Chapitre 3 (2) : Nighttime anger
Je ne comptais pas me joindre de nouveau à la discussion, mais mes pensées deviennent trop lourdes à porter pour que je m'y intéresse seule. Et de toute façon, je crois qu'Haruko n'a pas fini de parler, et qu'il y a encore des choses à décider. D'ailleurs, je la vois sortir son Monopad. Je sais très bien ce qu'elle gère dessus.
« Avant toute chose, je crois qu'il va falloir réorganiser les tours de visite. Désormais, il manque deux personnes dans les roulements et... Ryo et Shô nous ont prouvé qu'on ne pouvait se permettre de manquer un seul jour.
— On... Reprend du début ? Demande Yuuki d'une toute petite voix. Ou on case juste des gens dans les trous ? »
Haruko pousse un profond soupir.
« Le plus juste, c'est encore qu'on reprenne du début. Et qu'on essaie d'instaurer un genre de surveillance. Avec une autre personne pour assurer ses arrières. Comme ça, si quelqu'un oublie ou pour une raison X n'est pas en mesure d'y aller, l'autre pourra prendre sa place. »
Elle jette un regard toujours aussi froid à Taichi. Je me suis posé la question avec son intervention de tout à l'heure, mais... Est-ce qu'elle le rend responsable ?
Je devrais lui en parler. C'est beaucoup trop cruel de sa part.
Je pense très sincèrement qu'il se rend déjà assez coupable comme ça.
« Très bien, reprend Haruko. Quelqu'un veut y aller ce soir ? »
Je m'attendais à ce que des gens se proposent. Mais le silence règne. Personne n'ose ne serait-ce que prendre la parole. Et puis, Sora à côté de moi se lève, et agite la main en direction d'Haruko. Cette dernière hoche la tête.
« Tu veux y aller, Sora ?
— ... Oui, mais... Ce n'était pas ce que je voulais dire. En fait, bredouille Sora, l'air d'être mal à l'aise à cause des regards environnants, je trouve que cette place devrait plus revenir à Reina... Elle n'a pas eu un seul tour durant le dernier mois, et si elle y était allée... Elle aurait peut-être pu voir que quelque chose clochait... »
Non pas que ça aurait changé quelque chose. Tout était calibré pour que Shô en arrive à tuer, peut-être même que Ryo n'aurait pas dû dépasser ce stade quoi qu'il arrive. Son raisonnement me touche un peu, mais je ne peux m'empêcher de croire qu'il m'accorde beaucoup trop de crédit. Et les regards des autres, approbateurs, ne me rassurent pas vraiment.
« Sorasaki a raison, intervient Akihito, qui s'est rapproché. Non pas que je sois aussi optimiste que lui quant aux chances de survie de Ryo dans ces conditions, mais Reina mérite cette place. »
Belle manière de se faire pardonner, je ne peux m'empêcher de penser. Il croit sans doute me faire une faveur, mais je n'ai absolument rien demandé. Shizuka me jette d'ailleurs un drôle de regard en coin. Pas étonnant, j'imagine. Iel est un des rares à savoir que je ne suis pas spécialement motivée pour aller voir mes proches. D'ailleurs, je crois qu'iel n'est pas lae seul.e à le comprendre. Yuuki vient de me jeter un regard en biais.
Haruko ne semble d'ailleurs pas décidée à me laisser la place. Sans doute, me dis-je, parce que je n'ai pas dit un mot depuis que Sora a suggéré me la donner. Compréhensible. Mais visiblement, personne d'autre ne souhaite la prendre.
Est-ce que j'accepte cette étrange faveur ?
Cela reviendrait à me mettre face à mes propres erreurs.
Mais est-ce que je ne fais pas que ça depuis le début de cette horreur, telle est la question, et je pense que je n'ai pas fini d'y apporter une réponse. De toute façon, je ne pourrai pas y déroger très longtemps.
Haruko me jette encore un regard avant de lancer :
« Tout le monde est d'accord pour que Reina prenne la place ? »
Un concert d'assentiments retentit dans la salle. Tous chuchotés, certains peu convaincus, mais je reconnais dans ces murmures des voix que je n'aurais jamais pensé entendre. Daisuke est de tous le plus surprenant. Et le regard en coin qu'il me lance, dénué de toute froideur, ne m'aide pas à me faire une idée sur ce que pense le Révolutionnaire de moi. Cet homme est un concentré de mystère à lui tout seul et j'ai l'impression que je n'ai pas fini de dévoiler l'étendue de sa psyché...
Mais le fait que même lui y consente me fait comprendre que je n'ai pas vraiment le choix.
« D'accord, je soupire. Je prends ce soir.
— Si tu es d'accord, alors, répond Haruko. Je prends tes arrières. Maintenant, pour demain, continue-t-elle en pianotant sur sa tablette, qui veut y aller, et qui veut assurer ses arrières ? »
Je préfère ne pas vérifier. De toute façon, avec la précaution supplémentaire d'Haruko, j'imagine que je n'en aurai pas vraiment besoin. Je préfère écouter la répartition d'une oreille, en observant le reste de la salle.
« Ça va aller, Reina ? Me chuchote Sora. Désolé si je t'ai prise au dépourvu... Mais je pense vraiment ce que j'ai dit. Tu mérites cette place.
— Ce n'était pas vraiment un cadeau tu sais, je soupire. Mais merci. »
Quelque part, ça m'a fait plaisir qu'il pense à moi. Et ce sentiment est... Agréable. Je crois que je vais le garder en mémoire encore un peu. Un des rares moments agréables de cette Tuerie, un moment où je me sens en sécurité.
Une touffe de cheveux roses attire mon attention près de la porte. Je me détourne de Sora pour regarder Taichi fermer la porte derrière lui, sans le moindre mot ni même gros bruit. Ce dernier, sans doute ayant suivi mon regard, pince les lèvres.
« J'aime pas beaucoup Okumura, j'imagine que tu le sais... Mais là, j'ai vraiment mal pour lui. Je crois que j'irai lui parler tout à l'heure.
— Tu ne préfères pas que je m'en occupe ? Taichi... Ne voudra peut-être pas te voir. »
Sora grimace.
« Ouais, je sais. Je lui rappellerai probablement trop Ryo. Mais je crois que j'ai des excuses à lui faire. Pour l'attitude d'Haruko, et la mienne. Et si je peux apporter un peu de réconfort... »
C'est noble de ta part. Je t'envie cette capacité à mettre tes rancunes de côté. Devant la douleur que les gens éprouvent, nous devrions tous être liés... Non ?
Je ne sais pas. Et je ne veux pas y penser.
Pas alors qu'un autre type de lien, tendu et gouttant de rouge, s'impose à mon esprit.
La journée passe comme un éclair. Ou plutôt dans le brouillard. En attendant le soit, vingt-trois heures, j'ai fait... Ce que je faisais avant. J'ai référencé les médicaments en sachant très bien que j'avais terminé. J'ai fait le tour des premiers et seconds étages pour fouiller ce que j'avais déjà fouillé. Je n'ai même pas posé à aller voir cette bibliothèque géante. Je crois que ça faisait beaucoup trop pour moi. Tant pis. On verra demain. Aujourd'hui, j'ai préféré débrancher mon cerveau.
J'ai vécu, mangé, dormi. Maintenant, il est l'heure, et je me dirige telle un des robots de Monokuma vers le lieu où elle m'attend, le belvédère. Je sens tout juste une présence derrière moi, j'imagine que c'est celle d'Haruko qui me suit. Je suis contente que ce soit elle qui assure mes arrières. Au moins, elle ne se posera pas de questions si elle me voit me débiner, comme j'en meurs d'envie depuis le début de cette journée.
Je ne sais pas ce qui m'empêche de me retourner et de prendre mes jambes à mon cou. Je sais juste que quand j'arrive devant Monokuma et que cette dernière me jette un large sourire, je n'ai pas le moindre geste de recul. Même pas quand elle s'avance vers moi et relève le menton dans ma direction, et que je remarque le bandeau dans ses mains.
« Tiens donc ! Aujourd'hui c'est toi qui es de corvée ? ça alors, moi qui pensais que j'allais voir un autre robot sans cœur surgir de nulle part... »
C'est toi, le robot sans cœur, je me retiens de lui répondre. De toute façon, ça ne sert à rien.
« Alors, rigole-t-elle. Vu que c'est ta première fois et que j'imagine que tu n'as pas eu beaucoup de... De prévention de la part de tes collègues, toi, je vais t'expliquer quelques règles ! »
.... Elle ose employer ce vocabulaire si spécifique, cette sale fille de- Non. Non, je ne peux pas. Mais je ne peux pas non plus oublier qu'elle fait exprès de mettre du sel sur les plaies toutes récentes qu'elle a ouvertes.
« Donc, rit-elle encore plus en relevant son bandeau, insensible à la colère qui m'agite, je vais devoir te bander les yeux, ma jolie ! N'essaye pas de te débattre, je ne compte pas en profiter, même si j'en suis sûre tu serais charmante entièrement à ma merci... upupupupupu, inutile de me lancer ce regard dégoûté ! C'est juste que je n'ai que moyennement envie que tu retraces le chemin jusqu'ici, ce serait contre-productif... »
Je m'y attendais un peu, mais ça ne rend pas la phrase de Monokuma moins frustrante. La simple idée d'être privée de ma vue avec elle juste derrière me dégoûte au plus haut point et je n'arrive même pas à empêcher cette émotion de s'exprimer sur mon visage. Ou peut-être n'en ai-je pas envie. Je ne sais pas, et je n'ai pas envie de savoir.
Néanmoins, je n'ai pas vraiment le choix. Alors je me contente de me pencher sans mot dire, et laisse Monokuma entourer mon crâne du bandeau, rendant le monde entièrement noir.
Je n'ai plus qu'une seule sensation. C'est la main de notre tortionnaire qui serre la mienne, m'entraîne à travers des couloirs que je ne parviens pas à reconnaître. Plusieurs fois sans doute, on fait demi-tour, sans doute pour perturber mon sens de l'orientation ; mais au vu de la pression que je ressens, nous sommes profondément, très profondément enfouis, lorsqu'elle retire enfin mon bandeau et dévoile à ma vue une série de portes barrées, dissimulant des salles creusées dans la roche.
« Et voilà ! Ricane Monokuma. Je vais ouvrir les portes, puis zoup-là, plus de Monokuma ! Il faut bien vous laisser un peu d'intimité... Quand tu voudras remonter, contente-toi d'appuyer sur ce bouton, il dégage un gaz soporifique ! Simple mesure de précaution pour empêcher qu'un de nos invités ne s'échappe... Pas que ça soit pour son bien, note-le, mais vous ne voulez surtout pas que je tue une personne de plus, si ? »
... Je n'en ai en effet pas la moindre envie. Mais difficile de répondre à Monokuma dans ces conditions. Je me contente de soupirer, et Monokuma rigole, avant de se diriger vers une console de boutons verrouillée incrustée dans le mur. Un seul m'est accessible, le gros qui orne toute la partie basse du tableau, avec un petit nuage dessus. Sans doute le gaz soporifique.
On dirait que je n'aurai pas accès à grand-chose dans cette pièce.
Un tour de clé et un appui sur un bouton, et toutes les portes s'ouvrent. Monokuma me fait un grand signe de la main, avant de hurler :
« Allez, dehors ! Vous avez de la visite ! »
Et de disparaître aussitôt dans une porte que je viens de remarquer. Qui se referme évidemment juste derrière elle. Eh bien, c'est sécurisé par ici.
J'entends des murmures alors que la porte se referme derrière moi. Et puis, quinze silhouettes faméliques sortent de leurs prisons avec hésitation. Certains plus lentement que d'autres.
« Saloperie de Monokuma, bon sang... Oh tiens ? Qui tu es, toi ? »
C'est une jeune femme aux cheveux turquoise et rose qui vient de parler, après s'être précipitée hors de sa cellule. Ses vêtements violets sont déchirés, mais pour une captive qui semble ne pas tout à fait manger à sa faim, elle m'a l'air plutôt en forme. Ses muscles se dessinent sous les déchirures et elle se tient droite devant moi. Et évidemment, son sourire édenté éveille un léger écho en moi.
J'ai déjà vu ce visage. Sur une photo, montrée en vitesse dans une salle de concert. Sous le doigt plein de fierté d'un grand frère encore plein d'espoir.
Evdokia Okumura.
La petite sœur de Taichi.
Elle voit sans doute à mon visage que je la reconnais. Mais elle ne se pose pas vraiment de questions. Elle se contente de se rapprocher de moi.
« Eh... ça va ? t'as l'air un peu à l'ouest.
— C'est... C'est rien, je soupire. Moment d'égarement. Vous êtes vraiment... Aussi mal logés ?
— Nous sommes mieux installés qu'on pourrait le croire, fait une voix chevrotante à ma gauche. Nous disposons d'un lit, de vêtements régulièrement lavés, de nourriture suffisante et de notre hygiène. Mais tout est conçu pour nous faire penser que... Nous sommes prisonniers. »
Cette voix aussi, je la reconnais. Un nouvel écho, cette fois du passé, aussi lointain que ces insupportables galas familiaux auxquels je n'ai cessé d'assister. La pâle figure qui accompagnait Kichiro, et m'éloignait d'une petite tape sur la tête et d'un bonbon quand je cherchais à m'approcher de trop près. Mary Smith. La gouvernante de l'Ultime ambassadeur.
Je ne peux retenir les larmes me monter aux yeux. Pas alors que la vieille dame s'approche de moi avec un sourire compatissant.
« Tu es la petite Reina, n'est-ce pas ? La dernière fois que je t'ai vue, tu n'étais pas plus haute que ça... Ma pauvre choute, je suis désolée pour toi. »
Elle fait un geste vers sa taille avant de me pincer doucement la joue.
« Se retrouver forcée à jouer à un jeu pareil... Des fois, je me dis qu'il est peut-être bon que mon petit Kichiro soit mort en premier dans cette horreur. Au moins... Il n'a pas été témoin de cette atrocité. »
Mais il en a joué le jeu... Cette femme ne semble pas savoir que sans Hina, Kichiro aurait été celui jugé devant le premier tribunal de l'Enfer. Je préfère ne pas lui dire. Je ne sais pas à quel point ils sont au courant. Ni si je peux vraiment en savoir plus.
« Est-ce que vous savez... Ce qu'il se passe ?
— Oui, intervient une troisième voix, sèche et cassante. Ça, pour savoir, on sait. Monokuma, cette enfant de catin, passe son temps à tout nous raconter. Et puis, quand elle est venue torturer, puis enlever Shirô, on pouvait difficilement rester ignorants, vous ne croyez pas ? »
Celle-ci, je ne la reconnais pas. Les cheveux roux et bouclés et les yeux rose vif me donnent une petite information sur la personne à qui elle est reliée, mais je préfère ne pas m'avancer. De toute façon, vu comment elle me regarde avec hostilité derrière les traces d'un mascara étalé sous ses paupières, je préfère ne pas m'approcher.
« Rinka, soupire une autre voix, d'un calme olympien et douce comme le miel, je t'en prie, calme-toi. Se disputer ne sert à rien. Cette fille reste notre meilleur moyen d'obtenir des informations de l'extérieur, même si on ne l'a jamais vue. »
Un homme sort de l'ombre. Il est grand, sec presque, et je vois des mains de pianiste s'agiter doucement près de ses hanches. Il me regarde avec curiosité, mais aucune hostilité, et son visage se fend même d'un sourire poli lorsqu'il me tend la main.
« Kanade Kita, enchanté. Vous devez sûrement me connaître de ma pupille, Haruko. »
Effectivement, je me souviens l'avoie entendue le mentionner... Je dois dire que je ne m'attendais pas à un homme de cette prestance. Tout dans son attitude est fait pour me mettre à l'aise. Pourtant, il y a quelque chose en lui... Qui me fiche la chair de poule.
Peut-être est-ce que je n'arrive pas à bien discerner les traits de son visage. Ou alors, c'est cette espèce de brume qui guide chacun de ses mouvements, qui me donne l'impression d'être face à un être éthéré.
En tout cas, le malaise que je ressens ne fait que s'accentuer alors qu'il me tourne le dos.
Je soupire, pour cacher la frayeur qui me paralyse.
« ... Sans savoir ce que vous savez... C'est un peu compliqué de vous tenir au courant...
— Vos camarades s'en chargent, ne vous inquiétez pas, » réplique une petite femme à côté de moi. Ses cheveux bleu turquoise me font tout de suite identifier la mère de Sora. Le malaise que je ressens se dissipe aussitôt. Enfin, presque. Kanade me regarde toujours.
« Sauf hier ! Quand Monokuma est venue chercher Shirô... Et ne nous l'a jamais ramené, intervient un garçon aux cheveux noirs bouclés. Personne n'est venu, et j'ai eu peur... Peur qu'ont ait encore été oubliés, et que Monokuma lui ait juste donné un sursis... »
Silence.
Je fixe ce garçon droit dans les yeux, incapable de détourner le regard. Lui, devant mon air, se tord les doigts, d'un air paniqué.
« ... ça va ? j'ai dit quelque chose qu'il fallait pas ? »
... Hier.... Hier c'était... Le procès.
Donc ils ne savent même pas. Ils ne savent même pas qu'on a eu trois morts supplémentaires... Qu'ils ne reverront plus jamais ce garçon, qu'il a servi de mobile dans une machinerie entretenue avec notre propre sang.
Je serre les dents. J'aimerais fuir très loin, oublier toute cette histoire, et me contenter d'attendre la mort en silence. Mais je dois une explication à ces gens.
Maudit Sora. Il m'a offert le pire travail et je prie pour que ce ne soit pas en connaissance de cause.
Je soupire, et finis par tout leur raconter, à mots succincts, devant une foule toujours plus grandissante. Qui me fait au moins grâce de questions incessantes. Je n'ai que le silence pour me tenir compagnie.
Ce n'est que lorsque je termine que j'entends des sanglots.
C'est le garçon aux cheveux noirs qui m'a posé la question qui fond en larmes. Je vois deux autres gars, d'à peu près son âge, le soutenir doucement alors qu'il s'effondre, me laissant regarder le spectacle, presque agitée d'une fascination morbide. De toute façon, que puis-je faire ? A part leur apporter la terrible nouvelle ?
L'un d'entre eux, un rouquin aux cheveux ramenés en arrière, lui tape doucement le dos.
« Allez, Leo, ça va aller. Fallait mieux maintenant que plus tard, et vu qu'il s'était recassé la jambe... Je pense les chances de s'en tirer étaient assez faibles. »
Drôle de manière de réconforter mais je ne peux pas vraiment lui en vouloir. Il est quelque part très réaliste. Et visiblement, ça à l'air de secouer ledit Leo, qui sanglote un peu mais lui file un coup de poing dans l'épaule. Leo... J'ai donc affaire au fameux Leo Kimura, le fuyard, le proche de Ryo qui a perdu son protecteur ?
Le garçon qui vient de se prendre le coup de poing ne bronche pas d'un pouce. Il se contente de lui retaper dans le dos encore un peu, avant de se tourner vers moi.
« Désolé, du coup je suis pas très poli. Scott Alexander, Ultime Graffeur. Lui, c'est Leo Kimura et l'autre gars, c'est Akumu Todachi, ils sont tous les deux de la Réserve... »
Je plisse les yeux, tentant de mettre des noms sur leurs visages. Donc ces deux là sont les proches de Soma et... Et de Daisuke ? Voici donc l'homme qu'il tient tant à protéger. Vu d'ici, je ne vois pas ce qu'il a de spécial, de prime abord il me paraît presque antipathique. Mais bon, on parle de l'Ultime Révolutionnaire, donc j'imagine qu'il doit correspondre à ce qu'il aime chez les gens.
Je jette un rapide coup d'œil aux autres. Il y a un autre garçon, blond, qui me salue en anglais que je peine à lui rendre ; Un autre que je reconnais, puisqu'il s'agit de Kyutaro, l'ex petit ami de Saki. Une vilaine balafre récente lui orne la joue, je n'ai pas envie de lui demander d'où elle vient. À côté, en train de pleurer doucement, il y a Mahiru ; un homme dans la cinquantaine lui offre mouchoir sur mouchoir. Remarquant mon regard, il se désigne sous le nom de Viktor Kanda, avant de présenter Kyutaro, Mahiru et l'autre garçon que je n'avais pas reconnu, un certain Kiëran Jones. Les trois me regardent et m'adressent un signe de tête discret. Plus loin, un homme de haute stature dont les traits du visage éveillent un écho à ma mémoire me fait un petit signe rassurant, avant de se désigner sous le nom de Khalil Sasaki. Reconnaissant un grand frère de Michi, je m'incline devant lui avec le plus de respect dont je suis capable.
Et puis, adossée dans un coin de la prison, en train de lire un livre d'un air serein, il y a cette femme. Une blonde, que je ne peux que qualifier d'absolument magnifique, qui détone ici de son air nonchalant et de la prestance qu'elle affiche. C'est à peine, en la voyant, si je remarque qu'elle est prisonnière. Pour un peu, je la prendrais pour une des geôlières. Peut-être même l'est-elle, vu le cercle de vide constitué autour d'elle. Aucun des treize autres présents ne cherchent à l'approcher.
Sans doute a-t-elle senti mon regard, puisque son livre se referme d'un claquement sec, et qu'elle se dirige vers moi. La foule s'écarte sur son chemin, et je ne peux faire aucun mouvement alors qu'elle referme ses doigts autour de mon menton, et qu'un léger sourire étire ses lèvres rouge bordeaux.
« Tiens donc... Tu dois être la fameuse Reina Satou. »
Je déglutis. D'où elle connaît mon nom ? Je prie pour que ce soit l'un des autres qui lui aient révélé, mais vu le regard fuyant de ceux qui m'entourent, personne ne semble vouloir l'approcher.
Son œil se met à scintiller d'une lueur étrange alors qu'elle se penche vers moi. Me laissant tout le loisir de discerner une cicatrice sur sa joue.
« Ravie de te rencontrer. Shizuka m'a beaucoup parlé de toi, mais je commençais à me dire que je ne te verrais jamais dans cet endroit noir et froid... »
Shizuka... Cette femme est donc Kazumi Mizutani. Sa sœur, si je me souviens bien. Maintenant qu'elle a prononcé son nom, je vois tout de suite l'air de famille. À la différence que Kazumi est bien plus terrifiante, et qu'elle ne semble pas vouloir atténuer d'un iota cette aura qui l'entoure. Sans compter... Cette espèce d'importance, que je sens émaner d'elle. Je ne sais pas trop pourquoi, mais j'ai le sentiment que Kazumi Mizutani n'est pas n'importe qui. Même très loin d'être n'importe qui.
Je n'ose pas me dégager de sa prise. Heureusement pour moi, ses doigts finissent par se desserrer de mon menton, et elle me sourit encore davantage.
« Difficile de voir pourquoi tu l'intéresses autant dans ces conditions. Tu m'as plus l'air d'une proie égarée que d'un catalyseur... Enfin, j'imagine que je devrais faire confiance à son jugement.
— C'est ça, grommelle une autre voix dans un coin. Catalyseur mes fesses, Kazumi. Franchement, tan adelphe s'intéresse à la mauvaise personne. »
Et nous y voilà. La personne que je refusais plus que tout de voir dans ces conditions, que j'évite depuis bien deux ans désormais, et qui en fait bien autant à mon égard. Ses cheveux noirs atteignant son dos, et la bague qu'elle me montre ostensiblement d'un tel geste que cela ne peut être qu'intentionnel. Isami Satou, ma cousine, qui se dirige vers moi avec un air plein de mépris.
« Tu en as mis du temps pour venir nous voir, Reina. »
L'accusation déguisée ne m'échappe évidemment pas. D'ailleurs, aux autres non plus ; puisque chacun d'entre eux se glisse vers une cellule éloignée de nous sans dire un mot. J'ai tout juste droit à un regard d'excuse de Scott. Kazumi, quant à elle, se contente de me fixer.
« Hm. J'attends avec impatience de voir ton potentiel. »
Avant de s'éloigner vers une autre cellule, me laissant virtuellement seule avec Isami. Qui me fixe toujours avec le même mépris.
Je ne peux que baisser les yeux.
« J'avais beaucoup à faire... Et certainement pas le mérite de prendre la place d'un autre.
— Ah ça, on a bien vu le résultat, grimace Isami. Les autres sont pas moins pourris, et ce sont pas les hurlements de douleur de Shirô qui me diront le contraire. On les a tous entendus, tu sais ? Cette connasse de Monokuma ne s'est pas privée pour le torturer ici. Alors, dis-moi, qu'est-ce que vous avez fait pour mériter ça ? »
À part être des génies ? Rien. Et ce n'est pas certains livres d'éthiciens que je connaisse qui me feront changer d'avis. Mais je n'arrive pas à parler. J'arrive à peine à lui répondre. Ce qui d'ailleurs semble l'énerver plus qu'autre chose.
« Reina ! Je te parle, espèce d'idiote !
— Tu as lu le livre, je crois, je réponds, du ton le plus égal que je puisse sans me mettre à pleurer. Ce n'est encore qu'une sordide affaire de meurtres de génies.
— Oui, et j'ai aussi lu sa contre-attaque sur la fin du monde, ça m'a pas empêché de me dire que vous avez forcément un truc à voir dans tout ça. Ils n'enlèvent tout de même pas les gens au hasard ? »
Et pourtant si... Et pourtant non. Quelque chose me dit que des gens comme Shizuka, Haruko, Daisuke ou même Akihito ne sont pas là par hasard. Mais leurs crimes... J'ignore lesquels. Ici, tous ceux encore vivants n'ont pu commettre de crimes. Je soupire.
« On est des adolescents pour la plupart, Isami. Je ne pense pas qu'il s'agit d'une histoire de mérite. Sinon, est-ce que tout génie mériterait la peine de mort ?
— Non. Certes. »
Elle se tait, avant de soupirer.
« Et toi, qu'est-ce que tu fais là, hein, Reina ? Si tu as vraiment tant de choses à faire, tu ne serais pas là aujourd'hui. Ou alors c'est à toi qu'on refile le sale boulot de parler du dernier meurtre en date ? Merci, on avait compris que Shirô ne reviendrait pas. Un dommage collatéral, qu'à dit Monokuma... juste pour être cruel envers vous, il s'est fait tuer, alors que je suis sûre que la moitié d'entre vous n'auraient même pas pleuré pour lui dans d'autres circonstances ! »
Je grimace. A-t-elle raison, a-t-elle tort ? Je ne veux même pas lui poser la question. Cette conversation entière m'insupporte, elle me donne envie de me cacher dans un trou de souris et de ne plus jamais en sortir. Je ne veux plus avoir à lui parler. Je ne veux pas avoir à la confronter. Je veux juste... Oublier. Oublier tout.
« Réponds-moi, Reina, soupire Isami. Est-ce que ne serait-ce que l'un d'entre vous aurait vraiment été ému par sa mort ? »
... C'était une victime innocente, évidemment que nous ne sommes pas tous des sauvages égoïstes ! Je serre les dents, cherchant à conserver mon calme.
« Il reste une victime de cet enfer, comme nous, j'insiste sur ce terme avec prudence. Évidemment que nous en aurions été affectés, même si Shô n'avait pas eu à le tuer. Et franchement je me demande bien ce qui motive ta haine envers nous.
— Une bande d'hypocrites pareils capable de t'apprécier ne mérite pas mon respect, grogne Isami. Ou bien alors c'est toi qui n'as pas jugé utile de leur révéler tes vraies opinions, miss parfaite ? Parce que même des plus homosexuels je n'entends que des compliments envers toi ! T'es fière de toi, tu les convertis à l'homophobie que tu te traînes avec fierté ?!? Bravo, bien la manipulation ! »
Un grondement se répand dans mes entrailles. Je sens le feu monter. Encore. Et encore.
Je dois l'éteindre.
Au plus vite.
« Je n'ai pas à leur dire tout ce que je pense de leur mode de vie, surtout dans un lieu où toutes les raisons sont bonnes de tuer, je soupire, gardant une respiration égale. Je sais très bien ce que ça me vaut d'avertir d'un danger.
— Danger ?!? Tu es culottée, ma grande ! Hurle Isami. Venir me dire à l'annonce de mes fiançailles que mon mariage avec Liha ne m'apporterait que du malheur, qu'épouser une femme n'était qu'une source de problèmes, ce n'est pas représenter le danger que tu dis craindre si fort ?!? J'appelle ça de l'hypocrisie, rien de plus, et je sais pas qui t'as refilé cette idée dans la tête, mais franchement je ne le félicite pas ! »
Qui... Plutôt quoi.
Quoi... Plutôt qui...
Je serre les poings. Du calme, Reina. Du calme. Tu sais que son énervement est justifié, n'est-ce pas ? C'est de ta faute, ta faute, entièrement ta faute. Résiste. Inutile de t'énerver, elle ne le mérite pas, elle ne mérite pas ça.
« Je veux bien que ce n'était pas très... Même pas du tout honnête de ma part. Mais...
— Tu étais censé être ma demoiselle d'honneur ! Me coupe ma cousine d'un hurlement toujours plus aigu. Je te faisais confiance, je savais que je n'avais rien à craindre de toi, et tu me sors ça un des plus beaux jours de ma vie sans te rendre compte des conséquences ! Je t'interdis de me parler d'honnêteté, parce que là franchement il y a beaucoup à dire ! Et après tu t'étonnes de n'avoir pu garder Hanamiya avec toi ? »
Cette fois je ne peux me retenir.
La gifle part. Et avec elle mes dernières contenances.
« Je t'interdis de prononcer son nom ! »
J'ai hurlé.
Jamais ma voix n'a porté aussi loin. Je me doute bien que cette fichue prison ne m'apporte pas la moindre once d'intimité, mais cette fois Isami est allée beaucoup trop loin.
Elle n'aurait pas dû dire son nom.
Non.
Pas elle.
Elle ne peut pas la mêler à cette histoire.
Ma cousine me fixe, sidérée, une main sur sa joue. Je sens qu'elle a envie de hurler, que je lui ai fourni l'excuse qu'elle attendait pour me traîner plus bas que terre. Mais je ne lui en laisse pas l'occasion.
« Et qu'est-ce que tu fais de mes sentiments à moi, hein ?!? De ta manière de venir me voir alors que tu savais très bien que je ne voulais pas être mêlée à ça, que tu savais très bien pourquoi ! Parce que je me doute bien que tante Rin n'a pas pu se retenir de cracher le morceau, pas vrai ?!? Tu sais très bien ce qui lui est vraiment arrivé, et ne me mens pas ! Je vois ta culpabilité sur ton visage ! Tu peux me parler de mon hypocrisie autant que tu le veux, reste que je refuse que tu la mêles à ça ! »
Isami lève la main. Je sens qu'elle va me gifler. Pas que ce serait la première fois.
Sauf que cette fois, je bloque sa main.
« Reina...
— Ferme-là, je siffle, au bord des larmes. Tu avais tous les droits de m'insulter. Mais ne la mêle pas à ça. Tu n'en as pas le droit. »
Je projette sa main loin de moi. Puis, je me détourne et appuie sur ce satané bouton, mes yeux plus brouillés par mes larmes que par la poussière et le gaz.
Alors que je tombe au sol, cependant, ce n'est pas le visage outré d'Isami qui se dessine dans la brume du somnifère. Ni même celui de n'importe quel autre des prisonniers.
C'est le sien.
____________
Hello, my fellow readers !
Qu'avez vous pensé de ce chapitre, qui sera il faut bien l'avouer déterminant pour le développement de Reina ?
Toute première crise d'énervement véritable mise à part, c'est maintenant que commence la feature de votes dont on vous a parlé au chapitre précédent !
Il s'agira de voter pour quels proches Reina ira voir durant ce chapitre. Sachant qu'il y en a trois, que vous aurez droit à deux votes, et qu'ils pourront vous parler plus en détail de la backstory des morts (à l'exception de Shô, et plus tard des autres tueurs), de la backstory des vivants si vous avez pas eu les bons FTE et que vous craignez de passer à côté d'un truc, mais aussi du lore du NCU si vous tombez sur la, ou les, bonnes personnes !
Shirô est mort, donc vous ne pourrez pas le voir (logik), et Isami est hors-liste pour le moment. Vous avez donc accès à quatorze proches-
Je vais vous mettre la liste des proches avec derrière le nom de la personne à qui ils sont reliés, afin de vous faire une idée !
Commençons donc :
Victor Kanda (Akihito, Ultime Chroniqueur)
Scott Alexander (Daisuke, Ultime Révolutionnaire)
Kanade Kita (Haruko, Ultime Journaliste)
Mahiru Nanami (Hina, Ultime Préparatrice de mariages)
Kiëran Jones (Junko, Ultime Espionne)
Mary Smith (Kichiro, Ultime Ambassadeur)
Khalil Sasaki (Michi, Ultime Judoka)
Leo Kimura (Ryo, Ultime Batteur)
Kyutaro Kanada (Saki, Ultime Stratège)
Kazumi Mizutani (Shizuka, Ultime Généticien.ne)
Akumu Todachi (Soma, Ultime Illustrateur)
Eri Yamasaki (Sora, Ultime Ecrivain Fantasy)
Evdokia Okumura (Taichi, Ultime Prêtre)
Rinka Maeda (Yuuki, Ultime Gamer)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top