Chapitre 2 (5) : Damned be the name list
La journée s'est écoulée assez calmement, au vu du contexte dans lequel nous nous trouvions. La soirée qui a suivi n'a eu absolument rien de notable non plus, mis à part notre pesant silence, emprisonnant nos craintes dans sa chape de plomb. Et ensuite, Haruko nous a quittés, pour rejoindre Monokuma. Et chacun à son tour, nous avons quitté le réfectoire, un a un, pour rejoindre nos chambres.
Pas un n'a annoncé son envie de sortir.
C'est ainsi que ce matin, nous nous retrouvons ensemble dans le réfectoire, toujours silencieux, dans l'attente de voir entrer dans la pièce Haruko avec nos précieuses nouvelles. Personne ne parle. Personne ne bouge. Je suis à la limite de dire que personne ne respire.
Encore une fois, je suis en compagnie de Michi et Sora. Cette fois, Yuuki nous a rejoints, avec une Junko réticente et un.e Shô silencieuxe comme une tombe. Nous sommes tous plus ou moins serrés les uns contre les autres, à divers degrés, et je pense qu'il n'est pas si étonnant de ma part que je dise que Michi et moi sommes les plus collées l'une à l'autre.
Le silence plane. Et puis la porte s'ouvre, et en émerge une Haruko les poings serrés, suivie par une Monokuma souriante. C'est d'ailleurs cette dernière qui parle en premier, les doigts voletant dans tous les sens et les dents découvertes.
« Salut la compagnie ! Vous allez bien ? »
Personne ne lui répond. Évidemment.
Pas même Haruko, qui se contente de darder un regard plein de rage sur la fine silhouette de notre maître de jeu. Ledit maître de jeu, d'ailleurs, ne semble pas s'en offusquer, puisqu'elle continue d'afficher son insupportable sourire.
« J'vais prendre ça pour un « Oh oui Monokuma, je me porte à merveille ! » et vous expliquer un p'tit peu pourquoi vous avez l'immense plaisir de me voir ! »
Parce qu'elle est là pour une nouvelle en plus ? Ô, joie, ô bonheur. Je me mords la lèvre violemment pour m'empêcher de cracher mon venin, cela n'aidera en rien et cela ne fera que déclencher la colère de Monokuma envers nous. Pour changer. Ou son amusement. En tout cas, je ne peux pas parler. Je me contente de serrer le bras de Michi à côté de moi, les lèvres pincées entre mes dents serrées.
« Donc, donc, donc ! Ça concerne vos proches chéris, évidemment. Enfin c'est pas grand-chose, puisque je dois bien vérifier qu'Haruko vous donne bien en direct et devant tout le monde la liste COMPLETE de qui est là ! Qui veut avoir des surprises ? »
... Comment ça le dire devant tout le monde ? Haruko va vraiment lister la liste des seize personnes ici ? Cela ne fait pas... Je ne sais pas... Partie de la vie privée ? J'ai du mal à comprendre ce que cherche Monokuma en faisant ça. Et je pense que les autres non plus, vu les regards. Shô grimace, Yuuki fait la tête, Sora a les genoux ramenés contre sa poitrine et se frotte les mains à intervalles réguliers...
« Si Monokuma a fini de parler, grommelle Haruko, je vais peut-être pouvoir commencer ?
— Upupupupu, j'ai pas fini non, rigole l'affreuse tortionnaire. Je tiens juste à vous rappeler que le mois de probation est toujours bien en vigueur, et que vos proches sont soumis aux mêmes conditions que vous... Upupupupu ! »
Et sur ces mots, elle va se planter dans un coin de la pièce, mains croisées sur sa robe noire bouffante, un immense sourire sur ses lèvres carmines. Le silence la suit, brisé seulement quelques instants plus tard par la voix lassée d'Haruko, qui soupire, le visage fermé.
« Navrée encore une fois pour le manque de discrétion de ma part, mais Monokuma ne me laisse pas énormément de choix. Je vais commencer la liste. Si vous reconnaissez une personne de votre entourage, inutile de vous manifester. »
Elle sort un papier de sa poche sous le poids des regards de toute l'assistance, se racle la gorge et commence à lire.
« Evdokia Okumura. »
Inutile de dire à qui appartient le cri de rage que j'entends dans un coin de la salle. Taichi vient de bondir de la table, les traits tirés et les membres tremblants. C'est toute la force que met Akihito dans sa poigne qui le persuade de descendre de son perchoir sans ajouter un mot de plus. Ce qui est inutile. Nous avons tous compris.
« Shirô Watanabe. »
Cette fois c'est Shô qui se tend. Blême, l'Ultime Chimiste se recroqueville, les larmes aux yeux, avant de se laisser doucement câliner par Junko. Yuuki lui tapote les joues, mais c'est trop tard, iel semble déconnecté.e de notre plan d'existence. Je grimace en constatant son état. Comme je peux le comprendre....
« Kazumi Mizutani. »
Le large sourire de Monokuma n'est rien comparé à la colère que je lis, au loin, sur le visage de Shizuka. Mais cet.te dernier.e arrive à superbement garder son calme, les bras croisés, se contentant de fixer notre maître de jeu d'un regard plus noir que je n'en ai jamais vu sur aucun visage. Et les esprits savent que j'ai croisé nombre regards de dégoût...
« Eri Yamasaki. »
Sora soupire. Visiblement, il s'y attendait. Ça ne l'empêche pas de me serrer le bras. Fort. Les yeux perdus dans le vide et le visage dénué de toute expression. Il me fait mal. Mais je préfère me rapprocher de lui plutôt que le prévenir, comprenant parfaitement son besoin de chercher une ancre.
« Rinka Maeda. »
Yuuki sursaute, avant de darder sur Haruko un regard empli de négativité. Mais j'ai l'impression que ce n'est pas la même négativité que celle sur le visage des autres. Plus que de la colère, ou du désespoir, on dirait presque... De la peur ? Mais pour qui ? Pour sa proche ? Ou pour elle ?
« Kyutaro Kanada. »
C'est le premier nom que je reconnais. Mais il ne s'agit pas de la personne proche de moi. Celle qui vient de se tendre comme un balai, c'est Saki, qui laisse échapper un petit gémissement avant de s'enfouir le visage dans le dos d'Akihito. Ce dernier reste immobile, malgré le fait qu'il retienne Taichi ; moi, je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe de culpabilité. J'aurais dû être à ses côtés, j'aurais dû être celle lui faisant oublier, même pour un court instant, que c'est le nom de son ex-petit ami qu'Haruko vient de prononcer.
J'irai lui parler tout à l'heure. Je dois m'excuser.
« Khalil Sasaki. »
Michi pousse un juron dans une langue qui n'est pas du japonais, avant de viser d'un coup de pied bien placé le coin d'une table. Un écho me revient en mémoire, celui du moment où on s'est rencontrées. Ce jour-là, son pied avait fait les frais de sa colère contre les coins de table ; aujourd'hui, c'est le bois qui se retrouve être la victime de son énervement, puisque les échardes pleuvent sur le sol. Un peu de sang coule de son pied, mais elle ne crie pas de douleur. Elle se contente de fixer Monokuma avec dégoût.
« Leo Kimura. »
Le nom éveille un vague écho à ma mémoire... Enfin j'ai vite ma réponse puisque Ryo frappe le sol avec une de ses béquilles, plusieurs fois, à intervalles réguliers. Son visage est fermé comme une huître. Il ne dit rien. Il ne fixe même pas Monokuma.
« Kiëran Jones. »
Le visage de Junko est indéchiffrable. Pourtant, j'en suis persuadée, ses doigts viennent de se crisper sur son collier de perles. Elle en porte une à sa bouche, et referme ses dents dessus, méthodiquement. Encore. Et encore. Et encore.
« Mahiru Nanami. Mary Smith. »
Aucune réaction. Ce qui est normal. Ces deux noms doivent être ceux qui, dans une toute autre situation, auraient fait réagir Kichiro et Hina. Je connais un peu Mahiru, elle s'est mariée très jeune à cause des exigences de sa famille, et Hina avait fait de son mieux pour passer la pilule avec une superbe cérémonie. Mary Smith doit être le nom d'une personne proche de Kichiro. Une gouvernante, sans doute.
« Scott Alexander. »
Au vu de la réaction de Daisuke, on vient d'entendre le nom de celui qui lui a fait étrangler Monokuma hier. Il crache sur le sol, une lueur mauvaise dans son œil vert, et tous ses muscles se contractent. Un frisson parcourt mon corps entier. Il me fait peur. Plus que jamais, je suis terrifiée par lui.
« Viktor Kanda. »
Akihito soupire, les yeux baissés, mais continue de maintenir Taichi, et laisse Saki s'appuyer sur lui. J'envie son calme.
« Akumu Todachi. »
Le cri de Soma me fait penser que je ne l'avais même pas remarqué jusqu'alors. Pourtant, il est bien là, blanc comme un linge, et son regard passant à toute vitesse de Haruko à Sora. Quelques-uns le fixent, mais personne ne s'avance pour le réconforter, pas même les deux personnes qu'il fixe avec toute la panique du monde ; et c'est seul qu'il finit par fondre en larmes sur le sol. Je me sens si mal.
« Isami Satou. »
Je relève la tête. Le corps entier crispé. Je reconnais ce nom. Je ne voulais pas l'entendre et encore moins ici. C'est celle qui m'a encouragée à devenir gynécologue et à lutter pour les droits des femmes au Japon à travers mon métier. C'est une personne que je refusais de voir depuis presque un an, et qui m'associe sans doute encore à un quelconque monstre. C'est ma cousine, enfermée dans cet enfer avec moi.
Haruko prend une profonde inspiration avant d'achever la liste.
« Et Kanade Kita, mon tuteur, est le dernier proche enfermé dans ce donjon. Voilà. J'ai terminé, Monokuma. »
Ladite Monokuma, restée immobile pendant tout le temps de l'énonciation des noms, choisit ce moment pour bondir en avant.
« Merci beaucoup, ma petite Haruko ! Tu as parfaitement rempli ta mission, je te félicite ! Sur ce je vous laisse harceler la jolie journaliste de questions sur vos chéris d'amour, moi je m'en vais ! Bye-bye mes oursons... »
Et elle disparaît en un éclair, sans doute par une trappe dans le sol vu la brusquerie de sa sortie. C'est le moment que tout le monde choisit pour se précipiter vers Haruko. Y compris Yuuki, Michi, Shô, Junko et Sora, qui me laissent donc derrière toute seule. La Journaliste ne tarde pas à se faire entraîner dehors sous la marée humaine, ne laissant dans le réfectoire que trois personnes : Shizuka, Daisuke et moi.
Ce dernier jette un rapide regard à l'assemblée avant de grommeler.
« Essayez un peu de causer à Kita dans ces conditions... »
Aucun.e de nous ne lui répond, mais Shizuka lui jette un rapide regard curieux, que le Révolutionnaire lui rend en version cent mille fois plus méfiante. Les deux personnes les plus dangereuses de cette Tuerie entière se fixent dans le blanc de l'œil, avant que le monolithe ne pousse un profond soupir, et ne se dirige vers la porte du réfectoire sans ajouter le moindre mot. Je me prépare à le suivre, mais une main se referme sur mon bras ; c'est Shizuka, le regard froid.
« Minute, Satou. »
C'est mon nom de famille. J'en conclus donc qu'iel me parle à moi, et ne se contente pas de me fixer avec son regard de glace pour me faire peur. On ne sait jamais avec luel. Prenant sur moi pour garder un maximum de contenance, je soutiens son regard, et iel pousse un profond soupir avant de relâcher sa prise.
« Si c'est Kita que tu comptes aller voir, dix personnes vont passer avant toi. Et il y a fort à parier que le Tigre va se tailler la part du lion dans l'ordre de priorité. Reste là. »
Le Tigre... Iel parle sans doute de Daisuke. Je crois me souvenir que son surnom est justement le Tigre des Hauts Plateaux... En tout cas, je l'ai entendu se faire désigner comme ça sur les plateaux télé. Mais bon. Peu importe le surnom qu'iel lui donne, iel n'a pas tort. Je ne pourrai pas aller voir qui que ce soit dans ses conditions, et surtout pas Haruko. Ma seule compagnie possible est celle de Shizuka ou celle de Daisuke... Et on se doute un peu qui je préfère après le procès d'avant-hier.
Vaincue par cet argument imparable, je m'assieds sur une des chaises sous le regard inquisiteur de Shizuka, qui hausse un sourcil.
« Je pensais que tu insisterais plus que ça.
— C'est censé ce que tu dis... je me contente de soupirer. Haruko n'a pas à me donner la priorité tout comme je n'ai pas à la demander aux autres. J'attendrai un peu. Je doute que Monokuma fasse quoi que ce soit si vite, de toute façon...
— Hm. M'est surtout avis que tu entretiens une relation compliquée avec cette personne enfermée. »
Je sursaute. Comment est-ce qu'iel a pu seulement arriver à cette conclusion ? Qui pire encore est plus que juste, ma cousine et moi avons en effet des relations très complexes à bien des égards... Je lae fixe, la tête levée dans sa direction, et observe son sourire se dessiner sur son visage. Ce n'est pas un sourire rassurant comme on pourrait en voir sur n'importe quel autre visage. C'est quelque chose qui provoque en moi un horrible frisson. Iel est terrifiant.e.
« On dirait que j'ai touché juste. Ne t'en fais pas, je doute que tu sois la seule. La petite Yuuki n'a pas le comportement de quelqu'un qui vient de voir la personne la plus précieuse à ses yeux se faire enfermer.
— Et toi ? Je contre-attaque avant qu'iel ne m'amène sur un terrain glissant. Tu n'as pas l'air de beaucoup bouger, non ?
— Touché. »
Son sourire disparaît au profit d'un air pensif.
« Ma sœur, Kazumi Mizutani, est une des plus importantes microbiologistes de notre temps. C'est elle qui m'a élevé.e et c'est en grande partie grâce à elle que j'ai obtenu mon titre. Je sais mieux que personne qu'elle préférerait me voir travailler à notre œuvre plutôt que de m'inquiéter pour elle. Donc, je ne m'inquiète pas. »
Je ne m'attendais pas à une réponse si claire de Shizuka, mais si iel est dans une bonne disposition pour répondre aux questions, j'imagine que c'est l'occasion de poser les miennes. La génétique m'a toujours fascinée, j'aime profondément l'étudier, même si la gynécologie a toujours mon cœur envers et contre tout. En soit, seule ma répulsion envers Shizuka m'a empêchée de lui poser les questions qui me trottent dans la tête depuis si longtemps.
« Ton titre consiste en quoi exactement ? »
De nouveau, lae Généticien.ne hausse un sourcil surpris. J'en viendrais presque à regretter ma question, mais iel se contente de pouffer avant de s'asseoir.
« Je fais ce que tout.e bon.ne généticien.ne fait. Je travaille sur l'ADN, l'ARN, les ribosomes, un certain nombre de mécanismes que tu dois connaître, en tant que personne ayant fait médecine. Mon talent me vient simplement d'une expérience sur Crispr-CAS9. J'imagine que tu connais Crispr-CAS9 ?
— Un peu.
— C'est un outil de travail formidable. La précision qu'il apporte permet une avancée spectaculaire dans le monde de la génétique. On pense que bientôt apparaîtront les thérapies géniques anticancéreuses, et que suivront les remèdes aux maladies héréditaires... Dans l'éventualité ou cela se produirait, l'humain pourrait même faire un bond en avant dans son évolution. Bien sûr, nous n'en sommes qu'au début. Mais la génétique a encore de si beaux jours devant elle, au point que je regrette être enfermé.e ici et ne pas y participer... »
Son visage semble presque briller de l'intérieur, à la manière très froide de Shizuka, lorsqu'iel parle de son travail et ce cette protéine si particulière. Je ne suis pas sûre d'être de son avis quant à la progression de la science de l'ADN et de son impact sur le corps vivant mais l'écouter reste assez passionnant, et je sens qu'iel aime énormément son travail.
Je reste donc assise, à constituer son seul public, alors qu'iel me parle encore et toujours plus de ses expériences génétiques les plus connues, sous mon regard d'où je ne peux m'empêcher d'y faire briller une lueur de curiosité pure.
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Je vous avouerai que je suis pas hyper inspiré.e pour les premiers FTE de Shizuka du coup le chapitre du jour est un peu faible, sorry.
Enfin j'espère que du coup vous avez pu vous faire une meilleure idée des relations et des possibles mobiles unissant les gens à leurs proches ! On ne sait jamais après tout...
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