Chapitre 5 (2) : One by one they fall victim to the plague
J'aimerais dire que l'état de Monokuma m'a procuré de la joie.
Mais la vérité, c'est que tout ce que j'ai ressenti en la voyant s'effondrer au sol, c'est la plus profonde des paniques.
Elle mérite d'être dans cet état.
Mais la seule chose que je peux penser, c'est que si elle meurt, on va tous la suivre.
Et ça ne peut pas finir comme ça.
Ça ne peut pas finir comme ça.
Ses robots se sont occupés, bien avant qu'on puisse faire le moindre mouvement, de l'entraîner dans ce qui est sans doute sa chambre. Je ne sais pas. Je ne sais pas, et de toute façon, j'ai préféré ne pas la suivre. J'ai simplement obéi à ma première impulsion.
Chercher des informations.
Daisuke et Soma m'ont suivie jusqu'au laboratoire d'Haruko. Je vois les yeux du Révolutionnaire s'assombrir en voyant la quantité d'armes sur les murs, et le visage de Soma se crisper de plus en plus au fur et à mesure qu'il regarde les poisons, les fusils, les traces de poudre au sol que je suis désormais bien en peine de cacher. Mais, et sans doute parce que Daisuke est silencieux, il ne me pose aucune question. Il se contente de me regarder chercher.
Je me préoccupe de toute façon comme de ma première couche-culotte de leur présence ici.
S'il y a quelque chose de louche, il vaut mieux qu'on y soit préparés ensemble.
Je fais le tour de l'armoire des poisons pour la troisième fois déjà. Inventaire en main, je compare chaque bouteille, chaque produit que le laboratoire d'Haruko désormais sans propriétaire nous laisse prêt à l'emploi. Mais rien à faire. Je ne trouve aucun indice.
Daisuke finit par se rapprocher de moi, avant de jeter un œil à la fiche que je tiens.
« Tu penses que Monokuma a été empoisonnée ? »
Je plisse les yeux.
« C'est ce que je croyais, mais rien dans le laboratoire d'Haruko ne manque, pas même les poisons les plus violents. Et un médicament ne provoquerait pas ça. Surtout quand je les ai sous clé.
— Tu oublies les produits dangereux potentiel du laboratoire de Shizuka, grimace Daisuke. Je crois que tu n'as pas eu le temps de faire main-basse dessus, si ? »
Je lui jette un regard en coin.
« Si. Hier. »
Daisuke plisse les yeux, mais n'ajoute rien, me laissant continuer.
« En plus, aucun d'entre eux ne provoque de tels effets, même à supposer que Shizuka, ou quelqu'un d'autre, ait réussi à empoisonner progressivement Monokuma. Non. Non, c'est autre chose.
— .... Est-ce qu'on pourrait sortir de là, alors ? Demande Soma d'une toute petite voix. Cet endroit me met mal à l'aise... »
Daisuke et moi échangeons un regard, avant de le porter sur Soma, tremblotant dans son coin, qui n'arrive à regarder que ses pieds. Il a l'air tout sauf à sa place dans cet endroit plein d'instruments de mort. Et j'aimerais bien lui dire que c'est son choix de nous avoir suivis. Personne ne t'a forcé à venir, n'est-ce pas, Soma ? Tu t'es toi-même condamné à entrer dans cette pièce. Je ne devrais pas te laisser déranger mon enquête.
Mais nous ne sommes que trois.
Nous ne sommes que trois, et je crois que Soma ne supportera pas d'être laissé tout seul.
Je crois aussi que je ne peux plus me permettre d'abandonner qui que ce soit.
De toute façon, on en a terminé ici, je crois bien.
« Okay, je soupire. On va se retrouver dehors et décider de la marche à suivre. Il faut qu'on découvre d'on ça vient.
— Que Monokuma crève ou non je m'en branle pas mal, marmonne Daisuke. Mais si c'est pas un poison, ça pourrait être méga grave.
— .... Et si elle crève.... Si elle crève, soupire Soma, on est finis, nous aussi. »
Et c'est tout le problème.
Nos vies se rattachent peut-être à cette solution et je ne peux rien envisager d'autre que du poison.
Mais qui aurait pris le risque d'empoisonner Monokuma ?
Sortis du laboratoire, Soma prend une grande inspiration. Même le visage de Daisuke se détend. Et les deux se tournent vers moi.
« Bon. Qu'est-ce qu'on fait, princesse ? »
La question du Révolutionnaire me prend au dépourvu quelques instants, mais je ne le laisse pas montrer.
Que faire, en effet.
« On a pas mal de choses à vérifier. Une nouvelle zone, qui contient peut-être des indices. L'état des autres. Et ce qui a provoqué celui de Monokuma. Si on peut trouver un moyen de désactiver son IA, on pourra peut-être même la laisser crever. »
La grimace de Soma en entendant cette dernière phrase est immédiate, mais je l'ignore. Je n'ai pas besoin de ses états d'âme là, maintenant, tout de suite. Il faut absolument que je trouve une solution.
« Le laboratoire d'Haruko n'a rien donné, je termine. Et j'imagine qu'on ne trouvera rien dans les poubelles indiquant un potentiel empoisonnement sur la longueur, pas vrai, Daisuke. »
Ce dernier hoche la tête. Je me disais bien qu'il pourrait me répondre. Il a toujours été un sacré fouineur de poubelles, après tout.
« Nan. Mais je pense pas que qui que ce soit ait été aussi négligent que Shô. En plus, les poubelles sont vidées régulièrement par les robots. »
Ce qui m'empêcherait de vérifier la présence d'un plan de grande ampleur. Qui n'aurait, de toute façon, pu être mis en place que par Shizuka, puisque nous étions les seul.e.s à pouvoir encore accéder à des médicaments.
Il ne me reste pas énormément de solutions.
« On a pas beaucoup de temps, alors le mieux, c'est de nous séparer. Soma, j'aimerais que tu ailles voir les autres. Tire-les du lit s'il le faut, je m'en fous, mais il faut que tu les préviennes de ce qu'il se passe. C'est urgent et on sera pas trop de sept pour démêler ce bazar.
— ... T'es sûre ? Marmonne Soma d'une toute petite voix. Je crois qu'ils... qu'elles ne m'écouteront pas.
— La situation est bien assez urgente pour les réveiller. Et même si tu ne ramènes pas tout le monde, au moins une ou deux personnes, ce sera déjà pas mal. Tu peux faire ça ? C'est important. »
Je vois encore le doute planer sur son visage. Puis, il finit par hocher la tête. Avant de se précipiter dans les couloirs, une détermination nouvelle animant sa course.
Daisuke se tourne vers moi.
« T'as changé, princesse.
— On parlera de ça plus tard, tu veux bien, Daisuke, je grommelle, agacée. On est dans une situation d'urgence.
— Je doute que ce soit la situation d'urgence qui te rendre aussi à l'aise avec des ordres. Ou des armes. Quand t'es tu autant habituée à la présence de la mort ? »
Je lui jette un coup d'œil. Son visage est vide de la moindre expression, pourtant, sa question pèse dans le silence qui m'entoure.
Quand est-ce que je me suis autant habituée à la présence de la mort ?
Est-ce que c'est quand j'ai compris qu'elle était inévitable ?
...
Inutile de se torturer l'esprit trop longtemps. Pour le moment, j'ai des choses à faire.
« On en parlera plus tard, j'ai dit. Pour l'instant, si tu veux bien aller explorer le cinquième sous-sol, ça m'arrangerait. Et ça te permettrait de chercher ta clé.
— Non. »
Je pince les lèvres.
« Non ? »
Daisuke grince des dents.
« Me fais pas dire ce que j'ai pas dit. Ça servirait, et c'est mieux de se séparer sur ce coup-là, mais je sais très bien ce que tu vas faire. Tu vas ressortir ta clé USB et chercher dedans. »
Mon visage ne montre pas la moindre marque d'émotion. Évidemment. Il sait très bien pour la clé. Je ne peux plus lui mentir sur ce point. Je lui ai moi-même avoué en savoir plus que ce que je devrais, et la clé USB d'Haruko est mon meilleur plan pour la suite.
Mais je ne m'attendais pas à ce qu'il cherche à obtenir plus d'informations dessus.
On perd du temps. On perd du temps parce qu'il me fait un caprice. Mais tout ce que j'arrive à faire, c'est pincer les lèvres.
« Et pourquoi je te laisserais l'accès ?
— Tu n'es pas la seule à chercher une porte de sortie, princesse, ricane Daisuke. Et je crois que j'ai aussi le droit de savoir si quelque chose de suspect se cache dans cette clé. Tu n'y arriveras pas toute seule. Laisse-moi chercher avec toi. »
... Bon sang, quand je disais qu'il me faisait un caprice.
Il va être impossible à raisonner. Je le vois sur son visage. Je n'ai pas les moyens de le forcer à moins de le menacer avec mon arme, et je doute fort que cela m'amène quelque part. Et en plus, on perd du temps. Beaucoup de temps.
Si seulement je pouvais prétexter mon manque de confiance à son égard, la possibilité qu'il soit le maître du jeu, pour cacher ce que je sais.
Mais si je pouvais faire ça, il m'aurait fallu le faire bien plus tôt, bien avant que Shizuka ne meure.
Je n'ai pas d'autre choix que d'obtempérer.
« D'accord. Viens avec moi à la salle informatique. Mais je te laisse uniquement regarder. Tu n'auras pas accès aux fichiers.
— Bien assez. Allez, dépêche-toi, princesse. Avant que Soma ne revienne et se demande pourquoi on a pas bougé. »
L'argument est assez convaincant pour que je laisse tomber le sujet et l'entraîne, dans le silence qui m'entoure, vers la salle informatique.
Arrivée là-bas, ne trouvant, sans surprise, personne, je m'empêche de m'installer à un ordinateur avant de couper l'Intranet et de lancer une recherche antivirus rapide, précautions de base le temps de brancher ma clé USB, pendant que Daisuke jette méthodiquement dehors tous les kumarobots qu'il y trouve. Aucun d'eux n'est abîmé dans l'entreprise, non que ça serve encore à quelque chose. Monokuma n'est plus en état de nous punir pour un acte de violence à leur égard.
Il revient pile au moment où je branche la clé USB et que tous les fichiers, cryptés comme décryptés, s'affichent devant mes yeux.
Je le vois grimacer en voyant la quantité d'informations.
« Comment diable est-ce que Kita a eu le temps d'accumuler tout ça...
— Et de le crypter, je marmonne en ouvrant un des fichiers décryptés au hasard sur la Tuerie avortée. Elle a employé au moins dix codes différents pour cacher ses informations. Certains sont classiques, comme un simple chiffre de Vigenère dont la clé de décryptage était un tableau Excel dissimulé, mais d'autre m'ont pris plusieurs jours à craquer.
— Un Assassin doit savoir écrire en code, marmonne Daisuke en s'asseyant à côté de moi. Mais en trois mois, cela m'étonne qu'elle ait recueilli autant d'infos. Surtout sur les Mizutani. »
Je grimace. Maintenant que Shizuka et Kazumi sont morts tous les deux, mon seul espoir pour en apprendre plus sur la première des génies et le projet Renaissance repose sur les informations qu'Haruko a recueilli via Freïr Andersen. Mais ces dernières sont disséminées de partout dans ses documents. Tantôt j'en trouve des traces dans le Projet Renaissance, tantôt dans la Tuerie avortée. Une fois, dans les dossiers d'Hope's Peak qu'elle a réussi je ne sais comment à transférer sur sa clé.
Impossible de trouver quoi que ce soit de consistant.
Daisuke grommelle en me voyant chercher.
« Tu penses que l'info est là ?
— Bravo, captain Obvious, je grommelle. Non, je m'amuse à stalker un mec dont je n'ai aucune idée du devenir. À ton avis, Daisuke ? »
Il lève les yeux au ciel.
« Inutile de cracher ton sel. Je me demande simplement ce que les Mizutani et ce Freïr Andersen ont à voir avec ce qui afflige Monokuma.
— Kazumi et Shizuka sont spécialisées dans les armes biologiques. »
Il se tait. Il semblerait que j'ai tapé dans le mille.
Parce que c'est exactement ce que je cherche.
« Tu as vu le laboratoire de Shizuka, non ? je continue. Il y avait quoi dedans ?
— Je suis pas scientifique, Satou, marmonne Daisuke en levant les yeux au ciel. Je sais pas ce qui sort de l'ordinaire dans un labo, à part les vêtements pleins du sang de sa pauvre victime.
— Rien qui sort de l'ordinaire ? Certain ? »
Je le questionne à moitié concentrée, pour le distraire des pages et des pages d'infos que je n'ai pas d'autre choix que de lui montrer. Ce n'est pas tellement une info que je recherche. Mais visiblement, il se prend au jeu. Je le vois se gratter la barbe avec intérêt.
« A bien y réfléchir... Il y avait cette espèce de cuve, au fond. Du sang au fond, et des seringues partout, avec de écrans qui servent sans doute de moniteurs. Une sorte de cylindre spécial expérimentation humaine. »
Du sang au fond....
....
Qui donc est bien passé dans cette cuve ?
Taichi ?
Michi ?
Shizuka luel-même ?
Je ne le saurai jamais, puisque la seule personne ayant ne serait-ce qu'un semblant de lien avec les actes inhumains de l'Ultime Généticien.ne ne se souvient même pas de son implication.
Mais ce n'est pas le plus important actuellement.
« Shizuka conduisait toujours ses expériences sur le corps humain pendant la Tuerie, » je marmonne en ouvrant un nouveau fichier, cette fois sur le projet Renaissance.
C'est un que je n'ai pas fini de décrypter, mais tant pis. De toute façon, je crois qu'avec un peu d'effort, il sera bien compréhensible, maintenant que j'ai la clé.
« Ce n'est pas impossible, je continue en déchiffrant la première partie, qu'iel ait pu affecter Monokuma d'une manière ou d'une autre.
— Shizuka est généticien.ne, marmonne Daisuke. Pour affecter Monokuma, il aurait sans doute fallu que ce soit directement. Iel n'est pas négligent.e au point de laisser ses expériences se propager sans contrôle, surtout sur luel.
— Shizuka, peut-être. Mais Kazumi est microbiologiste, et Freïr portait le titre de Virologue. Ce sont deux disciplines qui autorisent plus les écarts... »
Mon doigt se fige sur la souris.
Là, sur cette page que je viens de décoder, en dessous des mots « start », « termination » et « Reborn Project », se trouve la clé du mystère.
Et je crois que c'est encore pire que ce que je pensais.
« .... Daisuke... Regarde ça de plus près...
— Quoi, marmonne le Révolutionnaire. T'as trouvé un truc ? Lis-le à voix haute, je crois que c'est encore codé. »
... Vrai. J'étais si habituée au dernier code d'Haruko que je n'avais pas repéré ça. L'une des seules infos que j'ai réussi à cacher. Mais peu importe. C'est trop grave pour que je puisse me permettre de mentir. Ou de garder ça pour moi.
« ... Le Projet Renaissance a été terminé dans l'urgence après la découverte du Désespoir, je lis, d'une voix blanche, en faisant défiler la page. Mais ce n'est pas l'unique raison. Si tout le monde a été exécuté à travers tous les pays sans sommation... Si ce genre de massacre a été couvert avant même qu'on ne crée la première des Tueries... C'est à cause des raisons de sa création...
— Et ça c'est important ? me coupe Daisuke furieux. On parle d'un poison étrange sur Monokuma, là, pas d'un projet stupidement avorté ! »
Je serre les dents.
« Si tu ne me coupais pas la parole, je t'aurais peut-être expliqué, nom d'un chien ! ça dit, noir sur blanc, que Kazumi et Freïr sont responsables de l'élaboration d'une bio-arme sans précédent capable de ravager des pays entiers, un virus d'un nouveau genre et insidieusement mortel, qui agit extrêmement vite sur l'organisme humain et particulièrement les personnes sans particularité génétique ! Soit très probablement l'entièreté de la population n'ayant pas le trait du génie ! »
Daisuke se fige.
Il vient de comprendre.
On parle d'une arme capable de ravager la population à une vitesse impressionnante bien avant qu'on ne trouve le remède. La pire arme pour un eugénisme calculé. La cause de la création du Projet Renaissance, qui reposait sur le contrôle que les gouvernements voulaient avoir de cette arme. Avant de, peut-être, s'en servir. On ignore toujours les proportions du génie, après tout. Qui sait s'ils avaient un jour été capable de créer leur utopie parfaite, avec comme seuls survivants d'une pandémie gargantuesque les génies et les riches ?
Le Projet Renaissance est né d'une volonté de contrôle.
Et ce contrôle s'est effondré lorsqu'ils ont découvert le Désespoir.
Parce qu'ils savaient très bien, ils avaient devant les yeux la preuve, que tout pouvait basculer à tout instant.
Que l'urgence était absolue.
Tout ça parce qu'ils avaient construit leurs études du génie sur cette urgence.
Et maintenant, Freïr s'est fait embarquer dans une Tuerie dont j'ignore s'il y a survécu, et Kazumi vient de mourir, mourir avec un large sourire, un sourire qui ne peut signifier qu'une seule chose...
« Kazumi a relâché sa bio-arme, je termine, d'une voix sans émotion. Juste avant de mourir, sans doute, lorsque je l'ai vue dans le couloir des laboratoires. Lorsqu'elle a eu accès au donjon. Monokuma l'a tuée, mais dans le même temps... »
... Je me rappelle encore de ce saphir qui roulait jusqu'à moi, du sourire béant sur le visage et la gorge de la première des génies, de son regard fixé sur mon poste d'observation.
J'ignore comment elle a fait. Sans doute à cause de sa propre mort. Peut-être était-elle vectrice de propagation, inoffensive tant qu'elle était en vie, et le relâchement de son sang, ou l'arrêt de son cerveau, a déclenché la contagion.
Je ne prétends pas comprendre les mystères de la microbiologie.
Mais ce n'est pas possible autrement.
Et Monokuma...
« Monokuma a été la première infectée. »
Je hoche la tête à la phrase de Daisuke.
« Si c'est ce que je pense... Ouais. Et si on ne trouve pas le moyen de faire quelque chose, on va tous la suivre. »
Et ce quelque chose devient bien plus urgent que simplement désactiver son IA de sacrifice.
Daisuke grimace. Je ferme le document. Mais pas le temps de faire quoi que ce soit d'autre.
Parce que Soma vient de se précipiter dans la salle d'informatique, les yeux écarquillés par une terreur sans nom.
« Les gens ! venez vite, c'est horrible ! »
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