Chapitre 2 (18) : Somewhere else

Comme prévu, je suis de retour au réfectoire, avec tous les autres mis de côté. C'est frustrant, mais au moins, j'ai en ma possession quelques preuves solides et je sais comment les exploiter. Considérons ça comme un bon début.

J'ai mon Monopad dans les mains. Je pense que tout compte fait, il va m'être très utile, car c'est là que j'ai inscrit le recensement de chaque médicament. Et c'est ce que je regarde, pendant que les autres traînent dans un coin du réfectoire, complètement désœuvrés.

Shô est assis.e à côté de moi. Iel ne m'a pas quittée depuis que je suis rentrée dans la pièce, seule puisque Saki a préféré rester avec Shizuka pour ses dernières analyses. Et Daisuke, de son côté, fouille encore sans être inquiété. J'aurais aimé avoir son assurance pour m'élever contre les décisions de Saki et d'Akihito, ou au moins les convaincre de la véracité de ma piste. Au lieu de ça, je suis obligée de fouiller dans leur dos, ne risquant de m'attirer que leur suspicion.

« Qu'est-ce que tu regardes, Reina ? Me demande man compagnon.ne pendant que je fais défiler la liste des médicaments stockés dans mon laboratoire.

— Le recensement des médicaments, je soupire. Si Ryo en a vraiment pris un, je dois savoir d'où il vient et comment il a pu l'obtenir. »

Iel fait la moue.

« J'ai du mal à croire qu'il ait pu y accéder si facilement, quand même... Même s'il voulait vraiment se suicider, il y avait sûrement d'autres méthodes que récupérer un produit dangereux, non ?

— Honnêtement, je réplique, dans une infirmerie, c'est l'option la plus envisageable. Mon souci serait comment il s'est procuré cette pince pour forcer le cadenas. Avec sa jambe cassée, il n'aurait pas dû aller très loin, pourtant... »

Iel n'affiche pas la moindre surprise. C'est vrai que je lui ai expliqué, en rentrant dans le réfectoire, dans quel état j'ai retrouvé l'infirmerie. Avec la pince, à quoi elle ressemblait et comment le cadenas a été coupé avec.

« Je sais pas non plus, soupire Shô. Ça a l'air d'être une pince de bricolage, de ce que tu me dis. Le genre qu'on trouve dans le laboratoire de Saki. S'il voulait vraiment se suicider, il l'aurait pensé en avance... Bon, après, ça ne prouve pas grand-chose, peut-être que c'était prémédité. Mais qu'est-ce qui aurait motivé Ryo à prendre sa vie ? Je veux dire... Il avait un copain, des gens à protéger, ce genre de trucs... Si quelqu'un avait plus pensé au suicide, ce ne serait pas lui... »

Iel a raison. Et c'est en grande partie ce qui motive mon pressentiment. Même si évidemment je ne peux pas le confirmer. Même heureux en apparence, les gens peuvent nourrir ce genre de pensées sans même être repérés. Non, ce qui me préoccupe surtout, c'est cette affreuse sensation que quelque chose cloche, qu'un truc ne colle pas dans cette histoire.

Je préfère ne pas répondre, et retourne à mon écran. Shô, de son côté, appuie sa tête sur mon épaule, avant de pousser un profond soupir. Je lae laisse faire. On a tous besoin de réconfort en ces temps troublés.

Un bruit interrompt ma recherche. C'est Haruko, accompagnée de Michi et Taichi, qui vient de s'asseoir devant moi. Son regard est grave.

« Reina, j'ai rassemblé les interrogatoires de tout le monde. Akihito ne me permet pas grand-chose de plus, mais j'aimerais avoir une idée des résultats de tes propres recherches. Est-ce que tu as une piste ? »

Je fixe les regards de Michi et de Taichi, furieux, suppliants, emplis de désespoir que je crains de voir s'escalader. Et je soupire.

« Je suis comme vous, j'ai du mal à croire que Ryo puisse s'être suicidé. À l'autopsie, il m'est apparu évident que ce qui l'a tué est un produit qu'il a pris d'une manière ou d'une autre, et il y avait des traces de morphine dans son sang. De même qu'une bouteille et une seringue qui auraient pu servir pour une overdose près de lui. Je n'ai rien de plus, mais j'ai quelques autres pistes. »

Je me garde bien de mentionner Shizuka, ou la boîte de médicaments donnée par Daisuke. Je ne sais pas ce que je vais en tirer pour l'instant, et je préfère ne pas partir trop loin. Shô s'excuse et annonce qu'il va rejoindre Yuuki et Junko, tandis qu'Haruko s'installe à ma gauche et Michi à ma droite. Cette dernière serre toujours Taichi contre elle. Leurs regards à tous les deux sont vides.

« De mon côté, reprend Haruko, je n'ai pas appris grand-chose aux interrogatoires. Pour être sûre, j'ai interrogé les gens sur ce qu'ils faisaient hier, aussi, après le mariage. Je vais te faire un résumé rapide de la journée de nos neuf suspects, puis je t'expliquerai la mienne. »

Elle sort un calepin de sa poche, avant de l'ouvrir à une page.

« Akihito a été le premier interrogé. Comme son alibi a été confirmé et que lui et Sora ne se sont pas quittés depuis la fin de l'heure de nuit, je ne lui ai posé des questions que sur sa journée d'hier. Apparemment, après le concert, il est allé directement à sa chambre. Saki confirme son alibi, de même que Yuuki. Il dit ne pas l'avoir quittée après, et je le crois, car l'horaire de nuit s'est déclenché peu après. »

Donc, Akihito n'est pas un suspect potentiel. Même s'il cherchait à couvrir quelqu'un, il ne peut pas être le meurtrier dans ces conditions. A moins que le meurtre se soit produit avant...

Les paroles de Monokuma me reviennent en mémoire. Un meurtre que je n'ai pas pu empêcher, même hier, avant le concert, avant que Ryo ne se casse la jambe. Elle aurait pu parler de sa résolution, évidemment, mais je doute que ce soit le cas... Quelque chose cloche.

« Ensuite, soupire Haruko, j'ai pu tirer quelques mots de Daisuke. Après le concert, il est resté devant l'infirmerie, mais s'est fait éjecter par Monokuma pour une raison qui nous échappe. Il a passé sa nuit dans la zone tropicale avant de descendre, tôt le matin, chercher des trucs. Apparemment, il n'a rien trouvé d'intéressant, alors il est allé garder l'entrée avec Akihito vers neuf heures du matin. »

Elle continue. De ce que j'en tire, Junko n'a pas beaucoup parlé de sa journée mais a été vue retourner à sa chambre avant la fin du concert hier. Saki n'a pas assisté au concert, elle a passé la nuit dans son laboratoire à faire des recensements, elle aussi. Selon elle, la pince manquait d'ailleurs depuis longtemps. Bon à savoir. Shizuka semble ne pas avoir quitté le laboratoire de la nuit, mais est resté.e en haut le matin, à lire dans la salle multimédia. Après le concert, Shô s'est rendu.e à l'aquarium, puis l'horaire de nuit l'a poussé.e à revenir très vite dans sa chambre, mais si Yuuki l'a vu.e à l'aquarium, personne ne peut confirmer qu'iel est rentré.e ensuite. Soma est resté dans la salle de concert à dessiner, et a ensuite passé la journée dans la salle multimédia, confirmé par Shizuka. Sora et Haruko ont passé la nuit ensemble. Et Yuuki a passé sa soirée, sa nuit et le reste de sa matinée à ranger le mariage.

Il n'y a pas beaucoup de fenêtres ou qui que ce soit aurait pu se rendre à l'infirmerie tuer Ryo, mais l'heure de la mort n'est pas suffisante pour prouver que chacun est innocent. Est-ce que l'hypothèse du suicide se confirmerait ? Non, ce serait trop facile...

« C'est donc un sacré sac de nœuds, soupire Haruko. J'aimerais bien une preuve ou deux supplémentaires pour le démêler, mais tel quel, le suicide de Ryo est encore plus évident... J'ai peur qu'Akihito ait raison, tout compte fait.

— Certainement pas ! » S'exclament, en même temps, Michi et Taichi.

Nous nous tournons vers eux.

« Il y a quelque chose qui vous fait penser ça ? Demande Haruko en rangeant son calepin. Si c'est le cas, dites-le-moi. Je ne veux pas accuser quelqu'un ici de meurtre, mais cette histoire est beaucoup trop louche pour être ce qu'elle semble être... »

Michi serre les poings, avant de baisser les yeux.

« C'est qu'un pressentiment, hein. J'ai pas de preuves. Mais non seulement Ryo nous a fait une promesse... Mais en plus, s'il voulait se suicider, il n'aurait jamais, JAMAIS, choisi cette méthode. C'est juste impossible. »

Une conversation lointaine me revient en mémoire. Une de celles que nous avions eues bien avant la mort de Kichiro et d'Hina. Lorsque Ryo s'est cassé la jambe... Lorsque Monokuma l'a torturé presque à mort.

« Bon, j'espère que tu te sens assez bien pour te passer d'antidouleurs, parce que je ne vois pas trop comment m'arranger pour t'en récupérer dans un climat pareil... Sauf si je dois te laisser seul et... Je préfèrerais pas. »

Est-ce que j'ai peur qu'il se fasse tuer alors que je l'ai laissé sans surveillance ? Oui. Est-ce que ça me motive à toujours rester avec lui, ou poster quelqu'un que je sais être fiable à l'infirmerie ? Sans aucun doute.

Ryo a un rictus ironique à la mention d'antidouleurs, ce qui me fait hausser un sourcil.

« Peuh ! Les antalgiques c'est pour les faibles.

— Tu exagères, je lui dis, une moue perplexe sur mon visage. Tu ne t'es jamais fait opérer ?

— Si, enfin, pour une bête fracture du bras. Je sais qu'on a besoin de l'anesthésie générale, merci. Mais vraiment, si je peux m'en passer, je m'en passe. J'ai une sainte horreur de tout ce qui peut se rapprocher d'une drogue. »

C'est ça.

Voilà ce qui clochait.

Ryo a horreur des drogues. Pour qu'il choisisse cette méthode pour sa mort, il fallait vraiment qu'il n'ait pas d'autre solution. Or, il en avait. Avec sa seringue pleine d'air. Ou même, l'infirmerie est pleine de scalpels. Pouvoir accéder à l'armoire des médicaments implique qu'il pouvait accéder à celle des outils, et il lui aurait suffi de se trancher les veines. Tout, mais pas la morphine. Ou n'importe quel autre médicament.

Quelqu'un a forcément simulé son suicide. Avant de le tuer avec cette seringue, peut-être. Sans penser un seul instant qu'on pouvait percer à jour son petit stratagème, simplement en connaissant suffisamment bien sa victime.

Cette fois, il ne s'agit plus seulement d'une promesse à Taichi. Ryo n'a pas pu simuler, près d'un mois et demi plus tôt, sa haine des drogues. Pas alors qu'il était blessé. Et je doute qu'elle vienne d'une ancienne addiction car je n'ai trouvé aucune trace sur ses bras, ni une quelconque dégénérescence des organes due à une prise quelconque. Il n'aurait donc bel et bien pas pu se suicider comme ça.

Et je vais avoir besoin plus que jamais des analyses de Shizuka.

Justement, ce.tte dernier.e rentre, suivi.e de Saki renfrognée et de Monokuma souriante. Cette dernière claque dans ses mains joyeusement, attirant l'attention de tous, avant de nous faire un charmant sourire. Enfin, qui serait charmant si elle n'était pas Monokuma.

« Temps écoulé les enfants ! Je vous retrouve devant la porte du tribunal ! Ne soyez pas en retard, n'oubliez pas que je dispose de seize otages dont je peux faire ce qu'il me plaît... »

Elle disparaît sur cette charmante phrase, et je décide de suivre tout le monde vers le tribunal. Tant pis pour le reste de mes recherches, il faudra juste prier pour que mon pressentiment soit suffisant.

Sur le chemin, Shizuka me prend le bras. Elle a deux feuilles dans les mains.

« Les résultats que tu voulais, Satou. J'ai dû les montrer à Tamura, mais elle n'a pas su en faire grand-chose. J'espère que tu auras plus de jugeote. »

Je plisse les yeux. La première feuille est l'analyse du contenu de la seringue. Apparemment, Shizuka y a bien trouvé des traces de morphine. Celui qui s'en est servi a donc bien poussé le vice jusqu'à injecter un peu du produit dans les veines de Ryo, sans doute pour tromper l'autopsie. Je soupire, et sors la bouteille de ma poche. Elle est percée et très clairement entamée, mais ce n'est pas une dose létale qui en a été enlevée. La morphine n'est qu'un prétexte que n'importe qui n'étant pas médecin pourrait prendre pour vrai.

Ne reste que la deuxième feuille. J'y jette un œil. Et mes dents se serrent.

J'avais raison.

Et mieux encore, l'information pourrait s'avérer d'une extrême importance... Dans la destruction de certains alibis.

Pas le temps de creuser. S'il le faut, je chercherai au milieu du procès. Mais j'ai une piste. Une très, très, grosse piste. Et cette fois, je compte bien ne négliger aucune information.

Shizuka sourit.

« Tu trouves quelque chose d'intéressant, Satou ? »

Je soupire. Juste un peu. Assez pour masquer mon expression de pure colère.

« Très probablement. »

Nous sommes devant la porte. Monokuma, cette fois, ne s'est pas fendue d'un seul commentaire sur les retardataires, à raison puisqu'aucun d'entre nous n'avons traîné en route. Même Daisuke est présent. Il me regarde. Son conseil me trotte encore dans la tête, mais cette fois, je sais où chercher.

Monokuma ouvre. Et chacun prend sa place devant son pupitre attitré, non sans remarquer les portraits funéraires appartenant cette fois à Hina et Ryo trôner devant leurs places respectives. De plus en plus glauque. Et un éternel rappel que le compteur descend.

De seize, nous sommes passés à trente. Et aujourd'hui, nous sommes treize, treize réunis dans la même pièce pour en exécuter un. La condamnation ne cesse jamais de s'étendre.

Chacun s'installe dans un silence de mort, et la dernière à prendre place sur son pupitre est Monokuma, qui nous adresse un large sourire.

« Et voilà, mes enfants ! J'ai beaaaaaucouuup de choses à vous dire, surtout concernant ceux dont vous avez en charge la vie, mais ça attendra la fin du procès... Qui sait, je n'aurai peut-être même pas besoin de le dire, upupupupu ! »

Elle ricane, alors que chacun la regarde avec haine et terreur. Mais personne ne relève.

« Je vous rappelle les règles ! Le débat peut porter sur n'importe quoi, du moment qu'il progresse ! Si je m'ennuie, vous votez, et je me fous du résultat, je suis là pour m'amuser ! Le coupable se fera exécuter, ou alors si vous échouez à le trouver, il s'en sortira, et avec lui tous vos proches adorés... Vu que la Tuerie sera terriblement ennuyeuse, autant y mettre fin, upupupupu ! Du coup est-ce que quelqu'un a des choses à dire ?

— Si vous permettez je vais commencer, soupire Akihito. Premièrement, en ce qui concerne l'état du corps, nous l'avons trouvé en fin d'après-midi alors qu'il n'était mort que depuis une heure, selon l'autopsie. Une seringue et une bouteille de morphine ont été trouvées à côté de lui. Celui qui a d'ailleurs tenté de se débarrasser de la preuve s'y est pris trop tard, d'ailleurs, » grommelle-t-il en fixant Daisuke.

Je n'ai pas spécialement envie de le faire accuser à ma place mais je me réjouis qu'il n'ait pas cherché trop loin dans ses suspects. Sans preuve tangible de la culpabilité d'un autre, je ne pourrai pas vraiment me défendre et pourrai être considérée comme complice. Daisuke, lui, a un bagage qui permet juste d'affirmer qu'il voulait ennuyer les enquêteurs. Je reste donc muette, et de toute façon Daisuke ne se défend même pas. C'est à peine s'il me lance un regard.

« Bref, soupire Akihito. Dans tous les cas, Shizuka a fait tester la seringue et le sang de Ryo. Les deux avaient des traces de morphine. C'est donc forcément ce qui l'a tué.

— Dose létale ? Grommelle Haruko. La morphine est une drogue au même titre que l'opium, la molécule dont elle est tirée. Il faut une forte dose de morphine pour provoquer une overdose mortelle, même chez quelqu'un qui n'a jamais eu d'accoutumance.

— Vrai, soupire Akihito. On ne sait pas si la dose est létale. Selon Shizuka, non, mais la morphine a très bien pu être éliminée dans le sang, ou combinée à cet autre sédatif que Shizuka a testé et qui a sans doute été ingurgité au mauvais moment.

— Alors là, je t'arrête tout de suite ! S'exclame Michi. Ryo a horreur des drogues, des antalgiques ou quoi que ce soit de calmant ! Même quand il est blessé, il évite au maximum les antidouleurs !

— Je confirme, j'interviens. Quand j'ai soigné sa jambe, il a refusé même le paracétamol. »

Akihito me regarde, hoche la tête et reprend son raisonnement.

« C'est vrai, mais pour un suicide, on peut considérer qu'il n'avait pas d'autre réelle option. Et justement, sa non-connaissance des drogues a peut-être été ce qui l'a fait rater sa dose létale. Mais je m'avance sans doute trop... De toute façon, l'hypothèse du suicide est prouvée par tous nos alibis pour l'après-midi. »

Le sédatif. J'avais presque trouvé l'endroit où il était conservé... Si j'arrivais à savoir dans quelle armoire je l'ai mis, le procès serait résolu à coup sûr. Il faut absolument que je regarde sur mon Monopad, mais Monokuma me fixe avec son grand sourire et je ne sais pas si je peux me détourner du procès... Oh, et puis zut. Je tente.

« Excuse-moi Monokuma, j'interviens, mais est-ce que je peux m'extraire des débats pour un moment ? Je dois vérifier quelque chose sur mon Monopad.

— Une preuve de dernière minute ? Fais, mon poussin, pouffe la juge, avec son large sourire satisfait. De toute façon, ils se débrouillent très bien sans toi. »

Ben voyons. Je soupire, et sors mon Monopad de mon sac, essayant de ne pas faire attention aux débats qui reprennent. Michi et Akihito semblent s'embarquer de plus en plus vers une dispute, de toute façon, je doute pouvoir la contrôler par ma seule attention. Et je dois chercher une preuve pour la résoudre.

« Personne à part toi et Taichi n'êtes descendus à l'infirmerie de tout l'après-midi, le temps où Ryo est mort ! Et Monokuma vous considère innocents, s'exclame Akihito, donc il n'y a qu'un seul coupable possible !

— Quelqu'un aurait pu le tuer avant ! A l'heure du repas, par exemple, pendant que tu étais parti !

— ça ne ferait pas assez de temps, soupire Junko. Nous étions tous dans la même salle au même moment. Certes, des gens sont arrivés après Akihito et Sora, mais le laps de temps entre leur départ et l'arrivée de ces gens au réfectoire est trop court pour que qui que ce soit puisse aller piquer Ryo. A part lui-même, vu qu'il n'a pas bougé. Et tu n'as pas vu de traces de piqûres sur son bras quand tu es allée le nourrir, si ? »

Michi s'étrangle.

« Arrêtez de dire qu'il s'est suicidé ! Je vous dis qu'il n'a aucune raison pour ! Il détestait les drogues, il nous avait fait une promesse, et puis.... Et puis... »

Elle se stoppe dans ses paroles, pile au moment où j'ouvre le dernier ficher de recensement des médicaments. Tout en tapant son nom dans la barre de recherche, je regarde Haruko fixer Michi avec compassion, avant de lui dire :

« Michi, est-ce que tu as quelque chose à nous dire ? Qui pourrait prouver qu'il ne s'est pas suicidé ? »

La concernée soupire, avant de fixer le portrait de Ryo d'un air hésitant, presque désolé. Il lui faut quelques secondes, sans doute, pour battre son propre débat intérieur, avant qu'elle ne finisse par hausser les épaules.

« Lorsque Monokuma a édicté ses règles, elle a pas parlé de cette condition d'exécution de proche, mais on était loin d'être cons, Ryo et moi, on savait qu'ils allaient être utilisés comme levier pour nous empêcher de simplement nous tuer. Y'en a qui s'en préoccuperaient sans doute pas ici, sauf que Ryo et moi, on avait un énorme problème avec ça... »

Elle regarde les visages de chaque personne présente, avant de finalement soupirer.

« Le proche de Ryo, c'est le bassiste de son groupe. Il s'appelle Leo Kimura et c'est en quelque sorte un fuyard. Il s'est enfui d'un village d'exploiteurs reclus du Japon il y a très longtemps, et Ryo l'a accueilli chez lui en secret, derrière le dos de ses parents. Leo a un sale passé, et quand je l'ai rencontré il m'a raconté des horreurs sur ce qu'il se passait dans son village... Ryo m'a dit qu'il avait juré de le protéger quoiqu'il arrive, et à même réclamé un titre à Hope's Peak dans l'espoir que Leo puisse aller à la Réserve avec lui et être tranquille... Jamais il aurait risqué sa vie en se suicidant, et surtout même s'il se faisait pas d'illusions... Il ne se serait jamais laissé tuer. »

La révélation de Michi jette un froid sur tout le tribunal. Même Akihito et Saki, les plus ardents défenseurs de la cause du suicide, ne peuvent s'empêcher de se jeter des regards en coin. Junko, de son côté, grince des dents, mais se permet malgré tout une remarque froide.

« Certes, Ryo n'aurait pas mis la vie de son proche en danger, mais ça n'implique pas qu'il connaissait la règle de Monokuma. À moins d'être l'instigateur, ce qui me semble hautement improbable pour un certain nombre de raisons.

— Ding ding ding ! Rigole Monokuma. Effectivement, c'est pas lui ! Continuez à chercher !

— Toujours est-il que de simples émotions ne remplacent pas une preuve. Donc, à moins que vous en ayez une, soupire Junko, on va considérer qu'il a mis fin à ses jours.

— Tu veux une preuve ? J'en ai une. »

Tout le monde se tourne vers moi. Je déteste ce genre de regards sur ma personne, mais je les maintiens, tour à tour. Dans ma main, un écran de Monopad, portant un unique nom et une unique location. La preuve. Et je sais exactement comment m'en servir.

« Le sédatif que Shizuka a testé, c'est moi qui lui ai demandé de le faire. Il vient de cette boîte, je dis en levant ladite boîte de médicaments. Il s'agit d'un sédatif en gélules, facilement dissolubles dans un liquide. Pris à trop forte dose, il provoque la mort en environ une journée avant de disparaître du système sanguin. »

Et ce sédatif est la cause de la mort de Ryo. La fiche que Shizuka m'a transmise en est la preuve. Iel a réussi à retrouver des cellules sur lesquelles s'étaient fixées les molécules que je cherchais, et en cherchant la notice du médicament sur mon recensement, j'ai eu la certitude que nous avions atteint la dose létale.

« Il est moins connu, alors ce n'est pas ce qu'on recherche en premier, je continue, serrant mon Monopad dans mes mains, mais quelqu'un qui s'y connaît un peu avec les médicaments peut facilement l'employer, ou faire une recherche le cas échéant sur le moteur de recherche du donjon, qui j'en suis sûre dispose de toutes les infos que vous voulez sur les poisons présents ici. En tout cas, ça n'indique personne. Ce qui est le plus important, et ce que je pense nous devons creuser, c'est le temps que met la victime à mourir. Une journée. Pour être plus précise, dans les vingt-quatre heures au moins, en fonction de la dose. Ryo est mort aujourd'hui en milieu d'après-midi. Vous savez ce que ça veut dire. »

Je vois Akihito et Saki blêmir. Ils viennent de comprendre le problème. Et moi aussi, même s'il reste de nombreuses zones d'ombre, je commence à reconstruire le puzzle.

« Fabriquer une scène de crime ou même se cacher pour la fabriquer est bien plus facile que de tuer quelqu'un, je conclus. Et si c'est bien ce que je pense, tous vos alibis à l'exception de celui de Taichi, Michi et du mien s'effondrent. »

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