Chapitre 4 (14) : Disfigured
J'ai passé le reste des jours me séparant de la date limite à ruminer ce qu'on m'avait dit.
Les paroles de Leo et de Soma me tournent dans la tête en permanence, parfois se télescopant pour ne former qu'un seul et même discours, en boucle, toujours les mêmes mots.
« Ne crois pas avoir le pouvoir de faire sortir ces gens du Désespoir. »
Le temps presse. Il reste à peine une journée avant le prochain meurtre de proches. Force est de constater, par ailleurs, et cela me redonne de l'espoir, que personne n'a cédé. Mais je ne pense pas qu'on aura de troisième mois avec la même conclusion. On doit sortir. Avant que Monokuma ne nous massacre tous. Ultimes, comme leurs mobiles vivants dont Monokuma ne se sert même plus.
Monokuma, je ne la vois même plus. Sauf le soir, pour aller voir les proches. Elle n'ironise plus autant qu'avant, d'ailleurs, elle se contente de nous emmener là-bas en silence, avec toutes les précautions possibles, avant de se casser toujours en silence, sans doute pour attendre qu'on demande le gaz somnifère mettant fin à la visite des proches. Sinon, plus de spectaculaire apparition depuis l'exécution de Khalil. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a un objectif caché à sa discrétion.
Impossible de trouver lequel et ça me stresse.
Je n'ai toujours pas décrypté le fichier d'Haruko. Par contre, je crois que je tiens quelque chose avec la clé de décryptage. Et même si ça va encore me prendre du temps, je tiens une piste pour sortir d'ici, peut-être clandestinement.
Un plan que j'ai à peine commencé à monter dans ma tête, parti d'une simple information sur Kagari Goto et Wen Xiang Monogatari.
Le Gotoland est la clé.
Haruko m'a dit que les survivants de sa première Tuerie n'étaient, à l'exception d'elle et d'un autre qui n'avait pas pu être escamoté à cause de ses blessures, jamais retournés à l'école. Pourtant, leur Tuerie ne suivait pas les règles, et impossible de savoir si ces trop nombreux survivants ne risquaient pas de tomber dans le Désespoir. Mais ils avaient survécu à une Tuerie, et Kagari les avait emmenés devant elle.
Nous sommes assurés d'aller quelque part au sortir de cette foutue Tuerie. C'est un premier plan. Maintenant, il faut que je m'assure de plusieurs choses. Être en mesure de signaler notre existence à Kagari. Pouvoir nous enfuir sans que Monokuma ne puisse mettre les moyens pour nous retrouver, comme avec Ryo, et nous empêcher de le rejoindre. Et m'assurer que parmi nous ne se cache aucun Désespéré en mesure de nous trahir.
En soit, le troisième point se relie au deuxième. Si l'organisateur meurt, Monokuma nous laissera partir. C'est la règle. Qu'elle a précisé, qu'Haruko a précisé, de son expérience avec les Tueries et avec toutes les infos qu'elle a rassemblées. Mais j'aimerais autant éviter de le tuer. Ou de le voir mourir. Autant pragmatiquement, pour l'étude de son Désespoir, que par pure émotion.
Quelle que soit sa faute, ça reste un adolescent, et je n'ai jamais aimé voir les adolescents mourir, fussent-ils les pires des ordures.
Toujours est-il que dans tous les cas, je ne vais pas pouvoir mettre au point ce plan avant le prochain meurtre. C'est trop tard, quelqu'un mourra avant demain au plus tard. Je m'y suis préparée. Même si on ne peut vraiment se préparer à la présence d'un cadavre.
Mais je sais, au fond de moi, que le mois qui arrive sera le dernier.
Il faut juste que je l'emploie à finir le décryptage, trouver la clé de l'énigme, et nous pourrons sortir.
J'aimerai bien consacrer le reste de ma journée à ça, mais ça m'obligerait à rester dans la salle informatique toute la journée. J'ai cartographié tout le souterrain à l'exception du troisième sous-sol, et en ces temps de risque, je préfère me garantir un alibi ne m'obligeant pas à exposer mes secrets. Du coup, je réfléchirai de mon côté, en compagnie de Michi, ou de Saki, ou encore de Soma pour être certaine que tout le monde me verra.
Si un meurtre arrive, il faudra bien le régler, et je ne peux faire confiance à personne d'autre que moi-même.
Michi, par ailleurs, va de mieux en mieux. Elle me parle, maintenant. Comme si tout allait bien, même s'il est toujours impossible de la faire sortir de sa chambre. On a une discussion tout ce qu'il y a de plus normale entre deux rééducations. Ou on parle de l'avenir. Jamais du passé. Jamais des liens.
La moindre mention malheureuse annihile chaque fois tous se progrès.
Alors je me tais.
C'est avec elle que je suis, en ce moment. Elle est en train de lire, et moi je masse sa jambe pour guetter une trace quelconque de mauvais soins. Mais rien. Michi se soigne vraiment de manière assez monstrueuse. C'en serait effarant s'il ne s'agissait pas de Michi, et que ses progrès ne me redonnaient pas espoir.
Je renoue le bandage autour de sa cuisse, ignorant le petit-déjeuner auquel elle n'a toujours pas touché, avant de se redresser.
« Voilà, j'ai fini, Michi. Essaie de marcher un peu et de me dire ce que tu en penses aujourd'hui ? »
Elle relève la tête de son livre. Je vois son expression concentrée s'altérer en un léger sourire.
« Hm hm. Plus tard peut-être ? Pour l'instant j'essaie de déchiffrer ce truc... Il me manque des clés de contexte, même avec la trad à côté.
— Prends ton temps, je souris. Et si tu as besoin d'aide pour la traduction...
— Merci Reina mais ça va aller. »
C'est une manière assez claire de me dire qu'elle a besoin de temps pour elle, elle aussi.
Je ne suis pas restée très longtemps avec elle. Ses progrès physiques sont impressionnants, mais je ne peux pas la convaincre de sortir pour se remuscler de nouveau. Et moi, aussi cruel que cela puisse être, j'ai d'autres choses à faire de ma journée. Comme énormément de réflexion.
Saki, qui m'attendait en-dehors de la chambre, me salue d'un signe de tête. Elle fronce les sourcils devant l'assiette pleine, entraperçue dans le coin de la porte, et son stylet s'agite sur sa tablette.
« Elle ne mange pas ?
— Si, si, je soupire, mais pas de manière régulière. Quand je vais récupérer son assiette, elle est toujours vide, mais elle ne mange pas devant moi. J'ai essayé, une fois, de la convaincre de déjeuner avec moi pour voir ce que ça ferait, mais... »
Une grimace déforme le visage de Saki.
« Mais elle t'a remballée, avant de manger seule, n'est-ce pas ? Ce n'est pas très bon, ça. Michi s'isole de plus en plus et tes bons soins ne suffiront pas. »
Merci de me rappeler l'évidence, Saki. Et même si Michi ne m'a pas vraiment remballée, comme elle dit, n'empêche que j'ai effectivement saisi le message.
Et même si elle a raison, ce n'est pas un rappel des plus agréables.
« On va dire ça comme ça. Du coup, je n'ai pas mangé, ce matin, il va peut-être falloir que j'y aille...
— ça te dérange si je viens avec toi ? Fait la voix robotique de la tablette de Saki. Je n'ai pas mangé non plus. »
Je hausse un sourcil.
« Tu ne préfèrerais pas Akihito ? »
Elle a un petit rire, avant de se retourner vers le couloir des chambres.
« Akihito est dans un de ces moments où l'inspiration le possède. Il a vu hier un livre contenant plein d'infos sur des trucs qu'on creuse depuis le début, comme Monokuma, l'Omnisciente, le Projet Renaissance, l'implication du gouvernement... Du coup, depuis ce matin, il chronique. Et il m'a bien dit de le laisser tranquille dans son labo toute la journée sauf si je voulais vérifier qu'il n'était pas mort. Je lui ai apporté son repas, comme toi avec Michi, mais je n'ai du même coup pas mangé et j'avoue que je commence à avoir faim. »
Je vois. Autant que je la suive, de toute façon, je n'ai que ça à faire et il vaut mieux que je sois tout le temps vue en compagnie de quelqu'un pour les prochaines vingt-quatre heures. Question de précaution.
Saki se dirige en silence vers le réfectoire, sa tablette à la main, et sur le chemin, nous croisons Shizuka, qui nous jette un regard inquisiteur. Saki se raidit devant l'attitude de l'Ultime Généticien.ne, mais je choisis de ne rien laisser paraître. C'est un début d'alibi.
« Bonjour, Shizuka.
— Bonjour... Ou bonsoir, maintenant qu'il n'y a plus d'heure, qui sait si le lever de soleil que je viens de voir du belvédère en est bien un, rigole-t-iel. Mais je ne m'attendais pas à vous trouver toutes les deux en la compagnie l'une de l'autre. Où sont passé.e.s vos petit.e.s ami.e.s, dites-moi ? »
Les joues de Saki rosissent, et je vois ses doigts se crisper sur son stylet.
« Akihito n'est pas mon petit ami.
— Et Michi est toujours dans sa chambre et tu le sais très bien, n'est-ce pas, Shizuka, j'appuie de toute la force de ma voix. Quant à Akihito, il chronique dans son labo, et ne veut pas être dérangé. »
Une moue agacée se dessine sur le visage de Shizuka à la mention de notre dernière dispute, et iel maintient notre regard une longue seconde avant de hausser les épaules.
« Grand bien lui fasse. Consolez vous donc entre vous, pour ce que j'en ai à faire... »
Je n'ai pas la moindre envie de lui donner matière à nous provoquer, mais de toute façon, je n'en ai pas l'occasion. Shizuka vient de lever les yeux au ciel avant de nous passer sans nous accorder le moindre regard, ni la moindre intention. Je vois ses poings serrés alors que ses talons finissent de claquer dans les couloirs.
Ce que Saki ne manque pas de remarquer.
« Quelque chose lae contrarie.
— J'aimerais bien savoir quoi, je renchéris, remarquant qu'il ne s'agissait pas d'une question. Mais Shizuka est toujours aussi impénétrable.
— Pire que les voies du Seigneur, celuel-là... Allons manger, continue la tablette de Saki. J'ai faim. »
Le ton robotique de sa tablette ne m'empêche pas de pouffer alors qu'elle prononce cette phrase, et je la suis dans la cuisine, ou visiblement une quantité assez astronomique de nourriture nous y attend. Avec Soma, en train de triturer une banane d'un air assez absent.
Je le salue d'un signe de la main, et il sourit, avant de trotter doucement vers moi.
« Salut, Reina... Bonjour, Saki. Je peux me joindre à vous ? »
Saki hoche la tête, pendant que je lui souris à mon tour.
« Bien sûr, tu peux.
— Merci... C'est con, continue Soma, mais Daisuke n'est pas là, et pendant les deux derniers mois je me suis un peu habitué à sa compagnie. Et je m'en rends compte que maintenant que je suis tout seul, alors...
— On ne laisse pas les gens tous seuls de toute façon, intervient la tablette de Saki. Va t'asseoir, on te rejoint avec de la nourriture. »
Soma hoche la tête, et quelques minutes plus tard nous voilà attablés autour d'un festin auquel je fais honneur. L'Illustrateur aussi, visiblement affamé, est en train de dévorer tout ce qui passe à sa portée. Il n'y a que Saki qui prend grand soin d'analyser chaque morceau de nourriture avant de le porter à sa bouche.
Ce qui finit par couper l'appétit à Soma.
« Dis-donc, Saki, je sais pas si c'est un TCA ou un poison mais euh... Tu peux essayer de ne pas analyser tout ce qui passe dans ton assiette ? ça m'angoisse, grimace ce dernier alors que Saki repose un muffin. J'ai l'impression de manger des armes nucléaires... »
Elle plisse les yeux avant de ressortir sa tablette.
« Je n'ai à ma connaissance pas de TCA mais Monokuma peut jouer sur une allergie inconnue même de moi, pour autant que je le sache. Et je pensais que traîner avec Nakano t'aurait appris la méfiance ? »
Soma grimace.
« C'est pas un grand bavard... Il se contente de rester planté là à me regarder ou à me suggérer des trucs, comme une espèce de mirador baby-sitter... On est pas non plus devenus les meilleurs amis du monde en deux mois, hein, va pas croire que j'ai eu la révélation et qu'on va se galocher comme ça.
— Dis-donc, Soma, je souris, personne n'a parlé de galochage... »
Saki pouffe, tandis que les joues de l'Illustrateur prennent une soudaine couleur rouge tomate.
« C'était une expression ! Juste une expression, il continue, le visage enfoui dans ses mains. En plus, il a un copain, et on va dire qu'il a l'air vachement mono...
— Moi, renchérit une Saki souriante, j'appellerais ça un lapsus. Et le fait que tu tentes de justifier ce lapsus avec ce type d'arguments est d'autant plus suspect, Nishijima. »
La voix neutre de sa tablette combinée à son rictus moqueur est un combo tellement incongru que je ne peux m'empêcher d'éclater de rire. Et évidemment, ce pauvre Soma rougit d'autant plus.
« Oui bon ça va hein ! Est-ce que je te parle d'Akihito, moi, mademoiselle la super doctoresse love ?
— Akihito est aromantique, réplique Saki, toujours avec ce même rictus et le même ton de la voix robotisée de sa tablette. Et je ne tiens pas à prendre le titre de docteur love, je te remercie, certains le portent bien mieux que moi. Surtout que je suis célibataire à mourir et à moins d'un miracle je ne risque pas de m'en sortir si facilement.
— Gnagnagna, grommelle Soma. J'ai pas échappé à Emerens pour retomber dans tes pattes.
— Il t'a fait chier aussi ? » J'interviens.
Soma lève les bras au ciel.
« Oh que oui. Apparemment, les Illustrateurs seuls et soi-disant très mignons, ça a forcément des crushs. Et il a bien vu que je râlais autour d'Haruko. Enfin bon, son pote, là, Seo-jun je crois ? A vu aussi, mais lui au moins il m'emmerdait pas avec... Emerens, il m'a collé au train des mois pour me faire cracher le nom de mon crush ! C'était une telle sangsue que j'en oubliais presque ma situation avec ledit crush tiens... »
Je rigole.
« M'étonne pas d'Emerens. Et oui, son pote Seo-jun, l'Ultime Garde du Corps, je vois qui c'est...
— Il travaillait pour Kichiro, continue Saki, du coup je le connais bien. Comme Kichiro me collait, Seo-jun était pas loin, et là où il y a Seo-jun, il y a très souvent Emerens. Une véritable chaîne des Ultimes.
— Une chaîne que je suppose extra pénible, grommelle Soma, les joues encore rouges. Je l'aime bien, Emerens, mais putain j'imagine pas l'horreur de me le coltiner vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je plains ses copines...
— L'amour a ses raisons que la raison ignore, je soupire. Pauvre Sharon, mine de rien.
— Sharon semblait s'en contenter, réplique Saki. Je n'ai jamais compris pourquoi. Je suis moi-même très monogame, alors l'idée de sortir avec quelqu'un qui semble prendre les relations amoureuses par-dessus la jambe en plus d'avoir d'autres partenaires...
— Oh, ce n'est pas pour ça que je la plains, je pouffe. Chacun ses sensibilités et sa vision des choses. Mais quand la personne est Emerens, je ne sais pas vous, mais ça dissuade. C'aurait été, je dis n'importe quoi, Ibrahim, ou Albedo, ou même Achroma, qui aurait eu cette vision, ce serait sans doute davantage passé que ce maudit blond...
— Albedo, il me fait peur, grommelle Soma. Et Ibrahim, je l'ai jamais approché. Mais c'est vrai qu'Achroma était jolie. Et agréable, je trouve...
— Trop hétéro pour Achroma, répond Saki après un petit temps de retard. Mais je vois où tu veux en venir, Reina. »
Je rigole. On entend quand même assez rarement à Hope's Peak les mots « trop hétéro pour », après tout.
Et sans même que je m'en rende compte, la matinée passe en un éclair.
Le repas arrive. Saki et Soma choisissent de manger avec moi, et Yuuki qui passe se propose d'apporter à manger à Michi, qui n'a toujours pas quitté sa chambre. Malgré quelques réticences, je décide d'accepter. Michi a peut-être besoin de voir d'autres têtes que moi, et pour ce qui est de qui pourrait la dérider, Yuuki, la seule à sourire un tant soit peu de manière quotidienne, est sans doute la mieux placée pour lui faire oublier...
Pendant que je mange, je vois passer Shizuka, qui se gratte les bras avec insistance avant d'attraper sa portion du repas sans mot dire, puis Daisuke, qui adresse un regard à Soma avant de se casser dans un coin de la pièce. Yuuki réapparait un quart d'heure plus tard avec un plateau vide et un grand sourire, sur lequel je reconnais le verre du petit-déjeuner de Michi. Tant mieux, ce sont sans doute de bonnes nouvelles. Et pour ce qui est de Junko, elle passe vers la fin de notre repas, adressant un regard noir à Daisuke, avant de s'installer avec Yuuki.
« Voilà qui me paraît déjà plus familier, je ne peux m'empêcher de marmonner. Les groupes commençaient à se scinder, j'en aurait presque eu de l'espoir.
— On a trop appris à fonctionner en duo pour laisser tomber ça maintenant, soupire Soma. Enfin, jusqu'à ce qu'un membre du duo ne crève.
— Ne parle pas de malheur. »
Saki, qui jusque là nous fixait sans rien dire, finit par se lever, après avoir activé sa tablette. Cette dernière annonce :
« Je vais porter un peu de nourriture à Akihito. Histoire de vérifier que tout va bien. Vous venez avec moi ?
— Akihito apprécierait qu'on s'introduise dans son labo ? Fait un Soma dubitatif.
— Non, mais je préfère. J'ai un mauvais pressentiment et je n'ai pas envie de trop me déplacer seule... »
Et ça se comprend. J'ai le même comportement depuis ce matin.
Saki ramasse donc les restes de notre repas sur un plateau avant de sortir, suivie en silence par nous alors que Daisuke nous fixe du regard.
Dans le couloir des labos, tout semble normal. La porte du labo d'Akihito est entrouverte, mais je n'entends rien de particulier à l'intérieur. Il n'y a personne non plus. Normal, à part Michi, tout le monde est dans la salle de jeu.
Tout pourrait sembler si quotidien, si habituel.
Tout pourrait être si normal.
Tout, sauf ça, là, au sol, qui se détache immédiatement sur le blanc clair du marbre.
L'empreinte de pas rouge sang.
Soma se raidit d'un coup. Lui aussi, il l'a vue. Et Saki, sans perdre de temps, se précipite vers le labo d'Akihito, à deux doigts de laisser échapper son plateau.
La porte claque.
...
...
Hurlement.
On pourrait croire que ça fait beaucoup moins mal lorsqu'on s'y attend. Que ça fait beaucoup moins mal lorsqu'on a déjà vu, encore, et encore, et encore, des gens mourir. Et pourtant, quand je passe à mon tour la porte, mon cœur se serre. Et pourtant, quand je vois la scène qui s'étale dans cette pièce, devant mes yeux, les larmes me viennent. Et pourtant, quand l'odeur du sang me titille les narines, je me sens sur le point de vomir.
Le labo d'Akihito Kanda, Ultime Chroniqueur, est sens-dessus-dessous. Ce qui était censé être une pièce d'écriture tout ce qu'il y a de plus normale n'a désormais plus rien d'autre en apparence qu'un champ de bataille. Des papiers pleins de sang traînent au sol, sur son bureau, sur sa chaise renversée. Trempant dans des flaques presque trop impressionnantes pour être réelles. Car ça ne peut pas être réel. N'est-ce pas, que ça ne peut pas être réel ?
Pourtant, le sang qui coule, goutte d'absolument partout, des murs, des meubles, du plafond même, il est bien réel. Pourtant, le silence de la mort qui règne derrière le hurlement ininterrompu de Saki en larmes, recroquevillée sur une forme indéfinissable, il est bien réel. Pourtant, le désordre entourant de manière si stratégique quelque chose que j'avais tant souhaité empêcher, il est bien réel.
Akihito Kanda, Ultime Chroniqueur, n'est plus qu'amas de chair indéfinissable étalé au sol, les yeux révulsés par une profonde surprise, le corps désarticulé et recouvert de bleus.
Ses épaules sont au mieux déboîtées.
Sa mâchoire est au mieux brisée.
Et tout le sang qui a coulé, giclé, éclaboussé absolument tout ce qui se trouvait dans cette pièce, tout ce sang se réunit en un seul et même endroit, sur le mur en face, formant des lettres, un mot, un unique mot qui se grave dans ma mémoire et que je ne pourrai jamais oublier.
Menteur.
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