Chapitre 5 (19) : The images
L'autopsie est terminée.
J'ai renvoyé Michi au réfectoire juste après qu'elle m'ait aidée à descendre le corps de Junko. On les a posés, tous les deux, à la morgue, puis je l'ai raccompagnée au réfectoire, avant de finalement, m'atteler à ce que j'espère être la dernière fois que je dissèquerai un cadavre de toute ma vie.
De toute façon, je n'ai pas eu à aller bien loin. La nuque de Junko est brisée, sa trachée écrasée, ses vertèbres craquelées. C'est très clairement l'étranglement qui l'a tuée, puisque je n'ai pas vu d'autres blessures sur son corps. Vu ses yeux injectés de sang, ça ne m'étonne même pas de ne rien avoir trouvé d'autre.
Daisuke, c'est un autre problème. Évidemment, son couteau en plein cœur n'a pas été fait post-mortem, mais il est recouvert d'autres blessures qui me paraissent presque étranges. Et ses jointures imbibées de sang... Il a lutté, ça ne fait aucun doute, mais qui est assez fort pour gagner une bagarre contre le Révolutionnaire Ultime ?
On ne l'a pas poignardé sournoisement dans le dos. Mais de face, après une lutte acharnée. Une lutte dont sont sans doute témoins les kumarobots en miettes dans sa chambre, mais que je crains de ne pouvoir retracer. Puisque les kumarobots sont, comme je l'ai si bien signalé, en miettes.
Enfin, ça ne paye rien de vérifier. De toute façon, je suis, encore une fois, seule. Même Monokuma ne m'attend pas à l'entrée de la morgue. Où sont enfermés les corps de deux nouvelles personnes.
J'ai beaucoup de choses à faire, avant que le procès ne commence. Déjà, déterminer si le couteau enfoncé dans la cage thoracique de Daisuke vient bien du laboratoire d'Haruko. C'est un couteau de combat, fait pour tuer ; mais maintenant que le laboratoire de Daisuke est ouvert, peut-être l'a-t-il simplement pris de là.
Ensuite, vérifier avec Saki les interrogatoires, puisque j'imagine qu'elle les a faits. Voir s'ils me serviraient à quelque chose. Et interroger, par la même occasion, Saki.
Vu qu'il n'y a que quatre suspects, trois, en comptant le fait que Soma ne m'a pas quittée pendant le crime... ce sera rapide.
Et enfin...
Je glisse ma main dans ma poche.
Dedans, une clé, ornée d'un nom, accompagnée d'un bout de papier.
Machinalement, presque, je le déplie, lis les mots inscrits dessus. Ils sont au clavier d'ordinateur, presque incongrus sur un morceau déchiré. En anglais.
« Hey, princesse. Si tu trouves ça sur mon cadavre, ça veut dire que, bah, j'suis mort. Aha. Enfin bref. Va dans mon labo. Y'a un truc qui t'y attend. T'en aura besoin. »
Je replie le papier.
J'ai lu ce mot des centaines de fois, depuis que je l'ai trouvé, au fond de la poche de Daisuke. Mais je crois que je n'en ai toujours pas saisi le sens.
Donc, il s'attendait à sa mort. Il s'attendait à sa mort, et il m'a laissé un message. À moi, en particulier. Sans doute parce qu'il s'attendait à ce que je sois de corvée autopsie, hein. Je l'ai toujours été. Ça ne m'étonne pas qu'il y ait pensé. Ce qui m'étonne, surtout, c'est qu'il me laisse sa clé de laboratoire.
C'est lui qui avait la mienne, au tout début de ce jeu d'horreur. Puis-je considérer dans ma fantastique ironie que la boucle est désormais bouclée ?
Je préfère ne pas trop y penser.
En remontant dans le couloir, je m'arrête au niveau des chambres. Celle de Junko est toujours ouverte, désertée, sans cadavre dans le coin du couloir, ou même sur le lit. Comme si rien ne s'était passé. En tout cas à l'extérieur.
Parce que le capharnaüm de l'intérieur n'a certainement pas bougé quand j'y retourne.
Je n'ai pas besoin de regarder les traces de lutte. Je n'ai pas besoin de comprendre davantage ce qu'il s'est passé. Une lutte, dans la chambre de Junko. Avec qui ? et pourquoi ? Comment est-ce que Junko aurait pu sortir de sa chambre, pour y être remplacée par Daisuke ? Tout ça, ce sont des questions dont je n'aurai jamais la réponse. Puisqu'il n'y a pas de témoin oculaire.
Je fouille dans les kumarobot, espérant trouver un boîtier vidéo intact, qui pourrait, peut-être, m'aider. Mais comme je m'y attendais, rien à faire. Pas le moindre système vidéo intact.
Génial. Je ne saurai donc jamais ce qu'il a bien pu se passer dans cette foutue chambre.
Okay. Ça, c'est fait. Etape deux, aller aux laboratoires, et essayer de les fouiller au maximum. Je dois absolument comprendre d'où vient ce couteau. Si c'est un de ceux du labo d'Haruko, ou de Daisuke. Je n'ai vraiment pas les moyens de me permettre d'autres pistes.
Déjà que la scène de crime est si pauvre en informations...
Tout ce que j'y vois, je me dis en repartant, c'est que Daisuke a été poignardé directement sur le lit. Après avoir lutté, donc, on peut en conclure une victoire de son assaillant. Il n'y a pas grand-monde capable de lui mettre un coup. A part Michi. Mais je préfère ne pas y penser.
La lutte s'est cantonnée à la chambre. Mais qu'y faisait Junko ? est-ce qu'elle a surpris le meurtrier et que ce dernier l'a tuée en représailles ? mais dans ce cas, ça veut dire que la cible de base était Daisuke ?
Donc, le mobile de Michi vers Junko ne tient plus ?
Beaucoup trop d'infos contradictoires. Et si la cible de base était Daisuke, qui diable a bien pu choisir comme victime sans doute le gars le moins tuable de tout ce donjon ? Il y avait des cibles tellement plus faciles... à commencer par Soma et Yuuki, les plus frêles.
Nan, vraiment, c'est bizarre.
Et Junko que je retrouve pas si loin de la chambre, en évidence... Bon, certes, on est plus que... Que cinq, désormais, cacher un cadavre n'est pas forcément nécessaire. Mais quand même, je trouve ça idiot pour un crime prémédité.
La possibilité que les deux cadavres aient pu être échangés de place est à exclure. Le sang de Daisuke est la preuve formelle que non. Et puis surtout, on a dû se mettre à deux pour le transporter, et Michi est quand même d'une force respectable. Franchement, ça aurait été beaucoup d'embêtements pour rien.
Junko aurait pu être bougée. Mais pourquoi la bouger là ?
Non, vraiment, j'ai l'impression de me compliquer la vie.
Me voilà dans le couloir des laboratoires. Celui d'Haruko est grand ouvert, la lumière allumée. Mais quand j'y rentre, ce n'est pas un participant que je trouve.
C'est Monokuma, qui contemple avec un visage réjoui l'arsenal.
Elle se retourne à peine quand je rentre.
« Reina Satou en personne ! Tu cherchais quelque chose, peut-être ?
— A faire ce que tu attends de moi, je réponds, glaciale. Écarte toi de l'arsenal. »
Elle ricane. Et c'est à peine si elle me regarde avant de faire un pas de côté, me laissant accéder aux couteaux de combat.
Voyons. J'en ai gardé un depuis la petite expédition dans le désert. Je crois bien qu'un des proches en a emporté un. Ce qui fait qu'il devrait m'en manquer deux.
Or, si je fais le compte, il m'en manque... Deux ?
Je hausse un sourcil. Je suis certaine d'avoir bien compté, pourtant... et je m'attendais à ce qu'il en manque un de plus. Est-ce que c'est certain que quelqu'un d'autre l'a emporté en dehors du donjon ? Isami a bien pris un pistolet...
... Oui. Oui, je me rappelle. C'est Scott qui l'avait.
Et aucun autre couteau n'a été pris dans l'arsenal depuis.
Donc, celui de Daisuke venait de son labo ? ça ne m'étonnerait pas, vous voyez, que l'Ultime Révolutionnaire en ait besoin à un moment où un autre. Mais contrairement au labo d'Haruko, qui est une cache d'armes désormais publique, le labo de Daisuke n'est pas facile d'accès, du moins tant qu'il était encore en vie.
Et je doute fort que le couteau qui l'a tué ait été pris après sa mort. Ça ferait un petit problème de timing assez cocasse.
Si du moins la mort peut être cocasse.
Enfin bref. Je n'ai évidemment aucun moyen de vérifier ça, même si j'ai la clé. Je n'ai pas fait l'inventaire des couteaux de son labo. Et si il l'a fait, ce qui m'étonnerait beaucoup, ça va me prendre du temps de vérifier.
De toute façon, la conclusion qui s'impose ici est que Daisuke a été tué avec son propre couteau.
Et franchement... C'est probablement la pire mort possible pour quelqu'un comme lui.
« Tu as trouvé ce que tu voulais, ma chérie ? » Ricane Monokuma derrière moi.
J'avais presque oublié sa présence, tiens.
Je lève les yeux au ciel, rangeant l'inventaire et les couteaux à leur place.
« Dis-moi plutôt ce que tu fabriques ici, puisque je doute que ce soit pour le plaisir de me regarder.
— Oh, je sais pas. C'est drôle de vous voir vous débattre comme des sardines. Mais puisque tu demandes si gentiment...
— Je ne t'ai rien demandé. »
Monokuma se tourne vers moi. Elle est extatique, le sourire plus large encore que je ne l'ai jamais vu.
« Oh, ma pauvre choute. Toi qui es tellement perdue, tu ne voudrais pas un indice sur le tueur ? Histoire d'avoir une chance de survivre ? »
Je me tends.
Monokuma en personne me donne un indice ?
Qu'est-ce qu'il se passe ?
Certes, ce n'est pas la première fois qu'elle le fait. L'heure du crime, la chaîne de meurtre, enfin, je cite des exemples au hasard, mais bien réels, des vrais indices donnés par Monokuma pendant mes enquêtes.
Mais c'est la première fois qu'elle est aussi directe.
Et visiblement, mon silence semble lui donner le prétexte qu'elle attend.
« Oh, je me disais bien que ça t'intéresserait. »
Je serre les dents.
« Pourquoi ?
— pourquoi quoi, ma jolie ?
— Ne fais pas l'innocente. Pourquoi me donner cet indice maintenant ? »
Elle sourit. Je vois un rubis briller sur une de ses molaires, loin, au fond de sa bouche. Une pierre précieuse qui n'est pas sans m'en rappeler une autre.
« J'ai plein de raisons dont l'une est entre autres que je veux jouer, moi aussi. Vous voir patauger dans la semoule, ce n'est pas drôle longtemps, même si ce que j'obtiens après est... Alléchant. Je veux vous voir trouver une piste, elle rit, un rire qui me perce les tympans. Je veux vous voir vous débattre, vous raccrocher à la dernière chance qu'il vous reste de survivre comme des berniques à leur rocher. Et je veux voir tout ça détruit lorsque vous comprendrez que peu importe l'aide que vous aurez, le résultat sera le même. »
Elle se rapproche de moi. À petits pas, toujours en train de glousser, ses yeux assoiffés de sang fixés sur mon visage.
« Alors voilà mon indice, mes chers Prodiges condamnés. Quel que soit l'angle par lequel vous l'abordez, quel que soit la manière dont vous y réfléchissez, mort ou vivant, il n'y a qu'un seul et unique tueur à trouver. Et je veux sa tête au bas de mon tribunal à la fin de ce procès. »
Je la vois rire de nouveau. Avant qu'elle ne disparaisse derrière la porte du laboratoire d'Haruko. Comme si elle n'avait jamais été là.
Un seul tueur.
Un tueur vivant, de toute évidence, puisqu'elle nous demande sa tête.
Est-ce que je peux seulement la croire ?
...
Elle ne m'a pourtant pas menti une seule fois.
Donc, le tueur de Junko et de Daisuke est une seule et même personne. Une personne encore vivante. Une personne que je vais devoir démasquer. Pas de thèse du suicide. Pas d'espérance qu'ils se soient entretués. Rien. Juste une personne qui en a tué deux.
Je sors du labo d'Haruko, des pensées peu agréables plein la tête. Dans ma poche, la clé de Daisuke pèse lourd, très lourd. Je vais avoir besoin, plus que jamais, de son dernier indice.
Un kumarobot se cogne à mes pieds. Je le repousse négligemment sur le côté avant de me diriger vers le laboratoire de l'Ultime Révolutionnaire.
... Qui aurait pu tuer Daisuke, puis Junko, ou l'inverse, puisqu'ils sont morts quasiment en même temps ?
Le kumarobot rentre de nouveau dans mes chevilles. Je lève les yeux au ciel.
« Tu n'as pas fini de m'embêter, toi- Tiens ? »
Tiens, en effet. Parce que le petit robot vient de relever la tête vers moi. Et je vois son œil rouge briller.
C'est assez inhabituel, pour un kumarobot, de faire ça.
Prise d'une soudaine curiosité, je le ramasse, avant de tâter son crâne histoire de chercher pourquoi il a ce comportement étrange.
Un flash se fait voir de derrière son crâne.
Précipitamment, je le retourne, juste à temps pour voir le boîtier vidéo s'allumer.
... Et les images...
Les images sont terribles.
Je n'ai pas pu aller plus loin.
Monokuma, au moment où j'allais ouvrir le labo de Daisuke, a annoncé la tenue du procès. Plus le temps de chercher. Plus le temps de fouiller. Il a fallu que je traverse la forêt tropicale une dernière fois, pour rejoindre la porte rouge molletonnée une dernière fois.
Nous étions tous recroquevillés devant, à cinq, peu rassurés. Parfaitement conscients que l'un d'entre nous est le coupable. Que l'un d'entre nous ne ressortira pas de cette pièce.
C'est avec un large sourire que Monokuma nous a tous fait rentrer dans la salle de procès.
Et maintenant je suis devant ma tribune, à attendre que tout se termine.
A côté de moi, le robot, fidèle à son poste, dont l'œil continue de clignoter.
Monokuma est assise à sa tribune, comme d'habitude, à nous fixer du regard de la satisfaction plein les yeux. Oh, comme j'aimerais lui arracher cette satisfaction. Comme j'aimerais être capable de sortir mon arme de son sac, de la braquer vers elle comme Haruko l'a fait, et de cette fois, ne pas la louper.
Mais je ne peux pas.
Je suis sur son territoire. Je ne peux pas la tuer sans mourir aussi.
Et à quoi ça me servirait ?
A quoi ça servirait au coupable ?
...
...
Merde.
« Euh... Bon, lance Michi d'une toute petite voix. On peut commencer ? Par voir un peu... je sais pas ? Ce qu'il s'est passé ? »
Ça semble réveiller tout le monde. Tout le monde s'agite sur sa tribune, échange des regards, essaie de sortir ses preuves.
Tout le monde sauf moi.
Saki, voyant que le silence se prolonge, finit par sortir sa tablette. Le poids du calme s'alourdit encore alors qu'elle écrit un paragraphe dessus.
« Ce que j'ai pu comprendre de mes observations, c'est que Junko et Daisuke sont morts vite, voire en même temps, un peu plus tôt dans la journée. Je pense que quand on les a trouvés, ils venaient de mourir, peut-être il n'y a même pas une demi-heure. Tu confirmes, Reina ? »
Je hoche la tête alors que Saki marque une pause, pour écrire un nouveau paragraphe.
« Je n'ai pas pu partager mes interrogatoires avec Reina mais ce que j'en retire, c'est que Michi, pendant ce temps, était à l'aquarium. Elle est sortie, et a trouvé le corps de Junko avant de se précipiter pour venir nous chercher. Yuuki était en bas, à l'entrée du cinquième sous-sol, c'est là que Soma et Reina l'ont trouvée. Et du coup, ils étaient ensemble. Encore une fois, peux-tu confirmer, Reina ? »
Nouveau hochement de tête. Tout ça, somme toute, sont des informations inutiles, mais je ne peux pas vraiment en vouloir à Saki d'essayer de démêler le scénario.
Saki grimace. Avant de, de nouveau, se pencher sur sa tablette.
« Et du coup, pour moi, j'étais dans l'hôpital. J'errais un peu sans but, donc c'est dur à prouver, tout ça. Soma m'a rejointe un peu avant la découverte du corps. On a reçu la notification ensemble, avant de remonter et de tomber sur le corps de Junko, croisant Michi sur le chemin. »
Elle pousse un profond soupir. Avant de désigner Monokuma, qui semble réjouie par la mention de son petit cadeau empoisonné.
Soma, de son côté, grimace.
« ... A cause de la nouvelle règle de Monokuma, impossible de savoir qui est safe ou non... Surtout que, ben, même si on a des alibis, d'une certaine manière, on est tous suspects. Michi, évidemment, mais toi aussi, Saki... même Yuuki, elle aurait pu y aller, vu qu'on a quand même bien erré dans genre, la bibliothèque, le premier étage des souterrains... avant de la trouver en bas... »
De nouveau, je hoche la tête. Suivant le raisonnement de Soma, impossible de départager ces trois-là, je suis la seule innocente. Des détails permettent d'hiérarchiser, mais ça ne suffit pas, à ses yeux. Trop de détails clochent.
Saki hoche la tête à son tour, et Michi fait la grimace.
« Ouais... Et putain j'ai pas envie de douter, là, mais y'en a forcément une de nous qui l'a fait, non ? Toi et Reina je veux bien, apparemment vous avez pas pu commettre le crime vu que la porte de Junko était encore fermée quand vous êtes passés devant... Mais nous...
— C'est pas moi, sanglote Yuuki dans un coin. Je voulais pas... Les morts ne reviennent pas... Les morts ne reviennent pas... »
Soma a une petite moue.
« J'aurais moins tendance à suspecter Yuuki, en plus. Non seulement elle est frêle, mais en plus, Reina et moi, on l'a trouvée dans cette espèce de crise d'angoisse, je... je pense pas qu'elle aurait pu être en mesure de tuer Daisuke et Junko... Surtout que Daisuke, c'est un colosse, et on l'a planté de face...
— ça pose un autre problème, intervient Saki. Je suis persuadée que ni Michi ni moi n'avons vraiment la force de lutter contre un combattant de la liberté en pleine mesure de ses moyens, et pourtant, il y a eu de la lutte. La force physique c'est une chose. Mais aucune de nous ne porte la moindre trace de combat. D'ailleurs, elle ajoute, plissant les yeux alors que sa tablette parle, personne n'en porte, à part Yuuki. »
Ce disant, elle pointe du doigt les quelques bleus qui parsèment la peau de l'Ultime Gamer, qui glapit légèrement.
« Eh, du calme ! La coupe Soma, effaré. Quand on a trouvé Yuuki, elle était sur le point de se déchiqueter les joues ! Elle aurait très bien pu s'infliger ça toute seule, pas vrai Reina ? »
Nouveau hochement de tête. C'est tout ce que je suis capable de faire.
Le regard de Yuuki est perdu dans le vide. Visiblement, lui rappeler sa crise ne lui a pas fait du bien. Soma lui jette un regard d'excuse, alors que Saki baisse les yeux.
« Tu as raison. En plus, ça ne colle pas. Il n'y a pas assez de bleus pour qu'on puisse considérer que Yuuki ait pu le planter même par chance. Et très franchement, se prendre un coup de poing de ce type alors qu'on essaie de le tuer aurait fait bien plus de dégâts. Surtout pour quelqu'un d'aussi frêle. »
Mais du coup, on en revient à la case départ, pas vrai ? Parce que Saki, malgré le fait qu'elle marque très facilement, n'a pas de bleus. Et Michi, même si j'aurais pu en rater, ne m'a pas semblé plus en douleur que ça, à part sa jambe encore en train de cicatriser. Dont la blessure a presque disparu, d'ailleurs.
On tourne en rond depuis tout à l'heure, pour l'amusement de Monokuma qui nous regarde nous débattre comme des insectes. Comme des insectes sous sa loupe a attendre qu'un rayon de soleil passe pour tous nous anéantir.
Et moi, je suis incapable de parler. Je suis incapable de m'exprimer. Alors que c'est moi qui aie pris en charge cet enquête, que je sais, que je vois ce qu'il s'est passé, je n'arrive pas à les débloquer.
A leur sauver la vie.
...
Pourquoi ?
Pourquoi est-ce qu'on en arrive là ?
Tout ce que je voulais...
Tout ce que je voulais, c'est que ça s'arrête.
Que ça s'arrête...
Une larme s'échappe de mon œil. Coule de ma joue. Et le bruit de sa chute résonne sur le sol du tribunal, alors que tous, semblant se rappeler de ma présence, se tournent vers moi.
« Reina, me demande Michi, d'une voix douce. Tu... tu n'as pas parlé depuis le début du procès. Est-ce que tu sais quelque chose ? »
...
Je ne peux plus reculer.
C'est terminé.
« ... oui. »
Tout le monde me fixe avec de grands yeux, mais je ne les vois plus, je ne vois même plus leur regard apeuré, plus que ce brouillard qui m'obscurcit le cerveau, avec pourtant une si terrible clarté.
Je prends une profonde inspiration, avant de balayer du regard le tribunal, en attente des mots qui vont l'éclater.
« Je sais qui c'est. »
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