Chapitre 4 (5) : To be born and reborn

Tout compte fait, Saki et moi ne nous sommes pas quittés en si mauvais termes. Elle est très vite partie rejoindre Akihito, des larmes plein les yeux, et Michi sans doute en la voyant sortir s'est empressée de revenir avec des beignets plein un immense plateau.

Voyant mes yeux pleins de larmes, elle pince les lèvres. Je vois ses paupières s'étrécir.

« Ça va ma chérie ? Qu'est-ce qu'elle t'a dit comme horreurs encore ?

— Ne t'en fais pas, je lui souris, le plus rassurante possible. On a juste... Évoqué de vieux souvenirs. »

Cela ne semble pas convaincre Michi, mais visiblement elle préfère ne pas chercher plus loin, au vu de son expression alors qu'elle hausse les épaules et s'assied près de moi.

« Si tu le dis, je te fais confiance. Alors, qu'est-ce que tu dis de ce gros tas de beignets ? T'inquiète, j'ai bien fait attention à ce qu'il n'y ait ni poison, ni noisettes ! Berk, les noisettes...

— Dis-donc, je te permets pas, je ne peux m'empêcher de sourire, essayant d'oublier sa remarque sur le poison. C'est excellent, les noisettes.

— Tu parles. Fruit à coque du DEMON ! Enfin bon dans tous les cas, y'avait plein de fourrages différents, donc fais toi plaisir, ma chérie. On peut très bien trouver son bonheur même sans les diaboliques noisettes ! »

Je ne peux m'empêcher de rire, et attrape un beignet qui me semble être à la poire alors que Michi en avale trois d'un coup. À grands renforts de spectacle. Ça me fait bien rire, d'ailleurs.

Après, sa remarque sur la quantité de nourriture dont on dispose me paraît quand même intéressante à creuser. Cela fait trois mois, et nous sommes un donjon souterrain sans aucune production de nourriture. Et je pense que même si Monokuma est très douée en mécanique, il va lui être extrêmement compliqué de simplement monter une usine pour nous fournir autant de diversité.

Ce qui signifie que nous sommes ravitaillés. D'une manière ou d'une autre, cette quantité de nourriture, fraîche surtout, implique que quelqu'un de l'extérieur nous en amène. Par drones, par souterrains, par hélicoptères... Je ne veux pas m'avancer pour dire que c'est une voie de sortie, mais si je parvenais à en savoir plus sur notre système de ravitaillement... Je pourrai, peut-être, découvrir d'autres secrets.

Pensive, je mâchonne mon beignet sans vraiment d'entrain. Ce que Michi ne manque pas de remarquer.

« Ça va, Reina ? Je sais que t'es fatiguée, mais là... y'a un truc qui te préoccupe ?

— Oui et non, je soupire. Je me demande surtout comment le ravitaillement est assuré. Ça nous permettrait peut-être d'avoir des clés, voire de faire du chantage à Monokuma...

— Mouaif, ou juste de nous assurer des réserves de bouffe, je sais pas trop. Mais t'as raison, tout ce qu'on peut savoir est le bienvenu, surtout maintenant qu'Haruko... N'a rien laissé derrière elle, tu vois. »

Je grimace. Si seulement elle savait que je détiens en ce moment-même, cachée dans un instrument de mort, la clé de tous ses raisonnements que je ne me suis même pas décidée à fouiller. Mais au vu de tout ce que révèle sa simple première lettre, je pense que je mettrais Michi en danger si elle apprenait tout le savoir que je possède.

A considérer que l'option la plus noire n'est pas une possibilité.

Michi n'a as remarqué mon changement d'expression. Elle se contente de grommeler.

« Très sincèrement, Reina, je vois pas ce que je peux faire. Si Haruko ne t'a rien dit, on a aucune piste. Pour chercher l'instigateur, pour sortir, rien. Et moi je sais pas, mais j'ai pas envie de rester passive, je veux sortir, je veux faire quelque chose pour me tirer de là...

— ... Haruko m'a dit quelque chose, oui, je finis par lâcher. Elle m'a dit, je soupire en essayant de passer outre le regard stupéfait de Michi, d'essayer de parler un max à Shizuka et Kazumi. Apparemment, iels en savent beaucoup sur une Tuerie annulée en 2017 et sur les infos que Monokuma ne veut pas voir révélées... »

L'expression pleine d'espoir de Michi se mue en une profonde déception.

« Putain c'est maigre. Va causer à lae gens bien flippant.e et sa sœur encore plus traumatisante. J'comprends mieux pourquoi tu dormais sur cette piste... »

Elle grommelle, avant de passer sa main pleine de miettes de beignets dans mes cheveux. On dirait que je suis bonne pour me les relaver, tiens. Enfin, bon, tant mieux, je ne l'ai pas fait depuis le procès inclus, mais bon... Je suis décidément trop conciliante.

Continuant de me caresser les cheveux sans faire attention au gras qu'elle y laisse, Michi pousse un profond soupir.

« On pourrait ptêtre demander à Junko, aussi. Je suis sûre qu'elle en sait plus qu'elle veut bien nous le dire, nan, c'est quasi certain. Mais Junko causera pas comme ça.

— Non, en effet, je réponds, sur le même ton. J'imagine que si elle avait des informations sur la fin de cette Tuerie, soit elle nous les aurait dites, soit elle a des raisons de les garder pour elle et ces raisons ne sont pas forcément les meilleures.

— ça pourrait être de sa faute, par exemple.

— ... Par exemple. »

Michi grimace.

« C'est effectivement un beau sac de nœuds. Il va ptêtre falloir repartir de zéro, cherches des trucs qu'a récupéré Haruko pour reconstruire sa base de données, mais ça veut dire, sans doute, qu'on perd au moins un mois... Mine de rien, elles vont servir, ces activités de groupe. On aura ptêtre une simple exécution unique à la fin du mois. Et c'est con d'en arriver à espérer ça...

— Notre perception des choses est complètement tordue par l'environnement dans lequel nous nous trouvons, je pense. C'est hélas normal d'en arriver à penser ça. Triste, mais normal. »

Michi baisse les yeux. Un instant, je vois quelque chose briller au coin de son œil. Mais pas assez, cependant, pour avoir le temps de lui en faire la remarque alors qu'elle relève la tête, son habituel sourire sur son visage.

« Enfin bref ! On va pas se perdre dans nos idées noires. Si t'as pas envie de parler aux Mizutani tout de suite, est-ce que ça te dirait de faire quelque chose de productif ?

— Eh bien, pourquoi pas, mais de quel genre ? »

Elle m'adresse un clin d'œil joueur.

« Un peu de sport, rien que toi et moi, dans mon labo, eh eh eh ! »

... Oh par tous les esprits, j'ai déjà vu ce regard quelque part. Est-ce qu'elle est bien en train de me dire ce que je pense qu'elle me dit– Bordel oui, elle vient de me refaire un clin d'œil en me voyant rougir. Je crois que je vais légitimement m'enflammer. De gêne, de surprise et peut-être même d'un peu de considération pour sa proposition, je ne sais pas et je n'ai pas envie d'y penser !

En tout cas, mon absence de réponse a l'air de bien la faire rire vu sa tête.

« Eh là, te bile pas, ma grande ! Je plaisante ! On s'est même pas embrassées, je vais quand même pas te demander des trucs de fesse comme ça ! Je te propose surtout de t'apprendre un peu de self-défense, je pense ça te ferait du bien... Est-ce que ça te dit ? »

.... Bon, on va dire que là, c'est beaucoup plus raisonnable. Je hoche la tête, toujours sous le contrecoup de ma monumentale gay panic, et Michi me prend la main toujours en rigolant pour m'entraîner dehors.

Je surprends dans un coin l'œil vert sombre de Daisuke. Visiblement, il était toujours là, à m'écouter, et ça a l'air de bien le faire rire, lui aussi. Quelle joie.

Le laboratoire de Michi n'est pas très, très loin. Aussi, on y arrive plutôt vite, et même sans croiser personne, ce qui n'est pas rare en ce début de matinée mais ne peut m'empêcher de m'inquiéter un peu.

Après ce qu'on vient de vivre, je pense que la paranoïa va grimper de quelques crans.

Le laboratoire de Michi me paraît plus être un dojo normal qu'autre chose. Des kimonos, ou judogis, sont rangés par ordre de taille dans un coin, un carré de dix mètres sur dix au centre pour l'entraînement, et quelques boucliers, sacs de frappe et mannequins d'entraînement en guise d'accessoires. Sur le mur en face de la porte, un portrait de Jigoro Kano, l'inventeur du judo, entouré des dix règles essentielles à respecter pour la pratique de l'art martial et de dizaines et dizaines imageries de prises.

Michi s'empresse de se dévêtir (devant moi, sans la moindre gêne) avant de passer son judogi en quelques gestes amples et de bondir sur le tatami, sans manquer de saluer le portrait. Plus mesurée, je fais de même, gardant toutefois mon t-shirt sous mon kimono. Les brassières du laboratoire ont l'air pas mal confortables, mais j'avoue que dans la situation présente, je n'ai pas envie de me dévêtir sans penser aux connotations...

Ça n'a pas l'air de trop la gêner. Elle me ramène au centre du tatami un bouclier, un sac de frappe et un mannequin, qui me semble quand même sacrément réaliste pour un pantin de coton et de bois. Il tient à peu près debout, et c'est quand même quelque chose.

« Bon ! S'exclame t'elle une fois que je me sois agenouillée devant le matériel. On va pas couvrir absolument tout le programme, ce serait beaucoup trop long. Du coup, je pense que je vais t'apprendre quelques coups frappés, si ça te va ! On le travaillera au max, histoire qu'en sortant d'entre mes pattes tu puisses patater Mizutani sans problème le besoin étant... »

Je ne peux m'empêcher de rire. L'image de Shizuka mise à terre par un solide coup de pied reste assez désopilante. Mais il est vrai que Michi avait, il y a fort longtemps, fait la démonstration de l'efficacité de ses techniques de judo.

Cette dernière installe le sac de frappe et me fait signe de me lever, avant de faire le tour de ma personne, menton entre les mains. Devant son comportement, je hausse un sourcil.

« Tu cherches quoi ?

— Voir un peu comment ton poids est réparti. T'as une activité physique en tant que médecin, et visiblement tu te tiens pas mal debout, ton dos est un peu courbé mais rien de bien grave... Du coup j'essaie de voir si un truc chez toi pourrait te donner des facilités à un coup ou un autre.

— ... Il y a quels genres de coups, en judo ? »

Elle éclate de rire.

« Y'en a pas ! Le judo, c'est la voie de la souplesse. Sa base, c'est se servir de la force et du corps de l'autre pour l'envoyer au tapis ! C'est quasi que des prises, de la projection, et tout le bordel. Enfin, même si pour passer mon troisième dan, je dois m'entraîner sur un autre type de prises...

— Mais du coup, s'il n'y a pas de coups en judo...

— Minute papillon, ricane Michi en me forçant au silence d'un doigt sur mes lèvres, je t'explique. Le judo n'a pas de coups, certes, mais l'art martial dont il est dérivé, le ju-jitsu, comprend coups, étranglements, et certaines projections interdites en combat de judo. C'est une technique de combat très guerrière, contrairement au judo qui est beaucoup plus éducatif ! Sauf que lorsque t'atteints un certain niveau, comme du coup moi, eh bien tu es obligé d'apprendre le ju-jitsu. Et du coup, c'est ça que je vais t'apprendre ! »

... Eh bien je crois que je comprends mieux. Je n'ai jamais été très au fait de la connaissance des arts martiaux, mais je fais confiance à Michi pour ne pas m'apprendre n'importe quoi. Cette dernière se place d'ailleurs devant le sac de frappe, avant d'armer sa jambe.

« On va commencer par le plus classique, un mae geri ! C'est facile, tu lèves le genou, puis tu étends la jambe, et paf, le talon en plein dans l'abdomen du type ! Comme ça ! »

Joignant le geste à la parole, elle lève la jambe, et le sac de frappe va voler quelques mètres plus loin, détaché de son support. Je dois être comme deux ronds de flan, mais Michi se contente de lever les yeux au ciel, avant d'aller le chercher et de le raccrocher, récriminant contre le « mauvais matériel de Monokuma ». Je ne peux m'empêcher de pouffer, et ça lui arrache un petit sourire alors qu'elle récupère le bouclier.

« On va plutôt faire comme ça, ce sera plus pratique pour te faire répéter. N'oublie pas, hein ! Tu frappes avec ton talon, jamais tes orteils, et ne fais surtout pas comme un footballeur devant un ballon ! Pas étonnant qu'ils se cassent les genoux après, ces fragiles... »

Cette fois, j'éclate de rire. Et c'est une Michi fière qui me regarde me mettre en place alors que j'arme ma jambe pour le premier coup.

C'est épuisée que je me dirige, le soir venu, vers le couloir ou Monokuma m'attend. Michi, implacable professeure, m'a fait répéter et répéter encore la journée durant trois coups de pied, toujours les mêmes, jusqu'à ce qu'elle s'estime satisfaite. Une véritable torture pour gens peu sportifs... Heureusement pour moi qu'elle compensait avec des bisous à chaque réussite un tant soit peu spectaculaire.

Il y a vraiment des fois ou ma pansexualité va m'attirer des ennuis, même dans un microcosme ou je ne suis pas en danger d'homophobie.

Toujours fidèle à elle-même, la petite femme en noir et blanc m'attend dans un coin du couloir en triturant sa robe, faisant semblant de temps à autres de regarder son poignet. Comme si cela pouvait me terrifier. Ça le ferait si elle avait vraiment une montre à ce poignet, mais elle a choisi elle-même de nous couper les heures, dooonc...

Heureusement, heureusement, que j'ai pensé à prendre ma douche. Parce que si Monokuma hausse un sourcil devant mes joues toujours rougies par l'effort et mes cheveux attachés dans mon dos, au moins ne pourra-t-elle pas me charrier sur mon odeur de transpiration, qui m'a poursuivie toute cette journée.

Elle ne garde cependant pas longtemps de surprise sur son visage. Elle se contente de se diriger vers moi en sautillant, bandeau à la main. Un large sourire aux lèvres.

« Salut, ma grande ! trop aimable de venir me voir... »

Je lève les yeux au ciel. Ses provocations se font presque anodines, maintenant. Presque toutes les mêmes.

Sentir ses mains autour de mes oreilles est toujours aussi désagréable, mais cette fois j'arrive à passer outre alors qu'elle m'entraîne dans les couloirs. Je résiste à la tentation de faire mon petit poucet pour repartir. Monokuma n'est pas si stupide.

Enfin, le bandeau s'enlève. Et de nouveau, en face de moi, le couloir des proches. A moitié vide. Je vois quelques personnes recroquevillées dans un coin. Evdokia, seule près de sa porte repeinte, est en train de sangloter.

Je devine pourquoi.

La seule qui semble vraiment maître de ses émotions, c'est Kazumi, dont la fine silhouette est appuyée sur un mur. Elle ne perd pas de temps à me remarquer, et je vois ses doigts serrer ses lunettes alors que son regard inquisiteur se pose sur moi.

Je prends une profonde inspiration. Eh bien, maintenant que je suis repérée, il ne me reste plus qu'à suivre le dernier conseil d'Haruko.

Je me dirige vers Kazumi, et les yeux de cette dernière se plissent d'autant plus en me voyant approcher. Je vois une étrange lueur briller dans ses iris bleu pâle.

« Reina Satou... Je ne m'attendais pas à te voir, quel honneur. »

Je ne peux m'empêcher de déglutir. Michi a ça de vrai que Kazumi est terrifiante.

Mais elle est une clé. Une clé vers ma sortie.

Je dois la saisir. Vite, avant que quelque chose ne se produise.

« ... Puis-je te poser... Quelques questions ? C'est important. Et je pense que tu es la seule à pouvoir y répondre. »

Kazumi plisse les yeux.

Ses talons claquent sur le sol alors qu'elle se dirige vers moi, avant de me prendre le menton entre ses doigts manucurés. Comment est-ce qu'elle trouve encore de quoi entretenir ses ongles dans un endroit pareil me dépasse, mais pour le coup tout ce qui me préoccupe est l'angoisse qui me transperce le cœur en même temps que son regard bleu de glace.

Mais je ne peux pas me permettre de détourner le regard.

La terrifiante scientifique me fixe dans le blanc de l'œil quelques instants qui me semblent une éternité, alors qu'autour de moi j'entends des portes claquer. Le silence s'installe autour de notre confrontation. Il n'y a plus le moindre bruit de respiration. À part la sienne, et, peut-être, la mienne.

Avant qu'enfin, un léger sourire ne se dessine sur son visage.

« ... Tu as changé, Satou. De quoi éveiller l'intérêt. »

Je déglutis. Quand c'est san adelphe qui me dit ça, ça me met juste mal à l'aise. Elle, elle me pétrifie de terreur. Mais dieu merci, elle finit par relâcher mon menton avant de hocher la tête.

« Je peux répondre à tes questions, en effet. De toute façon, au point où nous en sommes, je peux espérer que ces informations te serviront. Mais pas ici. Dans ma chambre. »

Elle a un léger rire froid devant la pâleur de mon visage.

« Ne fais pas cette tête, je n'en veux pas à ton corps ou ta vie. Simplement, dans le couloir, il y a un kumarobot dissimulé, et ce sont les yeux et les oreilles de Monokuma. Je préfère ne pas me mettre en danger à révéler l'étendue de ce que je sais. »

... Hmmm. Ça se tient. Mais j'avoue que je reste extrêmement peu rassurée.

Kazumi me mène jusqu'à une porte non loin, qu'elle ouvre avant de me pousser à l'intérieur de la pièce sans perdre de temps. Je la vois vérifier, dans tous les coins, que quelque chose ne l'empêchera pas de parler avant de, finalement, me faire signe de m'asseoir.

Je reste debout.

« Et donc, Satou, me dit-elle, un large sourire aux lèvres, que veux-tu savoir ? Fais attention en posant tes questions, je ne suis pas un puits d'informations... »

... Hm. La question étant que peut savoir Kazumi. Sur quoi je pourrai lui poser des questions et m'assurer qu'elle me réponde... Voyons. De quoi me parle très souvent Shizuka ?

« Le projet Renaissance. Qu'est-ce que tu sais dessus ? »

Elle a un rire froid.

« Oooooh, le projet Renaissance. En plein dans le mille, ma chère.

— Donc tu sais bien quelque chose.

— Évidemment que je sais quelque chose. J'en ai été l'une des premières participantes. Si ce n'est la première participante. »

Son sourire s'élargit en même temps qu'un frisson court sur ma nuque.

En plein dans le mille.

« En quoi est-il important ?

— À votre situation ? Je vais être honnête, c'est un mystère pour moi. Certes, vous avez tous un lien plus ou moins fort avec ce projet pour des raisons diverses et variées, mais... »

Elle marque une pause. Une pause qui quelque part, m'agace. Je n'ai vraiment pas besoin qu'elle ne me ménage ses effets maintenant.

« Est-ce que tu as des exemples ?

— Des que tu ne connais pas, tu veux dire ? Évidemment. »

Son sourire s'élargit.

« Kichiro Tamura a accompagné son père, Jeffrey Laurens, exposer le projet aux Etats-Unis après le plein établissement des institutions au Japon. Le père de Soma Nishijima a coupé tout contact avec sa mère car son enfant né.e d'un autre mariage a été retenu pour le projet, et il a failli leur donner son nom à lui. Les parents de Junko Matsuoka ont travaillé à son effondrement. La chronique qui a valu à Akihito Kanda son titre était sur son interruption brutale. Je continue ?

— ... Non, pas la peine. »

Quatre noms. Quatre noms qui me suffisent amplement à me rendre compte que Kazumi en sait effectivement beaucoup trop. Il ne s'agit pas simplement de comprendre les rouages du projet Renaissance. Pour savoir tout ce qu'elle sait sur les participants à notre Tuerie...

Kazumi a un léger rire.

« Je vois que ça a suffi à te convaincre.

— Oui. Mais toi... Comment tu en sais autant ?

— Secret professionnel, ma poulette. Ne m'en veux pas, elle ricane, mais ça, c'est extrêmement personnel et je pense que Monokuma en guette la moindre mention. Par contre, je peux te dire tout ce que j'en sais de ses buts, de sa création et de sa chute... Tu tiens vraiment à le savoir ? »

Je déglutis. Son air satisfait me terrifie, mais malheureusement...

Je suis là pour ça.

Elle est une clé.

Je dois trouver comment l'employer.

De toute évidence satisfaite de ma réponse, Kazumi hoche la tête.

« Très bien, revenons-en au début. Le projet Renaissance a donc été fondé dans l'urgence, comme je crois te l'a dit ce.tte cher.e Shizuka. Au départ, du moins. Parce qu'au fur et à mesure de son avancée, de 2009 à 2015, leurs buts sont tout de suite devenus plus eugénistes, si on peut dire... »

Elle se penche vers moi, laissant traîner dans l'air la dernière syllabe, le dernier mot de ses paroles si lourdes, avant de reprendre d'un air de conspiratrice :

« Notre cher gouvernement, au départ ayant simplement voulu protéger ce génie nouvellement découvert, a décidé de monter un gigantesque plan de remplacement de l'humanité. Selon lui, à terme, les génies élevés dans les infrastructures de protection, isolés du monde et éduqués à la paix et au progrès, devraient être l'humanité élue, celle qui survivrait à une apocalypse peut-être ou peut-être pas provoquée par la main de l'homme... Pourtant, sourit-elle devant mes yeux écarquillés, tout s'est interrompu en 2015. Les génies censés devenir l'humanité nouvelle ont dû s'enfuir pour éviter d'être exécutés, et trop peu en ont hélas réchappé... à deux exceptions près, trop dangereuses pour être tuées de manière aussi barbare. Freïr et moi-même... »

Je n'arrive pas à bouger un sourcil alors qu'elle rit doucement, un rire qui se réverbère dans l'écho de la petite pièce, son sourire suffisamment élargi pour me permettre de voir un saphir briller sur sa canine droite.

« ... Et tu veux savoir ce qui a interrompu ce si beau projet ? »

Je suis une statue. Une statue de glace, congelée par la peur et la stupéfaction. Pourtant, de derrière mon bloc de glace, j'arrive à hocher la tête, doucement, assez pour qu'elle puisse le remarquer.

Elle ferme les yeux.

« La thèse de Fusae Amane. »

...

...

... Évidemment.

Évidemment, j'aurais dû m'en douter.

La thèse de l'évolution du génie qui mènerait fatalement au Désespoir, la plus grande découverte philosophique de ce temps qui est devenue une promesse d'Apocalypse. Qui a entraîné les Tueries et provoqué l'avènement des Monokuma, le développement funeste vers un monde de terreur et de sang.

Kazumi pouffe.

« Je te laisse imaginer la tête de nos officiers gouvernementaux quand ils ont compris que les sauveurs de l'humanité étaient voués à la détruire. Zoup-là, exécution générale, plus de génies répertoriés, du moins on l'espérait. Mais quelqu'un leur a fait comprendre qu'il y en aurait toujours plus. Et surtout, des cas de Désespoir étaient apparus au sein des génies du projet. »

Assise sur son lit, elle se redresse, les yeux fixés vers la porte de sa chambre, pendant que moi je la regarde sans être capable de parler.

« C'est comme ça que décision a été prise de fonder les Monokuma. Oh bien sûr, officiellement, le groupe terroriste est apparu de nulle part. Mais Hope's Peak, que tu pensais être un simple moyen d'éduquer les génies, est leur terrain de chasse, leur zone de sélection. Un moyen de contrôler le génie grandissant. Ils ont la complicité du gouvernement japonais depuis le début de cette histoire, ma petite Satou, rigole Kazumi, et ils ne s'en cachent même pas, il suffit d'écouter celui qui fut l'Ultime Juge... »

De nouveau, elle se tourne vers moi. Et je vois son sourire disparaître.

« La voilà, ta clé, ma jolie. Tu cherches à débusquer un maître de jeu ou une faille dans le système, m'a dit Shizuka. Toi, ou la petite Kita, mais maintenant qu'elle est morte, plus personne n'a vraiment de clés, n'est-ce pas. »

Elle prend une profonde inspiration.

« Tu cherches à résoudre une énigme qui te conduira à la fin ? Cherche dans leurs racines. Dans ce qui a fait de Monokuma, Monokuma. S'il y a une faille à son jeu conçu d'une main de maître, elle est là. »

Elle me tapote l'épaule, l'expression indéchiffrable. Plus la moindre trace de son énigmatique sourire, pourtant, elle ne m'a jamais faite aussi peur.

« Et si j'étais toi, je me dépêcherais. Parce que sinon, m'est avis que ni toi, ni moi ne pourrons en voir la fin. »

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