Chapitre 2 (4) : Scenarizing and stereotyping, the hell created by cliches

« Non, Michi ! Pour la énième fois, tu ne places pas tes doigts sur la basse correctement ! »

Je ne peux m'empêcher de pouffer en entendant la récrimination de Ryo, alors que la concernée, elle, éclate de rire avant de suivre ses consignes.

L'après-midi est bien avancé. Après avoir mangé, Michi, Ryo, Haruko et Taichi se sont retrouvés dans la salle de concert pour répéter leur fameux spectacle. Je ne voulais au départ pas les suivre, j'avais des choses à faire ; mais Michi a insisté pour que je vienne juger, malgré le fait que je ne sois absolument pas une mélomane. Par chance, j'ai en ma compagnie quelqu'un d'un peu plus calé que moi, Sora, qui à chaque faute de quelqu'un m'explique précisément ce qui ne va pas dans leur prestation.

Sans surprise, c'est Ryo qui mène le jeu. Devant l'absence de candidats pour chanter, il a décidé de prendre le poste, et je suis très surprise de voir que malgré son activité impeccable à la batterie, sa voix ne faiblit absolument pas. Bon évidemment, il n'a pas le timbre de voix adapté pour les musiques qu'il cherche à interpréter, et entendre Micro Cuts sur une voix couvrant bien moins d'octaves que d'habitude est... Perturbant. Mais mis à part ça, je trouve qu'il se débrouille à merveille pour les rôles qu'on lui a attribué, et avec sa jambe cassée. La seule chose que je surveille professionnellement parlant, d'ailleurs.

Ce qui me surprend davantage, c'est le talent de Taichi à la guitare. Lui qui se décrivait comme « pas au niveau d'un Ultime », je trouve au contraire qu'il se débrouille à merveille. Jouer Reapers en entier sans la moindre fausse note (ou presque, vu le regard de Sora des fois, mais honnêtement je connais bien ce morceau donc je pense être capable de déceler s'il se trompe) n'est pas donné aux débutants.

Haruko ne s'en tire pas trop mal non plus. Elle ne fait pas grand-chose pour accompagner de toute façon, bien qu'elle ait proposé à Ryo de faire les voix féminines en cas de changement de discographie. Ce dernier a préféré rester sur un seul artiste, ce qui est peut-être mieux en soit ; mais il l'a quand même fait chanter un peu au cas où et sa voix m'a surprise. Sora l'a d'ailleurs bien remarqué, puisqu'il m'a jeté un regard de connivence, toute sa fierté pour elle brillant dans ses yeux verts...

Michi quant à elle, est un peu en retard. Passer de la guitare traditionnelle à une basse électrique ne se fait visiblement pas comme ça, et c'est souvent pour elle que Ryo arrête la musique, mais elle ne s'en préoccupe pas, et réessaie, encore et encore. Et je trouve qu'elle fait des progrès, malgré tout.

Le seul truc qui coince, c'est la coordination. Taichi a tendance à partir trop vite, et seul, oubliant que c'est Ryo qui chante ; ce dernier se plaint souvent qu'Haruko est en retard de trois temps. Moi, je ne vois pas trop, mais Sora visiblement, ça ne lui plaît que moyennement.

Quant à la discographie... La liste de titres que j'ai citée plus haut permet de bien faire comprendre que tout va être limité à un seul groupe pour le moment. Sauf petite surprise. Pas que je n'aime pas Muse, c'est un de mes favoris depuis la petite enfance, mais j'aurais aimé plus de variété... Enfin, peut-être que j'aurai une surprise plus tard. S'ils ont le temps d'en préparer une en trois semaines de temps, la date fixée pour le mariage.

La musique s'interrompt encore. Cette fois, c'est Taichi qui a accéléré le rythme au mauvais moment. Ryo semble sur le point de lui jeter ses baguettes à la figure, mais par miracle il se contente de lui hurler dessus comme le plus exigeant des chefs d'orchestre ; Ce qui semble d'ailleurs ne pas beaucoup plaire à Sora, qui s'accroche à mon bras.

« Euh Reina... Si c'est ça pendant toute l'après-midi je préfère m'en aller. Tu veux bien venir avec moi ? De toute façon, je dois chercher ma clé de laboratoire... »

C'est vrai, Monokuma a dit l'avoir laissée quelque part. J'ai ma petite idée d'où, personnellement, connaissant son incroyable penchant pour l'ironie grinçante : Coucou, ma clé dans la forêt tropicale, celle des jumeaux ensemble et celle d'Hina dans le laboratoire de Saki... J'acquiesce donc, avant de lui proposer de commencer par ce lieu que nous n'avons au final pas vraiment eu le temps de visiter : Le deuxième sous-sol.

Le visage de Sora s'éclaire, et il me remercie d'un sourire.

« Cool, merci Reina ! Donne-moi juste le temps d'écrire un mot pour Haruko, histoire de lui dire où on est partis... »

Ce faisant, il arrache une feuille de son carnet, et note en quatrième vitesse quelques mots sur le papier. J'y jette un œil alors qu'il y met le point final. Son écriture est... Plus digne de la mienne que de celle d'un auteur réputé de manière internationale, je dois dire. Mais bon, ce serait impoli de lui faire remarquer que même en ayant l'habitude de lire des ordonnances, je peine à déchiffrer ses mots.

Le bout de papier déposé sur une chaise, Sora et moi quittons la salle de concert. Je sens son visage se détendre alors que la musique se fait sourde, et il porte une main à ses oreilles pour en ôter des boules Quiès avec un soupir de soulagement.

« Voilà qui est mieux... Je ne sais pas comment je vais supporter le concert dans ces conditions.

— Tu... as pensé à un casque antibruit ? Il y en a plein la salle multimédia...

— Ouais. Mais un concert, c'est aussi un moment de partage non ? Si je mets ce genre de casque, je risque de ne plus vous entendre, et ce serait triste de ne plus pouvoir vous parler... »

Oui enfin, ses spécificités sensorielles sont plus importantes que sa conversation, j'ai envie de lui dire. Mais je ne peux pas vraiment m'opposer à sa volonté. Il n'y a plus qu'à prier que les boules Quiès suffisent, j'imagine.

Nous nous dirigeons vers la zone de plaine dans un silence que je trouve rassurant, Sora juste à côté de moi avec un sourire aux lèvres. Sur le chemin, nous croisons quelques-unes des autres personnes à adopter un comportement oisif ces derniers temps ; Shizuka, qui balaie notre duo du regard avant de s'éloigner en silence, Junko qui joue aux jeux vidéo avec Yuuki près de la rivière, et Shô, qui nous salue avec amitié avant de nous montrer sa clé de laboratoire. Sora se stoppe devant ce.tte dernier.e, pour lui poser une question que je devine déjà.

« Tu l'as trouvée où ?

— Deuxième étage ! Rigole Shô. D'ailleurs pour info, si ça vous intéresse, Monokuma m'a dit y avoir planqué toutes les clés, pour pas perdre trop de temps pour vous. La tienne doit y être aussi. »

Je doute que ce soit un geste fait en toute amitié. Monokuma doit avoir caché des choses dans ces laboratoires qu'elle veut voir utilisées, ou révélées, au plus vite. Mais ça reste une bonne nouvelle. Même si la clé de Sora n'est pas à l'endroit où je pense qu'elle est, ça réduira considérablement le champ de recherches. Je remercie Shô d'un hochement de tête, et iel se tourne vers moi.

« Pas de soucis, Reina ! Au fait, j'ai fait un peu le tour en passant. Le deuxième étage est un hôpital géant, tu voudras peut-être inspecter tout ça. Il y a pas mal de produits dangereux. »

Comme attendu, il fallait que Monokuma y mette son grain de sel ! Bien sûr que je m'attends à trouver des produits dangereux dans un hôpital, mais ici, je suis la seule habilitée à superviser ce joyeux bordel. Je prends sur moi pour éviter de lever les yeux au ciel, mais Shô se rend bien compte que je ne suis pas franchement ravie, puisqu'iel fait la grimace.

« Ouais je sais... Désolé.e pour le travail en plus. Si ça peut te rassurer, j'ai rassemblé en un seul endroit tout ce que je connaissais, et j'ai tout mis sous clé. La deuxième clé est sur le cadenas pour toi, et j'ai la première avec moi... »

J'aurais préféré être la seule à y avoir accès, mais je peux difficilement reprocher à Shô d'y mettre sa patte. Iel reste un.e Chimiste, je pense que je peux au moins lui faire confiance pour ne pas donner quelque chose de dangereux à quelqu'un par inadvertance. Pour le reste... Je préfère ne pas y penser.

Sora salue Shô avec un empressement qui me fait comprendre qu'il en a marre, et je décide de faire de même, avant de me diriger vers l'entrée du deuxième sous-sol. Par chance, si j'ai été impolie, lae Chimiste ne semble pas en prendre ombrage ; iel agite la main dans notre direction en souriant avant de se diriger dans le coin opposé à l'entrée du sous-sol. Je détourne mon regard de luel et entre dans la cage d'escalier sans mot dire.

Je connaissais déjà une partie de l'hôpital. Il m'est assez aisé de reconnaître les couloirs blancs désormais éclairés d'une pâle lumière, de même que la porte qui mène à l'infirmerie et celle, de toute évidence condamnée vu l'énorme pancarte qui trône devant, de la morgue. Mais Sora, lui, n'était jamais venu avant aujourd'hui vu ls yeux ronds qu'il affiche et son air surpris, presque effrayé devant l'énorme « NE PAS ENTRER, CADAVRES EN DECOMPOSITION » affiché devant la morgue.

Je pousse un profond soupir.

« Tu n'as vraiment pas envie de rentrer là-dedans, Sora.

— Oh, je me doute, vraiment... Tu as beaucoup de courage d'avoir fait l'autopsie. »

Je me crispe. Je ne sais pas si on pourrait appeler ça du courage. Je l'ai fait parce que c'était ce qu'on attendait de moi, et aussi parce que je pense que Kichiro ne s'en serait pas offusqué. Après tout, il voulait qu'on élucide son meurtre. Pour un autre... j'ai peur de ne pas avoir la même force. Et je sais qu'il y en aura d'autres. Il y en a toujours d'autres. Il y en aura toujours d'autres.

De toute façon, ma piste pour la clé de Sora ne se trouve pas dans ces zones on ne peut plus macabres.

Je me dirige vers le fond du couloir, la seule partie que je n'ai pas vue des lieux pour le moment. Les pancartes sur les portes sont assez évocatrices. Un rapide coup d'œil dans la salle de radio m'informe que du matériel dernier cri s'y trouve, de quoi tout faire, de l'image X à la radiothérapie. Shizuka aurait peut-être un intérêt à voir cette salle, je ne sais pas, j'ignore en quoi consistent ses expériences de généticien.ne... Plus loin, je trouve trois chambres d'hôpital, équipées aussi sûrement qu'en réanimation. Un coup d'œil dans une autre salle me permet de voir un bureau en attente d'être utilisé, sans doute une imitation de ceux des cadres. L'armoire cadenassée dont m'a parlé Shô y trône, et je fais une pause rapide dans ma progression pour en retirer la clé.

Mais ce n'est toujours pas ce que je cherche.

Finalement, au fin fond du couloir, alors que Sora commence à se demander pourquoi je n'ai pas inspecté plus que ça les pièces, je tombe sur la porte honnie, tout de rose parée et avec un dessin de menotte sur la porte : Mon objectif, suintant d'un sarcastique écoeurement, la seule salle qui n'a absolument rien à voir avec tout l'hôpital. Oui, on sait tous de laquelle je parle.

Je pousse un profond soupir avant de poser la main sur la poignée, m'attirant une exclamation incrédule de Sora.

« T'es sûre ?!? Faut chercher là-dedans ?!? »

Je soupire de nouveau.

« Tu n'as jamais entendu parler de Monokuma et de son ironie grinçante ? »

Et j'abaisse la poignée, dévoilant derrière la porte un monde de péché.

Comme je m'y attendais, mon premier réflexe a été de me cacher les yeux. Pas assez vite, cependant, pour ne pas enregistrer cette affreuse collection de godes tellement fournies que même un donjon BDSM ne doit pas en avoir autant. Et ne me demandez pas comment je connais, je suis gynécologue. Le nombre de soumises et de dominantes que j'ai vu passer est effarant pour une médecin de dix-huit ans...

Sora, derrière, agrippe mon bras avec une telle force qu'on pourrait presque croire qu'il a vu un cadavre. Mais non, un simple regard vers son visage m'apprend qu'il est rouge tomate, et sa grimace montre toute l'étendue de sa gêne.

« Je.... On utilise vraiment tout ça quand on... »

À ma grande honte, je dois lui confirmer. Et en plus, un nouveau regard vers les étagères m'apprend que « tout ça », c'est.... Vraiment beaucoup de choses. Je ne nommerai aucun de ces objets diaboliques, mais franchement, s'il me prenait l'envie de citer quoi que ce soit qui peut être utilisé pour le plaisir de la chair... Il est là-dedans.

Merci, Monokuma.

Retenant une grimace, je m'avance dans les rayons remplis de choses particulièrement obscènes, et ô surprise, je vois sur une table dans un coin, entouré par les menottes et les préservatifs gout mentholé, un petit coffret à la facture très reconnaissable : je m'approche de lui et bingo ! Le nom de Sora est écrit dessus. Peu ravie mais soulagée de voir mon hypothèse se confirmer, j'appelle l'Écrivain Fantasy, qui arrive à petits pas, évitant du mieux qu'il peut de regarder les rayons : une fois qu'il est devant moi, je lui montre l'objet, sans ajouter un mot de plus. Son visage se tord.

« Comment tu as...

— Parce que tu es polyamoureux. »

Mon visage n'est plus qu'un masque de dégoût et de désolation.

Les stéréotypes sur cet amour sont nombreux. L'un d'entre eux, le plus idiot sans doute, c'est celui que nous ne sommes que des personnes en chien, des « putes », des accros de sexe, infidèles, etc, etc... Et Monokuma adore l'ironie grinçante. Bien sûr que la clé d'un polyA se trouverait dans un lieu dédié au sexe. Et bien sûr qu'il s'agirait de celui le plus gêné par ce rapprochement, puisque Taichi serait sans aucun doute ra-vi par cette situation...

Sora grimace. Lui aussi, il a compris. Sans mot dire, il presse la tête de Monokuma sur la face avant du coffret, et en sort sa clé avant de la caler dans sa poche. Le coffret ne tarde pas à voler dans les rayons d'un geste assez brusque, et Sora n'attend pas qu'il heurte les sextoys pour se précipiter dehors en silence. Je ne me fais pas prier pour le suivre.

Une fois dehors, l'Écrivain Fantasy se permet de prendre une grande inspiration, avant de sortir sa clé de sa poche. Sa grimace n'a pas quitté son visage, et entre nous, je le comprends. Moi-même, je ne supporte pas être sans cesse associée à une infidèle folle de sexe. J'en suis le littéral opposé, bon sang.

Sora grommelle, les yeux toujours fixés sur sa clé.

« Sacré pied de nez de Monokuma, hein.

— Hm. »

Je ne peux pas dire grand-chose de plus. De toute façon, ça suffit à Sora pour qu'il se remette à récriminer.

« Toujours la même chose avec ceux qui ne connaissent pas, hein... Soi-disant je fais l'amour comme un lapin et je ne sais pas garder mes organes dans mon pantalon... Merci mais je m'appelle pas Okumura. On a des rapports au sexe différents, merde. »

Une fois encore je ne peux qu'acquiescer. Je ne saurais jamais répondre à quelqu'un qui me lance ce genre d'insultes, c'est pour ça qu'être à plusieurs... Me fait assez peur. Mais peu importe que je le vive ou pas, je reste polyA, tout comme je suis pan envers et contre tout. Ce n'est en aucun cas un choix. Ce serait bien plus simple si ça l'était.

Sora me pose une main sur l'épaule.

« Dis, Reina. Je voulais juste savoir... Comment tu as su, que ça allait être ce genre d'ironie. Je t'en ai à peine parlé, en plus... »

Son regard est sincère, il semble vraiment ne pas penser que je pourrais me moquer de lui. Ça me rassure grandement. Je lui accorde un petit sourire avant de soupirer :

« Monokuma a caché ma clé dans un des lieux que je hais le plus, celle d'Hina dépendait de celle de Saki et les clés des jumeaux étaient ensemble. À partir de là, je me doutais qu'elle allait faire de même pour vous. Celle de Ryo serait à l'infirmerie que je ne serais même pas étonnée... Et pour la tienne, j'ai additionné deux et deux, voilà tout.

— C'était pas vraiment sur ça que... Se portait ma question. Je veux dire, comment tu as compris que ça taperait aussi fort. Tu... Tu as entendu ce genre de phrase, toi aussi ? »

Je lui jette un regard. Il a un drôle d'air de supplication sur le visage, et je vois ses doigts bouger à intervalles réguliers, serrant son T-shirt puis retournant sur ses bracelets. Je sais ce qu'il me demande. Et je sais ce que ma réponse impliquera pour lui. Je pousse un profond soupir.

« Oui. Pas mal. »

Son visage s'éclaire. Quelques secondes, mais assez longtemps pour que je le voie. Et puis, son sourire habituel revient sur son visage, et il lève sa clé devant nos yeux.

« Maintenant que c'est fait, tu veux bien aller voir mon laboratoire avec moi, Reina ? Ce serait la suite logique des choses... »

J'avoue que ça me ferait très plaisir. Je n'ai jamais pu voir de près l'atelier d'un écrivain, et je me sens suffisamment bien avec Sora pour rester encore un peu avec lui. Je pense. Enfin en tout cas, je hoche la tête, et Sora sourit avant de m'entraîner dans les couloirs. Nous arrivons très vite devant la porte du laboratoire de l'Écrivain Fantasy. Ce dernier fait cliqueter la clé dans la serrure, et le battant s'ouvre sur... Une salle normale. Mais avec un fauteuil de compétition, avec un air si confortable que je meurs d'envie d'aller m'y asseoir, en face de trois écrans séparés qui éclairent la pièce d'une lumière tamisée. Des bibliothèques entières sont recouvertes de livres de toutes sortes, et encore d'autres écrans trônent sur les murs, cette fois reliés à des moniteurs différents, avec des logiciels divers et variés affichés dessus.

Voir une salle aussi plongée dans le noir n'est pas franchement ce que je préfère. Mais Sora, lui a l'air ravi. Bon, il prend la peine d'allumer la lumière en voyant que je rentre, et m'offre même son fauteuil de roi pour m'asseoir, on va dire que même si je n'en mérite pas tant, j'apprécie l'attention.

Une fois installée sur son bureau, je jette un œil rapide aux alentours, curieuse malgré tout.

« Tu te sers vraiment de tout ça ?

— Ne me prends pas pour plus riche que je ne le suis, pouffe Sora. Je suis déjà chanceux d'avoir trois écrans pour travailler. Beaucoup d'autres auteurs ne peuvent en dire autant.

— C'est pas mal quand même, trois écrans, pour écrire. Les autres te servent à quoi ? »

Puisque je ne suis pas dans son fauteuil, Sora s'y assoit, avant de se tourner vers son moniteur et de me montrer du doigt l'écran du milieu.

« Celui-ci, c'est celui où j'écris habituellement. Sur l'écran de gauche, j'ai mes fiches personnages, et l'écran de droite, c'est pour les ressources et Internet en cas de besoin. Même en fantasy, on a souvent besoin de renseignements pour beaucoup de choses, et je ne fais pas que de la fantasy... »

Sa voix est devenue plus amère à la fin de sa phrase. Je crois, je dis bien que je crois, qu'il fait référence à son titre actuel. Je préfère ne rien rétorquer, histoire de ne pas le blesser par une parole malheureuse... Ce ne serait pas la première fois que mes mots blessent les gens.

Sans doute mon silence l'incite-t-il à continuer puisqu'il pousse un profond soupir.

« Tu sais, depuis tout gosse, je suis passionné par l'écriture. J'ai une imagination assez débordante, je crois que c'est l'atout principal du métier. Mais même si j'adore la Déchéance, et que je suis très heureux que cette saga m'ait valu mon titre... j'ai d'autres œuvres derrière, des œuvres que je considère tout aussi bien, aussi qualitatives que ma saga. Tiens, par exemple. »

Il clique sur un fichier de son ordi, et un manuscrit s'ouvre. S'affichent alors devant moi des pages et des pages recouvertes d'encre en police 14, toutes en anglais. C'est vrai qu'il écrit aussi en anglais lui... Je ne l'ai pas beaucoup lu à cause de ça, d'ailleurs, je ne me considère pas comme assez bonne en anglais pour pouvoir lire des livres entiers. Mais lui, il semble se débrouiller. Et d'ailleurs, si c'est un de ses manuscrits...

« Je ne sais pas comment Monokuma a fait pour le récupérer, reprend Sora, mais ça, c'est la suite de La Dictature du Divin, ma dernière série SF. Je l'avais commencée après la Déchéance histoire de changer un peu d'air pour m'y remettre plus tard... Même dans le public appréciateur de mon style, elle a fait un flop par rapport aux prévisions de mon éditeur. Il a dit que ça restait suffisant, sans doute pour éviter que j'aille voir ailleurs, mais je pense que tu imagines mon coup à l'ego... Je ne veux pas être associé toute ma vie à une seule série, un seul genre. Je veux que les gens reconnaissent que je suis pluridisciplinaire... »

J'avoue ne pas y comprendre grand-chose mais ça ne m'empêche pas de l'écouter se plaindre, je crois qu'il en avait un grand besoin. Assise sur le bureau à fixer le manuscrit qu'il fait dérouler devant moi, je me rends compte que j'aime son style. Évidemment, certaines tournures de phrases m'échappent, vu que l'anglais n'est pas ma langue maternelle ; mais le peu que je vois me donne envie de le lire. Je pense que je chercherais ses romans dans un futur proche.

« C'est pour la Déchéance qu'Hope's Peak t'a repéré ?

— Oui... Et nan. En fait, depuis son ouverture, je crois que je voulais y aller. Absolument. Même le scandale lancé par Wen Xiang Monogatari ne m'a pas empêché de faire tout ce que je pouvais pour être repéré. Je n'ai jamais autant publié qu'en cette période... Et lorsqu'Haruko a finalement pu y rentrer aussi, j'ai redoublé d'ardeur. J'en ai négligé tous mes examens pour la rentrée au lycée... Mais je m'en fichais, je voulais Hope's Peak. C'aurait été selon moi la reconnaissance ultime de mon travail. »

Il pousse un profond soupir, avant de fermer son manuscrit et se tourner vers moi, un air désabusé sur le visage.

« Je savais qu'il y avait bien des écrivains de mon âge qui pouvaient avoir le titre, du coup j'ai fait de mon mieux pour montrer ma polyvalence. Et puis la lettre est arrivée. Me désignant comme l'Ultime Écrivain... Fantasy. Au nom de ma première saga écrite et la plus populaire, la Déchéance des Astres... Bonjour l'ascenseur émotionnel.

— Mais tu es quand même venu.

— Évidemment. Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ? Haruko était à Hope's Peak, et on sortait déjà ensemble à l'époque. Je n'avais pas un seul autre lycée en vue. Alors j'ai pris le titre, à regret, dans l'espoir de le faire changer. Ah ah. J'ai eu quelques surprises à la soirée d'intégration en rencontrant mes seniors... »

Oups. En effet, je viens de me rappeler que l'Ultime Écrivain de Romance se trouve être quelqu'un de ma promotion. La rencontre a dû être assez dure à vivre pour Sora, surtout si la perpétuelle mention de son titre blesse son ego à ce point... Surtout que ledit écrivain est très, très compliqué à gérer, surtout pour moi. Dois-je compter le nombre de fois où il a tenté de draguer quelqu'un de la classe ? Je crois qu'on atteindrait très vite un ratio assez proche du trois par jour. Je laisse échapper un rire sans joie.

« Je crois que je vois de qui tu parles.

— Il serait pas dans ta promo, d'ailleurs, Van Heel ?

— Si, si. Laisse-moi deviner, tu l'as rencontré à la soirée d'intégration et il t'a salué comme il sait si bien le faire, avec la pire pick-up line du monde ? »

Sora éclate de rire à la mention de ladite pick-up line, ce qui me fait comprendre que oui, Emerens est bien passé par là. Quel enfer cet homme. Saki peut en parler aussi. Ou Seo-jun, l'Ultime Garde du Corps, dans ma promotion aussi. Ou même Kichiro, ou Hina...

Je me crispe, presque imperceptiblement, mais ça n'empêche pas Sora d'arrêter de rire.

« Ça va, Reina ?

— Oui, oui... Ne... Ne t'inquiète pas, j'ai juste eu la... Mauvaise pensée. »

Il comprend tout de suite, et hoche doucement la tête avant de soupirer.

« En tout cas oui, c'est ça. À ma grande honte, je reconnais avoir été plutôt réceptif au début. Enfin, jusqu'à ce qu'il m'annonce son titre, et que mon air dégoûté a convaincu Haruko de me tirer de là... Elle a bien ri quand je lui ai expliqué, et moi aussi, d'ailleurs, mais sur le moment j'avoue l'avoir envoyé bouler assez méchamment.

— Sans vouloir être méchante envers lui, je pouffe, c'est tant mieux. Ça lui apprendra que tout le monde n'est pas réceptif à son charme. »

De nouveau, Sora éclate de rire. Je le rejoins bien volontiers, et nous restons tous deux dans cette bulle de confort simple, à apprécier la présence et les anecdotes l'un de l'autre. 

____

Bonjour !

Comme il est fort probable que je complote avec Corneille sur les personnages de ma deuxième Tuerie, dont l'un d'entre eux a été mentionné dans ce chapitre, je poste ledit chapitre avant. Me demandez pas pourquoi, je préfère comme ça, c'est tout-

Bon du coup ça veut dire que la deuxième Tuerie est en cours de préparation mais n'arrivera pas de suite. Il me manque cinq designs à faire, notamment, et Corneille voudra peut-être modifier un peu mon plan.

Brefons, du coup aujourd'hui, le deuxième chapitre de la semaine, est un FTE, et l'occasion d'aborder un peu les clichés qui tournent autour du polyamour ! Je vais sans doute consacrer ce chapitre à quelques préventions de l'ordre relationnel, comme du coup, la santé sexuelle, les orientations, la peur de s'engager, les doutes, bla bla bla vous avez saisi le principe.

Et bien évidemment, le mariage se prépare. :D

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