Chapitre 5 (16) : Disparition
« Toujours pas de Daisuke ? ça commence à être un peu inquiétant, là, non ? »
Je ne vais pas mentir, je suis plutôt d'accord avec Soma. Toujours pas de Daisuke, alors que notre mois est presque terminé, cela ne me dit rien de bon. Voilà plus de deux semaines qu'il a disparu, et personne ne l'a vu, pas même Monokuma qui la veuille encore en semblait particulièrement courroucée.
Et quand Monokuma est énervée, en règle générale, ça sent jamais bon pour nous.
Mais du coup, plus de Daisuke. Et même si le ton de Soma est léger, presque trop, je vois bien qu'il se ronge les sangs. Il y a quelque chose de particulier qui s'est développé entre eux, pendant ces derniers mois. Nier la nature de leur relation serait assez stupide de ma part.
Ce qui veut dire que même Soma ne l'a pas vu, alors qu'ils s'étaient pourtant très rapprochés. Et ça, ça m'inquiète. Je m'attends tous les jours à trouver une lettre sur mon lit. Vous savez, la fameuse lettre signée Sukina Karasu.
A tout de suite.
Soma me fixe avec de grands yeux. Je crois qu'il attend ma réponse.
« Non, toujours pas, je soupire. Et j'avoue que ça commence un peu à me stresser. Je ne sais pas où il est, ni ce qu'il prépare, mais normalement, il devrait au moins donner de ses nouvelles... »
Ne serait-ce qu'à Soma, que je sois en mesure de les réclamer ou pas. Et quand même, on est dans un donjon, ce n'est pas bien compliqué de nous déposer un mot... même si je n'ai vraiment pas envie que ça finisse mal.
Soma fait la grimace.
« Ça commence vraiment à m'inquiéter... Qu'est-ce qu'il fabrique, bon sang ?
— Le connaissant, je soupire, c'est encore un de ses plans en solo. Ou alors il essaie d'empêcher le prochain crime. Mais au bout de deux semaines, quand même, ça ferait un peu long pour bloquer un meurtre...
— Mouaif, marmonne Soma. Junko est tout le temps dans sa chambre, maintenant, c'est encore pire que Michi le mois dernier... Si je peux comparer, il se reprend devant mon regard sévère. Et sinon, personne n'a l'air trop motivé à s'entretuer, là. On a trop à faire, à réfléchir, tu vois ? P't'être que certains ont fait le calcul et se sont dit qu'un mort à la fin du mois valait mieux que deux. »
J'en doute. Parce qu'on a fait le même calcul en début de jeu, et pourtant, Kichiro est bel et bien mort deux jours avant la date limite. Tué par Hina alors qu'il allait commettre son propre crime. Et sa victime présumée a survécu jusqu'ici...
Je secoue la tête. Ce n'est pas le moment d'y repenser.
« Je ne sais pas, Soma. Vraiment, je ne sais pas.
— Je me doute. Mais dis, Reina... Si tu n'as rien à faire.... Est-ce que je peux te demander de venir le chercher avec moi ? Je suis presque sûr qu'il est dans les souterrains, quelque part, et je n'ai pas très envie de... Enfin bref, il tousse, un peu rougissant. Je comprendrais très bien que tu veuilles pas... Mais je préfèrerais pas rester seul... »
Hm.
Le chercher ?
C'est vrai que je n'ai pas grand-chose à faire, actuellement. Je me casse toujours les dents sur cette saleté de fichier, le dernier qu'il me reste à décrypter ; sûrement le plus important d'entre eux, mais le code de surface, le dernier à avoir été utilisé par Haruko, est particulièrement tordu. À chaque fois, j'obtiens une suite de symboles sans le moindre sens. Au final, je n'arrive plus à y passer plus d'une heure sans rager.
Et je dois bien avouer que cette situation m'inquiète pas mal. Si Soma veut aller dans les souterrains, autant que je l'accompagne. Je sais m'y repérer, après tout. Je suis probablement celle qui sait le mieux y trouver son chemin.
« Pas de souci, Soma. Je t'accompagne. Mais ne nous perdons pas trop loin, d'accord ? Il est déjà pas mal tard... »
Et autant qu'on y passe pas la nuit, si vous voyez ce que je veux dire.
On passe devant les chambres, fort opportunément. Celle de Junko est toujours bien verrouillée, ce qui ne me surprend pas ; Je ne sais pas comment elle a fait, mais elle a réussi à exploiter le programme de verrouillage des portes pour être enfermée en permanence, avec son déverrouilleur comme seule clé. Par contre, celle de Michi est ouverte, et vide. Personne dedans.
Je plisse les yeux.
« Tu as vu Michi, ce matin ?
— Oh ! Oui, oui, t'inquiète, sourit Soma. Elle avait l'air d'aller un peu mieux. Elle était fatiguée, mais visiblement pas assez pour pas aller manger un truc avec moi, ce midi. Je l'ai trouvée plutôt enjouée, pour son état des derniers jours. »
Je retiens mon soupir de soulagement. Un instant, j'ai cru le pire.
Soma semble avoir remarqué mon bref moment de flottement, cependant, vu qu'il me serre l'épaule.
« T'inquiète pas. Si elle survit à ça, elle survivra à tout. C'est stressant, en ce moment, mais une fois que quelqu'un sera mort... »
Il pousse un profond soupir.
« Je te fais confiance, à toi et Daisuke, pour démêler les derniers trucs qu'ils nous manquent pour démasquer l'instigateur. Je crois qu'on arrive au bout. Nan, j'en suis sûr.
— Tout le monde a cette impression, je grimace, mais le dernier truc qui me manque, il m'échappe depuis deux semaines. Un mois supplémentaire ne m'aidera pas, et il sera gagné au sang de l'un d'entre nous. Ce sera peut-être même moi, la prochaine victime.
— ... Ouais, c'est vrai. Mais au moins, pas de meurtre. Si pas de meurtre, ça nous redonnera peut-être espoir sur notre capacité à nous en sortir, maintenant qu'on est plus que sept... Enfin, du coup, qu'on sera plus que six... »
Je grimace. Je n'aime pas vraiment ce raisonnement, mais force est de constater que c'est ce genre de fatalisme qui est le plus efficace pour tenir. Même si Soma néglige un détail.
« Tu seras peut-être aussi la victime, Soma, tu sais. Le hasard, à sept, c'est beaucoup plus de chances de voir ton nom tiré au sort. »
Il grimace.
« Je serais pas une très grande perte, de toute façon, donc bon... Je veux voir personne mourir. Toi, tu dois nous aider à sortir, et je veux pas que ça te fasse perdre la seule personne qu'il te reste à aimer. Saki aussi, je suis sûre qu'elle a les moyens de nous aider. Et Daisuke. Junko doit payer pour ce qu'elle nous a fait, mais pas comme ça. Et Yuuki... »
Je le vois se renfermer.
« Yuuki est bien trop jeune pour mourir ici. Logiquement, je suis le choix avec le moins de souffrances. »
Ses mains se contractent sur la bande de son sac à main. J'en vois dépasser son Monopad, sur lequel il a passé tant de temps à dessiner, éteint dans le fond.
Je me demande bien ce qu'il a dessiné, depuis tout ce temps.
« Tu sais, je soupire, tout ne se passe pas forcément comme tu l'imagines. Et je n'aime pas ta manière de quantifier la douleur. Surtout si tu te mets tout en bas.
— Pourtant, c'est vrai.
— La vie humaine n'a pas de prix ou d'importance graduée, Soma–«
Un cri m'interrompt dans ma tirade.
Plus loin, dans l'escalier.
C'est la voix de Yuuki.
Je vois Soma qui pâlit instantanément.
« Oh, merde, j'espère que c'est pas ce à quoi je pense...
— Malheureusement, je grimace, une seule manière de vérifier. »
Et je me précipite dans la direction du cri, Soma à ma suite.
Yuuki est recroquevillée au sol, la tête dans les mains. Elle pleure toutes les larmes de son corps, à gros sanglots, qui de temps à autres, se transforment en cri. Je vois ses doigts se tordre en griffes, prêts à la blesser, prêts à lui arracher sa propre chair.
Je n'ai que le temps de jurer avant de lui attraper les mains.
Je dois absolument l'empêcher de se blesser.
La petite hurle à mon contact, et tente de se dégager. Je m'efforce d'afficher une expression rassurante, malgré mon cœur qui bat à cent à l'heure ; ce n'est vraiment pas le moment de la paniquer encore plus.
Mais visiblement, ça n'aide pas beaucoup.
« Non ! Hurle Yuuki, les larmes aux yeux. Allez-vous-en, robots ! Pas les pales ! Pas les pales !
— Yuuki, je dis de ma voix la plus rassurante, calme-toi, je suis là. Il n'y a plus de robots. Il n'y a plus de pales...
— Ils sont partout, sanglote Yuuki sans même faire attention à moi. Le poison se cache dans la joie sans même qu'on s'en doute. Les points de vie s'écoulent en même temps que le sang... »
Je lui serre doucement les poignets, les dents serrées. Je n'arrive pas à la comprendre, et encore moins à la calmer. Et visiblement, Soma, qui s'agite derrière moi, est bien incapable de me dire ce qu'il se passe.
« Je ne trouve rien, il me glisse à l'oreille alors que Yuuki tente de nouveau de se dégager en hurlant. Je vais chercher de l'aide, tu veux bien l'empêcher de se blesser en attendant ?
— Je peux faire ça. File ! »
Pas besoin de lui dire deux fois. Il s'enfuit sans demander son reste, et bientôt je me retrouve seule dans le couloir avec Yuuki toujours en train de hurler.
Cette dernière tire sur mes poignets de toutes ses forces.
« Lâche-moi, l'artiste ! Je ne veux pas... Je ne veux pas te suivre !
— Yuuki, c'est moi, Reina, je souris, doucement. Tout va bien. Je ne vais pas te faire de mal.
— Rei... Reina ? Non, non, sanglote Yuuki. Reina n'est pas là. Personne n'est là. Personne n'est là pour Yuuki. Yuuki est toute seule, elle a laissé tout le monde derrière elle, partir sans Yuuki, et la grosse pierre s'apprête à tomber, elle va tomber... Yuuki va perdre tous ses points de vie ! Yuuki va mourir, et il n'y a pas, il n'y a pas de nouvelle partie... »
Ses sanglots sont de plus en plus forts, au point de rendre ses paroles inintelligibles. Mais elle finit par cesser de se débattre. Elle se contente de pleurer, de hurler, au rythme de toutes les paroles rassurantes que je débite, le plus possible, pour essayer de la raccrocher.
Je ne sais pas quoi faire. Ça ne ressemble même pas à une crise d'angoisse. J'ai l'impression que Yuuki est complètement hors de la réalité, et je ne sais pas quoi faire pour l'y raccrocher.
Mais au bout d'un moment, un long, agonisant, moment, ses sanglots se calment. Et elle finit par frémir au rythme de ma voix.
Je me permets un léger sourire.
« Doucement... Tout va bien, Yuuki. Tout va bien...
— Yuuki... Ne va pas bien. Yuuki vous voit mourir... Et Yuuki sait que vous ne reviendrez pas... Hina manque à Yuuki. Shô manque à Yuuki. Sora manque à Yuuki. Ils sont morts, il y a leurs tombes dans... dans ces souterrains... Et les vivants... Sont presque au bout de leur santé... Il n'y a que Yuuki... Il n'y a que Yuuki... »
Elle continue à parler comme ça encore un petit moment, jusqu'à ce que finalement, ses sanglots se soient mués en hoquets. Et entre mes doigts, la tension de ses poignets se relâche.
Je la laisse aller, doucement, et elle prend un mouchoir dans sa poche pour s'essuyer les yeux. Avant de renifler, d'un coup sec.
« ... Pardon, Reina....
— Est-ce que ça va mieux ?
— ... Je crois. »
Bon, si elle recommence à s'adresser à la première personne, on va dire que ça va mieux. Je fouille dans mes poches, et soupire de soulagement en trouvant un paquet de bonbons au fond de mon sac. Je le tends à Yuuki avec délicatesse, et la Gamer me l'arrache presque des mains avant de fourrer la moitié de la guimauve dans sa bouche.
Ça me fait rire.
« Merci, Reina, me lance Yuuki entre deux bouchées de sucre. Ça fait du bien...
— Tu sais ce qu'il t'est arrivé ? Tu as vu quelque chose de particulier ? »
Elle se raidit.
« .... Non. C'est... ça m'arrive, de temps à autres. Il faut pas s'inquiéter... Vous devriez pas vous inquiéter. »
Je fais la moue.
« Moi, ça m'inquiète, mine de rien, Yuuki. Ce n'est pas une crise d'angoisse, ça avait l'air d'être plus violent... Et si ça te fait du mal... »
Yuuki grimace.
« Reina... tu me juges pas, hein ?
— Bien sûr que non. Pourquoi je devrais ? »
Elle serre le paquet contre ses genoux, les yeux dans le vague. Avant de pousser un profond soupir.
« La vérité, c'est que... Je suis malade. Les gens, ils disent que je suis pas saine d'esprit. Ils ont dit plein de noms, aussi, mais je n'en ai retenu aucun... Ils disent que j'ai des hallucinations, que j'entends des voix qui n'existent pas. Que je ne suis pas dans notre monde... »
Sa petite main, hésitante, se resserre sur la mienne. Elle est poisseuse de guimauve et de sucre. Pleine de restes de bonbons et d'enfance en miettes.
« Je sais pas si c'est vrai. Je sais pas si vous voyez ce que je vois. Si vous voyez, vous savez, vos barres de vie, de magie, tout ça... Mais c'est ce que les gens disent. Et selon ces gens, je peux faire ça. Ce genre de crises... »
Je grimace.
Je dois bien avouer qu'après tout ce qu'on m'a dit, tout ce que j'ai constaté, sur les indubitables hallucinations de Yuuki, je n'ai aucun doute sur le fait que Yuuki est en détresse psychologique. Et après tout ce qu'elle a vécu, ça ne m'étonnerait même pas. Mais je ne pensais pas que c'était depuis avant la Tuerie.
Ils ont vraiment décidé qu'une adolescente d'à peine quatorze ans, sujette à ce genre de crises, était une bonne personne à traîner dans une Tuerie ?
Parlez un peu des biais de la lutte du Désespoir. Évidemment, si vous vous en prenez aux plus faibles mentalement avant de les briser, qu'il y a des risques.
Les foutus Monokuma et leur hypocrisie.
Je fulmine, intérieurement. J'ai envie de casser un de ses maudits robots sur la tête de Monokuma, et de l'instigateur tant qu'on y est. Mais pour le bien de Yuuki, je choisis de ne rien en laisser paraître.
Elle n'a pas besoin de ma colère.
« ... Et tu faisais ce genre de crises, avant ?
— non... Pas avant que je sois ici. En fait, je crois que je les ai toutes faites après être tombée malade... S'il y a un lien...
— J'imagine que le stress que tu as subi ne doit pas avoir beaucoup aidé. »
Elle a un faible sourire.
« Alors... tu me juges pas ?
— Je ne vois pas pourquoi je devrais, je soupire. Personne ne devrait être jugé pour sa maladie mentale. »
Son sourire s'élargit encore.
« Il y en a tellement qui l'ont fait, pourtant... »
... Bon sang, sa voix est tellement triste. Combien de personnes l'ont embêtée juste parce qu'elle avait des hallucinations ?
Rien que pour ça, j'ai envie de la serrer dans mes bras. Et je crois qu'elle en a bien besoin.
Mais je n'en ai pas le temps.
Un bruit de cavalcade me détourne de l'Ultime Gamer, juste à temps pour voir arriver dans les escaliers une Michi en larmes.
« Reina ! Putain de merde, Reina, enfin je te trouve ! C'est... Putain j'arrive même pas à le dire, merde, merde, merde...
— Calme-toi, Michi, je lui lance, essayant de rester calme. Qu'est-ce qu'il se passe ? »
Je vois Yuuki se raidir derrière moi. Rien d'étonnant. L'urgence du ton de Michi stresserait n'importe qui.
Michi prend une profonde inspiration. Puis une autre. Puis une autre.
Mais n'a pas le temps de dire quoi que ce soit.
Parce qu'une notification venue tout droit de mon sac la coupe net.
J'écarquille les yeux.
Ce bruit, là...
Ça vient de mon Monopad.
Qu'est-ce que ça signifie ?
Sous les yeux figés de Michi et Yuuki, je sors doucement la tablette de mon sac, avant de l'allumer. Et de voir un petit « 1 » surmonter l'icône de l'application contenant les règles de vie dans le Despair Dungeon.
... Je n'aime pas ça du tout.
Ça sent la vengeance de Monokuma.
Dans le silence le plus total, je clique dessus.
Avant de lire, à voix haute, sans émotion, les mots qui viennent de s'afficher sur l'écran des règles.
A partir de maintenant, plus d'alarme, les loulous. C'est vrai, quoi, vous êtes trop peu nombreux...
....
Trop peu nombreux.
À sept.
...
Est-ce qu'on est vraiment à sept ?
...
Merde.
Merde, merde, merde, merde, merde !
« Michi, je lance, d'un ton qui n'admet aucune objection. Qu'est-ce que tu as vu ? S'il te plaît, réponds-moi. »
Elle grimace.
« C'est... Je... Nan, tu sais quoi, viens avec moi. Il vaut mieux que tu le voies par toi-même... »
... De toute façon, je n'y couperai pas, pas vrai ?
Je la laisse m'attraper la main, et elle me hisse sur mes pieds en même temps que Yuuki se relève. Et nous commençons à courir dans les couloirs comme si notre vie en dépendait.
Remonter les escaliers passe comme dans un rêve. Je ne vois même pas les tas de ferraille que je renverse alors que Michi m'entraîne dans la bibliothèque, les couloirs de l'hôpital, le premier étage. J'entends à peine les petits cris de Yuuki qui trébuche plus souvent qu'il ne le faudrait. Je me contente de courir.
Courir, jusqu'au couloir des chambres, jusqu'à la porte de la chambre de Junko, grande ouverte.
...
Grande ouverte ?
Saki et Soma semble y être arrivés avant moi, puisque je vois le chapeau de l'Ultime Stratège dépasser de la porte. Ils me font signe de me diriger vers un coin du couloir, et c'est ce que je fais, en silence, me préparant mentalement à ce que je vais voir.
....
Parce qu'il n'y a pas d'autre solution, pas vrai ?
C'est forcément ça.
Pourtant, quand je baisse les yeux sur le spectacle qu'ils contemplent, toute ma préparation mentale ne m'empêche pas de porter les mains à mes lèvres.
C'est une chose de voir un cadavre d'un ami ; c'en est une autre de voir le corps de cet ami alors qu'on avait prié, de toutes ses forces, que les meurtres se finiraient.
Et c'est ce qui m'attend, alors que même au sol la victime du jour semble endormie. Endormie, parce qu'il n'y a pas de sang. Endormie, parce que son visage est paisible, que sur ses joues seules les traces de larmes trahissent la tragédie qui l'a enserrée.
Elle est allongée au sol, les yeux dans le vague, une main sous sa nuque. Pas d'angle étrange dans ses membres. Pas de traces de violences sur son corps. Pour un peu, je pourrais la secouer, et elle se réveillerait, nous saluerait, comme si rien ne s'était passé.
Mais elle ne se réveillera pas.
Elle ne se réveillera pas, comme l'indique les traces sur son cou, si semblables à mes propres cicatrices, déjà quasiment estompées. Elle ne se réveillera pas, parce que je vois ses yeux injectés de sang me fixer alors qu'elle ne peut plus me voir. Elle ne se réveillera pas, parce que ses épaules ne se soulèvent plus, que ses doigts commencent déjà à bleuir.
Elle ne se réveillera pas, parce que Junko Matsuoka est morte.
Morte, et abandonnée au sol comme une simple formalité.
Un simple obstacle à franchir.
Et dans ma tête, ne résonnent que quelques mots, quelques mots terribles.
Plus qu'un.
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