Chapitre 2 (16) : An end of their own ?
Nous sommes trois à nous précipiter sur lui, mais j'ai l'impression que nous ne formons qu'un seul bloc. Michi cherche son pouls avec frénésie, tâtant son poignet, puis sa carotide, puis tous les endroits possibles ou le sang a une chance de battre. Moi, je le tâte partout ou je peux, cherchant des traces de blessures ou autres pouvant me permettre de conclure sur ce qui cause chez lui cet état si rigide. Et Taichi, le plus perdu d'entre nous, hurle toute sa rage, tout son désespoir alors qu'il prend le visage inexpressif de son petit ami dans ses bras, et le secoue autant qu'il peut sans prêter attention à ses larmes qui coulent.
Mais ça ne sert à rien. Sa peau est à peine tiède, son pouls ne bat plus. Et même s'il ne faisait que dormir, nous l'aurions réveillé depuis longtemps.
L'annonce est pour nous. L'annonce est pour nous trois. L'annonce est pour lui.
Taichi finit par abandonner et hurle comme une bête blessée, agrippé à la veste en cuir de Ryo comme si c'était sa seule ancre vers le monde extérieur. Michi, de son côté, laisse échapper son bras, qui retombe mollement sur l'accoudoir, comme si je n'avais pas besoin d'assez de preuves. Elle est au bord des larmes et je vois ses propres mains trembler. Pareille vision me pousse, comme par instinct, à la prendre dans mes bras et elle se cramponne à moi comme à une bouée de sauvetage.
« Il... Il est mort, sanglote-t-elle dans mon haut. Il est vraiment, vraiment mort... Reina, s'il te plaît, dis-moi que c'est pas vrai, dis moi que c'est pas fini... »
Mais je ne peux pas lui mentir.
Tout le monde finit par débouler dans l'infirmerie, tour à tour, avant de se figer devant le cadavre de notre ami, que Taichi garde toujours avec la férocité d'un tigre. Il frappe Akihito qui tente de s'approcher, et ce dernier soupire.
« Taichi, tu sais que ce que tu fais ne sert à rien...
— Laisse-moi ! Hurle le prêtre. Tout le monde dehors, tout le monde bouge pas ! J'veux la peau de celui qui a fait ça ! »
Celui qui a fait ça. Oui. Car quelqu'un a tué Ryo, et Monokuma le sait, Monokuma l'a vu organiser son crime. C'est pour ça qu'elle m'a dit ça hier. Pour ça qu'elle paraissait si satisfaite au concert. Elle savait qu'il était pris pour cible, et moi je ne l'ai compris que trop tard.
Qui l'a tué ?
Qui a eu le manque d'empathie et la noirceur nécessaire pour achever notre blessé ?
Qui va mourir aujourd'hui pour qu'on survive tous...
« ... Okumura, sois gentil et écoute, finit par lancer Haruko, glaciale. Tout le monde ici veut savoir qui a fait ça. À part une personne. C'est ce qu'on essaye tous de faire, la trouver. Donc arrête de faire ton bébé et écarte-toi pour laisser Reina examiner le corps. »
Cette fois, je me dois d'intervenir. Haruko va trop loin. Certes, sa logique froide est applicable, mais elle oublie que Taichi vient de perdre celui qu'il aimait. Et je ne connais que trop bien cette douleur pour ne pas prendre son parti.
« Du calme ! Je m'exclame. On a le temps. En plus, j'ai trouvé le corps avec Taichi, j'ai déjà pu me faire une idée des blessures... »
Haruko me lance un regard surpris, mais se contente de hausser les épaules.
« Et donc ?
— Aucune blessure particulière, je soupire. À part sa jambe... Rien n'indique qu'il n'ait été frappé, poignardé, étouffé ou quoi que ce soit qui laisse des traces évidentes. Je devrais faire l'autopsie pour m'en assurer, mais...
— Pas question ! hurle Taichi. Je te laisse pas le charcuter ! Tu crois que je sais pas ce qu'il se passe en autopsie ? Je peux pas te laisser faire ça ! Je veux pas, je... »
Il fond en larmes avant d'avoir pu finir sa phrase, et Michi le prend doucement dans ses bras, avant de l'écarter de Ryo. Je me sens à l'étroit dans l'infirmerie, avec ces treize personnes qui se fixent en chien de faïence, chacun se demandant si le coupable est à leurs côtés, dans leurs bras, derrière eux, prêt à frapper de nouveau.
« Peu importe, soupire Haruko. L'enquête doit être faite. Monokuma attend des résultats, sinon c'est la mort qui nous attend. Tous. »
Ça a le mérite de faire en sorte que Taichi cesse de résister. Il se laisse aller contre Michi en continuant de sangloter, et ne résiste pas plus. Haruko hoche la tête, avant de se détourner d'eux et de demander :
« Alors. Qui veut bien m'aid-
— Minute. »
Akihito vient d'élever la voix. Son regard passe de Ryo à Haruko, qu'il fixe avec calme, tandis qu'il fait signe à Saki de s'avancer.
« Après le dernier procès, Saki et moi avons convenu de prendre l'enquête en charge. Je pense en toute honnêteté que vous lui devez bien ça, après l'avoir accusée à tort. De plus, comme on craignait que cela n'arrive, on a cherché aux alentours et je peux déjà vous donner quelques conclusions. »
Il regarde Haruko droit dans les yeux. Cette dernière se contente de les plisser.
« Tu sembles bien sûr de toi pour un potentiel suspect. Et ton insistance à prendre l'enquête en main est louche.
— Crois ce que tu veux, soupire Akihito. Plusieurs détails corroborent ma piste ; premièrement, la seringue qui traîne au sol. »
Il montre du doigt l'outil à mes pieds, et par pur réflexe je me penche pour le ramasser. C'est une seringue de taille moyenne, le genre de chose utilisé pour une injection lambda. Celui qui s'en est servi s'est plus que probablement servi d'un autre conteneur. Donc, je dois le trouver. Et prouver la mort médicamenteuse. L'autopsie me dira si c'est le cas, mais honnêtement, difficile de voir ce qui aurait pu provoquer le décès autrement. C'est ça ou le poison, vu l'absence de blessures. Ou la seringue pleine d'air, mais la planter directement dans une veine est compliqué... A voir ce que me dira... Mon travail.
« Deuxièmement, continue Akihito, est-ce que l'un d'entre vous a vu le cadavre ? »
Personne ne répond, alors il soupire.
« On peut en conclure que Reina, Michi et Taichi sont les trois personnes de l'alarme. Personnes qui sont donc innocentes. Or, personne d'autre n'est venu à l'infirmerie aujourd'hui, et je le saurais car j'ai passé pas mal de mon temps dans la zone plaine peu après le début de l'heure de jour. Il n'y a donc qu'une seule possibilité. Le suicide. »
Ses derniers mots déclenchent un tollé de réactions diverses dans toute l'infirmerie. Ceux qui viennent d'arriver s'entreregardent, et quelques questions fusent de-ci de-là. Je constate avec horreur que certains semblent approuver cette piste, comme Shô, qui hoche la tête, ou Shizuka, qui vient de soupirer. Même Junko ne semble pas dédaigner l'idée.
Mais ce qui fait le plus de bruit, c'est le hurlement indigné de Taichi et Michi, qui dardent sur Akihito exactement le même regard enragé.
« Ryo n'aurait jamais fait ça !
— Ouais ! renchérit Taichi. Il me l'a promis ! Je pense surtout que tout ça c'est de belles paroles pour cacher que TU es le meurtrier, et tu te sers d'une ancienne accusée à tort pour faire ton petit alibi ! Eh bien devine quoi ? ça marche pas ! N'importe qui risque de se faire accuser à tort dans ce putain de donjon de merde, on doit rien à ta copine, et en plus si ça se trouve c'est ta complice ! Allez, avoue, maintenant, salopard, on t'a tous cramé tu sais ! »
Je dois reconnaître une qualité indéniable à Akihito, c'est qu'il sait garder son calme même alors qu'on l'accuse de choses extrêmement graves. Même alors que Taichi semble prêt à se jeter à sa gorge, et en étant certain qu'il ne gagnerait pas le combat, il continue de fixer le prêtre endeuillé avec calme voire même un semblant de compassion. Saki, à côté de lui, semble juger très fort Taichi, mais ce n'est pas elle que je regarde. Surtout pas depuis qu'elle m'évite.
« Taichi, soupire le Chroniqueur, écoute-moi. Beaucoup de personnes ici peuvent témoigner que Ryo ne semblait pas tenir plus que ça à la vie, surtout depuis sa blessure. Il avait des paroles plutôt évocatrices. Et je sais qu'une promesse est une promesse, mais dans cette situation, tu peux convenir qu'il peut s'être décidé de ne pas la tenir. Nous aurions perdu l'un d'entre nous dans quatre jours. Peut-être a-t-il voulu nous épargner cette peine ?
— La ferme, grogne Taichi. Tu insultes sa mémoire.
— Je sais ce que tu penses de moi et je n'y accorde pas beaucoup d'importance. Seulement, reprend Akihito dans le plus grand des calmes, trois personnes ici peuvent confirmer mon alibi, en plus de Saki. Sora, qui a passé la matinée à écrire dans la zone plaine. Yuuki, qui rangeait ce qu'il restait du mariage. Et Daisuke, qui guettait exactement la même chose que moi. »
Je me tourne vers les trois concernés. Sora hoche doucement la tête, avec un profond soupir, tandis que Yuuki annonce :
« Ouaip c'est vrai ! Il a pas bougé, et Sora aussi d'ailleurs. Je suis passée une bonne dizaine de fois pour ranger mes trucs dans le labo d'Hina, et ils étaient là tous les deux ! Daisuke est arrivé qu'après, mais à partir de là je les ai pas vu du tout bouger avant le repas, où on était tous ensemble... »
Daisuke immobile ? Je ne sais pas ce que ça peut signifier. Sans compter que cela veut dire qu'il a fourni un alibi à deux autres personnes, en plus de moi, Taichi et Michi. Pourquoi voulait-il réduire la liste des suspects ? La dernière fois, il nous a mis des bâtons dans les roues assez monstrueux ! Qu'est-ce que tout cela veut dire ? A moins qu'Akihito n'ait raison, et que ce soit bel et bien un suicide ?
Quelque chose cloche.
Quelque chose cloche, et je n'arrive pas à savoir quoi.
Je me tourne vers Daisuke, en attente de sa réponse, et il hoche doucement la tête, avant de grommeler.
« Ouaip, c'est ça. Il était je pense neuf heures quand je suis arrivé, j'avais des choses à vérifier avant, mais le ptit écrivain et le minus aux cheveux longs étaient déjà là. Ni l'un ni l'autre n'ont bougé avant l'heure du repas, où on est allés ensemble, et on est revenus au même moment un peu avant que Michi aille porter son plat à la viande froide. Il est clean. »
Taichi siffle, mais Michi le retient. Les deux dardent des regards particulièrement haineux vers Akihito et Daisuke, mais aucun n'ose protester. Ce qui permet largement au Chroniqueur Ultime de reprendre.
« Maintenant que mon innocence est au moins un peu plus sûre, revenons-en au sujet. Nous prenons l'enquête en main.
— Eh, minute, lance Sora. Je veux bien confirmer ton alibi, mais tu ne peux pas t'imposer comme ça !
— Navré Sorasaki, mais je ne m'impose pas, soupire Akihito. Mais si tu veux en être sûr, nous allons faire un vote. Qui veut qu'Haruko prenne l'enquête en main ? »
Plusieurs mains se lèvent. Celle de Sora, celle d'Haruko elle-même, celles de Taichi et Michi. J'hésite un peu, puis, obéissant à mon pressentiment, je lève la main. Haruko a sans doute bien plus de chance qu'Akihito de parvenir à la conclusion qui me préoccupe. Quelque chose cloche.
« Très bien, continue Akihito en voyant qu'aucune autre main ne se lève. Qui souhaite que Saki et moi prenions l'enquête en charge ? »
Un seul et même mouvement. Sept mains se lèvent d'un même bloc. Akihito, Saki, Shizuka, Junko, Yuuki, Shô et Soma n'échangent même pas le moindre regard. Ils se contentent de fixer Haruko d'un même regard. Le regard de celui convaincu qu'il trouvera la réponse.
Sept contre cinq. Nous perdons cette manche.
Daisuke s'est abstenu. Il regarde les deux groupes l'un après l'autre, une expression indéchiffrable sur son visage scarifié, mais son regard revient le plus souvent vers moi. Pas un mot ne s'échappe d'entre ses lèvres.
« Je crois que c'est décidé, conclut Akihito. Haruko, je reconnais tes talents, et j'aimerais que tu te charges des interrogatoires, pendant que Saki et moi examinerons la scène de crime. Il faudra aussi vérifier que personne ne sort du réfectoire, à part nous trois, et, j'imagine, Reina. Je demanderai peut-être à une personne ou deux de plus de nous aider, mais...
— Wowowow stop, ricane Daisuke. Tu penses sérieusement que je vais suivre ton petit ordre de rester tranquillement assis sur mes couilles pendant que tu fais le sale boulot ? Je suis clean, tu le sais, alors j'enquête, point barre.
— Tu as bousillé la scène de crime et fait en sorte que Saki soit la seule suspecte, marmonne Akihito, alors désolé de me méfier de toi. Oui, tu resteras au réfectoire.
— Mon cul ! Je suivrai pas tes petites directives dictatoriales, compte-là-dessus mon con ! Personne ne peut m'empêcher de faire ce que j'ai à faire ! Et si t'essaies, toi ou n'importe lequel de tes sbires nouvellement acquis, de me toucher, siffle le Révolutionnaire en voyant qu'Akihito s'est approché, je vous envoie la tête la première dans le mur juste assez fort pour vous laisser en vie. Capice ? »
Les deux hommes se fixent un long moment du regard, Akihito avec agacement et Daisuke avec défi, avant que le premier ne finisse par baisser le regard et pousse un profond soupir.
« Fais ce que tu veux ! Mais si on meurt tous à cause de toi, j'espère que tu supporteras le poids de douze morts sur ta conscience pour tes derniers instants ! »
Daisuke ricane de nouveau, avant de se caler dans un coin de l'infirmerie. Sentant l'altercation terminée, je me recule, histoire d'observer l'infirmerie et de chercher des preuves, mais Akihito m'arrête.
« Désolé Reina, mais après le fiasco de la dernière fois, je préfère que tu restes sur l'autopsie. C'est plus prudent. »
Et plus sage, sans doute. Je vois ce qui le motive, et ce n'est sans doute pas la rancune inspirée par Saki qui motive ses paroles. Mais je ne peux m'empêcher de me sentir vexée. Et terrifiée. J'ignore pourquoi cette perspective me met si mal à l'aise, mais il y a une certitude qui s'imprime dans mon esprit à chaque minute qui passe : Akihito va se tromper. Et je suis la seule à pouvoir l'empêcher.
Il n'y a plus qu'une seule solution possible. Je dois échapper à sa surveillance et mener ma propre enquête de mon côté, avec toute l'aide qu'il me sera possible de trouver. Sinon, je ne verrai pas plus loin que le bout de ce procès.
_______
C'est que les choses se compliquent pour notre petite Reina !
A votre avis, comment va se passer cette enquête ? Et surtout comment Ryo est mort, n'est-ce pas...
Kichiro : Toi tu nous prépares des surprises.
Ne regrette pas d'être mort si tôt, mon poussin ! Le jeu ne fait que commencer..... :D
Upupupupupupupu !
A bientôt pour la suite ! Maintenant que j'ai fini d'écrire, je vous balance tout ça et je me remets à The Art of Creating Hope !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top