Chapitre 4 (13) : What defines the end

Je me dois d'être franche.

De tout ce à quoi je m'attendais pour la quatrième semaine de notre cinquième mois enfermés ici, de toutes les disputes que je 'm'attendais à finalement voir dégénérer, de toutes les visites de blessés ou de réclamants que j'aurais pu avoir, jamais je n'aurais pensé voir sortir un.e Shizuka fulminant.e de mon cabinet, après une discussion pour le moins houleuse.

Iel qui m'avait toujours semblé si calme, qui m'a laissé la marque de son poing dans le bois de mon bureau.

Je devrais m'en inquiéter, sans doute, mais son énervement est déjà un facteur de surprise bien trop grand pour que je puisse l'occulter.

Iel était venu.e me voir, ce matin. Pour parler menstruations, puisque nous restions quand même beaucoup de personnes assignées femmes dans ce donjon maudit, mais également demander ce qu'il en était de Michi. Un engouement à son égard qui ne me plaisait pas trop, si bien que j'ai décidé d'édulcorer la vérité, en expliquant que Michi ne comptait pas sortir de sa chambre dans les prochains jours.

Ce n'est cependant pas la volonté de Michi de ne plus voir personne qui a attisé sa colère. C'est le fait que son état ne s'améliorait pas. J'ai préféré ne pas m'étendre sur ses progrès, à une lenteur d'escargot mais bien présents ; à la place, j'ai signalé à lae Généticien.ne que ça ne s'arrangerait certainement pas totalement tant que nous resterions ici.

C'est ça qui l'a mis.e dans une colère noire. Iel s'est énervé.e contre moi, contre elle, nous reprochant de laisser la porte grande ouverte au Désespoir. Et montant le ton, son poing s'est écrasé contre la table. D'où la marque.

Je ne sais même pas ce qu'iel me reprochait.

En tout cas une chose est sûre, je ne la laisse pas approcher de moi, ni de Michi aujourd'hui, c'est hors de question. Surtout que Michi m'a signalé qu'elle préférait être seule encore un peu. Je lui ai ramené des textes à lire, version arabe et japonais, histoire qu'elle puisse concentrer son cerveau sur autre chose.

Je n'ai absolument aucune idée de si ça suffira.

Enfin du coup je n'ai pas grand-chose à faire. Rester dans mon cabinet me paraît un peu compromis. Si Shizuka l'énervé.e veut me chercher, iel m'y trouvera bien plus facilement que si je me perds dans le donjon. Sauf que comme selon mon emploi du temps, je devais y rester toute la matinée, je me vois quelque peu désœuvrée...

Sans ligne directrices, j'avoue que je ne sais pas trop quoi faire, et je n'ai pas très envie d'attaquer mes activités de l'après-midi maintenant. Du coup, je me retrouve à errer dans les couloirs entre le deuxième et le quatrième sous-sol, cherchant quelque chose à faire, ou quelqu'un à qui parler qui ne serait pas Shizuka.

Même si bon. Il n'y a pas grand monde dans les couloirs. Les gens sont conscients du fait que l'exécution de Khalil, encore si vive dans les esprits, à pourtant eu lieu il y a plus de trois semaines. Une autre ne va pas tarder à suivre. Et maintenant qu'on sait que les proches sont impliqués, on se doute bien, nous tous, qu'il ne s'agit plus seulement de nos vies qui sommes en jeu.

La menace est de pire en pire.

Et tout ce qu'on présente comme front face à ladite menace, c'est de l'apathie.

La bibliothèque, dans laquelle je m'engage, est complètement déserte. Pas même de Junko ou de Yuuki en train de toucher à la console de commande, ou de Saki en train de chercher une salle secrète. Personne. Juste moi, qui essaie d'ignorer les courants d'air qui ne peuvent être naturels me caressant les bras, ou l'impression de revoir assise sur ces fauteuils la forme élancée d'Haruko, penchée sur un livre, qui ne relève la tête que pour m'adresser un signe de la main...

L'espace d'une seconde, même, je me surprends à croire en la vision. À me diriger vers elle pour la saluer. Mais cela ne dure qu'une seconde. Une seconde avant que l'image ne s'efface.

Ne laissant que moi et mon deuil.

Traverser la bibliothèque encore plus vide que tout à l'heure me semble insurmontable après ça.

Le quatrième sous-sol, par contre, me semble plus actif que prévu. Sans doute parce que dans la salle de jeu, il y a Soma, en train de s'escrimer sur une machine d'arcade pendant que Daisuke le regarde en fond. Le regard concentré de l'Illustrateur alors que sur l'écran, un petit personnage est en train de réduire en pièces des ennemis virtuels à grand coups d'épée est presque apaisant. Même si son jeu est du genre violent.

Daisuke est le premier à m'entendre approcher. Il s'éloigne, en silence, sans un mot. Mais il faut à Soma quelques temps et une défaite qu'il prend avec un gémissement de frustration pour me remarquer à côté de lui, en train de regarder son écran.

Un sourire un peu gêné se dessine sur ses lèvres.

« Euh... Salut, Reina. Désolé, je voulais pas t'ignorer...

— C'est pas grave, je souris. Je sais ce que ça fait d'être concentré. C'est un chouette jeu ?

— Je sais pas trop, je suis en train de le découvrir... C'est Daisuke qui me l'a conseillé, n'est-ce pas... Daisuke ? »

Disant ces mots, il s'est retourné vers le coin où se trouvait l'Ultime Révolutionnaire. Mais à ma grande surprise (non), plus de Daisuke dans les parages. Je ne sais même pas dans quelle direction il est parti, et vu la tête de Soma, lui non plus.

« Eh bah ça alors... Il était derrière moi il y a deux minutes...

— C'est vrai, mais ça ne m'étonne pas de lui, je ne peux m'empêcher de pouffer. Plus insaisissable qu'un moustique, celui-là. Et j'espère bien qu'il ne m'a pas entendue parce que sinon, ce n'est pas une piqûre que je vais me prendre... »

Soma éclate de rire, avant de remettre en place sa mèche. Je remarque en-dessous un pansement frais, quelques instants avant que ses cheveux arc-en-ciel ne retombent devant sa joue.

Je préfère ne pas lui faire remarquer.

Pas alors qu'il sourit.

« C'est vrai qu'avec Daisuke, on risque pire qu'un bouton, rigole Soma en s'éloignant de la machine d'arcade. Mais bon, puisqu'on est là, tu veux faire un Pac-Man contre moi, Reina ? Profitons du fait que Yuuki ne soit pas là...

— Je dirais bien oui, mais je n'ai jamais vraiment aimé Pac-Man, je lui réponds, un sourire aux lèvres. En plus, j'ai mal au ventre, et j'ai moyennement envie de passer mon temps debout immobile.

— Comme tu veux... Remontons, alors. Je sais pas toi, grimace Soma, mais si je n'y fais rien, je n'ai pas envie de rester dans cet endroit plus que nécessaire. »

C'est un argument que j'accepte bien volontiers. J'emboîte donc le pas à Soma, qui remonte vers le rez-de-chaussée en silence, l'air de faire de son mieux pour ne pas fixer les alentours.

Dans un coin de la bibliothèque, une porte est ouverte sur un couloir plongé dans le noir profond. Un autre accès aux souterrains, sans doute.

Soma grimace.

« Plus jamais je retourne là-dedans. »

C'est on ne peut plus compréhensible. Après tout, tout ce qu'il a vu des souterrains, ce sont deux corps.

Mais quand même.

« Même si c'était la porte de sortie ?

— Ah, là, je dis pas. Si j'étais sûr qu'on pouvait sortir par-là, oui, évidemment, j'essayerais. Mais seulement dans ce cas. »

Son regard dévie vers la porte. Vide, une larme y perlant comme une intruse alors que je vois ses dents se serrer.

« J'aurais trop peur d'être hanté. »

Il détourne la tête, avant de se tourner vers moi et de me faire un sourire faible. Signal sans doute qu'il veut remonter. Je ne me fais pas prier, et nous reprenons notre chemin, avec moi réfléchissant à une manière d'entretenir la conversation.

Il faut bien le distraire.

« Tu crois aux fantômes, Soma ?

— Je t'aurais pas fait faire ce rituel si j'y croyais pas, il rigole, un peu amèrement. Bon, je suis pas comme Sora, c'était pas un intérêt vraiment prononcé, mais je t'ai déjà dit que j'avais fait des rêves prémonitoires... Du coup, je m'y suis intéressé, un peu. De toute façon, je n'avais pas grand-chose d'autre à faire chez moi. J'avais pas de père, pas de frères et sœurs présents... »

Pourtant, je me souviens de Kazumi qui décrivait quelque chose sur son père. Mais bon, j'imagine que ce ne sont pas mes affaires. Je préfère me taire à ce sujet.

« Être ami avec Sora, continue Soma, ça aide un peu, d'ailleurs, à s'intéresser aux fantômes. Mais c'est pas ça qui m'a vraiment plongé dedans. Plus, si je peux dire, un besoin de m'échapper.

— ... De quoi, si je puis me permettre ? »

Cette fois, ça a été plus fort que moi. Foutue curiosité.

Par contre, Soma ne semble pas en prendre ombrage. Il se contente de fermer les yeux à demi.

« ... En vrai pour te répondre, suffit de parler d'un truc que tu sais déjà. »

Son pas se fait plus rapide. Je le vois se diriger vers un coin de l'hôpital, dans lequel nous nous trouvions, le regard tentant tant bien que mal d'éviter l'infirmerie, la morgue et le sex-shop. Jusqu'à ce que finalement, on atteigne le fond de l'hôpital. Et que Soma relève sa mèche, me montrant le pansement frais légèrement ensanglanté sur sa joue.

« Tu sais déjà ce qu'il y a là-dessous, je crois. »

... Je n'aime pas le tour que ça prend.

Pour la première fois, je vois l'entièreté du côté droit de son visage. Et l'étendue des cicatrices est effarante.

Ce n'est même pas celles derrière le pansement. Il y en a aussi sur son front, des formes rondes et sombres qui me font bien trop penser à des brûlures de cigarette, et son œil est traversé d'une balafre qui ne lui permet de l'ouvrir qu'à demi.

Son visage est un véritable champ de bataille sur lequel il n'y a aucun victorieux.

Je suis incapable de dire quoi que ce soit. Trop peur de dire quelque chose de déplacé, ou de le blesser par inadvertance. Alors je me contente de hocher la tête.

Je ne peux rien faire de plus.

Soma ferme les yeux.

« Ça date de quand j'avais quatre ans. Elle a continué pendant des années à les rouvrir avant que Sora ne s'en rende compte et ne me demande de lui coller un procès. Je venais de rentrer à Hope's Peak, à cette époque, mais je n'ai jamais pu m'y résoudre.

— Elle ?

— Ma mère. »

Le regard de Soma se teinte d'orage. Un orage presque indéfinissable.

« Mes parents ont divorcé à cause du souci d'addiction de ma mère. J'avais trois ans. Sauf que mon père avait pas assez d'argent pour s'occuper de tous mes frères et sœurs, alors il a pris l'un d'entre eux avec lui, et elle a obtenu la garde de tous les autres. »

Une grimace déforme son visage, tirant sur le pansement.

« Tu peux te douter que ce n'était pas une très bonne idée. »

Non, en effet, je ne classerais pas cette décision des juges dans le top des meilleures initiatives en termes de protection de l'enfance. Mais ce n'est pas le moment de faire de l'ironie grinçante.

« Et les services sociaux... Ne pouvaient rien faire ?

— Tu voulais qu'ils fassent quoi ? Soupire Soma, le visage tordu par l'amertume. On était des gosses de quatre, cinq, six ans peut-être, grand maximum, et ma mère savait très bien cacher qu'elle prenait de la drogue en cachette. Sauf qu'elle avait souvent des bad trips. Violents. Et nous derrière, on se faisait blesser. »

Il grimace.

« Mes adelphes ont fugué tous ensemble quand elle a envoyé le plus grand à l'hôpital après un sevrage particulièrement violent. Sans moi. Elle en a fait une maladie. Je me rappelle encore d'elle se traînant partout, réclamant ses enfants, suppliant Dieu ou je ne sais trop qui de les lui rendre, qu'elle s'arrangerait, qu'elle arrêterait... Elle n'a jamais arrêté, et moi, je suis resté. Par pitié. Parce qu'elle restait ma mère. Et parce que je n'avais nulle part où aller. Sora avait toujours ses soucis d'argent à cette époque, et même après... Je n'aurais jamais pu lui en parler. »

Un sourire se dessine sur ses lèvres. À peine perceptible. Mais bien là.

« Mais ça fait du bien. D'en parler quand même. Merci Reina. Je... Suppose que c'est un peu triste pour toi, mais je suis content que tu sois une oreille attentive.

— Ce n'est rien, je souris. Si je suis ce qui permet aux gens de se libérer de leurs secrets...

— Mais c'est quand même pas très juste pour toi, je trouve, grimace Soma. Tu écoutes tout le monde et derrière, tu as été obligée de révéler un de tes plus gros secrets comme une annonce. Et les gens à qui tu te confies finissent par mourir et perdre Espoir... Au final, j'ai l'impression que tu te transformes en pilier pour les survivants, mais si toi tu t'effondres, personne sera là pour te rattraper. »

Et il me laisse plantée là, seule, avec sa dernière phrase qui me résonne dans la tête au même rythme que celui de ses pas sur le sol.

Je n'ai pas eu le temps de le rattraper. L'heure du dîner est arrivée, et je suis allée voir Michi une bonne partie de l'après-midi avant d'explorer les souterrains. Puis, de me souvenir que c'était mon tour d'aller voir les proches.

Après l'exécution de Khalil, Monokuma a cessé de me faire son numéro. Toutefois, elle est d'autant plus prudente pour m'emmener dans les souterrains. Je crois que cette fois, elle a même pris un autre accès que celui de d'habitude, près du belvédère. Et impossible de soulever subrepticement mon bandeau alors qu'elle me tenait aussi fort le poignet.

Elle met d'ailleurs plusieurs minutes à sécuriser la salle avant de finalement me l'enlever et s'éloigner, sans un mot, ni même un regard à mon adresse.

Le couloir est encore plus vide que d'habitude. Je vois Scott dans un coin qui se tient le bras. Du sang sur le sol dégage une odeur de rouille caractéristique. Un cri de douleur me parvient de la chambre d'Isami, étouffée par le murmure rassurant de la voix de Mary. Dans un coin, Kazumi joue avec une pièce, négligemment, le regard perdu dans le vide. Et assis contre la porte décorée d'Evdokia, il y a Leo, les cheveux noir corbeau qui pendouillent lamentablement sur ses épaules. De temps en temps, il toque, mais pas de réponse.

Je me rapproche de lui en silence, et il m'adresse un léger sourire.

« Salut, Reina... Venue voir Evie ? Désolé, j'arrive pas à la faire sortir. »

Je grimace. Je n'aime pas cette absence de réponse dans un lieu affecté par une Tuerie.

« ... Elle va bien ?

— Elle est en vie, si tu redoutais le contraire, grommelle Leo, grinçant des dents. Ici, on a rien pour se suicider. Monokuma tient à nous tuer à notre place. Comme avec ce pauvre Khalil. »

Il lève les yeux vers moi.

« Est-ce que Michi tient le coup ? Elle est venue me voir plein de fois après la mort de Ryo, je.... Je l'aimais bien... Mais maintenant je me doute bien de pourquoi elle ne vient plus. »

Un profond soupir s'échappe d'entre mes lèvres.

« Pas vraiment. Mais je fais de mon mieux pour la distraire, et je crois qu'avec du temps, elle en guérirait, tu vois ? Mais on a pas ce temps.

— Je me doute... Perdre un frère ou une sœur, ça doit être horrible.

— Je prie sincèrement pour que ça n'arrive à personne d'autre. »

Une moue pleine d'amertume se dessine sur son visage.

« Oh, ça, je ne sais pas. »

De nouveau, il donne un coup dans la porte d'Evdokia. Pas de réponse.

« On fait que ça, perdre des frères ou des sœurs. Ou des parents. Evie a perdu Taichi, la fois dernière. En même temps, madame Yamasaki a perdu son fils. Et maintenant, Michi a perdu Khalil. Qui était ptêtre le mec le plus joyeux, le plus résistant d'entre nous. Il savait toujours comment nous faire oublier où on était, moi, Scott, Akumu, et tous les autres ados du coin...

— Cette Tuerie ne pourra pas durer éternellement, pas vrai ? Je soupire. À un moment, les pertes s'arrêteront. Nous sommes presque au bout, j'en suis persuadée.

— Et combien vont mourir avant la fin ? »

Son regard se fait dur. Il me fixe avec une certaine colère avant de finalement, se relever de la porte d'Evdokia, les poings serrés.

« Dans mon village, ils avaient une sorte de proverbe. « La fin est toute-puissante, elle est la seule qui puisse être retenue », quelque chose comme ça. Une belle manière de nous dire que peu importe ce qu'on faisait de mal ou de bien, tout ce que l'histoire retiendrait, ce serait son aboutissement. Un beau proverbe, qui collait bien à leur saloperie de culte, mais qui néglige les dizaines d'abus sur mineurs, de tortures et de meurtres derrière. »

Il grommelle, avant de filer un coup de poing à la porte.

Cette fois, ce n'est pas pour toquer.

Cette fois, cependant, il arrache une réaction. Le battant peint de mille couleurs s'entrouvre, avant de se refermer précipitamment, sans un autre bruit que celui de la porte qui se claque. Assez fort cependant pour attirer le regard de Kazumi. Et faire se calmer Leo.

« ... Désolé, Evie. »

Ce n'est pas auprès de moi qu'il s'excuse. D'ailleurs, le regard qu'il porte sur moi est toujours rempli d'amertume.

« C'est bien beau de parler de la fin, Reina, mais si tu négliges les étapes à côté, tu vas juste être comme eux. À dire que la fin justifie les moyens. Et je veux plus jamais revoir des gens comme eux.

— C'est donc ça que tu fuyais ? Michi a dû en parler au procès de Shô, j'explique, voyant Leo se crisper. Expliquer que tu étais un fuyard que Ryo avait aidé à s'échapper et à vivre pour essayer d'écarter la thèse du suicide. Rien de plus. »

Leo serre les dents.

« Ouais, c'est ça. Un village de cultistes comme il y en a plein. Mais Michi a tort sur un point, c'est pas Ryo qui m'a permis de m'échapper. Il savait même pas que mon village existait avant de me trouver sous un pont avec mon instrument. »

Je le vois fixer ses doigts, dans un vain effort pour éviter mon regard.

« Pour te donner une idée de ce qu'il se passe dans notre cher pays derrière les Tueries qui sont comme chacun sait la plus grosse atrocité de tous les temps, grimace-t-il, aigre, autant te dire deux-trois trucs de mon enfance dégueulasse. Mon village, il a inventé le parquage des enfants avant que Monokuma ne mette au point Hope's Peak. On devait tous développer un talent pour servir la Divinité, et si on en avait pas, hop, relégué au rang de moins que rien, même pas en mesure d'aller prier à son autel. »

Sous son regard vide, ses doigts se plient et se replient. C'est à cet instant que je remarque qu'il lui en manque un.

« Heureusement que je savais jouer de la guitare, reprend Leo sans me laisser le temps de le questionner. Sinon, ma fuite aurait été impossible ne serait-ce parce que j'étais trop faible. Mais j'ai réussi à m'échapper, et j'ai survécu comme j'ai pu sur les routes en me payant le gîte et le couvert avec mon instrument avant que Ryo me trouve et décide que j'étais assez talentueux pour rejoindre son groupe. Je lui serai jamais assez reconnaissant de m'avoir trouvé où vivre confortablement et un avenir, mais... Ce n'est pas lui qui m'a sauvé, en premier lieu.

— Et... Donc ? Comment tu as pu t'échapper ?

— C'est ma sœur qui m'a aidé. »

Les yeux de Leo se remplissent de larmes. Comme ça. Pourtant, même alors que je vois ses paupières s'humidifier presque à vue d'œil, c'est à peine si sa voix tremble quand il se remet à parler.

« Elle l'avait bien pire que moi. Les gens, nos vieux lui collaient le lard en permanence, et le moindre écart était jugé comme une insulte à la Divinité. Pourtant, un jour, elle a outrepassé la surveillance pour me donner accès à la sortie du village. J'y ai perdu un doigt dans l'entreprise. Je suis sûre qu'elle a subi bien pire. Pourtant, j'étais libre. Et je suis sans doute le seul à avoir réussi à m'échapper. »

Une unique larme coule de son œil. Pourtant sur son visage, il n'y a plus que colère.

« C'est ça, ma fin,et derrière, ça continue sans doute pour des dizaines, voire des centaines d'enfantsque tout le monde ignore parce que le meurtre programmé de génies est bien plusterrifiant. Alors s'il te plaît, Reina, ne revient pas me parler de finproche. Pas avant que tu n'aies pris en compte le fait que pour certains, ça nes'arrêtera jamais. »

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