Chapitre 1 (3) : Finding secrets
« —Une dispute ? Déjà ??? »
L'air stupéfait de Sora me tire de mes réflexions. Nous sommes dans sa chambre depuis maintenant un bon quart d'heure, et Haruko et moi l'avons employé à lui relater les évènements de la matinée. Enfin. Surtout Haruko, vu que moi, le stress me ramenait trop souvent à ma clé de laboratoire, peut-être déjà égarée dans cette espèce de souterrain. En attente que quelqu'un la trouve. Et si ce quelqu'un n'était pas moi... J'avoue ne pas oser en envisager les conséquences.
Je hausse les épaules et me tourne vers l'Ecrivain Fantasy, qui nous fixe avec des yeux ronds. Il est en pyjama, une sorte de chemise recouverte de symboles qui ne me disent que vaguement quelque chose. Ses cheveux sont détachés, mais même les mèches qui tombent autour de son visage ne suffisent pas à cacher son expression de surprise totale. Il faut dire que... Une dispute, si tôt dans le jeu... ça n'augure rien de bon, n'est-ce pas ?
« —Oui, malheureusement... Michi a tenté d'imposer des règles de vie, et Kichiro s'est assez violemment élevé contre elles. Il a un petit groupe de soutien derrière lui maintenant... Shô et Taichi, notamment.
—Je crois que Soma semble aussi plutôt d'accord avec lui, rajoute Haruko, une expression fermée sur son visage. Et Shizuka ne va certainement pas suivre Michi après la prise de judo qu'elle lui a faite. »
On a donc cinq personnes qui ne suivront pas les règles. C'est assez conséquent, sur seize, je trouve... Sora, en entendant le nom de l'Illustrateur, pince les lèvres, avant de s'asseoir en tailleur sur son lit, les yeux baissés.
« —Et du côté des règles, il y a qui de d'accord ?
—Reina et moi, répond Haruko. Michi, évidemment, et je crois que Ryo va la suivre. Akihito me semblait aussi être d'accord avec la proposition.
—Du côté des filles, je pense qu'Hina et Saki vont suivre le mouvement, et Junko semblait plutôt d'accord. Yuuki est dure à cerner, mais je pense qu'elle fera en sorte qu'il y ait le moins de disputes possibles, je reprends.
—Et Daisuke ? »
Je me tends. Je n'ai pas vu l'Ultime Révolutionnaire du repas. Et donc, je n'ai aucune idée de ce qu'il pensera de ça. Seigneur... S'il s'allie à Kichiro, on aura un problème de taille sur les bras, mais l'idée de le voir régulièrement en m'enchante pas non plus. Surtout que ça m'étonnerait que ce soit le genre à aimer les règlements... c'est un révolutionnaire, quand même...
Mon absence de réponse fait comprendre à Sora qu'il n'en apprendra pas plus, et ce dernier grogne.
« —Je vois... Moi, de mon côté, je pense qu'un minimum de règles sera nécessaire, mais vous me verrez pas beaucoup si on verrouille les chambres en temps de nuit... Vous savez, je dors surtout le jour, et une bonne partie de l'attrait de Hope's Peak correspond aux horaires très libres qu'elle proposait. Haruko, tu pourras me ravitailler en nourriture si besoin ?
—Bien sûr chou. »
Elle lui serre la main avec une douceur telle que je ne peux m'empêcher d'afficher le même sourire que Sora. Bien que d'un coup, je ne me sente plus du tout la bienvenue ici. Je ferais mieux de les laisser tranquille, je pense qu'ils vont avoir besoin de toute l'intimité qu'on pourra leur octroyer... Je me lève, dans le but de partir discrètement, mais Sora me stoppe en me prenant le poignet.
« —Merci beaucoup de m'avoir tenu au courant, Reina. Tu sais, tu es la bienvenue ici quand tu voudras ! J'essaierai de voir pour que tu puisses déverrouiller ma porte si besoin, il y a sûrement moyen de restreindre ça à certaines personnes... »
Je... Suis très touchée. Dans un contexte où nous sommes tous censés se méfier les uns des autres, la confiance de Sora m'honore. J'espère juste qu'il n'affichera pas la même attitude avec tout le monde dans ce donjon... Je jette un regard vers Haruko, un peu crispée, et un clin d'œil de cette dernière m'assure qu'elle veillera au grain. Tant mieux.
Il ne me reste plus qu'à les laisser derrière moi, tant qu'ils ont encore des moments à eux.
Je sors de la chambre de Sora avec en tête mon idée première, qui se fixe dans mon esprit : Chercher ma clé de laboratoire. Il faut que je la trouve en premier avant que quelqu'un, ou pire, Kichiro, ne tombe dessus... Lui, vu ce qu'il a dit, n'aurait aucun scrupule à exposer mes petits secrets à tout le monde. Tous mes petits secrets...
Non. Hors de question.
Je secoue la tête et m'engage dans les couloirs. Alors, Reina. Où est-ce que Monokuma aurait pu cacher une clé d'une telle importance ?
Dans le réfectoire ? M'étonnerait. Tout le monde y passe, ce serait trop facile, et elle veut sûrement nous voir fouiller le donjon dans ses moindres recoins.
Dans une des salles d'amusement ? Un peu facile aussi, mais je pourrais peut-être commencer par là... Et puis, ça me fera peut-être glaner des opinions utiles dans les conversations des gens qui s'y trouvent.
Il ne me reste donc plus qu'à tourner à droite à la bifurcation du couloir.
La première pièce que j'atteins est l'aquarium. Un rapide regard aux alentours m'apprend qu'il n'y a que très peu d'endroits pour cacher une clé. Par contre, je n'avais jamais vu ce lieu de près lors de ma première investigation, et force est de constater qu'il est d'une grande beauté... Des poissons de toutes sortes s'y côtoient dans des bacs plus ou moins éclairés, et je vois des étoiles de mer collées sur certaines des parois de verre. Des échelles sont situées au bord de certains des aquariums, sans doute pour nourrir les poissons.
Ou pour servir de nourriture aux poissons.
Cette horrible pensée me fait secouer la tête. Non, ce n'est pas possible. Il n'y a de toute façon pas de piranhas dans ces bacs, les plaques nominatives des différentes espèces sont toutes assez claires. Et puis, qui irait jeter quelqu'un dans un aquarium si ce n'est pas pour faire disparaître à coup sûr un corps... Surtout en présence d'un médecin qui peut reconnaître la mort par noyade...
............ En ma présence....
Je me mords la joue. Non non non, Reina, pas de mauvaises pensées. Ce n'est pas le moment. Qui irait t'attaquer de toute façon ? Enfin. De quoi pouvoir faire de la self-défense ne serait pas de trop. Je demanderai à Michi de m'apprendre quelques prises. Ou alors je garderai une... Une arme dans ma chambre... Comme un tuyau, ou une batte...
En tout cas, l'aquarium est vide. Pas de trace de clé, pas de visiteurs. Je le laisse derrière moi, et me dirige vers la salle informatique, à la gauche de l'endroit que je viens de quitter.
Dans cette salle, pas de présence immédiate de clé. Le nombre d'ordinateurs que Monokuma y a installé, de même que les consoles de jeu et les écrans vidéo, est effrayant. Mais en plus de la quantité de multimédia, j'y trouve, sur l'estrade surplombée par un écran de cinéma, Kichiro, Taichi et Ryo en violente dispute.
Distraite de ma recherche, je m'approche d'eux, le plus discrètement possible. Mais apparemment Kichiro a l'ouïe fine, vu qu'il se tourne immédiatement vers moi.
« —Reina ! Viens ici, veux-tu ? »
Son ton méprisant m'emplit d'une colère sourde. Comment ose t'il... Comment a-t-il pu croire que me parler sur ce ton était une bonne idée ??? Si seulement j'avais eu le courage de Michi, et l'envie de l'envoyer se prendre le mur qu'il mérite avec une telle attitude de macho. Mais je ne suis pas Michi. Je suis Reina. Et Reina s'approche docilement de l'estrade sans laisser montrer une seule seconde qu'elle est folle de rage.
« —Il y a un problème, Kichiro ?
—Oui. Explique donc à ce monsieur que je croyais plus sage que ça que la petite roturière en kimono a tort et qu'instaurer des règles ne sera utile à personne. »
Ryo derrière lui s'étrangle de colère, et je vois ses poings se serrer. Ce n'est pas bon ça, pas bon du tout... Comme tout ce qu'il se passe depuis ce matin, même depuis hier, je dirais. Ah ah ah. Mais j'ai une petite chance de calmer le jeu, alors je monte sur l'estrade et je me poste à côté de Taichi, qui bizarrement ne pipe mot.
« —Michi a certes été expéditive et n'a pas voulu mettre ces règles au débat, mais elle n'a pas tort, Kichiro. On est dans une Tuerie. Si on ne met pas en place un minimum de règles, il sera trop facile de tuer des gens et de s'en sortir. Et je ne tiens pas à avoir quinze morts, dont la mienne, à déplorer. »
L'Ambassadeur pince les lèvres, et me regarde avec un mépris non dissimulé, mais c'est Taichi qui intervient le premier, à grand renfort de gestes du bras.
« —Ouais mais quand même ! Là elle a été carrément trop loin, la miss ! Genre obligé de rejoindre sa chambre dans l'horaire de nuit ? Devoir se retrouver tous les soirs ? C'est pas un poil trop ?!?
—Oh toi je te prierai de te taire ! De toute façon, s'il y a un gars mignon dans le coup toi tu le suis sans prendre en compte sa logique plus morcelée que les joues de ma grand-mère ! »
Le poing de Taichi part, et Ryo n'a que quelques secondes pour empêcher cette force d'environ un mètre soixante de s'écraser de tout son poids sur lui. Le Prêtre hurle de colère, outré, des mots que je ne parviens même pas à comprendre, et poursuit un Batteur qui tente du mieux qu'il peut d'esquiver ses coups. Je me mords la lèvre. Exactement ce que je voulais éviter... Un regard vers Kichiro m'apprend que lui non plus ne s'attendait pas du tout à ça, mais il reprend vite sa contenance et me fixe avec froideur.
« —Bien. De toute évidence, personne n'est capable de réfléchir dans cette salle. Je vous laisse donc songer à l'idiotie de vos actes seuls pendant que je vais m'occuper de sujets plus urgents. »
Et il me laisse plantée là, sans même un au revoir. Je laisse mes sourcils se froncer un court instant, histoire de laisser passer un peu de la colère que je ressens actuellement. Mais bon, je ne peux pas faire grand-chose de plus. Si Kichiro ne veut pas m'écouter, il n'écoutera personne. Sauf Saki peut-être. Et je sais que Saki refusera de lui parler, donc autant le classer directement dans les cas désespérés.
Je soupire et me dirige vers Taichi et Ryo, qui se battent toujours, et bloque une nouvelle attaque du premier de toute la force de mes petits bras. Ce n'est pas très difficile : Malgré la force que je sens dans son biceps, Taichi a cessé tout mouvement en sentant mes mains entourer son bras. Il se tourne vers moi, surpris, alors que je m'interpose entre lui et Ryo.
« —Mais miss, qu'est-ce qui te prend enfin ? Il m'a insulté !
—Et je maintiens ce que j'ai dit, grogne Ryo. Ta vie est menée par la Sainte Chibre. Tu crois que j'ai pas suffisamment potassé ta religion pour voir à quel point c'est une excuse pour du sexe ? »
Le Prêtre se remet à grogner, mais je ne m'écarte pas d'un pouce.
« —Ar... Arrêtez ça s'il vous plaît... c'est exactement ce que Monokuma veut ! Qu'on se déchire au point de s'entretuer ! »
Ryo crache au sol, Taichi montre les dents, mais je ne m'écarte pas.
« S'il vous plaît... Réglez ça sans vous taper dessus. On peut pas déjà avoir un meurtre si tôt alors qu'on devrait chercher l'instigateur... »
Cette fois, je leur arrache un peu de réaction. Taichi dégage son bras de mes mains, Ryo se relève. Je sens leurs regards noirs se poser l'un sur l'autre, mais aucun d'entre eux ne semble vouloir continuer à se battre. Mon corps se détend un peu. Est-ce que la crise est passée... ?
Un moment de silence s'écoule, puis Ryo soupire.
« —Oui, c'est vrai. L'instigateur. Le vrai ennemi. Quelque chose du genre. Vu les moyens déployés par ce type, je peux être sûr que c'est pas un prêtre qui pense qu'avec son cul qui a fait un truc pareil.
—Et toi t'es trop snob pour risquer ta propre vie dans un jeu pareil, renchérit Taichi. Ça au moins, j'en ai la certitude. »
De nouveau le silence. Et puis les deux garçons éclatent de rire.
« —Moi, snob ? Mon dieu si seulement tu pouvais voir certains membres de mon groupe, pouffe Ryo. Là je peux t'assurer que tu reverrais ta définition de snob.
—Ah ça je dis pas non, lance Taichi. Ce sont des mecs ? C'est marrant de faire ravaler leur opinion de droite aux gars mignons. »
.......... Je crois que tout va bien se passer.
Ce changement d'attitude ne m'étonne pas de Taichi, qui me donnait l'impression de passer très vite d'une émotion à l'autre, mais Ryo me surprend. Je ne pensais pas qu'il allait lâcher le morceau si vite. Tant mieux, vous me direz. Un souci de moins à régler. Je m'assure qu'ils ne se remettront pas à se taper dessus après mon départ et je quitte les lieux, un peu rassurée par les éclats de rire et l'aspect joueur que prennent les insultes. Je ne sais pas si ça va durer, mais voilà au moins une accalmie.
Je quitte la salle d'audiovisuel après un rapide regard aux alentours, bien infructueux malheureusement, et je finis par tomber, après un rapide regard dans la salle d'art ne m'apprenant rien de plus, sur la forêt tropicale que j'avais vu le premier jour. Je déglutis. Cet endroit ne me dit vraiment rien de bon, mais si Monokuma voulait cacher quelque chose... Ce serait vraiment le meilleur endroit...
Je m'avance de quelques pas. Pas plus, car surgit du sol le maître de jeu en personne, la petite fille en tenue noire et blanche qui me coupe la route avant même que je ne puisse m'approcher des arbres.
« —Couc-ours ma petite Reina ! En pleine chasse au trésor je vois ? »
... Je ne veux même pas lui répondre. C'est sa faute si je cherche partout à protéger mes souvenirs, après tout. Mais sa position m'empêche d'atteindre mon objectif sans lui passer devant, et je crois que c'est exactement ce qu'elle veut...
Ainsi, tout ce que Monokuma obtient de moi est un grognement, suivi de la demande la plus polie possible de se pousser. Mais évidemment, elle ne m'écoute pas.
« Je m'en doutaiiiiis ! Des squelettes dans le placard, ma petite chérie ? Oh non me réponds pas, je sais déjà tout ! Mais je devrais peut-être te prévenir que tu n'es pas la seule à chercher des bouts d'os... »
Qu'est-ce... Qu'est-ce qu'elle a voulu dire ? Qui cherche quoi ? Est-ce que quelqu'un est après moi ? est-ce que je suscite déjà la méfiance ? Ou alors, entre Saki, Hina et Kichiro, l'un d'entre nous cache un secret embarrassant ou... Dangereux ? Qui ? Pourquoi ? Kichiro ? Sûrement Kichiro. Quand il est parti de la salle d'informatique tout à l'heure, est-ce que c'était pour chercher ma clé ? La sienne ?
Je secoue la tête. Hors de question de la laisser me perturber. Elle cherche à me monter contre les autres. La vie en communauté est notre meilleure option. Je ne dois pas me laisser déstabiliser.
« —Laisse-moi passer, s'il te plaît, Monokuma.
—Mais bien sûr pupuce ! Je m'en voudrais de te désavantager dans la course aux dossiers croustillants ! Mais pense quand même à ce que je t'ai dit n'est-ce pas ? Tu vas sûrement devoir prendre ça en compte dans un futur proche... Upupupupupupupu ! »
Et elle s'éloigne. Comme ça, son rire caquetant dans son sillage alors qu'elle me passe devant et court vers la salle d'audiovisuel. Me laissant profondément perturbée derrière elle, et ne pouvant qu'imaginer les pires scénarios.
Moi qui ne pouvais pas me permettre de me laisser déstabiliser... Cette petite intrigante n'y arrive que trop bien. Maudite soit-elle. Maudit soit ce jeu dans lequel il n'y aura aucun gagnant. Maudit soit ce piège de la chasse au trésor dans lequel je me suis laissée prendre bien trop facilement. Et tout ça pour quoi ? Me protéger ? Tu es ridicule, Reina. Tout ce que tu vas réussir à faire, c'est attirer la suspicion sur toi.
Sur des jambes tremblantes, je me dirige vers l'intérieur de la forêt tropicale. Je dois trouver cette clé. Ne serait-ce que pour présenter un cabinet potable à mes camarades. On aura besoin de médecins... Bien trop besoin de médecins...
Les lianes m'empêchent d'avancer, et l'odeur entêtante des fleurs me prend à la gorge. Chaque pas que je fais est retenu par une plante, et plus d'une fois les arbres m'empêchent de m'étaler sur le sol. Je scrute du mieux que je peux chaque recoin de la forêt tropicale, l'un des endroits les plus remplis de cachettes pour une simple clé. Mais les minutes passent, et aucune incongruité n'attire mon regard. Pas de clé. Est-ce que ça veut dire que j'ai mal cherché, qu'elle n'est pas là, que je vais devoir consacrer plusieurs heures à mes recherches, m'attirant ainsi les regards suspects des autres ? Ou bien quelqu'un l'a déjà trouvée et je ne fais que repousser l'horrible réalisation ?
Je m'essuie le front, abrutie par l'intense chaleur dans lesquelles les plantes se développent. Une pause serait peut-être une bonne idée... Je n'arriverai à rien si je m'épuise à la tâche.
Je trouve une bonne racine sur laquelle s'asseoir, et mon corps soupire de soulagement lorsque je la sens caler mon arrière-train. Je ne me rends pas compte à quel point rester debout me fatigue, je crois qu'il va falloir faire quelque chose contre ça... ou bien c'est le stress ? Quoi qu'il en soit, un moment de calme résoudra sûrement cette affaire. Enfin si je ne suis pas dérang-
« —Salut princesse. »
Eeeeeet pour la troisième fois au moins de la journée, je sursaute et manque de me ridiculiser en m'étalant quelque part, cette fois sur l'arbre qui me sert de soutien. Pour ma défense, je me demande qui ne serait pas surpris en voyant devant soi le visage moqueur de Daisuke, tête en bas à vingt centimètres de soi, le fixer avec des yeux aussi froids ! Je crois bien que j'ai failli m'évanouir de peur...
Le Révolutionnaire Ultime est pendu à une branche de l'arbre sur lequel je m'étais assise, en cochon pendu, les bras frôlant presque le sol et le T-shirt me laissant voir sa carrure... Et le nombre impressionnant de cicatrices qui ornent son abdomen. Depuis combien de temps il est là ? Il ne me suit pas j'espère ?
Incapable de dire quoi que ce soit, je me recroqueville, et le laisse tomber juste à côté de moi, de nouveau les pieds sur le sol et la tête vers le haut. Il ne semble... Même pas dérangé par l'incongruité de la situation ! Décidément je ne le comprends pas... Et puis d'abord qu'est-ce qu'il me veut ?
« On peut pas dire que ce soit un endroit pour toi ça princesse, grogne l'immense tas de muscles en voyant que je reste silencieuse. Tu vas t'abîmer tes petites mains de pacifiste qui n'a jamais vu la guerre. »
Son épithète est ciblée. Très ciblée. Et il la dit sur un tel ton de mépris que je n'ai aucun doute sur le fait que ce sont ses réels sentiments. Il me méprise. M'envie peut-être, car en tant que révolutionnaire sans doute n'a-t-il jamais connu la véritable paix.
Il ne devrait pas.
« —j'ai des choses à faire, je marmonne, d'une toute petite voix. Monokuma m'y oblige.
—Tu sais que ce n'est clairement pas la meilleure chose à dire ça princesse ? »
Sans doute. Mais je préfère être franche. Et aussi bien lui faire comprendre que si jamais ça avait été de mon plein gré, je ne serais jamais rentrée dans cette forêt du mal. Surtout si je savais que je risquais de tomber sur lui.
Parce que ça, je ne réussirai jamais à le dire à voix haute.
Un moment de silence passe, et puis il soupire.
« M'enfin. On peut pas dire que t'aies l'air très dangereuse, avec tes vêtements pleins de boue et ton pantalon déchiré. T'as plus l'air d'une poupée abandonnée qu'autre chose. »
Abandonnée... Une poupée abandonnée ? C'est vraiment l'impression que je donne ? Oh bon sang... je baisse les yeux vers ma tenue, et découvre finalement les dégâts produits par la forêt tropicale sur ma tenue du jour. Mon jean autrefois bleu n'a plus une seule trace de bleu sur lui tant la boue et les déchirures le recouvrent, mon T-shirt est dans le même état avec, comme si ça ne suffisait pas, des branches épineuses ou bordées de feuilles ventouses cramponnées au tissu, et je crois qu'une douche s'impose lorsque je sortirai de cet endroit de malheur. Effectivement, j'ai l'air incongrue ici. Fichue forêt !
« —Comment... Comment tu peux supporter de rester là-dedans ? Je suis sûre que t'y as passé tout ton temps depuis... L'annonce... »
Le visage de Daisuke se ferme.
« —Tout de suite les grandes questions, hein, princesse. C'est pas compliqué pourtant. J'y ai vécu. »
... Oui, c'est vrai que dans un sens, c'est logique. Enfin je sais pas où il a fait la révolution, mais je suis sûre que ça a impliqué un maquis ou une forêt de ce genre. En tout cas certainement pas une toundra, sinon il ne serait pas là, et ne se suspendrait pas à des branches d'arbres pour le plaisir de faire peur à des pauvres gynécos perdues. Je hausse les épaules.
« —Oui, sans doute, ça paraît simple comme explication... Mais je ne sais pas où t'as fait la révolution, moi, tu sais. D'ailleurs quand j'y pense, je ne sais rien de toi.
—Ouais, et si j'avais le choix, ça resterait comme ça. »
Mais il n'a pas le choix. C'est ce qu'il pense, sans doute, puisqu'il s'assoit à mes côtés et pousse un profond soupir.
« Tu veux savoir comment je suis devenu l'Ultime Révolutionnaire, petite fille ? »
Je ne sais pas si je veux vraiment savoir. Mais dans la situation où nous sommes, il n'a pas tout à fait tort, on a pas vraiment le choix. Plus on en saura les uns sur les autres, mieux ça vaudra... Alors pourquoi je n'arrive pas à parler, idiote que je suis ?!?
En tout cas, ce n'est pas moi qui dois parler, là maintenant. C'est lui. Je me contente d'un simple hochement de tête, et il soupire, avant de répondre :
« —Comme tu l'auras deviné avec mon nom très nippon, je suis originaire d'ici. Sauf que je suis né au Laos. C'est là que j'ai mené ma petite révolution, même si quelque part j'ai surtout rejoint un mouvement existant. Mais j'ai permis à ce mouvement de renverser le gouvernement, alors...
—J'imagine que c'est là qu'Hope's Peak t'a repéré.
—Oui. »
Il se tait. J'imagine qu'il me tait beaucoup de choses. L'horreur de la guerre, la terreur d'être pris, les cadavres qu'il a vus, qu'il a semé peut-être. La révolution est une histoire bien plus dramatique que ce qu'on peut nous apprendre lorsqu'on parle de la fameuse révolte française, avec la droiture du tiers-état qui se révolte contre ses oppresseurs. On ne peut vraiment savoir ce que vivent les gens qui y sont plongés. Je ne pourrai prétendre comprendre ce que c'est que lutter pour sa vie en permanence. Mais quelque part, je comprends très bien tout ce qu'il y a derrière ce qu'il me raconte, ce qu'il me tait. Pourquoi la simple mention d'une expérience dans un pays affligé par tous les maux n'est rien comparé à ce qu'on peut y vivre.
Alors je hoche la tête, et je choisis de ne pas lui poser plus de questions. Je me contente de me redresser, et de le remercier pour cette information.
Il me regarde, longtemps, au point que je me demande s'il n'escompte pas me voir partir. Et puis, sa main se tend et attrape la mienne, et je sens quelque chose de métallique toucher ma paume. Je baisse les yeux. C'est un bout de... De...
Daisuke soupire.
« —Tout compte fait t'es pas tant gosse de riche que ça, princesse. »
Ce sont les seuls mots qu'il prononce avant que je ne le voie partir, bondir dans l'arbre où je l'ai vu apparaître, laissant dans ma main la clé de mon laboratoire.
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