Chapitre 4 (1) : Only one chance

Chapitre 4 : We must unravel the game's mysteries

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J'ouvre la porte sur un univers de noir.

Bien sûr. Bien sûr. Tout le monde n'est pas forcément arrivé au réfectoire de si bon matin. Du mois ce serait encore l'option la plus logique, puisque je ne sais pas quelle heure il est. Nos Monopads ont cessé de l'afficher.

Tout ce que je sais, c'est qu'il est tôt. Et qu'il fait noir. Et que je n'ai pas bien dormi. Du tout.

Je n'allume pas la lumière. Je me contente d'aller m'asseoir, sur une chaise, la lueur émise par mon Monopad seule éclairant mon visage et me permettant de discerner mon chemin. Pas de petit déjeuner. Pas d'échanges. De toute façon, je n'ai ni l'énergie de me faire à manger, ni celle de parler à quelqu'un.

C'est étrange, de se sentir habituée au lendemain d'une mort. Au lendemain d'un procès qui nous a coûté une personne de plus, morte sans avoir rien pu faire d'autre que me passer le flambeau. Flambeau dont je ne suis même pas sûre de vouloir, pourtant...

À qui le confier ?

Je me suis attirée moi-même la malédiction du protagoniste. Et alors que j'en porte le poids contre ma volonté, j'en arrive à me dire que personne d'autre ne pourrai le supporter.

C'est la troisième enquête depuis le début de ce jeu maudit. Dans Danganronpa, il y en a eu cinq. Plus une dernière exécution. Senri, crucifié pour nos péchés, Ultime Espoir sans même vraiment l'être. S'élever contre Monokuma lui aura valu de provoquer la fin de leur propre jeu.

J'aimerais autant ne pas en arriver là. Autant parce que Senri me manque terriblement que parce que plus nos rangs se réduisent, et plus les chances de se retrouver face à la mort de quelqu'un que j'aime s'agrandissent.

Hier, elles se sont concrétisées.

Pourquoi pas une seconde fois ?

Je n'ai pas eu la force de fouiller dans le fichier d'Haruko. Sa lettre, sa dernière lettre, est la même annonce d'Espoir que cette information capitale que la mort de Senri aura permis d'arracher. J'aimerais considérer qu'on en est bientôt à la fin. La vérité, c'est que je ne m'en suis jamais sentie aussi loin.

Dans Danganronpa, il restait cinq personnes lorsqu'enfin, ils ont appris que l'instigateur était dans leurs rangs. Ici, même avec cette piste, nous sommes neuf. Et je peine à envisager l'inévitable. Le fait que quelqu'un dans nos rangs ait provoqué ce jeu de l'horreur.

Akihito. Daisuke. Junko. Michi. Saki. Shizuka. Soma. Yuuki.

L'un d'entre eux est le coupable.

Je pianote distraitement sur mon Monopad sans faire attention à mon entourage. Sans beaucoup de changements. Les heures ne reviennent pas. Le réseau est toujours l'Intranet du donjon. Le tableur des proches ne bouge pas d'un pouce, pas même stimulé par une quelconque main fantomatique qui, serait-elle ou non la preuve que je perds la tête, m'aurait au moins fait penser quelques secondes qu'elle ne m'a pas quittée.

Et comme d'habitude, je n'arrive même pas à pleurer.

La lumière s'allume. Akihito et Saki viennent de rentrer dans la pièce, inséparables comme les doigts de la main, et avec eux les lustres du réfectoire s'illuminent d'une pâle aura. Cela me permet de constater que je n'étais pas seule dans la pièce, même au milieu du noir. Silencieux comme des ombres, Shizuka et Soma étaient mes compagnons de vide, l'un.e assise sur une chaise à contempler ses doigts, et l'autres les bras serrés autour de sa tablette, le stylet traînant près de ses genoux repliés.

Aucun des deux n'exprime la moindre émotion.

Akihito me jette un œil avant de s'avancer vers moi, suivi par Saki qui ne le quitte plus. Mais il n'a pas le temps de s'asseoir sur la chaise en face. À peine l'eut-il tiré qu'une petite forme sombre prend sa place en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, chassant le Chroniqueur sans même l'exprimer, avant de serrer ses doigts entre les miens.

Akihito hausse les épaules, mais s'éloigne, sans ajouter quoi que ce soit de plus. Suivi encore et toujours par Saki qui se contente de m'adresser un regard en coin. Me laissant tout le loisir de fixer le visage de Michi alors que sur ses lèvres se forme un sourire que je sens faux.

« Tu tiens le coup, ma puce ? »

... Qu'est-ce que vous voulez que je réponde à ça ? Je ne tiens pas le coup. À vrai dire, je ne sais même pas si je ne tiens pas le coup. Mais j'ignore si Michi s'attendait vraiment à une réponse positive. Qui poserait une question pareille en sachant qu'elle va être rencontrée soit par de la négativité, soit par un mensonge des plus grossiers ?

Alors, je ne dis rien. Je me contente de serrer ses doigts. Fort. Assez fort pour qu'elle comprenne que je ne veux ni ne peux parler.

Les siens suivent le mouvement, accompagnant ma main dans un rythme lent de pressions sur ma peau. Sans rien ajouter. Elle se contente de sourire. Un autre moment, sans doute, elle aurait essayé de parler, de me distraire de l'horreur par quelques paroles simples mais propres à faire oublier que le monde où nous sommes existe. Aujourd'hui, même elle n'est plus capable de dire le moindre mot réconfortant. Michi, lumière de nos journées, s'éteint peu à peu dans les ténèbres de ce jeu sans fin.

Les autres ne tardent d'ailleurs pas à rentrer. Junko et Yuuki, toujours inséparables, prennent une table de leur côté sans parler ni même saluer qui que ce soit, et Daisuke, bon dernier, se cale dans un coin sans bouger, tellement immobile qu'on pourrait croire qu'il n'est qu'une simple trace sur le mur délavé.

Un lendemain de procès tout à fait classique, en fin de compte.

A ce stade, je vais finir par ne plus savoir qui sont les véritables fantômes.

Si tant est qu'il y en a.

De toute façon, qui interrompra le silence, maintenant qu'Haruko n'est plus là ?

Monokuma ?

Elle ne se montre même pas.

Le temps file sans même qu'on puisse le voir, et nous nous retrouvons figés dans une mélasse intemporelle qui ne nous permet même plus d'interagir les uns avec les autres. Est-ce que je tiens encore les doigts de Michi ? Est-ce qu'Akihito perçoit ce que lui signe Saki ? Est-ce que Junko et Yuuki savent qu'elles sont recroquevillées l'une sur l'autres, tellement indissociables que je ne peux savoir où la première commence et ou la deuxième s'arrête ?

Il n'y a même pas d'appel ou de consultation de liste, comme tous les matins.

Il n'y a plus rien.

Plus rien que nous.

Finalement, celle qui brise le silence, c'est Monokuma, qui, loin de ses entrées spectaculaires, vient de passer la porte en coup de vent. Un bandage entoure son bras droit, et j'y discerne quelques traces de sang.

Étrange. Avait-elle été blessée, pendant l'exécution ? Je ne m'en souviens même plus.

Son sourire est un peu plus faible que d'habitude, et dans ses yeux, je vois un orage sans fin. Pourtant, elle ne laisse absolument rien paraître de ce qui la travaille lorsqu'elle saute sur cette table, faisant un boucan à réveiller les morts. Ce que nous sommes, en fin de compte.

« Coucou mes poussins ! On a bien dormi ? »

Cette fois, personne ne vient lui dire de la fermer. Mais nos regards valent plus que mille mots.

La colère règne au sein de ce réfectoire.

Quel dommage qu'elle ne s'en préoccupe même pas.

« Enfin de toute façon, je m'en fous. Je viens pour les habituelles mises au point de début de partie ! Un petit rituel bien sympathique, ma foi... »

Courte pause. Mais toujours, le silence.

Un moment, même elle, je la vois surprise.

« Eh bien eh bien, personne pour me dire d'abréger ? C'est que j'en serais presque blessée... Comme quoi, on perd tellement en tuant les meilleurs éléments d'un cast de Tuerie ! »

Que dire de plus ? Elle a raison. Sans personne pour catalyser notre haine et nos espoirs, nous sommes des poissons hors de l'eau. Et la colère que je sens unanime n'est pas suffisante pour s'incarner en quelqu'un capable de défier la maîtresse de jeu. Pas maintenant que nous avons vu mourir celle qui s'y essayait le plus d'une balle dans la tête.

Et pour une fois, même Daisuke, l'électron libre, s'abstient.

Monokuma laisse passer le silence encore quelques secondes. Avant, finalement, de hausser les épaules.

« Tant pis pour vous mes agneaux. Alors, en ce qui concerne les mises au point cette fois-ci... Alors voyons... »

Elle se passe un doigt sous le menton, l'air de faussement réfléchir, avant de faire un petit bond sur la table.

« Comme d'habitude, votre mois de probation est remis à zéro ! à votre charge de compter, j'ai la flemme de vous transmettre la date et l'heure, mais je sais que vous pouvez vous débrouiller... Vous êtes intelligents, j'espère ! »

J'aimerais juste qu'elle se la ferme. Qu'elle garde ses airs condescendants pour elle, qu'on cesse enfin de l'entendre pour de bon.

Mais que faire ? Contrairement à l'Ultime Juge, cette fois, la menace dépendant de sa vie est bien réelle. Et personne ici n'est capable d'élaborer un plan de la même envergure que celle de Kagari Goto.

« Ensuite, continue-t-elle, pour ce qui est des laboratoires... Puisque je suis décidément trop gentille, vous aurez accès à ceux du Chroniqueur et de l'Espionne ! Et bon, la petite Assassin a eu le mauvais goût de mourir avant que je ne puisse ouvrir son laboratoire, dommage, mais du coup vous n'aurez même pas besoin d'en chercher la clé... L'accès est désormais ouvert à tout le monde ! Avec évidemment, toutes les armes dont vous aurez besoin pour vous entretuer !

— Ou te foutre en Enfer là où tu appartiens, Monokuma, gronde une vois venue de l'ombre. T'en dis quoi, de ce plan ? Surtout maintenant qu'Haruko a foutu le bordel dans les rangs de tes robots. »

L'entièreté de l'assemblée, Monokuma la première, se tourne vers le coin d'ombre ou l'œil unique, vert sombre, de Daisuke brille dans le noir. Dans cette pénombre, impossible de voir son expression, mais il n'est pas nécessaire de le voir pour comprendre la rage qui motive ses mots.

Pourtant, il est bien plus calme que la première fois où il pesait ses menaces de mort. Bien plus mesuré. Ce n'est pas le ton de celui qui veut paraître intimidant. C'est celui de l'homme qui réfléchit à son dernier acte.

Et je ne sais pas si le fait qu'il soit le premier à s'opposer à notre tortionnaire me rassure ou me terrifie.

Il a raison. Haruko, dans sa dernière danse, a fait des ravages dans les rangs des kumarobots. Au moins une centaine sont tombés sous les balles de son arme, et vers la fin, trop peu affluaient pour protéger leur créatrice. Pourtant, cette dernière ne semble même pas affectée.

« Souhaites-tu suivre l'Assassin dans le vide qui l'accueille ? Parce que je crois que tu me prends beaucoup trop pour une idiote pour que ton plan réussisse. »

Son sourire s'élargit. D'une main preste, elle déboutonne le devant de sa robe, avant de nous montrer, de nouveau, l'hideuse cicatrice qui s'étale sur son torse. Une cicatrice que je n'avais pas revue depuis le début de cet enfer, le moment où j'avais encore l'espoir de m'en sortir.

L'ai-je perdu ?

« Mettons les choses au clair une bonne fois pour toutes, mes pauvres brebis égarées. Ceci, ricane-t-elle en passant le doigt sur sa cicatrice, n'était pas du bluff. L'IA qui contrôle les kumarobots existe toujours, et si vous me croyez suffisamment stupide pour ne pas avoir assuré les pertes de robots dans une Tuerie ou se trouvent l'Ultime Révolutionnaire, l'Ultime Espionne et l'Ultime Assassin, vous n'êtes pas près de vous sortir de votre propre Enfer. »

Silence. Ses quelques mots planent dans l'ambiance déjà si lourde du réfectoire, achevant d'écraser sous leurs poids un espoir à peine re-né.

Daisuke ne dit plus le moindre mot.

« En termes d'armement, rit-elle avec toujours ce même grand sourire, sa cicatrice toujours apparente devant nos yeux, je pense que même avec les ressources et les moyens de s'en servir d'un assassin entraîné, vous ne réussirez jamais à submerger la masse assez vite pour envoyer un signal de secours. Et vous mourrez soit de faim parce que moi morte, plus personne ne peut vous ravitailler, soit sous les coups des kumarobots en regrettant d'avoir laissé passer votre dernière chance de survie garantie. Je suppose, achève-t-elle en même temps que ce qu'il nous restait d'espoir, que j'ai été suffisamment claire ? »

... Et hélas pour nous elle l'a été.

Mais de toute façon, qui aurait été assez fort pour choisir et réussir à lui porter le coup fatal ?

Autour de nous, il n'y a plus que désillusion. Et la sensation que personne n'arrivera à la hauteur de la meilleure tueuse au monde.

Personne n'ose rétorquer, et je vois sur les visages que l'espoir de cette possibilité vient de disparaître en même temps que Daisuke dans les ombres. Et Monokuma semble s'en satisfaire, puisqu'elle hausse les épaules.

« Boooon ! Fin de la séquence rappels stupides, je crois que j'ai fait le tour... Quoique non ! Le quatrième sous-sol a été ouvert, je vous laisse le fouiller... Ce n'est rien d'exceptionnel, ricane-t-elle, juste une zone d'amusement toute simple... Contrairement à certains, moi, je sais très bien gérer mon budget distractions, elle grommelle, une pointe de sel dans sa voix. Mais je pense que ça pourra vous satisfaire, upupupupu ! »

Échange de regards. Moi-même, je balaie les autres des yeux, cherchant une indication de savoir, la preuve que quelqu'un a la moindre idée de ce dont elle parle. Mais sans succès. Visiblement, nous neuf sommes tout autant paumés les uns que les autres. Et je ne sais pas si c'est rassurant.

Car si elle ne parle pas du passé, elle ne peut parler que du futur. Et j'espère sincèrement que cet accès de sel était quelque chose de complètement différent des Monokuma, quelles que soient les implications, plutôt qu'une image projetée du futur de notre monde. Un futur hanté par les Tueries et sous la terreur de cette organisation dont je commence à peine à découvrir l'ampleur.

Une zone d'amusement, qu'elle disait. Rien de bien intéressant, comparé à la bibliothèque ouverte précédemment. Je commence à croire qu'on arrive au bout. Et je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle.

Dans le silence général, Monokuma sort. Et Akihito prend sa place sur la table.

« Oubliez Monokuma. Elle ne nous apprend rien de nouveau, et je pense qu'on peut chercher nos solutions ailleurs.

— T'as des idées, génie ? Grince Michi. Parce que les dernières, elles nous ont coûté beaucoup trop de gens. »

Le Chroniqueur pousse un profond soupir, avant de s'asseoir sur le rebord de la table. De loin, il paraît si petit, maintenant qu'il est à notre hauteur.

« Nan, j'ai pas d'idées. Mais faut au moins qu'on remonte quelques détails d'organisation. Comme la visite des proches. »

Il jette un regard à Saki, avant de fermer les yeux.

« Saki et moi, on va reprendre le tableur à deux. Histoire de ne pas tomber dans un cas où la mort de l'un d'entre nous bloquerait la gestion des visites. Si ça vous convient, on gèrera aussi les tours. Plus personne n'a vraiment de raisons d'éviter la visite, mais si vous ne voulez pas être dans les tours, ou si le système ne vous plaît pas, dites-le. »

Silence. Personne n'exprime la moindre opposition. Elles sont loin, les disputes du début. Quelle ironie qu'à neuf, on forme un front plus résistant qu'à seize. Si résistant et à la fois si fragile...

« Pour ce qui est de l'exploration, reprend Akihito, faites ce que vous voulez. De toute façon, ce n'est plus une simple histoire de recherches. Sauf si quelqu'un a la foi de reprendre le flambeau pour Haruko...

— Sans qu'elle n'ait rien laissé derrière ? Sourit Shizuka. Même pour certains d'entre nous, ce sera une tâche très, très ardue. Kita a réuni au cours de ces derniers mois une quantité d'informations d'au moins quinze personnes. Réussir à reprendre sa base de données sans le moindre indice ne se fera pas comme ça. »

De nouveau, le silence. Akihito me jette un regard en coin, indéchiffrable. Sans doute attend-il que je m'exprime, d'une manière où d'une autre. Ce n'est sans doute pas un imbécile. Il se demande sans doute si Haruko a vraiment été stupide au point de laisser des recherches auxquelles elle attachait une importance capitale inachevées sans espoir de reprise.

Mais je ne réponds rien.

Parce que si je peux apprendre à faire confiance sur le plan relationnel, découvrir les secrets qui se cachent derrière ce jeu qu'on m'impose est quelque chose que je ne peux confier à personne.

N'importe qui que j'implique pourrait être responsable. Même... Surtout. Les plus utiles d'entre eux. Comme Junko, Shizuka et Yuuki.

Le Chroniqueur finit par abandonner après quelques fractions de seconde de silence. Avant de soupirer et de descendre de sa table.

Désolée, Akihito.

Mais je ne me sens ni de fédérer autour d'un espoir que je sais vain, ni de déléguer cette tâche à quelqu'un d'autre.

Je dois le faire seule.

Parce que je suis la seulepersonne dont je suis assurée de l'innocence.

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