Chapitre 5 (20) : Dead end


C'est étrange.

Comme quelques mots qui paraissent si anodins peuvent complètement changer une ambiance.

Un retournement de situation, d'une certaine manière. Un retournement de situation que je n'ai pas vécu. Parce que, comme Daisuke qui a trouvé les vêtements ensanglantés de Shizuka de son laboratoire, moi, j'ai une preuve irréfutable de l'implication du coupable.

Bien plus irréfutable qu'une blouse ensanglantée.

Ou une épingle à chapeau rouillée...

...

Ils sont tous figés. Les quatre, chacun à sa tribune, me regardent tous avec de grands yeux, des yeux pleins d'anticipation. J'aimerais bien dire que mon annonce a déstabilisé le coupable au point de le faire se révéler... Mais sur leurs visages, je ne vois rien d'autre que l'attente.

Et je me demande.

Au fond de moi, je me demande.

Pourquoi joues-tu aussi bien la comédie ?

Pourquoi ?

« Tu.... Tu sais qui c'est, finit par dire Soma d'une voix blanche. Et tu l'as pas dit. Pourquoi ? »

Pourquoi ? C'est une bonne question. Je me la pose depuis le début de ce procès.

Il m'est impossible de ne pas croire en la preuve. Ce n'est même pas une affaire de doutes, ou de témoignage inconcordant. Non, elle est irréfutable, et quand je dis irréfutable, c'est que seule Monokuma aurait pu la manipuler. Or, elle ne peut pas.

Alors pourquoi ?

Pourquoi est-ce que je n'ai rien dit ?

Pourquoi est-ce que je n'arrive à rien dire ?

Soma attend ma réponse, et je ne suis même pas en mesure de la lui donner.

A la place, je me penche au sol, et ramasse le kumarobot qui m'a suivie jusque dans la salle de procès, son œil clignotant toujours de rouge, comme s'il était impatient de faire son travail. De condamner quelqu'un.

« Ce kumarobot, j'annonce d'une voix qui n'a plus la moindre émotion, a filmé la scène. Il n'y a pas toute la vidéo... Mais ce qu'il y a dessus suffit à désigner quelqu'un de manière irréfutable.

— ... Bordel de merde, lâche Soma. Tout ce qu'il nous suffisait de faire, c'était le trouver... Et pourquoi tu ne l'as pas dit, merde, Reina ?!? Alors qu'on patine dans la semoule depuis tout à l'heure ! Personne a de pistes et toi... Tu voulais pas nous dire qui est le coupable depuis le début du procès ?!? »

Il est en larmes. Il ne lui aura pas fallu beaucoup, je me dis, pour perdre son calme. Je vois tout, ses poings qui se contractent sur sa tribune qu'il ne peut quitter, ses dents qui se serrent sur des mots qu'il se refuse à dire. Son visage qui se tord alors que les pleurs tombent en cascade, qu'il doit retenir ses sanglots à chaque mot qu'il prononce.

Il m'en veut. Pas de doute. Et le pire, sans doute, c'est que je le comprends.

Si j'étais à sa place, j'aurais ressenti la même colère que celle qui le traverse aujourd'hui, la même rage que celle qui le pousse à m'accuser silencieusement de vouloir leur mort.

« Reina, lance Saki de mon côté, il y a une raison pour laquelle tu ne voulais pas nous le dire ? »

Je secoue la tête.

Saki grimace. Soma semble retenir une insulte. Michi est la seule qui, devant ma détresse, me tend une main. Et attrape doucement la mienne, pour la masser de son pouce, essayant d'avoir un sourire rassurant.

« Eh, Reina, ça va aller. C'est... ça doit être dur d'avoir la réponse, comme ça, surtout quand ça concerne l'un d'entre nous, fin... Je veux pas avoir à accuser qui que ce soit, moi. Mais si t'as une vidéo... C'est important que tu nous la montres. Comme ça, t'auras pas à accuser toute seule, tu vois ? »

Je me tourne vers elle. Son visage... Ne transparaît que de l'amour. De la bonté. De l'attente.

Elle veut voir la vidéo. Elle veut voir la vidéo parce que cela m'empêcherait d'avoir à faire le travail. D'avoir à trouver, envers et contre doutes, qui a bien pu briser notre dernier serment.

Mais alors que je sais qui est sur la vidéo, est-ce que la lancer n'est pas plus cruel ?

...

Ai-je vraiment le choix ?

C'est ça, ou on meurt tous.

Tous, sauf...

Tous.

Je finis par pousser un profond soupir.

« Monokuma, fais-leur quitter leur tribune. C'est dur de voir sur le petit écran.

— Je n'aime pas beaucoup ta façon de me donner des ordres, ricane-t-elle du haut de sa propre tribune. Mais ne t'inquiète pas pour ça. Je viens de connecter ton petit ami à l'écran de la salle de procès. Tout ce qu'il a vu sera retransmis fidèlement, zéro erreur garantie... Parole de Monokuma, upupupupu ! »

...

Plus le choix.

Pardon.

J'appuie sur le bouton du robot, et les images qui viennent de sauter sur son boîtier vidéo apparaissent immédiatement sur l'écran d'en face. Ce qui fait se retourner tout le monde.

La vidéo... montre le couloir des chambres. La porte était déjà ouverte, preuve que le meurtrier, ou au moins quelqu'un, était rentré dans la chambre de Junko. Je vois quelques pièces d'un autre kumarobot rouler par terre. Sans doute des débris d'un de ceux qui ont été détruits.

Quelques bruits de lutte sont retransmis, mais pas beaucoup. Pas assez pour me dire que Daisuke était encore en train de combattre. Soit il n'était pas là, soit il a été tué. Impossible de savoir. Mais vu les débris de kumarobot, alors qu'il est le seul à les détruire... Il est sans doute passé par là.

Avant de perdre la vie.

On entend encore quelques bruits, et puis quelqu'un sort de la chambre. Non, il serait plus exact de dire qu'elle roule hors de la chambre. Ses cheveux noirs sont en désordre, ses vêtements de travers, et quand je vois son visage à travers l'écran pixellisé du kumarobot, la seule chose que j'y vois est une panique absolue.

Junko.

Yuuki pousse un petit cri, avant de se cacher le visage entre les mains. Elle ne veut pas voir ce qui suit. Je la comprends. Qui aurait vraiment envie de regarder les derniers instants de son amie ?

Pourquoi je regarde encore ?

Il serait si facile de dire qui j'ai vu dans cette vidéo.

Pourquoi je leur inflige ça ?

Pourquoi ?

Junko se redresse. Elle tend les mains devant elle, devant la porte de sa chambre. Je vois sa bouche s'ouvrir. Et le haut-parleur de la salle de procès se met à crachoter.

« Reprends-toi ! Reprends-toi bon sang ! Ce n'est pas moi qui... Ce n'est pas le moment ! Il faut... »

Un coup interrompt sa dernière phrase. Et puis, finalement, elle sort de la chambre.

Le visage fermé, les poings serrés, elle se dirige d'un pas vif vers une Junko incapable de bouger, qui vient de trébucher sur un débris de kumarobot.

Sous les regards horrifiés de toute l'assistance, elle se dirige vers l'Espionne à terre avant de l'immobiliser sous son poids, et d'enrouler les mains autour de son cou. Sans un cri.

Sans même un cri de l'assistance, qui se contente de fixer horrifiée la vie s'échapper, petit à petit, de Junko qui ne se débat même plus.

Enfin, elle retombe au sol.

Les yeux dans le vide.

La meurtrière se relève.

La vidéo se coupe.

Et tout le monde détourne ses yeux de l'écran noir.

Tout le monde détourne ses yeux de l'écran noir, pour les poser sur Michi, une Michi dont le visage n'est plus qu'un masque d'horreur.

...

C'est terminé.

Il n'y a plus un bruit dans le tribunal. Plus une mouche qui vole. Même Monokuma ne dit rien. Son sourire en dit bien assez long. C'est, de toute façon, la seule à avoir un sourire aussi large. Tous les autres... Tous les autres sont figés. Tous regardant Michi en tremblant, incapables même de dire le moindre mot.

Qui pourrait ?

C'est Soma, finalement, qui lève un doigt vers Michi, le visage figé en un masque d'horreur.

« ... c'était toi ? »

Sa phrase brise la chape du silence qui pèse sur le tribunal. Quelques mots, quelques mots qui se réverbèrent en écho, sur les murs, dans nos crânes, dans mon cœur.

C'était toi ?

Michi est figée. Horrifiée. Elle ouvre la bouche, pour dire quelque chose, je ne sais pas quoi. Mais Soma ne lui laisse pas le temps de répondre.

« ... C'était toi ? après la promesse que tu nous as fait faire pour qu'on ne tue plus personne, tu es allée les tuer tous les deux ? C'est... Merde, pourquoi t'as fait ça ?

— Tu ne peux même pas nier, renchérit Saki. Parce que la vidéo est une preuve irréfutable. Monokuma ne peut pas la trafiquer.

— effectivement, ricane la Monokuma en question de sa tribune. Je peux en enlever des bouts, bien sûr. Mais pas la retoucher et encore moins pour un crime si récent... Et puis, je pense que c'est assez évocateur, comme vidéo, noooon ? »

... Si.

Et tout le monde le sait. Tout le monde regarde Michi qui n'a pas détaché ses yeux de l'écran. Qui est, elle aussi, au bord des larmes.

« ... C'est... C'est impossible...

— S'il te plaît Michi, renchérit Soma, toujours en train de pleurer. J'ai même pas envie de te traiter de tous les noms, là. Je... j'en ai juste marre. Dis-moi juste pourquoi. Dis-moi juste pourquoi, s'il te plaît. On a le droit de savoir. »

Michi le regarde. Puis regarde l'écran. Puis le regarde de nouveau. Les yeux toujours écarquillés.

« Putain, Soma, si je pouvais te répondre... Mais je... je me souviens de rien ! Je me rappelle pas avoir fait ça, je me rappelle juste... L'avoir vue étendue dans un coin du couloir ! Je me rappelle pas, putain, je me rappelle pas, et puis merde, même si elle nous a tous trahis, jamais je l'aurais tuée, jamais j'aurais fait ça, et merde y'a Daisuke aussi, comment je pourrais tuer Daisuke ?!? »

Elle débite ces mots avec l'ardeur d'un barrage ouvert, comme si elle avait rompu ses dernières digues. Son discours est flou, empreint de panique, de larmes, de larmes bien réelles. Elle est cramponnée à sa tribune, les jointures blanchies, devant la preuve de sa culpabilité, elle hurle sa défense.

Sa défense qui hélas ne sert à rien.

« J'étais à l'aquarium ! Je me souviens... en être sortie, c'est sûr, j'étais un peu dans les vapes à ce moment-là, mais qui ne le serait pas ? Et puis je suis tombée sur le corps de Junko, et ça m'a comme réveillée... Je comprends pas ! Je comprends pas, elle sanglote, comment j'aurais pu la tuer...

— Pourtant, répond Saki, dont la voix robotique de sa tablette est tellement incongrue dans cet étalage d'émotions, pourtant, c'est bien toi qu'on voit sur la vidéo. La vidéo garantie sans trafic de Monokuma, qui ne nous a, hélas, jamais menti sur ce point. Tu ne peux pas le nier.

— Non... Mais... Je... »

Elle baisse les yeux. S'essuie les joues, dégoulinantes de larmes.

« Je ne me souviens pas... Et puis quelqu'un a bien dû tuer Daisuke ! Je ne peux pas me farcir un colosse pareil, même avec tout mon talent de judo, merde ! Quelqu'un l'a tué, quelqu'un qui n'est pas moi, non ?

— Malheureusement, j'interviens, sans la moindre émotion. Monokuma est venue me dire avant le procès qu'il n'y avait qu'un tueur. Point. Même pas Junko. Même pas Daisuke. Un seul tueur. »

Michi s'étrangle. Avant de se tourner vers moi, et de me prendre les mains.

« Putain, Reina, dis-moi que tu me crois. Dis-moi que tu me crois quand je te dis que je m'en souviens pas. J'aurais jamais pu faire ça, putain, elle sanglote, alors que ses doigts enserrent les miens. J'aurais jamais pu faire ça. »

...

...

...

Je ne sais pas quoi répondre.

J'aimerais la croire.

J'aimerais la croire du plus profond de mon cœur.

Mais la vidéo ne ment pas. C'est elle. Et pourquoi... Pourquoi elle ne s'en souviendrait pas ?

« En attendant, lance Yuuki derrière elle, le visage dans l'ombre, tu as tué Junko. Et si Monokuma a raison... tu as aussi tué Daisuke. »

C'est étrange, d'entendre Yuuki auparavant si peu impliquée dans les procès, prononcer le mot « tué ».

Comme si ça le fixait.

Michi a tué Junko.

Et elle a tué Daisuke...

Et elle me regarde, les larmes aux yeux, me suppliant de la croire.

Elle ne se défend même pas pour son meurtre.

Elle se défend pour ses souvenirs.

« ... Pourquoi Michi aurait perdu la mémoire, grimace Soma derrière moi. C'est... Il n'y a aucune raison...

— Les morts ne reviennent pas, soupire Yuuki. Et les souvenirs ne disparaissent pas.

— En fait, les coupe Saki, il y a une raison, si. »

Elle se tourne vers le centre du tribunal, avant de désigner une des tribunes, vide, vide depuis un procès seulement. Je peux presque y voir notre dernier.e coupable, un large sourire aux lèvres, nous toiser du haut de son mépris.

« Shizuka a fait des expériences sur elle. Vous vous souvenez ? Iel nous l'a appris au moment de sa mort. Ce n'est pas impossible que ces expériences, combiné au traumatisme qu'a vécu Michi, aient pu provoquer ce phénomène. D'ailleurs, le jour de la trahison de Junko, on en a été témoin. »

Effectivement. Je me rappelle très bien avoir vu Michi se figer en pleine tirade. Et ressortir, le visage fermé. J'avais pensé que c'était... Que c'était le choc qui l'avait empêchée de parler, qu'elle avait juste besoin de temps. Apparemment je me suis bien trompée.

J'aurais dû le prévoir.

Si je lui avais plus parlé...

Si seulement j'étais davantage allée la voir, davantage occupé d'elle, comme j'aurais dû le faire, comme j'aurais dû le faire si vraiment je l'aimais.

Et au lieu de ça, je l'ai condamnée.

Saki a le visage dans l'ombre. Elle finit par fermer les yeux, doucement, quelques instants. Avant de les rouvrir et d'écrire quelque chose.

La voix de sa tablette résonne dans un profond Désespoir.

« Dis-moi, Michi, j'ai une question. »

Elle marque un temps d'arrêt, et Michi hoche doucement la tête, incapable de dire le moindre mot. Ses mains toujours dans les miennes.

« A l'aquarium, reprend Saki après un moment de pause. Tu as vu quoi ? »

Elle frissonne.

« A l'aquarium... Je ne me souviens pas bien. J'étais en train de contempler le plus gros bassin, tu sais, le vide... Et puis j'ai entendu un énorme plouf, et... »

Elle frissonne, avant de détourner le regard.

« Et je ne me rappelle pas. Mon souvenir suivant, c'est le corps de Junko par terre...

— Voilà, fait Saki en soupirant derrière sa tablette. On a notre réponse. Michi a commis ce meurtre dans un état de transe. D'une certaine manière, elle n'était même pas responsable. Il est même possible que quelque chose ait déclenché cette transe, quelque chose de très... Monokuméen.

— Oh, c'est vrai, sourit Monokuma. C'est pas impossible que j'ai jeté un petit cadeau dans l'aquarium. Vous savez, un petit souvenir pour les poissons. Histoire que je puisse pas noyer qu'un seul frère... »

Michi frémit. Avant de pousser un hurlement, et de s'effondrer dans mes bras, encore plus en larmes que tout à l'heure.

Sa peau, si chaude auparavant, est traversée de frissons.

Les mêmes frissons qui envahissent Yuuki, Saki et Soma alors qu'ils se retournent vers Monokuma.

« ... espèce d'ordure, crache Soma, les doigts contractés sur sa tribune. Tu lui as vraiment jeté... tu lui as vraiment jeté le cadavre de son frère dans le bain ?

— Eh, je m'ennuyais, moi. Toute cette belle camaraderie, ça me donnait la geeerbe, mais à un poiiiint... Et puis si vous êtes jaloux, z'avez qu'à me donner vos frères... ah, oui, j'oubliais, elle ricane, vous n'en avez plus. »

Et c'est sous les cris de colère et les regards enragés qu'elle saute de la tribune, pour se planter devant moi, devant Michi toujours collée dans mes bras, qui se raccroche à moi comme une bernique, que je suis incapable de lâcher. Michi, ma Michi, mon aimée, qui va mourir dans quelques minutes.

Tout ça parce que Monokuma n'a rien trouvé de mieux que de la briser.

Elle va me la prendre.

Juste pour s'amuser.

...

Est-ce que c'est ça, ma punition pour l'avoir défiée ?

Est-ce que c'est ma faute ?

...

Non.

Non.

C'est la sienne.

C'est la sienne, et seulement la sienne.

Avec un large sourire, Monokuma se plante devant moi. Avant d'appuyer sur un bouton sous ma tribune.

Et sous mes pieds s'ouvre le vide.

EXECUTION

Michi Sasaki, Ultime Judoka

Dernière défiance

Quand mes yeux se rouvrent, je suis allongée sur une espèce de matelas.

Une espèce de matelas dur, plus dur encore que mon dos.

Je suis seule.

Michi n'est plus dans mes bras.

Michi n'est plus dans...

Je me lève d'un bond. Où est-elle ?!? Où est ma Michi ? Qu'est-ce que c'est que ce jeu pourri ? Qu'est-ce que Monokuma me force à faire ? Et pourquoi je suis là, moi auss-

Une main m'immobilise au sol.

C'est celle, gantée, de Monokuma.

Elle a un large sourire. Et un pistolet en main.

Je cligne des yeux.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

Sans doute a-t-elle senti ma question. Puisqu'elle me tend le pistolet. Avec toujours cet affreux sourire.

Le rubis qui brille sur sa molaire me fait l'effet d'une goutte de sang.

« Ta punition, ma chérie. »

Elle me tend le pistolet. Se place derrière moi. Et je comprends.

En face de moi, à une vingtaine de mètres peut-être, enfermée derrière une barrière de Plexiglas, attachée à une croix, se trouve Michi. Qui me regarde avec un sourire tremblotant, mais je sens la panique dans son visage, je sens la panique qui me transperce toute entière.

Qu'est-ce que je fais là ?

Pourquoi ai-je un pistolet dans les mains ?

Est-ce que je vais devoir...

Non.

Non.

Je ne peux pas faire ça.

Je me tourne vers Monokuma, lève le pistolet. Elle me bloque d'une pichenette, d'un ricanement et d'un robot.

« Oh, tu ne veux pas essayer ce genre de petites bêtises... »

Elle me force à pivoter, à me replacer devant Michi, à la regarder, crucifiée, attendant son destin avec le regard de celle qui ne veut pas mourir.

Et je les vois, autour.

Les robots. Les boules cloutées. Enfermées derrière une barrière, n'attendant qu'un seul mot, qu'un seul ordre, pour déferler dans la petite salle ou Michi, bras en croix, ne pourra pas se défendre.

Elle va être déchiquetée sous mes yeux.

Et les mots de Monokuma hantent mon esprit alors qu'elle appuie sur le bouton.

« Je te laisse le choix. Tire. Ou regarde la mourir de manière atrocement douloureuse. »

La barrière s'abat.

Dans un élan de panique, je lève le pistolet.

Mon doigt glisse sur la détente.

Le premier robot tombe au sol, se colle aux jambes de Michi. Elle pousse un hurlement. Mais dans son regard, il n'y a que de la bravade. Elle a entendu ce que me dit Monokuma, et elle me hurle, elle me hurle de ne pas céder, de ne pas lui obéir. De toute façon, elle peut encaisser, n'est-ce pas ? Elle encaisse toujours, elle...

Un nouveau hurlement la coupe.

Une des boules épineuses vient de lui atterrir sur les bras. Et c'est un bras articulé qui lui arrache. Et le sang qui jaillit, le hurlement, l'odeur métallique, le doux bruit de pluie, tout cela, je ne le regarde pas à travers un écran.

Elle est à vingt mètres de moi, et la seule chose qui nous sépare est le canon de mon pistolet.

Et les boules continuent de pleuvoir.

Et elle continue de hurler.

Et ma main tremble sur le pistolet.

Et encore.

Et encore.

Et encore.

Et encore.

ET ENCORE.

Bientôt, au bout d'une éternité, elle en est entièrement recouverte. De blessures, de robots, de piques, de sang, de vie, de mort. Mais elle vit encore. Du sang se forme au coin de ses lèvres, mais elle vit encore. Un de ses doigts gît au sol, mais elle vit encore. Son œil crevé pleure hémoglobine comme lymphe, mais elle vit encore. Elle ne peut même plus hurler, mais elle vit encore.

Je ne la reconnais plus, mais elle vit encore.

Mon doigt tremble sur la détente du pistolet, que je n'avais même pas remarqué avoir baissé.

Elle lève la tête.

Et dans son unique œil, je ne vois qu'une demande de pitié.


S'il te plaît.


Je lève le pistolet.

Contracte le doigt sur la détente.

...

...

...

Silence.

Mes larmes chutent au sol.

Je ne peux pas tirer.

Et dans un dernier sursaut, une dernière lame lui saute à la gorge, arrachant ainsi le dernier lambeau de vie de mon aimée.



La seule qui me restait.


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