Chapitre 6 (3) : Three

Troisième jour.

Toujours personne en vue.

Personne pour me regarder, ou m'empêcher de faire ce que je dois faire.

Je suis dans la salle informatique, les yeux fixés sur mon écran. Je remets en place tout ce que m'a appris Haruko, et je l'enrichis de mes propres notes.

Ça me permet de réfléchir un peu dans le même temps.

Le plan des souterrains ; Enrichi des notes de Daisuke, il me révèle la présence d'une salle immense, qui semble être au cœur du labyrinthe final. Il faut placer les boutons de la console de commande dans une position spécifique pour pouvoir y accéder, et cette position me coupe l'accès à l'escalier vers le deuxième sous-sol et au donjon des proches ; Rien d'étonnant dans le fait que seul Daisuke ait pu mettre la main dessus.

Il n'a pas dit ce qu'il y avait dans cette salle. Visiblement, j'avais vu juste ; il faut la carte magnétique pour y entrer. Au moins, je l'ai. Ça me facilitera la tâche.

Ensuite, le Projet Renaissance.

Créé en 2009 après la découverte de la bio-arme des Mizutani, conçu pour les tenir à carreau autant que pour étudier le génie. De toute évidence, Kazumi n'était pas la première génie repérée ; les installations du programme ont été très rapidement remplies, parfois avec des gens disposant de talents étranges. Il y avait notamment la fameuse parieuse, Pauline Levitch, arrivée très tôt dans le programme.

Pas seulement elle. À travers le monde, des dizaines de génies ont été repérés et parqués dans des installations dernier cri toutes fondées sous la même bannière. Certains des noms que je lis dans les notes d'Haruko me sont d'ailleurs familiers. Dont un. Shigeru Nishijima.

Un.e adelphe de Soma, sans aucun doute.

Le Japon, à l'origine de ce projet, avait choisi d'ouvrir ses frontières et de partager ses secrets technologiques. Dans un but d'unification autour de la bannière du génie, disaient-ils. Aujourd'hui, je comprends. Ils désiraient ans doute cacher l'urgence dans laquelle ce projet a été fondé. Et les vraies raisons.

Ça ne me dit pas pourquoi Freïr Andersen a immigré au Japon, par contre. Il était norvégien, et avant l'assassinat du président suédois, il y avait une installation là-bas. Pourquoi ne pas y être allé ?

Ces génies ont créé des centaines d'innovations pendant six longues années. Avant que l'installation japonaise n'accueille Fuase Amane. Et que la fameuse question ne lui soit posée.

Devant le Désespoir, devant la menace, un plan d'éradication du génie a été lancé et la plupart ont été exécutés. À l'exception du trio concepteur, d'Isami, par pure chance, et de certains autres, qui selon les fichiers d'Haruko n'avaient échappé que par chance à son pistolet. Je revois toujours plus de noms familiers dans la liste.

Et, sur les ruines de la première installation, Hope's Peak a été fondée.

Comme ils ne disposaient pas de beaucoup de fonds au départ, tout ayant fondu dans le projet Renaissance, ils ont créé la Réserve et les Ultimes, le premier pour financer le deuxième au maximum de leur capacités. Et ils ont invité des génies du monde entier repérés après la purge à s'y joindre.

Dans le même temps, les Monokuma se mettaient en place. Mais c'est une tout autre histoire, qu'Haruko n'a pu me raconter. Tout ce que je sais, c'est que ce groupe est bel et bien financé par le gouvernement japonais, et tous ceux dans lesquels ils se sont infiltrés, par peur de la réponse ou par force. Et qu'il s'est créé en réponse à la purge.

Ils ont choisi de prouver le Désespoir en rassemblant les Tueries. Et en même temps, prouver que tu y résistais, en passant assez de temps à Hope's Peak pour qu'ils te déclarent sain où en résistant à la force destructrice des Tueries, te donnait la consécration suprême, le diplôme du survivant.

Sans doute est-ce pour ça qu'ils ont laissé sortir Wen Xiang et Kagari sans jamais les poursuivre, même alors que Wen Xiang s'est mise à parler.

Les Réservistes sont très séparés des Ultimes. Sans doute pour éviter de mélanger le génie aux gens normaux, par crainte de Shizuka, qui après avoir été enfermé.e très longtemps dans les installations, a fini par suivre Freïr à Hope's Peak. Laissant Kazumi sous total contrôle des Monokuma.

Fin de l'histoire du Projet Renaissance. Suivie par celle des Ultimes, qui j'en ai peur n'a pas fini de se raconter.

L'Omnisciente, ensuite. J'ignore quel lien a cette organisation avec les Monokuma et les Tueries, mais visiblement une bonne part de ses ressources ont été utilisées. Apparemment, ils se sont infiltrés dans les gouvernants du projet, histoire de mieux le contrôler ; Du moins, avant qu'ils ne commettent tous ces crimes, dont une bonne partie de l'assassinat des présidents, d'après Haruko.

On perd totalement leur trace en 2015, mais selon Junko ils sont toujours actifs. Elle en est la preuve vivante.

Enfin.

Vivante.

Plus vraiment.

Rien de plus. Pas un mot sur la Reine, ou sur leurs bases, ou quoi que ce soit. C'est à se demander quel lien elle a avec les Monokuma, et pourquoi en parler ici, à part pour dire que Junko travaillait pour eux et que les Monokuma leur ont pris leurs infos.

Et puis, il y a les Tueries.

La Tuerie avortée a appris quelque chose à Haruko, c'est que toute Tuerie ne peut agir sans son maître du jeu. Et visiblement, notre tout premier mobile était aussi une règle immuable. La mort de l'instigateur nous libère. Sa mort, et non son arrestation. De toute évidence, c'est le boss final, le dernier Désespéré. Chaque Tuerie doit éliminer sa graine de Désespoir avant de pouvoir prendre fin.

Ont-ils pensé au Désespoir que c'était de voir un ami, un amour nous trahir ?

En tout cas, et toujours selon elle, une Tuerie est placée sous un minimum de contrôle. La Fabricante de Poupées a brisé ce contrôle, elle a fait de ses Ultimes ses propres marionnettes, allant jusqu'à faire des choses qui sembleraient impensables à même notre Monokuma. Et en brisant ses propres règles, elle s'est condamnée. Haruko a reçu un soutien extérieur pour trouver et tuer l'instigatrice. Et en la tuant, elle a rendu Fabricante, jusqu'alors intouchable, vulnérable à ses balles.

Je ne pourrai sans doute pas atteindre Monokuma sans trouver son instigateur, si tel est le cas ici aussi.

Mais ici, c'est différent.

Ici, je dispose de mes propres armes.

À partir de là, je n'ai plus qu'à extrapoler.

Mais d'abord, je dois décrypter le dernier fichier.

J'y suis depuis des heures, maintenant. Au point que j'en oublie de manger. Mais personne n'est venu me chercher pour me nourrir, ou me dire de me nourrir, donc j'en déduis que tout le monde ne se préoccupe aucunement de ce que font les autres. Est-ce que je devrais encore leur laisser du temps pour récupérer ? alors que la dernière fois que j'ai fait ça, un virus a manqué de nous décimer ? Sans doute pas.

Mais moi, ça m'arrange.

Parce que je me casse les dents sur ce foutu cryptage de merde depuis tout à l'heure, bon sang !

Je n'ai pas besoin qu'on vienne me déranger dans un moment pareil. Je ne ferais que m'énerver.

J'ai tout essayé. Passer dans différents langages. Chercher un alphabet particulier, ou des traces d'un alphabet dans les autres fichiers. Chercher des indications de code sur les forums de l'Intranet, quitte à me trahir. De toute façon, au point où j'en suis.

En désespoir de cause, je lis à travers les fichiers déjà décodés, comme si j'espérais que la réponse allait apparaître brutalement, comme ça, sous mon nez.

Dans les fichiers en japonais, rien, comme je pouvais m'y attendre. Mais Haruko m'a laissé un document en latin, et quelques autres en anglais. Elle devait savoir quelles langues je parlais au moment de l'écrire, je me dis. Et le latin contenait les infos capitales sur le projet Renaissance et la bio-arme, donc j'imagine qu'il est hors de portée de Monokuma.

Il faisait partie de plusieurs codes, aussi.

Mais l'anglais... Mystère. L'anglais est la langue la plus parlée du monde, dans le plus de pays. Monokuma est forcément capable de le déchiffrer, aussi bien que le japonais. Même si on ne connaît pas son titre, c'est une Ultime, une génie. Difficile de s'imaginer qu'elle ne parle pas l'anglais.

Donc ce n'est pas dans une volonté de lui dissimuler le texte.

Par contre... Il y a quelque chose de bizarre.

Dans tous les textes en japonais, Haruko désigne l'endroit où on est par « le donjon ». Sans faillir. C'est à peu près la même chose en latin.

En anglais, à chaque fois, à la place de donjon, elle emploie « sous-sol ». The Underground, plus précisément, avec une majuscule. Et jamais je ne vois employé le terme de donjon.

Il y a aussi des termes qui reviennent souvent. Comme « monstres », qui apparaissent très peu dans les autres langues. Ou elle parle de la détermination de Monokuma à un rythme presque soutenu.

Monstres.

The Underground.

Détermination.

...

...

Le mot SAVE est en majuscules à chaque fois.

... Elle a quand même pas...

Réfléchis, Reina, réfléchis. Quelle était la police utilisée par un certain personnage ? Une police faite uniquement de symboles, censée être incompréhensible ?

Si c'est bien ce que je pense...

Je reclique précipitamment sur le fichier aux trois quarts décodé. Avant de chercher dans l'onglet de police jusqu'à, enfin, trouver la dernière.

...

Ça correspond.

Je sélectionne tout le texte.

Clique sur une police déchiffrable.

Et apparaît devant moi une page de texte, suivie d'une suite de noms.

...

...

...

Je n'arrive plus à m'empêcher de rire.

Un rire presque hystérique, presque incontrôlable, qui résonne étrangement dans la solitude de la pièce.

Bon sang, Haruko. Je n'arrive pas à savoir si tu es une génie, ou juste une incommensurable nerd.

Des semaines. Des semaines que j'ai mis à craquer ce code, tout ça pour que ce soit issu d'une référence vidéoludique presque trop obscure, le genre que Yuuki aurait pu si aisément percer.

Des semaines pour que le dernier code d'Haruko soit simplement avoir traduit la page en Wingdings.

Tout ça pour ça.

Tout ça pour ça.

La futilité de ce temps perdu...

Je ne peux plus perdre de temps. Mon rire calmé, je me penche sur la page de texte enfin décodée.

C'est de l'anglais. J'imagine que c'est parce qu'il passe le mieux avec le Wingdings, mais je ne cherche pas trop à savoir. Le plus important, c'est de voir, enfin, ce qu'il est écrit.

Bravo pour avoir décodé ce dernier fichier, annonce l'en-tête. Si tu en es là, c'est que tu as sans doute réussi à déchiffrer tous les autres. Tu as assez vu de secrets d'État pour comprendre ce que je vais te dire. Sers t'en. C'est important.

Oui. J'y suis enfin.

Est-ce que je vais enfin comprendre ?

Ou est-ce que je vais enfin savoir comment sortir ?

En 2017, vers la fin de l'année, j'ai découvert une information capitale. Celle qui m'a valu d'être enfermée ici, en tant que victime. Les Monokuma n'aiment pas qu'on révèle leurs petits secrets. Et celui-ci est très, très gros.

Tu dois savoir que chacun d'entre eux porte un titre. La vérité, c'est que les Monokuma sont les tous premiers Ultimes de l'histoire. Nommés en même temps que Fusae, ou avant, je ne sais pas, pour donner une légitimité au gouvernement dans leurs atrocités.

... Légitimité du genre ?

Parce que je dois bien avouer que ça leur fait beaucoup de légitimité, là. Entre les fonds du gouvernement et la terreur provoquée par la réponse de Fusae et la bio-arme de Kazumi... On les enchaîne, là.

Ce sont les premiers Ultimes de l'histoire. Mais ce sont surtout les premiers Désespérés de l'histoire. Bien avant que Kazumi ne dévoile sa bio-arme, les gens avaient pu observer le Désespoir. Tu as eu un exemple avec le Juge Ultime et ses condamnations erratiques. Il a fini par se faire avoir par des gens plus observants, mais ce n'est pas la question.

Les Monokuma sont une organisation de Désespérés, fondée pour l'éradication du Désespoir. Après la réponse de Fusae, on ne les a laissés en vie que pour cette unique raison. Il y a sûrement autre chose derrière leur fondation, mais je pense que d'autres survivants sauront mieux t'en parler que moi. A commencer par une que tu connais bien.

Je serre les dents. Oui, je vois de qui Haruko veut parler. Mais qu'est-ce qu'elle a à me dire ? Quel est le rapport entre elle et la fondation de l'organisation ?

Les Monokuma, écrit Haruko, ont été placés sous le contrôle du gouvernement avec autorisation maximale de faire ce qu'ils veulent dans le cadre des Tueries. Afin de faire un compromis entre l'extermination d'une bonne part de la population qui ne pouvait pas forcément avoir été affectée par le Désespoir, et ne rien faire et ainsi risquer la propagation de cette maladie qu'ils craignaient tant.

En plaçant le contrôle de cette épidémie entre les mains de Désespérés, ils pensaient sans doute se dédouaner de toutes leurs atrocités, et les exécuter en cas de problème. Mais à cause de l'une de ces génies, ce plan a tourné court. Et les Monokuma ont rapidement gagné une puissance bien plus grande que celles des gouvernements, qui craignent à présent que la situation ne leur échappe.

En 2017, en plus de cette information capitale, j'ai pu récupérer une liste, sans doute incomplète, des titres Ultimes de certains des Monokuma, ceux qui se sont illustrés dans le programme. Tu reconnaîtras le titre de l'Ultime Juge, mais il y en a d'autres encore.

En voici quelques exemples que tu reconnaîtras, peut-être, ou peut-être pas.

La suite du fichier n'est qu'une suite de noms. Une suite de titres Ultimes.

Comme attendu, le premier que je lis est bel et bien celui de l'Ultime Juge. Mais j'en vois d'autres encore.

L'Ultime Fleuriste.

L'Ultime Fabricante de Poupées.

L'Ultime Créateur d'Énigmes.

L'Ultime Artiste.

L'Ultime Illustratrice de Livres pour Enfants.

L'Ultime Shérif.

L'Ultime Fan.

L'Ultime Chirurgienne.

L'Ultime Survivaliste.

L'Ultime Maître-Chien.

L'Ultime Impératrice.

...

Tant de titres.

Certains me disent quelque chose. L'Ultime Fabricante de Poupées, par exemple, est mentionnée plusieurs fois par Haruko. J'ai aussi un peu entendu parler de... L'Ultime Fleuriste.

Et puis surtout, il y a ce titre. L'Ultime Impératrice.

Le tout premier indice qu'a trouvé Junko.

Et c'est un titre de Monokuma.

...

Je me repenche vers le dossier et recommence à le parcourir.

Pourquoi ce titre est ici et comment l'associer à notre Tuerie ?

À part pour une seule hypothèse, évidente.

Cette fois je la tiens.

En déchiffrant l'énigme, je trouverai un moyen de pression sur notre Monokuma, sur notre Ultime qu'elle n'a jamais voulu nous révéler.

Et je trouverai la clé.

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