Chapitre 1 (1) : Girl-only planification
Chapter 1 : Despair in the name of Love
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Le réveil a été dur. Très, très dur. Je n'aime déjà pas émerger ailleurs que dans mon lit, alors plus encore si cinq secondes après, je me rappelle me trouver dans une Tuerie... Et contrairement à certains, on ne peut pas dire que je me réveille avec un adorable Ultime dans mon lit ou au son d'une porte qui explose, non. Il n'y a que moi avec mes pensées.
Monokuma a ouvert les chambres peu après son annonce, et nous nous y sommes tous rendus d'un pas lourd. Je n'ai entendu plus personne pleurer, mais le silence, le poids du silence, me hante encore même ce matin. Aucun d'entre nous ne voulait parler, ni même trouver une solution. Ils sont tous bien trop fatalistes pour ça.
Ma chambre est meublée à mes goûts, quelque chose qui à la fois me rassure et m'inquiète. Certes, l'environnement familier, avec les affiches de mes groupes favoris, l'enceinte Bluetooth reliée à mon Monopad et le dessus de lit bleu, me permet de me mettre plus à l'aise, mais ici, ce n'est pas le meilleur endroit pour être à l'aise. Sans compter que pour avoir pu préparer mon lieu de vie avec une telle précision, Monokuma doit tout connaître de moi. Et je ne veux pas savoir ce qu'elle a appris d'autres.
Je sors après une rapide toilette et me retrouve dans le couloir des chambres. Je n'ai pas ma montre et mon Monopad n'indique pas l'heure, mais mon horloge biologique ne m'a jamais failli jusqu'à présent, et elle m'indique le début de matinée. En tout cas il doit être plus de sept heures si j'ai pu sortir.
Je fais à peine quelques pas dans le couloir avant de croiser sur mon chemin Sora, qui baille à qui mieux mieux. Il porte toujours ses vêtements de la veille et ne semble pas avoir dormi... Il a passé la nuit dehors ? Nan, quand même pas. Mais, curieuse, je hèle l'Ecrivain Fantasy qui me salue d'un signe de tête, avant de se diriger vers moi.
« —Bonjour, Reina...
—Je ne te demande pas si tu as bien dormi ? »
Il pouffe, avant d'effleurer du doigt ses cernes. Sous sa main, je remarque une petite cicatrice au niveau de la tempe gauche, mais il ne me laisse pas le temps de poser la moindre question à son sujet.
« —Ah ah, vaut mieux pas, en effet. Je suis sorti peu avant l'heure de nuit car je n'arrivais pas du tout à dormir, faire un peu le tour du coin, tout ça... Mais quand je suis rentré à ma chambre, tout était verrouillé ! Coincé dehors que j'étais... »
Ouch. Je ne peux pas dire avoir bien dormi, mais au moins, j'ai dormi, et dans un lit. Si Sora est aussi fatigué, c'est qu'il n'a pas trouvé de meilleur coin de repos... Je laisse échapper une grimace compatissante, et l'Ecrivain Fantasy hausse les épaules.
« C'est pas grave, Reina. Je dors mieux le jour, là je vais d'ailleurs en profiter. J'ai déjà demandé à Haruko, mais si vous établissez des plans, vous me prévenez, hein ?
—Bien sûr.
—Merci. D'ailleurs, reprend-il alors que je me prépare à m'éloigner chercher ladite Haruko, je pense que je devrais te dire que du coup, j'ai fait un peu le tour de la zone pendant la nuit. Le réfectoire est aussi verrouillé que les chambres, et j'imagine que le restaurant et la cuisine ne devaient pas être mieux. Par contre, j'ai pu aller dans l'aquarium, la salle informatique et l'atelier d'art sans trop de problèmes. Et bon, j'ai pas trop osé pousser vers les zones extérieures, mais y'avait pas de portes. »
C'est bon à savoir. Donc l'espace n'est pas si verrouillé que ça. Peut-être qu'on pourrait établir des genres de patrouilles pour voir ce qui rôde dans ces zones extérieures... Peut-être qu'il y a des kumarobots, ou peut-être que Monokuma garde tout sous vidéo. Plus on en saurait, mieux ça vaudrait. Mais je doute trouver des gens qui ont envie de braver l'interdiction de notre animatrice. Ce n'est pas un robot, mais elle nous punirait sans doute avec la même diligence.
Je prends congé de l'Ecrivain qui m'annonce qu'il va piquer un bon petit roupillon après l'avoir de nouveau assuré de le tenir au courant, et me dirige vers le réfectoire. A n'en pas douter, c'est là que je vais retrouver tous ceux qui veulent se réunir. J'espère qu'on pourra s'arranger... Au moins pour éviter d'avoir à tuer des gens pour le prochain mois.
Et ensuite ?
Je secoue la tête. Hors de question d'y penser maintenant. Ensuite... Nous aurons peut-être démasqué l'instigateur, ou avec un peu de chance, Hope's Peak se sera lancée à notre recherche... Ou Monokuma fera une crise cardiaque... Non, ça, c'est impossible. Si elle fait une crise cardiaque, les kumarobots nous attaqueront.
Un mois. C'est notre premier ultimatum. Et je prie pour que ce soit le dernier.
J'entre dans le réfectoire pour y trouver assises sur une des tables Saki, Hina, Haruko, Michi et Junko, qui partagent le contenu d'une théière et une miche qui me paraît briochée. Le pot de pâte à tartiner qui trône juste à côté de ladite miche m'arrache un grondement au niveau de l'estomac ; qui a la bonne idée de ne pas se faire discret, en plus, vu qu'Haruko vient de relever la tête. Elle me fait un signe de la main, m'invitant sans doute à me rapprocher, ce que je fais sans trop traîner la patte. Michi me salue tout en étalant une énorme couche de chocolat sur ses propres brioches. Je lui rends son salut en silence.
C'est Hina qui, la première, reprend la parole une fois que je me suis assise et servie en nourriture.
« —Bon ben. Maintenant qu'on est dans ce merdier. On fait quoi ? »
Sa voix est dénuée de sa volubilité habituelle. Comme moi, comme nous tous, elle a eu le temps de ruminer. Et vu le ton qu'elle prend, ses conclusions ne sont pas bonnes.
« —Tout d'abord, soupire Haruko, j'aimerais qu'on ne se donne pas de faux espoirs. Cela fera encore plus mal lorsque le premier cadavre tombera.
—Et tu veux qu'on se dise quoi, oh, grommelle Michi dans sa tartine. Ok c'est bon on va tous crever ? Et puis j'ai suffisamment entendu parler de ces merdes pour savoir que dès que le premier pauvre diable tombera, ce sera la fin. Donc vraiment, tout ce à quoi je me raccroche, c'est pouvoir sortir avant un mois. »
Je suis dans le même état d'esprit que Michi. Sortir avant que l'ultimatum de Monokuma n'arrive à sa fin est le dernier espoir qu'il me reste. Mais franchement...
« —L'espoir est faible, soupire Junko. Monokuma ne se montre jamais si les risques sont ne serait-ce qu'infimes. Le seul moyen de sortir est de démasquer celui ou celle, ou celuel, qui nous a mis dans ce merdier. »
Voilà, c'est ce que j'allais dire. Sans le projet de démasquer l'instigateur. Cette histoire me paraît beaucoup trop louche. Nous avons une voie de sortie dès le début du jeu, et une chance sur seize de tomber sur la bonne personne ? Surtout en comptant sur le fait qu'on ne sait pas ce que Monokuma compte faire a celui qui l'aura éliminée. Récompense ou punition ? L'un d'entre nous serait-il prêt à se sacrifier pour faire sortir les quatorze autres ?
Certaines âmes pures pourraient peut-être. Mais de ceux que je connais bien, il n'y a aucune âme pure, aucune du moins que je veux voir souillées par un meurtre. Instigateur ou pas, il s'agit de tuer un adolescent. Quelqu'un de notre âge, ou même moins, qui commence à peine à vivre... Même si je savais de qui il s'agissait, même si ça me garantissait la survie de tous mes camarades... Je ne sais pas si j'arriverais à condamner quelqu'un.
Je pousse un profond soupir. Nous sommes dans l'impasse la plus totale. Et d'ici peu, elle s'ouvrira dans le sang.
« —Reina ? Qu'est-ce que tu en penses, toi ? »
Je sursaute. Ils me parlent à moi ? Merde, je réfléchissais encore... Un rapide regard m'apprend que les yeux des cinq filles sont vrillés sur moi, avec des airs variant dans l'expression d'une attente. Je fais la moue. Je dois vraiment m'exprimer... ? Heureusement qu'ici, je sais que je serais écoutée. Il n'y a personne pour me couper la parole, insister qu'il en sait plus que moi, déformer mes propos pour convenir à ses propres opinions, en clair, il n'y a pas d'hommes. C'est toujours ça de pris.
« —Ce que j'en pense, je déclare, c'est que dans tous les cas, on est dans une sacrée impasse, et je me refuse à tuer des gens. Après on peut... Toujours essayer de chercher l'instigateur, et si on le trouve de manière évidente... Peut-être que quelqu'un y arrivera. Mais il faut absolument qu'on évite de tuer.
—Je vais peut-être paraître insensible, soupire Haruko, mais si au bout d'un mois l'un d'entre nous est forcé de choisir quelqu'un à exécuter, selon les règles, il y aura toujours moins de victimes. Alors je suis d'avis que nous consacrions ce mois à chercher l'investigateur. Et si nous le trouvons avant, plutôt que de le tuer...
—T'es vachement pragmatique, miss, lui répond Michi, enfin la bouche vide. Je t'aurais bien engueulée mais je crois que t'as raison. Y'aura forcément un mort. Ta méthode va être la solution la plus sûre. Mais bon sang, qu'est-ce qu'elle me plaît pas. »
Saki hoche la tête, et Junko émet un grognement d'approbation. Je frissonne. J'ai le sentiment qu'entre nous vient de se tisser une sorte d'accord tacite, une espèce de promesse qui n'a de valeur que dans une Tuerie. J'espère vraiment que je me suis trouvée des alliées ici. Ça me rassure un peu de ne pas me savoir seule, et je crois qu'on est tous dans le même cas.
S'écoule un petit silence, puis Hina frappe ses mains sur la table, avant de se lever d'un bond. Je vois sa robe s'envoler légèrement dans un bruit de tissu, mais ce que je remarque, surtout, c'est que son sourire est revenu.
« —Bon ! Eh bien puisque visiblement on a un accord, les filles, je suggère qu'on apprenne un peu à se connaître ! Notamment moi je veux savoir à quel genre d'Ultimes j'ai affaire. Reina, Saki, c'est pas la peine de répondre, je connais déjà les vôtres hein ! »
Mon soupir de soulagement ne passera sans doute pas inaperçu, mais je m'en fiche. Je n'ai vraiment, vraiment pas envie de parler de comment j'ai obtenu mon Ultime. Trop de mauvais souvenirs. Il leur suffira de savoir que je suis gynéco, et que j'ai d'importantes compétences en médecine et autres premiers secours. Pas la peine de dire ce qui m'a valu vraiment ce titre.
Haruko me regarde un peu bizarrement sans doute, mais ne dit rien. Elle se contente de laisser Hina parler.
« Donc pour résumer, moi, je suis Hina Kawasaki, Préparatrice de Mariages Ultime ! Et mon Ultime, bah, je l'ai chopé en préparant le mariage d'un des PDG les plus riches du Japon ! Pas compliqué comme vous le voyez. Et vous ?
—Boff, rien de compliqué non plus, annonce Michi. Michi Sasaki, Judoka Ultime, mais ça vous le savez toutes. J'ai été entraînée par le Judoka Ultime d'avant moi, qui m'a passée son titre à mon entrée à Hope's Peak.
—Tu n'es pas la première judoka ? »
C'est peu commun, me dis-je, tandis que Michi assimile ma question. Hope's Peak n'a en soit que deux ans. La grande majorité des Ultimes actuels sont des précurseurs, ce qui explique, entre autres, le manque de poids d'un titre censé avoir son importance. Je pense que tous ici sommes les premiers d'une longue chaîne d'Ultimes.
Michi, une fois qu'elle eut compris toute l'implication de ma question, soupire, avant de se caler sur sa chaise.
« —Je suis en première année, ma puce. Mon prédécesseur est entré à Hope's Peak lors de son ouverture officielle, il a échappé à la première Tuerie, mais il était déjà en deuxième année de lycée. J'ai eu le titre à sa sortie de l'école, c'est tout.
—Ah, c'est une histoire de temps ! Lance Hina. J'avais entendu dire qu'avant l'ouverture officielle d'Hope's Peak, il y avait déjà une sorte de base du genre, pour qualifier les élèves de meilleurs dans leur discipline et les aider à développer leur talent, mais je savais pas si c'était vrai.
—Et c'est pas moi qui pourrait te dire ma grande ! Pouffe Michi en lui ébouriffant les cheveux. Moi et Yuuichi, on a eu nos Ultimes par la voie comme tout le monde ! »
Hina proteste en remettant en place son opulente tignasse rose, mais je vois son immense sourire s'étaler sur son visage. Elle et Michi commencent aussitôt une espèce de bataille pour savoir qui mettra en vrac la tenue de l'autre, bataille que la Judoka semble gagner haut la main vu à quel point Hina paraît débraillée, mais le raffut provoqué me déclenche un début de migraine. Saki non plus d'ailleurs ne semble pas à son aise. Je lui prends la main pour la rassurer, et elle se colle à moi en soupirant, tandis que je me tourne vers les deux autres, qui restent silencieuses.
« —Et vous, du coup, comment vous les avez eus vos Ultimes ? »
Haruko et Junko échangent un regard, puis la première se penche vers moi, excluant les deux excitées de la conversation.
« —En fait, si j'en sais autant sur les Tueries, c'est aussi parce que j'ai obtenu mon Ultime en en couvrant une. Une qui s'était fait avorter car l'instigateur avait manqué de prudence et s'était fait tuer avant même le début du jeu, certes. Mais une Tuerie quand même. J'ai pu visiter à cette occasion tout ce qu'il avait préparé, les salles, les geôles, les laboratoires, les chambres, tout. J'avais une idée d'à peu près tout son plan, mais pas la moindre trace de la présence d'un ou une Monokuma. »
Je vois. Je crois que quelque part, ça explique bien des choses. Ses connaissances, et son pragmatisme dans une situation pareille, aussi. Je suis rassurée qu'elle et moi ayons un accord pour ne tuer personne, car une telle connaissance est à la fois très utile et dangereuse. Haruko sait à quoi s'attendre, et cela fait d'elle une cible pour l'instigateur. J'imagine que c'est pour ça qu'elle n'en a pas parlé tout de suite.
Je préfère ne pas m'étendre sur le sujet et rapproche Saki de moi, avant de me tourner vers Junko. Cette dernière a un léger sourire aux lèvres. D'ailleurs, c'est bien la première fois que je la vois sourire...
« —Vous connaissez sans doute Donald Trump ? »
Evidemment. Qui ne connaît pas le président le plus taré de toute l'histoire de l'Amérique. Même en deux ans de présidence, il a réussi à causer un nombre incalculable de problèmes aux communautés minoritaires, et en plus de ça, est une des raisons pour laquelle il est si dangereux d'aimer le même genre. Ou même de transitionner, de s'identifier à son vrai genre quel que soit celui assigné, de protester, d'être noir, de... Tellement de choses. Même dans ma famille plutôt conservatrice, il ne se passe pas une conversation politique sans que n'en ressorte une haine unanime de Donald Trump. Alors, oui, disons que je le connais plutôt bien.
Le sourire de Junko s'élargit.
« —Et vous vous souvenez aussi de la révélation qui a filtré partout sur le net des USA et mené à une procédure de destitution grâce à la pression, comme quoi l'un des attentats attribués à un groupe dit « extrémiste » de noirs américains avait été en fait organisé par le KKK et soutenu par le président ? »
....... Une minute. Elle n'est pas en train de dire que... Eh ben si, vu la mine ahurie d'Haruko, elle est bien en train de dire, implicitement, qu'elle est à l'origine de ces révélations qui ont bouleversé la toile mondiale. Entre les Tueries, découvertes deux ans plus tôt, et ça, le monde a fini par en avoir marre. Je me souviens qu'en fin d'année dernière, aux alentours de mon anniversaire, tous les jeunes du Japon étaient sortis manifester. Je voyais à la télévision des centaines d'émeutes aux USA, c'était un bordel monstre, et les démocrates ont fini par faire valoir la destitution de Trump... Tout ça grâce à des renseignements leakés sur des dizaines de réseaux sociaux, encore, et encore, et encore. Je me souviens même avoir pensé que c'était bien la première fois que les Etats-Unis avaient dû céder sous la pression.
Je comprends mieux pourquoi une fille d'apparence aussi jeune, aussi banale, porte le titre d'Ultime Espionne. Réussir un tel exploit à elle seule aurait dû lui valoir bien plus qu'un simple titre encore trop dénué de valeur. Et pourrait bien lui valoir un assassinat si elle sortait ce genre d'informations étourdiment. Mais j'imagine qu'aujourd'hui, Hope's Peak la protège, et que dans sa situation actuelle, elle ne court pas beaucoup plus de risques à avouer être derrière tout ça...
Eh bien dites-donc, je suis avec des pointures. A côté, moi, pauvre gynécologue, je n'ai pas beaucoup de bouteille. Même Saki fraye avec le gouvernement japonais. Il y a de quoi se sentir mal à l'aise... Mais bon. Dans une Tuerie, on est toutes loties pareil, pas vrai. Je laisse se former sur mes lèvres un faible sourire, tentant de dissimuler mon trouble.
« —Je vois. Eh bien moi, tout ce que j'ai de spécial à vrai dire, c'est d'avoir sauté une bonne dizaine de classes et entamé mes études médicales très tôt. Rien de plus. »
Saki me serre la main, sans doute curieuse de savoir pourquoi je n'en dis pas plus. Je me racle légèrement la gorge. Elle, elle sait ce qui m'a vraiment valu cet Ultime, elle devrait comprendre que je n'ai que moyennement envie de le raconter.
Un mouvement attire mon attention à l'entrée du réfectoire. Zut, ce sont les garçons... Enfin, sauf Sora, vu qu'il est parti dormir. J'ai comme l'impression qu'il va falloir mettre un terme à notre petite discussion.
Et sans doute, essayer de s'arranger un maximum avec ce qui pourrait bien devenir le camp ennemi.
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