nouveau dans sa chaise.
« ... Je sais vraiment pas. Si ça se joue entre Saki et Yuuki... Je sais pas. Yuuki a quatorze ans, quoi, pourquoi une enfant ferait ça ? Mais d'un autre côté... Elle est constamment dans le brouillard depuis que je la connais. Et ça me plaît assez moyennement. Je comprends pas son brouillard...
— Tu as des soupçons ?
— J'ai des soupçons sur tout le monde. Sauf toi, peut-être. Et encore. Mais Saki aussi, elle est pas à l'abri. C'est une Stratège, elle a forcément eu vent de secrets d'État. Et derrière, elle est calculatrice et intelligente, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Même Kichiro l'a vu, et Kichiro est assez... était assez perdu dans ses illusions. »
Je vois.
Pardon, Soma, mais je t'ai un peu menti.
Tu restes suspect à mes yeux.
Mais si tu avais accusé quelqu'un... Si tu avais décidé de mettre tous tes soupçons sur une des deux, je pense que je me serais méfiée davantage.
J'ai beaucoup de chance que tu sois honnête.
Parce que cettehonnêteté va beaucoup me servir.
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