Chapitre 3 (7) : Crippling horrors
Être assise au bord de cette rivière après avoir fait une bêtise, une grosse bêtise, va finir par devenir une habitude.
Enfin. Sauf qu'à la différence de cette fois dernière, on est le jour, j'entends des appels de mon nom de tous les côtés auxquels je refuse de répondre et je discerne à peine le clapotis de l'eau derrière le buisson où je me suis enfouie, dissimulée telle la pire des lâches.
Ce que je suis, en fin de compte.
Vraiment, Reina ? Baffer Michi avant de partir en courant ? Et tu as le culot de dire avoir honte de toi alors que tu es incapable de t'excuser ? Incapable même d'affronter son regard, ses reproches plus que justes ?
Bravo, elle est belle la personne que Sora espérait voir survivre. Elle est belle, la personne à qui Michi a fait une déclaration on ne peut plus sérieuse. Elle est belle, la personne qui a survécu à Kichiro et Hina, à Ryo et à Shô. Elle est belle, la personne qui ne se raccroche encore à la vie que pour le bien d'une promesse faite à une morte, une morte qui t'insulterait si seulement elle te voyait maintenant.
Je me recroqueville dans mon buisson. Les plantes entourent mes cuisses aussi sûrement que mes bras, comme un cocon protecteur me dissimulant à la vue du monde.
Ou comme la prison que je n'ai jamais pu échapper.
« Reina ? Tu es là ?
— Reina ! Ouh ouh ! Réponds, s'il te plaît !
— Reina, si tu vis encore, fais-nous un signe... »
Les voix de Sora, Yuuki et Akihito s'entremêlent dans une cacophonie de sons de laquelle ne se détache que mon prénom. J'aimerais leur répondre, les rassurer, leur dire que je vis encore bien malgré moi, mais aucun son ne sort de ma bouche. Chaque mouvement de ma mâchoire s'accompagne d'une douleur inouïe dans ma tempe. Et pour ne rien arranger, je ne peux pas faire de bruit pour signaler ma présence. Mes bras sont paralysés, mes jambes engourdies, mon corps entier pris de tremblements incontrôlables tout juste étouffés par la prison de feuillage.
C'est tout juste si j'arrive à tourner la tête lorsque quelqu'un écarte enfin les branches me dissimulant.
Un œil vert, unique, derrière des mèches brunes désordonnées me fixe sans que je puisse discerner quoi que ce soit dans les frémissements de sa paupière, ou le froncement de son sourcil. D'ailleurs, je serais bien en peine de reconnaître quelque émotion que ce soit. Encore moins quand celui qui me fixe avec ce regard indéchiffrable est l'Ultime Révolutionnaire en personne.
Nous nous observons dans le blanc des yeux pendant quelques minutes. Et puis, j'entends une voix un peu plus loin.
« Oh, Nakano, elle est là, Reina ? Tu l'as trouvée ? »
Je me crispe. C'est la voix de Michi... Elle a rejoint le groupe à ma recherche, suis-je donc si prévisible que ça pour que cinq personnes ne viennent me débusquer ? Et le fait qu'elle soit là crispe davantage encore l'intégralité de mon corps. Je me déteste mais je ne peux pas l'affronter maintenant, je ne peux pas je ne peux pas je ne peux pas-
« Nan, rien. Et puis franchement, je la vois mal se planquer dans un buisson ou autres merdes du genre vu le regard qu'elle avait sur ma forêt.
— Putain... Elle est pas à son labo non plus !
— Elle est peut-être dans la bibliothèque, avance calmement la voix d'Haruko, que je discerne pour la première fois. Partie chercher une réponse dans les livres.
— Tu as peut-être raison. On y va, alors.
— Sans moi, grommelle Daisuke à l'adresse d'Akihito. Je déteste les tas de vieux papelards. »
J'entends un grognement, avant que l'herbe ne se froisse sous les pieds d'une, puis deux personnes au fur et à mesure que leurs pas ne s'éloignent.
« De toute façon, soupire Akihito avant de s'éloigner, je ne comptais pas te convier. C'est contre-productif si on s'y met à six sur la même pièce, et je ne te fais pas confiance quant à l'état des textes à cet endroit.
— C'est ça, fais-moi passer pour un con, grogne Daisuke. Pour info, je déteste encore plus les autodafés. »
Aucune réponse ne vient d'Akihito. Daisuke garde les yeux fixés vers un point que je suppose être le groupe des autres Ultimes, avant de finalement, relâcher les branches et s'asseoir à côté de moi. Dans le buisson. C'est presque incroyable que l'assemblage de branchages et de feuilles arrive encore à nous dissimuler tous les deux sans qu'on ne perde notre espace vital, ni l'un, ni l'autre.
« Alors, princesse. Petite crise de panique ? »
Il a parlé d'un ton égal, un ton qu'on emploie quand on veut faire la conversation. Tout dans sa posture, sa voix, son regard, semble tellement normal, tellement... simple, à côté de la situation irréaliste dans laquelle nous sommes. Je ne peux comprendre dans quel but il m'a sauvé la mise comme ça. Et encore moins pourquoi est-ce que ça lui dit d'engager la discussion avec le pitoyable tas de chair que je dois représenter à ses yeux aussi sûrement qu'aux miens.
Ma bouche refuse toujours de parler. Ma tempe brûle toujours autant. Et visiblement, Daisuke s'en rend bien compte puisqu'il pousse un profond soupir.
« T'inquiète. Okumura est trop HS pour participer aux recherches, Mizutani leur a dit en mots plus imagés de te lâcher la grappe, et la plupart des autres semblent plus inquiets de ce que nous a dit Monokuma que de ton sort. À part ces cinq-là, personne te cherche vraiment, on sera tranquille pour un petit bout de temps. Alors, princesse, on dit merci qui ?
— .......... Merci, Daisuke. »
Ma voix est rauque, presque inaudible, mais visiblement quand on est Révolutionnaire, on a de bonnes oreilles puisqu'il incline doucement la tête, l'air d'avoir compris le message.
« T'es consciente du monde autour de toi ou faut que je te file une baffe pour te réveiller ? »
Je cligne des yeux. Il est pas sérieux là quand même ? Apparemment non, puisque j'entends une espèce de pouffement sans joie s'échapper de sa gorge. Venant de celui qui vient de me proposer d'un ton égal de m'en coller une, je ne trouve pas ça très rassurant, mais rien dans sa posture ne traduit une quelconque agressivité. Ce qui met encore plus le mystère sur ce qu'il désire.
Assis en tailleur, Daisuke pousse un profond soupir, avant de finalement décroiser les bras et les mettre sur ses genoux.
« Ça va pas te plaire ce que je vais te dire, princesse, mais je crois t'as un méchant PTSD et j'aimerais bien savoir pourquoi tu le gardes pour toi.
— ... PTS.... Pardon ?
— Post-traumatic stress disorder. Les visions de cauchemar, la panique sans raison apparente... je vais pas faire un cours à une médecin quand même ?
— ... ça va, je sais ce que c'est. »
On me l'a déjà assez sorti. Syndrome de stress post traumatique, dissociations, pauvre enfant traumatisée, tout ce qui va avec. Je n'ai jamais voulu d'un tel diagnostic. Je n'ai jamais voulu qu'on me prenne en pitié. Je voulais juste qu'on m'aide. Pas qu'on me colle une étiquette avant de me dire de partir du cabinet psychiatrique alors qu'à côté mes parents recevaient la seule consigne de ne surtout pas répéter le traumatisme. Bah voyons. Bah voyons.
Daisuke plisse les yeux.
« Tu penses pas qu'une Tuerie c'est déjà bien suffisant comme trauma ? Tu comptes vraiment traverser ça avec un PTSD non traité que t'ignores royalement ?
— je ne compte pas... »
Mes mots se bloquent dans ma gorge. Survivre. Survivre pour elle, pour Sora, pour tous les morts. Tenir mes promesses, réparer mes erreurs.
Rester en vie.
J'ai besoin de traverser la Tuerie pour pouvoir les tenir.
Ma voix ne veut plus sortir.
Mes bras ne veulent plus bouger.
J'ai froid.
Non, j'ai chaud.
Je ne sais pas, je ne sais plus, je sens juste la douleur, les cris, les larmes. Les reproches les yeux les regards les hurlements la colère la rage la tristesse la peur les yeux les yeux les yeux les yeux les yeux...
Pas encore... Pitié pas encore...
Pas encore pas encore pas encore pas encore pas encore pas encore pas enc-
Quelque chose enserre ma mâchoire.
Quelque chose me tient.
Je me débats, je veux crier, mais pas un son ne sort de ma bouche grande ouverte, et même la chose qui me tient rentre directement entre mes dents, prête à m'étouffer.
Mes dents se referment.
C'est chaud sous ma langue...
C'est métallique, liquide, c'est...
« Respire, princesse. »
C'est.... De la chair. C'est une main, une main, reliée à un bras tendu, relié à un tronc penché, relié au visage de Daisuke qui me fixe, les paupières légèrement écarquillées. Son globe oculaire blanchâtre me fixant presque aussi fixement que son œil encore valide. Il est un peu crispé, mais... Rien d'étonnant, vu que je mords sa main.
Qu'il ne retire toujours pas.
« Concentre-toi sur ce que tu sens, okay ? Tu m'as mordu. Je suis en face de toi, je te parle. Serre les dents si tu sens que ça va mal. J'vais te poser quelques questions. Pas persos. Okay ? Tu vas essayer de me répondre par gestes, et te concentrer sur la sensation de tes mouvements. Tu me lâcheras dès que tu seras bien dans ton corps. »
Qu'est-ce qu'il... Cherche ? C'est froid, c'est flou, c'est un océan de brume, un océan de brume que son visage perce à peine... Je serre les dents de toute la force que je peux sur sa main, la seule source de chaleur, la seule chose qui me sert d'ancre, la seule chose que je peux encore sentir. Son visage se tord, mais je sens au manque de naturel dans mes traits que c'est simplement pour relier mon action à sa réaction.
« Je commence, énonce calmement Daisuke. Sora Yamasaki et toi étaient ensemble ce matin, vrai ? »
Difficile de ne pas comprendre comment il le sait. On est arrivés en retard, à deux, au réfectoire. Je me rappelle encore de la longue conversation qu'on a eue, seuls face au désert. Je hoche doucement la tête. Mes cheveux effleurent un court instant mes clavicules. Daisuke cligne des yeux.
« Est-ce que tu as vu Haruko Kita avant la réunion ? »
Je ne me souviens pas l'avoir croisée. Elle, et sa chevelure violette, se détachent pourtant nettement dans la majorité de mes autres souvenirs. Je secoue la tête de gauche à droite. Une branche m'effleure la joue. Dans ma bouche, la main de Daisuke tire sur mes dents.
« Saki Tamura t'a-t-elle parlé ? »
Je me crispe. Est-ce qu'elle ne fait pas que m'éviter ces derniers temps ? Pourquoi avoir posé cette question alors qu'il se doute de la réponse ? Alors qu'il sait très bien qu'elle ne veut plus rien avoir à faire avec moi...
Je serre un peu les dents, et Daisuke soupire.
« Ouais, ça m'étonne pas. Elle cause à personne d'autre qu'Akihito depuis bien un mois et demi, et faut pas être un Ultime dans ses parages... Tu feras gaffe en allant dans la forêt tropicale, au fait. Y'a encore des pièges mécaniques partout, et se retrouver pendu la tête en bas par une corde dégueulasse alors que t'espérais juste dormir est une expérience que je souhaite qu'à Monokuma et ce bâtard d'instigateur. »
Une image me vient, cartoonesque presque, du monolithe en face de moi suspendu par une jambe en train d'agiter les bras dans tous les sens en criant des obscénités. Et malgré moi le laisse échapper un petit rire, rauque, tendu, presque inaudible, mais un rire quand même. Relâchant la main de Daisuke, qui hausse les épaules avant de s'essuyer la paume. Je remarque un peu de sang couler des marques que je lui ai faites, et mon rire cesse immédiatement.
« Visiblement, soupire le Révolutionnaire, c'est m'imaginer dans des positions à la con qui te fait reprendre pied. Je dois le prendre comment, princesse ?
— .... Je.... Pardon.
— Te bile pas voyons, grommelle-t-il devant ma tête, c'était une boutade. Enfin, si on peut plus rigoler... »
.... Difficile d'imaginer le mot boutade dans la bouche de Daisuke Nakano et pourtant. On dirait que je suis exposée à bon nombre de surprises, aujourd'hui. Et je ne suis visiblement pas au bout puisqu'il ne s'est même pas énervé sur la marque que je lui ai faite. Il se contente de soupirer.
« Bon, on va en revenir à ce que je voulais te dire à la base. T'as un PTSD. T'es même salement atteinte, j'ai cru voir... »
Il se crispe.
« ... Un vétéran de guerre. Bref. Personne est censé t'en vouloir d'être trauma, princesse. Le truc, c'est que là actuellement ça plus l'horreur permanente de ce coin bien craignos, ça te crispe. Fort. Comme maintenant. Et sans vouloir faire le donneur de leçons, mais tu peux pas conserver ton silence et espérer regagner ta santé mentale. Encore moins conserver ton silence et protéger les gens autour de toi. Tu comprends ça ?
— Est-ce que.... Tu parles d'expérience ? »
Le regard de Daisuke se perd un peu dans le vide, avant qu'il ne pousse un profond soupir.
« Ouais. Et on parle en temps de paix, hein. J'ai fait plus de mal à Scott que ce que j'ai bien voulu, et seulement en lui rebalançant à la gueule mon passé. C'est con. C'est un mec bien. Sasaki est aussi une meuf bien. Et Yamasaki un mec bien. Tu piges où je veux en venir, princesse ? »
Oui. Je crois.
J'espère.
Daisuke hoche doucement la tête, avant de se relever.
« J'te laisse récupérer. Planque-toi où tu veux, j'irai dire que je t'ai vue dans le sex-shop ou une merde du genre, personne ira t'emmerder là-bas et si Sasaki y va elle va être déçue. Par contre, avant que je parte, dernière ptite info. Je préfère te la dire avant que tu l'apprennes autrement, mais Monokuma n'a pas simplement évoqué les labyrinthes. »
Il grommelle, avant d'écarter les branches. De regarder à gauche. Puis à droite. Puis de fermer doucement les yeux.
« Elle a dit, et c'est à toi de décider si tu veux la croire ou pas, que parmi nous se cachait l'Ultime Assassin, porteur d'un faux titre de couverture. Sans rien de plus. Je te laisse tirer les conclusions que tu veux de cette info. Tu seras p't'être meilleure pour piger que certains ce que ça signifie de nous le dire maintenant. »
Un doux courant d'air me caresse la nuque alors que les branches se referment sur lui, et ses terribles paroles.
L'Ultime Assassin. Un Ultime caché dans nos rangs, porteur d'un faux titre, d'une fausse identité peut-être. L'un de nous seize... Non, l'un de nous douze, est un meurtrier professionnel, un tueur en puissance, qui guette peut-être son heure dans l'ombre de la Tuerie. Et peut-être même que je l'ai déjà laissé entrer dans ma sécurité, peut-être même qu'il occupe une place spéciale dans mon cœur, peut-être...
Je soupire. Pas de mauvaises pensées. Même si on a vu où cette situation a mené Wen Xiang Monogatari, je ne peux pas me permettre... De trop m'enterrer dans ma méfiance. Surtout pas maintenant.
C'est mon tour de visite des proches. Je sais que Junko me suit dans les couloirs que j'emprunte, elle est censée assurer la sécurité de la visite ; sans doute est-elle surprise de me voir, puisque plus d'une fois elle m'a laissé transparaître sa présence, mais pas une seule fois elle ne s'est réellement signalée. Normal. Selon les règles, je dois arriver devant Monokuma seule. N'importe qui me suivant pourrait causer le glas des seize... Quinze personnes encore enfermées dans les sous-sols terrifiants de ce damné donjon.
D'ailleurs Monokuma m'attend, accoudée à la porte. L'air bien pressée au vu de son air, mais si elle avait eu l'idée de partir seule, toutes velléités de départ disparaissent dans son regard au moment même où il croise le mien. En même temps que ne se dessine sur son visage le sourire le plus glauque que j'ai pu voir.
« Notre reine de la fête en personne ! On a fini de pleurer dans un coin, Reina choupinette ? »
...
Tais-toi.
Tais-toi, tais-toi, tais-toi.
Efface ce sourire narquois de ton visage, cesse immédiatement de faire bouger tes mains répugnantes, dévie ton regard mauvais à un autre endroit que sur ma personne.
Monokuma rigole, avant de me prendre les mains. Je n'ai pas la force de m'en dégager, malgré le dégoût qui m'envahit. Je sais très bien ce que je risque à m'énerver.
Je le sais très bien.
« Tu connais la consigne ! Je te bande les yeux, je t'emmène en bas, tu causes à qui tu veux, et puis après je te remonte toute endormie ! Pas de changements, bien évidemment... allez, baisse la tête, ma jolie, je dois mettre ce joli bout de tissu autour de ta tête... »
Arrête.
« Tieeeens ? C'étais quoi ça diiiiis ? Parle plus fort, je n'ai pas bien entendu !
— ... Rien. »
Mon corps entier se tétanise. Je n'avais même pas remarqué avoir parlé à voix haute. Heureusement pour ma survie, Monokuma se contente de rigoler, avant de me bander de nouveau les yeux, occultant le monde à ma vue.
Je suis en bas. Monokuma m'a ôté le bandeau avant de partir en caquetant, et quelques salutations amicales m'ont accueillie alors que je reprenais une vision normale. Dans un coin, Evdokia, occupée à dessiner quelque chose sur le mur le plus proche avec de la craie, me sourit, avant de se reconcentrer sur son trait. Kazumi m'adresse un regard pénétrant, mais ne bouge pas de sa place, et ne referme même pas son livre.
Je soupire. Je ne sais même pas par où commencer. Est-ce qu'appuyer sur le bouton maintenant me permettrait de partir en leur accordant leur sursis ?
« Hey. Ça va ? t'as l'air un peu pâle... »
Je me retourne. Ces cheveux roux attachés derrière et le fort accent anglais dans son japonais... C'est Scott, à n'en pas douter. Il me fixe avec une certaine inquiétude, et une sympathie presque rafraichissante dans cet environnement pesant. Je ne peux m'empêcher de sourire devant la normalité, la simplicité de son attitude.
« Non... ça va, je crois.
— Tant mieux, rigole Scott. Même si bon, ce serait normal d'être un peu gênée d'être là. Après les éclats de voix de la dernière fois... »
Il soupire.
« J'ai pas tous les détails de votre dispute, mais Isami t'a décrite jusque là comme l'affreuse intolérante, et au vu de ce que j'ai entendu hier, c'est moyen, moyen le cas. Même si tu veux pas m'expliquer, ça te dérange qu'on parle un peu que je me fasse mon propre avis sur la question ? »
Je grimace. Je n'ai vraiment pas envie d'une discussion à ce sujet, et encore moins de parler de ma cousine, qui d'ailleurs n'a pas l'air d'être sortie de sa pièce... mais Scott n'a pas l'air de vouloir me taper dessus, et je pense que je peux difficilement en demander plus. Je me contente donc de le suivre jusqu'à sa chambre.
Les chambres des prisonniers ne sont pas très belles, avec leurs murs gris et leurs lits dénués de couleur. Mais au moins, ils ont le confort dont ils ont besoin. Fauteuils, lits, bureau, de quoi avoir de la lumière, de quoi se distraire aussi vu que je vois quelques graphes sur un des murs, surmontant des bombes de peinture. Visiblement, Scott s'est fait plaisir. Je peux le comprendre.
Il rigole en remarquant mon regard vers ledit mur.
« Ouais, j'ai essayé de me distraire un coup pendant notre captivité. Mais mine de rien, je préfère graffer en extérieur, sous la lumière et le vent des villes. C'était un peu déprimant de faire ça en prison, et puis l'aération est pas géniale, alors je suis pas allé très loin. Un ou deux motifs par semaine, pas plus. »
Après un signe de sa part pour m'indiquer de m'asseoir, il fait de même, sur son lit. Je prends un des fauteuils, et balaie du regard une nouvelle fois sa chambre, incapable de savoir de quoi je pourrai bien parler. Heureusement pour moi, Scott n'a pas l'air d'avoir ce problème, lui.
« Ça va bien là-haut alors ? Pas de disputes importantes ?
— Non, je... Pas que je sache. Ces derniers temps, je ne leur parle pas beaucoup... Il y a eu des frictions entre Michi et Junko, et Saki... N'a pas l'air de vouloir parler à beaucoup de gens. Et puis, Daisuke... Est fidèle à lui-même, j'ai envie de dire. »
Je déballe des noms comme ça sans savoir s'il me suit, mais je ne peux m'en empêcher, il y a si longtemps que je n'ai pu avoir une conversation avec quelqu'un sans la menace de la mort imminente. Heureusement, Scott à l'air de suivre, et le nom de Daisuke lui échappe un petit rire.
« M'étonne pas de lui. À tous les coups, il vous a traités de crétins en long en large et en travers.
— Oh, en effet.... Et pas qu'une seule fois... »
Le rire de Scott s'amplifie un peu.
« Sacré Daisuke ! Visiblement, les Tueries, ça calme pas son homme... »
Je hausse un sourcil, un peu étonnée par sa nonchalance.
« Et ça... Te gêne pas ?
— Au début, si, un peu. Quand je l'ai rencontré, son attitude était quand même vachement chiante, et il faisait flipper à menacer les gens. T'sais, la première fois que je l'ai vu, il emmerdait la petite Al-Rashid, la meuf de notre promo qui utilise l'uniforme masculin... Heureusement pour son poids plume qu'Emerens est intervenu, parce que sinon c'était la merde pour elle.
— La seule chose qu'il a de bien, je grommelle, un sens de la justice...
— Oh, pas que, mais quelque chose me dit que tu veux pas savoir les détails. »
Quelqu'un a vu les restes de mon innocence pour que je puisse défaire ma compréhension de ce qu'il vient de dire ? Parce que là je vois que ça pour ne pas capter ce qu'Emerens Van Heel, le roi du scandale et l'obsédé de la fesse principal de la promo 2017, a de bien. Connaissant sa réputation et le manque de détails offert par Scott... Super. Une autre conversation là-dessus.
Il pouffe devant ma tête blasée.
« Désolé. Bref. Pendant que lui il faisait le job de protection, moi, j'allais voir l'espèce de monolithe qui se croyait tout permis à menacer les gens le jour de la rentrée. Histoire de l'engueuler pour ses conneries.
— ... Et après ? parce que ça m'étonnerait que Daisuke soit- aime bien un homme qui l'insulte et le déteste. »
La gaffe qui a failli sortir d'entre mes lèvres... Je n'ai aucune idée de l'avancement de leur relation, et je n'ai pas envie de faire une confession à la place de quelqu'un d'autre ! Surtout de Daisuke, et à un autre homme... La culpabilité, la peur, tout ça me tiraille encore bien trop les entrailles, j'ai besoin de m'en libérer avant de me mêler de ces affaires. Si toutefois il est bien sage de s'en débarrasser.
Évidemment que c'est sage. Tu ne sens pas ta douleur à l'idée de rester dans cette coquille bien fermée pour l'éternité ?
Pense à Michi.
Pense à Haruko.
Pense à elle.
Si Scott a remarqué mon petit moment de flottement, il n'en montre rien, et se contente de hausser les épaules.
« Faut croire que j'ai un truc avec les grands mecs bronzés qui ont une tendance au sarcasme. On s'est un peu échangés des piques dans les premiers mois avant qu'on ait une vraie conversation, et c'est là que je me suis rendu compte que c'était plus un vrai tas à traumas qu'un type foncièrement mauvais. Et puis surtout, ça crevait les yeux que je lui plaisais et qu'il essayait de m'envoyer chier pour éviter de refaire une connerie relationnelle. »
... Eh bien je crois que j'ai ma réponse à « à quel point Scott Alexander est-il lucide sur les sentiments de notre ami le Révolutionnaire ». Tout le monde n'est pas aussi idiot que toi, dirait-on, Reina. Je me contente de hausser les épaules, alors qu'il pouffe.
« On s'est en quelque sorte mis ensemble dans le courant de février dernier, un peu grâce à Emerens qui m'a poussé au cul, d'ailleurs. Fin c'est compliqué. Lui, il a du mal à m'exprimer son affection, et moi, j'aime pas être contraint à quelqu'un, du coup je sais pas si on peut vraiment dire qu'on est en couple. Mais ça nous convient à tous les deux. Et puis, j'suis heureux d'avoir trouvé un mec cool à Hope's Peak, même si ça m'a valu de me faire capturer. »
Un « mec bien »... Quelques jours plus tôt, je n'aurai pas cru que cette description puisse correspondre à Daisuke. Imprévisible, oui. Solitaire, aussi. Une énigme, peut-être. Mais un mec bien ? je n'y aurais pas cru s'il n'y avait pas eu cet après-midi.
Je hausse les épaules.
« Je suis contente pour toi.
— Ah ! Je me disais bien qu'il y avait un truc derrière ta pseudo homophobie ! N'importe qui qui y croirait vraiment m'aurait bien emmerdé ! »
... Merci pour cette déduction merveilleuse, Scott ! Franchement, je ne m'en serais pas doutée toute seule. Je hausse les épaules, avant de grommeler, du ton le plus égal que je puisse :
« On va dire que c'est une protection comme une autre.
— Pas convaincu mais je sais rien de toi, je te laisse le bénéfice du doute. J'demanderai à Daisuke ce qu'il en pense.
— Bonne question, je soupire. Des fois, il a l'air au comble du mépris, d'autres... Il m'a aidé à me sortir d'une crise d'angoisse, cet après-midi.
— Ah ouais ? Comment il a fait ? »
Je rassemble mes souvenirs, avec délicatesse, de derrière le brouillard de cette affreuse journée.
« En me laissant mordre sa main... Et en me posant des questions. Simples. Pour me faire me concentrer sur le présent, sur les liens de chaque chose dans le monde... »
Un léger sourire se dessine sur le visage de Scott. Un sourire presque... Attendri.
« Ouais, je vois. C'est moi qui lui aie appris ça. Un truc que je tenais d'un de mes ex, avant de venir à Hope's Peak. Je dois dire que ça m'a bien aidé, tiens, mate ! »
Il lève sa main gauche, me montrant une cicatrice bien distincte de morsure, des dents qui ont l'air bien assez grosses et agressives pour appartenir à Daisuke, tiens. Visiblement, il n'a pas l'air de s'en cacher, puisque mon regard étonné le fait rire.
« Ma propre blessure de guerre ! Comme quoi, hein... Content de voir que ça a servi à quelqu'un ! »
De nouveau, il rigole. Me laissant me détendre légèrement dans son fauteuil, appréciant, le temps d'un instant, sa nature de bon vivant.
____
Première visite des proches aujourd'hui du coup ! Il en restera deux passke voilà, vous aurez la surprise de qui d'autre Reina ira voir-
Et sinon un avis sur ces révélations surprise ? :)
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