Bonus : In memoriam
Salut la compagnie-
Cette nouvelle était postée à l'origine sur mon livre de bonus sur l'univers étendu, mais après mures réflexions, je me suis dit qu'elle méritait sa place ici, d'une certaine manière.
Je dis d'une certaine manière parce que ce n'est pas une part de l'histoire. C'est quelque chose qui se passe après l'histoire. Et aussi et surtout, puisque c'est pour ça que je la poste ici, un teaser de The Art of Creating Hope, ma seconde Tuerie du NCU, qui se passe un an après celle-ci. Puisqu'elle introduit trois des personnages et pas des moindres, si vous voulez mon avis.
D'ailleurs funfact : Ces trois persos en question ont chacun un rôle différent :)
Allez, ceux qui tombent sur le funfact, bonnes théories, et bonne lecture !
A noter que si vous avez déjà lu la version dans mon livre de bonus, c'est pas la peine de lire celle-ci.
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Je suis fatiguée.
Mentalement, comme physiquement.
Physiquement, parce que cela fait plus de trois jours que je n'ai pas dormi. Je me suis enfin décidée à parler à Kagari, hier, et sa Majesté Goto ier du Gotoland m'a bombardée de questions à peine eut-il entendu la première phrase de mon discours.
Rien d'étonnant à ça. Ont réchappé de cette Tuerie où j'aurais dû mourir des dizaines et des dizaines de secrets d'État qui j'en suis sûre, auraient valu la mort à l'Impératrice s'ils ne la concernaient pas. Son titre, son organisation, la puissance qu'elle a apportée aux Monokuma par le biais de l'Omnisciente. Le Projet Renaissance et ses aboutissements, des noms encore vivants que Kagari surveille avec soin désormais, les titres des Monokuma, le passé de la plupart.
Mes renseignements se sont beaucoup entrecoupés avec ceux venus de la Tuerie de Clayton Sanders, visiblement. Mais Kagari a récupéré un bon nombre de pistes. Pistes qu'il a souhaité travailler avec moi, et Saki, jusqu'à des heures indues, avant que Neia ne l'entraîne dans son lit.
Mentalement, parce que je sais que cela fait plus d'un mois que je remets au lendemain une tâche extrêmement importante, une tâche à laquelle je ne peux me soustraire.
Je dois prévenir mes camarades de classe.
Leur expliquer, en bonne et due forme, ce qui nous est arrivé. Ce qui est arrivé aux morts.
D'une certaine manière, je m'en sens incapable. Je ne veux pas avoir à revivre ça par mes mots. Kichiro, Hina, Ryo, Shô, Taichi, Sora, Haruko, Akihito, Shizuka, Junko, Daisuke, Michi, Yuuki. Je ne veux pas revoir leurs visages, leurs corps et leur sang. Mais je suis la seule à pouvoir accomplir cette tâche.
Je le dois à leurs amis, qui méritent mieux qu'une simple lettre. À leur famille, qui aura besoin de savoir où sont leurs restes. À ceux qu'ils aimaient, qui auront besoin de quelqu'un qui comprend leur douleur.
Et je me le dois à moi, aussi.
À tous ceux qui sont morts.
Me voilà assise devant mon ordinateur, sans trop savoir par où commencer. Je me suis promis de ne pas en bouger jusqu'à ce que je sois en mesure de contacter les plus urgents, à savoir mes camarades de classe, qui doivent vivre dans l'attente de notre retour depuis bien six ou sept mois. Kagari m'a filé leurs contacts sur la ligne sécurisée du Gotoland, le genre de trucs qu'ils ne peuvent se permettre de refuser, s'ils sont là. Sans avoir récupéré mon téléphone, je n'ai pas vraiment d'autres moyens de les contacter.
Sauf que je suis incapable de ne serait-ce qu'appuyer sur le bouton.
Réfléchis, Reina, réfléchis. Pense comme si tu étais en pleine enquête. Comment est-ce que tu prioriserais les choses pour accomplir ta mission avec un maximum d'efficacité ?
Ma main se pose sur la souris presque machinalement. J'ai toujours aimé procéder dans l'ordre logique des choses. Et dans ce genre de cas, il suffit de suivre un enchaînement déjà défini.
Ça tombe bien, en un sens. Parce que Kichiro est mort le premier.
J'ouvre l'outil de communication presque machinalement, avant de cliquer sur une icône tout en bas, celle où la photo d'un jeune homme coréen souriant s'étale. Plus le temps de reculer. L'appel se déclenche. De toute façon, je n'ai que trop remis ça au lendemain.
La vidéo s'ouvre. Et l'image me saute presque aux yeux alors qu'une voix joyeuse résonne dans toute ma chambre.
« Surprise ! Qui donc veut contacter les tristes mines ? »
J'écarquille les yeux. De toute ce que je m'attendais à voir, je crois que ce visage, souriant comme si rien ne s'était produit de mauvais dans sa vie, était probablement une des dernières choses que je pouvais imaginer.
Surtout quand il ne s'agit pas de celui de Seo-jun.
Mes doigts tremblent sur la souris. Je n'aurais jamais imaginé que le revoir provoquerait une telle émotion.
« ... Emerens ? »
Le visage de l'Ultime Romancier s'illumine d'un sourire encore plus large.
« Reina ! Tu es encore en vie, quel soulagement ! »
... Encore en vie ?
Est-ce que je suis encore en vie ?
Mon cœur bat, mon sang pulse, mon cerveau commande, mais je ne sais pas si je suis encore en vie. Et en tout cas, je le suis certainement moins que lui, débordant de vitalité et sans doute au dernier endroit que je m'attendais à l'y retrouver. Ce n'est pas lui que j'ai tenté de contacter, après tout. Je m'y serais sans doute mise après, pour Hina. Prête à supporter ses reproches.
Je ne pensais pas qu'il serait aussi content de me voir.
Mes doigts se resserrent sur le clavier.
« ... Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu fais...
— Chez Seo-jun ? Écoute, je squatte en tout bien tout honneur, pour une fois, c'est drôle. Mais bon, quand il est hors service, il se ronge les ongles comme jamais, une vraie boule de stress... Du coup, eh bien, je peux difficilement le laisser tout seul. »
... Bah voyons. Connaissant le bonhomme, je me doute qu'il y a un autre mobile. Mais pour le coup, je préfère encore me taire. Je ne suis pas là pour ça, et même si la présence d'Emerens est particulièrement incongrue dans cette situation, au point de me faire perdre tous mes moyens, j'ai une mission à accomplir.
« ... Je vois...
— Je suppose que tu nous appelles du Gotoland ? Il lance, souriant. Roh, ne fais pas cette tête-là, on dirait que tu me prends pour un ignorant, il rit alors que je cligne des yeux. J'écoute les informations, moi aussi, tu sais. Je sais très bien où tu as fini. »
... Où j'ai fini...
C'est une belle manière de le dire, en effet.
Je serre les dents.
« C'est exact. Mais je ne peux rien dire de plus. Secret défense.
— hmm hmm. Compréhensible. Même si les survivants ne sont plus tellement poursuivis, quelque part, il y a un certain besoin de sécurité quand on se consacre à la lutte contre les Monokuma. »
Il est plus intelligent qu'il en a l'air, mine de rien. Et j'apprécie le fait qu'il ne me pose pas de questions intrusives. Venant de lui, je m'attendais à être directement mise devant le fait accompli.
De l'autre côté de l'ordinateur, le sourire d'Emerens s'estompe un peu.
« J'imagine que tu nous appelles pas pour rien, pas vrai ? »
... C'est le moment.
Il faut le dire.
Il faut que je le dise.
Il faut que je lui dise ce qu'il s'est passé, où ont fini les Ultimes disparus, lesquels il ne reverra plus jamais, enterrés pour l'éternité dans une prison de pierre et de sable. Il me laisse une énorme ouverture, et il attend ma réponse, ça ne devrait pas être compliqué, quelques mots, quelques mots pour révéler le destin de ceux que j'ai perdu dans le donjon du Désespoir.
...
Pourquoi est-ce si difficile ?
Pourquoi je n'y arrive pas ?
Après quelques secondes de silence, Emerens finit par hausser les épaules. Je vois sa main se poser sur l'écran.
« Eh. Écoute. On devrait sans doute pas parler de ça par appel. En plus, Seo-jun dort, en ce moment, et je n'ai pas envie de le réveiller pour... Ce genre de mauvaises nouvelles. Est-ce que Kagari vous laisse sortir du Gotoland ?
— Il faut bien, je soupire, que Wen Xiang puisse parler aux gens.
— Vrai. Écoute, viens nous voir dimanche après-midi, dans cinq ou six jours. Comme ça, on en parlera en face à face, tous les trois. Je m'occupe de contacter Ibrahim pour toi, si tu veux le voir au passage. Si j'ai bien compté, tu as probablement des nouvelles pour lui aussi. Bonnes ou mauvaises. »
Je grimace. Emerens est vraiment beaucoup trop observateur. Assez, visiblement, pour avoir compté sur la disparition de Daisuke, aussi, et en avoir déduit qu'il soit avec moi, j'ignore comment. Surtout que Wen Xiang m'a dit... Qu'il y avait eu une autre Tuerie, cette année.
Je ne sais pas quoi faire. Mais sa proposition m'apporte du répit. Je ne peux donc que hocher la tête.
« Excellent, il sourit. On se voit dimanche, chez moi, si ça te convient. Repose-toi bien, Reina. »
Il me salue d'un mouvement de la main.
Puis, l'écran vire au noir.
***
Emerens m'a épargné d'avoir à contacter Ibrahim par téléphone. Mais il a quand même fallu le prévenir que j'allais passer au Japon dimanche. Avec toute la logistique que ça implique.
On est en novembre. Maintenant que les gens m'ont vue, je suis officiellement sortie de ma Tuerie, plus moyen de me cacher derrière l'incertitude. Mais les gens ne sont pas vraiment des curieux. Ils ne viennent pas me déranger. Ou peut-être est-ce la présence de Wen Xiang, plus silencieuse qu'une ombre, qui rebute les gens que j'aurais pu connaître de s'approcher de moi.
Elle a tenu à m'accompagner dans ma mission. Question de devoir, selon elle. Je n'ai pas vraiment protesté, surtout que sa compagnie, bien que silencieuse, a quelque chose d'apaisant. Elle remplit mon silence, même si elle ne parle pas.
Nous sommes devant chez Ibrahim, le premier chez qui j'ai décidé de passer. Il vit seul, je n'aurai pas donc à faire d'annonce à deux personnes en même temps, comme ce sera sans doute le cas plus tard. Et je me suis dit qu'il prendrait sans doute le mieux la nouvelle. Ibrahim a toujours été quelqu'un de calme et réfléchi.
Je sonne. Wen Xiang se rapproche de moi, se met dans le champ de vision d'un éventuel interlocuteur.
Ce n'est pas nécessaire. La porte s'ouvre sur Ibrahim, vêtu simplement, qui nous salue d'un hochement de tête respectueux.
« Reina... Et Wen Xiang, je suppose. Entrez, toutes les deux, nous serons mieux à l'intérieur. »
Je le suis en silence, et Wen Xiang ferme la marche alors qu'Ibrahim nous entraîne jusqu'à son petit appartement. Je ne me rends pas compte, d'une certaine manière, à quel point les Ultimes vivent précairement quand ils sont seuls. J'ai toujours vécu chez mes parents. Ou alors, en Afrique, avec Hanamiya.
Mais je préfère ne pas y penser.
« Installez-vous, annonce l'Ultime Soldat d'une voix douce alors que nous rentrons dans son salon. Je vais aller préparer le thé. Matcha, ça vous redonnera un peu d'énergie. »
Wen Xiang plisse les yeux. Elle reste debout pendant de longues secondes, les yeux fixés sur la porte derrière laquelle Ibrahim vient de disparaître. Mais, alors que je m'assois sur un des canapés, elle m'y rejoint, en silence, les doigts contractés sur sa veste qu'elle n'a pas enlevée.
Le silence perdure jusqu'au moment où Ibrahim ramène les trois tasses de thé, et en pose deux devant nous avec délicatesse avant de prendre la sienne entre ses doigts. Il s'assied sur un fauteuil, devant nous, et souffle doucement sur sa boisson, le regard perdu dans les remous de sa tasse.
« Désolé, c'est un peu spartiate. Hope's Peak ne va pas tarder à nous couper les crédits pour s'installer ailleurs qu'en internat, et ça se sent. Bientôt, tous les Ultimes vont être obligés de loger chez eux.
— Tout le monde en internat... Ce n'était pas comme ça, avant.
— Non. Mais il se murmure dans les couloirs que quelque chose a changé dans l'administration. Apparemment, ils auraient découvert quelque chose de grave, qui les inciterait à prendre de telles mesures. »
Il souffle de nouveau sur son thé.
« Enfin. J'imagine que pour vous, ça n'a plus d'importance. »
Je serre les dents.
Non, en effet. Je suis officiellement diplômée de cette école, j'ai eu le mail hier. Quelle ironie qu'une Tuerie soit l'examen final.
Mais en tout cas, je n'ai plus à y revenir. Et Wen Xiang, évidemment, n'a jamais pu y mettre les pieds en tant qu'étudiante. Et ce n'est pas un sort que je lui envie.
Même si le mien n'est pas plus enviable.
« Mais j'imagine que vous n'êtes pas là pour simplement parler de l'avenir, fut-il bien sombre, finit par lâcher Ibrahim, les yeux fixés sur son thé. Emerens m'a dit que vous aviez des nouvelles sur le sort de Daisuke. Je serai moins optimiste que lui. Je veux savoir... »
Il soupire.
« Si c'est possible de ton côté, Reina, il annonce, j'aimerais savoir comment il est mort. »
La voilà.
La fameuse question.
Je ne pouvais, de toute façon, y échapper, pas vrai.
Je suis ici pour parler, et même si ça rouvre de vieilles blessures, je n'ai pas exactement ce qui s'appelle le choix.
Wen Xiang me jette un regard. Sa main se serre sur une lettre, quelques mots qu'elle a préparé pour l'occasion, comme elle le fait toujours. Mais ce n'est pas à elle de dire ça.
C'est à moi.
« Tué par son propre couteau, je finis par annoncer, comme on débiterait une épitaphe. Par Yuuki Maeda, alors qu'il avait découvert qu'elle était l'organisatrice de la Tuerie. Elle s'est servie d'un autre meurtre et d'une autre cible pour se couvrir, mais on a quand même réussi... à s'en rendre compte. »
Voilà.
Je l'ai dit.
Quelques mots, quelques mots qui résument sans doute le meurtre le plus atroce de toute cette Tuerie.
Ibrahim, s'il est surpris par mes paroles, n'en montre rien. C'est tout juste si je vois un spasme secouer sa paupière.
« Yuuki Maeda... La petite de treize, quatorze ans, Ultime Gamer, c'est ça ?
— Oui. »
C'est étrange.
De parler de Yuuki comme ça.
Elle a provoqué une Tuerie. Pour le bien du jeu qu'elle a nourri des années et des années dans son propre esprit. Elle a entraîné, directement ou indirectement, l'exécution de tous ceux desquels elle était proche. Sans même se rendre compte que les morts ne revenaient pas.
Et pourtant, je n'arrive même pas à lui en vouloir.
Je n'arrive même pas à la voir comme un monstre, la source de tous mes problèmes, ce qui m'a fait tenir pendant des mois et des mois d'horreur, même alors qu'Ibrahim la décrit comme une simple enfant.
... Je crois que je n'arrive à en vouloir à personne.
Wen Xiang a une légère grimace. C'est vrai. À elle, je n'ai dit que le nom de l'organisatrice. Pas son âge.
Ibrahim ferme les yeux.
« Je vois. C'est... Une triste fin, pour un homme comme lui.
— Il nous a permis de la trouver malgré tout, je dis. Ça n'aura pas été en vain. »
Il a un léger sourire.
« C'est le genre de réconfort qui ne fonctionne que pour lui, Reina. En vain ou non, une vie reste une vie. Et une vie perdue reste une vie perdue. »
Je le vois reposer sa tasse, vide de thé, avant qu'il ne se relève, pour enfin me regarder.
« Je suis content que tu t'en sois sorti, Reina. Vraiment. Et que tu sois venue m'en avertir alors que ça a dû être extrêmement difficile pour toi. Mais si tu permets... J'aimerais être un peu seul, maintenant. J'ai besoin... Besoin de réfléchir. »
***
Ibrahim ne nous a pas retenues très longtemps, et du reste, nous ne nous sommes pas attardées non plus. La journée avance, et aujourd'hui, il me reste une... deux personnes à voir. Même plus, d'une certaine manière, puisque j'imagine qu'Emerens ne vit pas tout seul. Mais ces deux-là ne sont pas directement concernées.
Sauf si je souhaite parler d'autre chose. Autre chose que le deuil.
Emerens ne vit pas très loin de chez Ibrahim, dans le même quartier de Tokyo. Donc, plutôt que de se servir des moyens de transport du Gotoland, nous prenons le métro pour rejoindre son appartement. Pas très réglo en termes de sécurité, mais je n'avais aucune envie de me sentir come quelqu'un de différent, encore plus qu'avant.
Pourtant, quand je vois les gens dans le métro former un large cercle autour de nous, les regards en coin, les petites conversations si simples de ceux qui nous ignorent, je ne me suis jamais sentie si détachée de cette foule ayant si peu vécu.
Ibrahim ne m'inspire pas vraiment confiance, signe Wen Xiang à côté de moi, après un regard en coin aux autres passagers. Il y a quelque chose en lui qui ne me rassure pas.
« C'est un ancien soldat, après tout, je lui réponds. Il a dû voir autant, si ce n'est plus de sang que nous. Et je n'ai pas envie de savoir ce qu'il a pu commettre durant la guerre qu'il a vécue. »
Peu convaincue si j'en crois son expression, Wen Xiang hoche néanmoins la tête, sans ajouter quoi que ce soit. Ce qui est normal. C'est notre arrêt.
L'appartement d'Emerens n'est pas très loin devant. Situé dans un immeuble un peu à l'écart du grand centre de Tokyo, il est entouré d'une immense barrière servant sans doute à protéger le lotissement. C'est un bel endroit, le genre que peut facilement se permettre un écrivain millionnaire ne comptant pas vivre à l'internat. Mais je ne suis pas d'humeur a en admirer l'architecture.
Cette fois, je n'ai pas besoin de sonner. Sur les marches, ils nous attendent tous les deux. Seo-jun, qui se ronge les ongles, les yeux écarquillés par le stress, en train de tourner en rond comme un lion en cage. Et Emerens, accoudé à la rampe des escaliers, en train de pianoter sur son portable sans détacher ses yeux de l'entrée de l'immeuble.
C'est lui qui nous remarque en premier. Ses yeux s'écarquillent, et il fait quelques pas vers le bas des marches, le visage où j'ai tant l'habitude de voir un sourire arrogant brouillé par une intense inquiétude. C'est à peine si il avertit Seo-jun le lion en cage de notre présence. Je ne vois s'avancer, hésitant, presque comme si sa présence si humaine allait nous dissiper, nous, les fantômes, fantômes ayant si désespérément besoin de ressentir quelque chose.
Je ne sais pas ce qui m'y pousse. Je ne sais pas ce qu'il me prend. Quelle espèce d'émotion me posse à me jeter en avant.
Mais la seconde suivante, je suis dans ses bras, et il me caresse les cheveux avec une douceur insoupçonnée alors que je l'étreins de toutes mes forces.
Il est là. Il est vivant. Il n'a pas changé d'un pouce, contrairement à tout le reste de ma vie. C'est le seul vestige de ce que je possédais à Hope's Peak, du peu de bonheur que j'avais pu construire, même si je trouve ça affreusement ironique de le voir en Emerens Van Heel.
Sa main se resserre sur mes cheveux alors que mes larmes si longtemps retenues viennent taquiner mes paupières.
« Tout doux. C'est fini, Reina, c'est fini... »
...
Fini ?
Ce n'est jamais fini.
Mais aujourd'hui, je peux prendre une pause. Une pause dans un passé que je ne pensais pas si cher.
***
« Hina et Kichiro sont morts tous les deux. »
C'était un peu plus facile, cette fois. Je crois que j'y prends aise. Même si ce n'est pas la meilleure chose où il faut se sentir à l'aise.
Au moins, ça me facilitera les choses pour les suivants.
Seo-jun et Emerens sont assis en face de moi, sur un canapé. Wen Xiang a pris place sur l'autre. Elle qui avait passé son temps à regarder sa tasse de thé dans le salon d'Ibrahim, ses yeux ne peuvent se détacher d'Emerens, et le regard qu'elle lui lance n'a absolument rien d'amical, plus encore venant d'une des victimes de Veikko Lajunen.
Je ne lui ferai certainement pas remarquer.
Mon annonce semble avoir jeté un froid sur le salon de l'appartement. Seo-jun, qui vient de laisser tomber ses ongles, est blanc comme un linge, et le visage d'Emerens est complètement fermé, vide de toute émotion. C'est à peine si je vois son regard se voiler alors que son ami serre les poings, à côté de lui.
« ... Comment ? Comment il est... »
Il jure entre ses dents, un mot que je ne comprends pas, sans doute du coréen. Sa phrase s'arrête là. C'est à moi d'enchaîner.
« Il a tenté de tuer Saki, au tout début du jeu, persuadé qu'elle était l'organisatrice. Hina l'a tué en tentant de la protéger, et elle s'est faite exécuter dans les chambres de Monokuma. »
La mâchoire de Seo-jun se contracte d'un seul coup ; Et son poing s'abat sur la table, faisant sursauter Wen Xiang qui se tasse dans le canapé, alors qu'un grondement animal s'échappe d'entre ses lèvres.
« ... Putain de... Cette petite conne n'a pas... Elle n'a pas pu... »
Sa colère déborde par tous les pores de sa peau. Au fond de moi, un ancestral réflexe me titille, me chuchote de porter une main à ma poche, de serrer ma main sur la poigne du pistolet que je n'ai pas emporté avec moi. Pas d'armes au Japon, c'est la règle. Mais alors que Seo-jun se relève doucement, une main se pose sur son genou, l'oblige à se rasseoir. Et je surprends le regard sombre d'Emerens jeté à son ami alors que ce dernier se renfonce dans son siège.
Un seul mot, silencieux mais pourtant si clair, passe sur son visage.
Non.
Seo-jun s'immobilise.
Un sanglot lui échappe. Puis un autre. Puis un autre.
Et toute colère disparue, l'Ultime Garde du Corps s'effondre sur son fauteuil, visage entre les mains, sa colossale colère écrasée par sa tristesse, le rendant en cet instant plus minuscule que Yuuki, un nain recroquevillé dans sa peine.
Emerens, toujours une main sur son genou, pousse un profond soupir.
« Je vois. »
Il a les lèvres pincées. Mais pourtant, je ne le vois pas trembler d'un seul doigt. Même alors qu'il se penche vers nous, coude appuyé sur son genou et menton appuyé sur son poignet, les yeux vides de toute expression.
« Les chambres d'exécution de Monokuma, hein ? Elle l'a punie quand même ?
— ... Évidemment, je soupire. Un meurtre est puni. Toujours. Ils se cherchent des excuses avec le Désespoir, mais la vérité, c'est que je n'ai vu qu'un seul tueur Désespéré exécuté de toute la Tuerie et qu'iel voulait juste protéger son frère. »
Un spasme agite le coin de la paupière d'Emerens. Ce qui renfonce encore Wen Xiang dans son siège. Cette dernière le fixe comme si elle avait vu un fantôme.
Ironiquement, nous sommes les seuls fantômes ici.
« Foutus Monokuma, marmonne Emerens entre ses dents. Un prétexte. Un vulgaire prétexte... »
Je n'ai pas le temps de lui demander ce qu'il entendait par là. Il se redresse, sa main quittant le genou de Seo-jun qui ne semble même pas s'en apercevoir, avant de se tourner vers la cuisine.
« Je manque à tous mes devoirs, désolé. Donnez moi cinq minutes, je vais demander à Louna de nous préparer du thé. »
Il disparaît dans la cuisine sans ajouter le moindre mot, nous laissant seules, Wen Xiang et moi, avec Seo-jun toujours sanglotant.
Ce dernier semble avoir totalement oublié notre existence. Il pleure, silencieusement, entre deux hoquets qu'il n'arrive même plus à réprimer, de plus en plus recroquevillé sur le canapé. Qu'il ait été concrètement seul ou non n'y change rien. Il l'est, actuellement, enfermé dans sa douleur avec son deuil comme seule compagnie.
A côté de moi, Wen Xiang se redresse un peu. Visiblement, l'absence d'Emerens semble grandement la tranquilliser, puisque je vois ses poings se détendre. Jusqu'à, presque, tendre la main vers Seo-jun. Pour délicatement poser ses doigts sur son bras, avant d'appuyer, tout doucement. Un contact de papillon. Ou de fée.
Un contact qui ramène à peine Seo-jun à la réalité alors qu'il se laisse aller contre la main de Wen Xiang entre deux sanglots étouffés.
Je me sens presque... impuissante, ici. De trop. Je suis celle qui a apporté la nouvelle, la mort dans cet appartement. Ce ne devrait pas être à moi de consoler celui qui en souffre. Wen Xiang, d'une certaine manière, pourra se débrouiller bien mieux que moi.
Ou peut-être est-ce que je me cherche des excuses pour quitter la pièce, pour partir loin de ces larmes, de ces sanglots, de toute cette tristesse brute qui fait écho à ma propre souffrance.
***
Dehors, il fait frais. Un vent doux d'automne agite mes cheveux alors que je m'assieds sur les marches, immobile, les yeux fixés sur le ciel bordé de quelques nuages.
Je n'ai pas réussi à aller plus loin que les marches de l'immeuble ou vit Emerens. De toute façon, je n'ai pas vraiment les moyens d'aller plus loin. Je ne peux pas laisser Wen Xiang toute seule, ici. Et je ne peux pas non plus fuir Seo-jun et Emerens éternellement.
Mais je crois que quelque part, j'avais besoin de solitude.
C'est là qu'on se rend compte à quel point une réaction comme celle d'Ibrahim est incroyablement empathique de l'autre en face. De la tristesse, mais de la tristesse contenue. Une préoccupation de celui qui annonce. De la compassion, alors que sans doute il voudrait pleurer.
A côté, et même si je ne peux vraiment, vraiment pas blâmer Seo-jun, je ne me suis pas sentie capable d'encaisser ses larmes.
Parce que je les ai versées, moi aussi.
Et maintenant, je suis seule, avec seulement deux autres personnes qui comprennent la réelle étendue de mon deuil.
Et ces deux personnes ne sont pas avec moi.
La porte s'ouvre, de derrière moi. J'entends le froissement d'un tissu sur de la pierre. Et à côté de moi, sur les marches, s'assied Emerens, un sourire vide sur le visage.
« Je me disais bien que je te trouverais là. »
Je serre les dents.
« Tiens donc. Toujours aussi fouineur. Qu'est-ce qui me vaut l'honneur de ta présence ?
— Louna avait remarqué que tu n'étais plus dans le salon. Et ma présence semble mettre Wen Xiang très mal à l'aise, si je puis m'exprimer ainsi. Du coup, je l'ai laissée avec Seo-jun. Je crois que ça lui fait du bien de pouvoir pleurer en compagnie de quelqu'un, et moi, je peux faire autre chose que terrifier les survivantes originelles. »
Il a un petit rire ironique. Qui dessine un léger sourire sur mon visage.
« Ne le prends pas mal, Van Heel, mais tu as une tronche d'organisateur. »
Il rigole un peu plus.
« Je sais. On me le dit souvent. »
Étrange de rigoler de concert sur ce genre de sujet, alors que je croyais ne plus pouvoir rire. Sans doute est-ce parce que je ne m'y sens pas forcée. Forcée à sourire, forcer à tenir, forcer à être la Reina assez forte pour supporter le poids d'une Tuerie entière, d'une quête d'organisateur folle et pourtant capitale.
Le sourire d'Emerens finit par vaciller.
« Lajunen a laissé un horrible héritage. Pas seulement pour Wen Xiang. Pour les Tueries qui l'ont suivi, aussi. L'ennui s'est transformé en prétexte. D'autres l'ont suivi.
— Quand tu vis une Tuerie, je soupire, tu trouves d'autant plus que ça n'a aucun sens. Mais elles sont inarrêtables. Même avec tout ce que j'ai découvert sur elles, ce n'est que plus de raisons de les voir continuer.
— J'aurais toujours l'Espoir que cela cesse. Mais si nous sommes d'accord sur un point, Reina, c'est que ça ne se fera pas comme ça. Les dix-sept victimes que vous étiez le prouve. »
Je tique.
« Dix-sept ? D'ailleurs, si je puis me permettre, Emerens. Comment tu as su que Daisuke était avec moi ? »
Il ricane.
« Reina, ma jolie, vous êtes les seuls à avoir été capturés à la soirée d'intégration, même si j'ai appris l'existence de l'autre Tuerie plus tard. Il y avait toi, Saki, Hina, Scott, Kichiro, Haruko, Akihito, Shizuka, Daisuke, Soma et Yuuki, sans compter quelques nouveaux de 2018 qu'on avait mis sur les listes avant la capture. Je me suis contenté de compter. J'en déduis que vous n'étiez pas dix-sept ? »
... Non, pas vraiment.
On était trente-deux.
« Scott a été capturé pour une autre raison, je soupire. Mais oui, il était avec nous. Il a survécu, d'ailleurs. Lui, Saki, et Soma.
— Les autres...
— Morts. »
Emerens baisse les yeux sur le gravier. Avant de porter une main à sa poche.
« Tiens, tant que j'y pense. Ton téléphone portable. Tu l'avais fait tomber pendant ta capture, je l'ai récupéré. »
Le petit engin, dans sa main, me semble presque irréel. Un vestige du passé. Depuis combien de temps n'ai-je pas pensé à mon téléphone portable, moi qui étais si paniquée à l'idée de le perdre ? Des mois, évidemment, mais combien ? Le temps perd si vite sa prise quand on l'a vécu en dehors de tout train de vie, dans un lieu trop teinté de mort pour être réellement part de ce monde.
Je tends la main, à mon tour, doucement. Referme les doigts sur mon téléphone. Son contact me paraît tellement étranger, maintenant. Il est si petit. Comment prendre des notes là-dessus, comment observer le plan d'un souterrain sur un si petit écran ?
Est-ce que j'aurai un jour à m'en préoccuper de nouveau ?
« J'ai changé ta messagerie vocale, soupire Emerens. Histoire de signifier où tu étais exactement. Désolé, mais j'en avais marre des appels hargneux de tes chefs qui semblaient pas mal s'en foutre que tu sois dans une Tuerie. Je pense que tu as été virée, depuis le temps, mais j'imagine que ça n'a plus d'importance.
— Non, pas vraiment. »
Et je ne peux pas lui en vouloir non plus. Penser à ceux qui s'inquiétaient de mon absence me paraît si futile. Mes parents ont dû comprendre, et faire leur deuil de moi. Mes patrons, déjà bien dégoûtés de devoir m'engager à seize ans, ont dû s'en frotter les mains en écrivant ma lettre de radiation de l'hôpital. Et les autres... Je n'ai jamais vraiment eu beaucoup d'amis. Qui auraient pu ne pas comprendre où je suis.
Je suis, encore aujourd'hui, coupée d'un monde qui a été autrefois le mien.
Sans pouvoir ressentir quoi que ce soit pouvant m'y rattacher.
Un souvenir lointain me revient. Et après tout, au point où j'en suis, autant chercher toutes les solutions possibles.
« Tu n'aurais pas une cigarette, par hasard ? »
Un petit rire sans joie s'échappe d'entre les lèvres d'Emerens.
« Eh non, ma grande. Je suis clean depuis à peu près trois mois. Et je crois que j'ai retenu la leçon. Pas de clope pour les gens en détresse psychologique.
— Soma t'a vacciné, visiblement.
— Un peu. Je suis content d'apprendre qu'il ait survécu, mais je t'avoue que je ne m'y attendais vraiment pas.
— Personne ne s'y attendait. »
Je soupire. Emerens, pendant ce temps, tire de sa poche deux sucettes, qui au vu de la couleur doivent être parfumées aux agrumes. Il m'en tend une, avec un petit sourire.
« Si jamais tu veux remplacer la cigarette, voilà mon moyen de compensation favori.
— J'apprécie, mais je n'aime pas les sucettes.
— A ta guise. Je les garde pour moi, alors. »
Il en déballe une, avant de la caler entre ses dents, les yeux tournés vers le ciel. Effectivement, vu comme ça, on peut comprendre pourquoi il ait choisi de compenser avec des sucettes. Mêmes possibilités de calme, sensations similaires, tout juste des risques avec un excès de sucre. Mais bon, ce n'est pas le genre à accumuler les excès, ce petit veinard trop gâté par la biologie.
Le silence s'installe de nouveau. Je m'attends presque à y entendre de nouveaux murmures, les murmures qui m'ont tant manqué. Mais au lieu de ça, le vent est la seule chose qui résonne dans mes tympans.
Emerens, dans le silence, finit par pousser un profond soupir.
« On a l'air fin, tous les deux. La survivante, et celui qui attend son tour.
— Le plus tard possible, j'espère.
— Oh, je n'y compte pas trop. Je le sens arriver gros comme une maison, mon tour. Le monde a continué de tourner, pendant que tu étais dans une Tuerie, tu sais, il grimace. Et ce qu'il s'est passé ne me donne qu'assez peu d'espoir sur le temps que je pourrai passer dehors. »
Je me tourne vers lui.
« Comment ça ?
— Ibrahim a dû t'en parler, mais quelque chose a changé en haut-lieu, à Hope's Peak. Depuis juillet, la Réserve est complètement fermée. La grille de séparation a été électrifiée. Et les Ultimes sont de plus en plus encouragés à habiter sur le campus. Bientôt, on y sera forcés.
— Ibrahim m'en a parlé, oui.
— Ils veulent nous isoler, renchérit Emerens sans me regarder. Et j'ai peur que ce soit lié à... Une personne dont j'ai retrouvé la trace récemment. »
Il serre les dents sur sa sucette. Je le vois se recroqueviller, baisser les yeux sur le sol. Il est loin, l'homme à scandales qui ne savait faire autre chose que se moquer ou draguer. Je crois que, de tout le temps où je l'ai connu, je le l'ai jamais vu aussi vulnérable.
Je me rapproche de lui presque par réflexe.
« Qui ça ? »
Il ferme les yeux.
« Mon tout premier ami. »
Ses doigts se contractent sur sa sucette. Je n'ose même pas lui demander de continuer. Mais de toute façon, il est lancé. Je crois, d'ailleurs, qu'il ne me regarde même pas.
« Qui se trouve être un mathématicien de génie, méritant bien plus qu'un titre Ultime. C'est le genre à traduire n'importe quoi par une équation. Récemment, j'ai appris qu'il avait eu sa petite notoriété grâce à une de ses théories. Et ensuite, les règles d'Hope's Peak se sont durcies, pour la Réserve et nous. Je ne peux pas m'empêcher d'y voir un lien. »
Il pousse un profond soupir.
« J'ai peur qu'il nous ait fait une Amane sans même s'en rendre compte. Et si c'est le cas, personne ne le laissera survivre pour peu qu'il se retrouve dans une Tuerie. Ce qui je pense, arrivera très prochainement. »
J'ai un petit sourire.
« Ne me dis pas que tu espères être capturé avec ce type. Ce serait vraiment très moche de ta part.
— Écoute, Reina, il me répond sans la moindre trace de plaisanterie dans son ton. Je préfère être avec lui dans une Tuerie qu'en sécurité en sachant que tout ce que j'obtiendrai comme nouvelles, c'est une lettre ou une visite m'annonçant sa mort. J'imagine qu'après ce que tu viens de m'annoncer, tu peux comprendre ça. »
... D'une certaine manière.
Car je ne comprends pas comment on peut seulement souhaiter se retrouver dans une Tuerie pour quelqu'un. Je ne comprends pas comment on peut seulement envisager, accepter cette possibilité, tout ça pour avoir un semblant de contrôle. Est-ce que j'aurais préféré rester à l'extérieur alors que Saki et Hina se faisaient tuer loin de moi ?
Très certainement.
Mais je n'aurais pas été là pour les sauver. Et peut-être que cette Tuerie se serait déroulée d'une toute autre manière.
Alors, oui, j'imagine que je peux me mettre à la place d'Emerens, qui ne reçoit après des mois d'inquiétude qu'une simple phrase, une simple explication, en la présence d'une femme qui a survécu à ce qui les a tués.
Je me rapproche encore un peu. Suffisamment pour qu'il enroule un bras autour de mon épaule. Étrangement, le contact ne me rebute pas plus que ça.
Il faut croire que j'ai vu pire.
« Cet ami doit vraiment être très important pour toi, je me contente de dire, si tu préfères voir les gens mourir autour de toi pour la certitude d'être auprès de lui quand ça arrivera.
— Très. D'une certaine manière, c'est plus qu'un ami. C'est le meilleur souvenir de ma vie. Quelqu'un dont le souhait de revoir m'a fait tenir dans les pires profondeurs des Enfers. »
Ses paupières tremblent. Et je vois une larme s'y dessiner.
« Je ne supporterai pas de le perdre comme ça. »
Je me laisse aller contre lui, en silence, alors que sa prise se resserre sur mon épaule. Le genre de silence qui vaut tous les mots.
Et ensemble, si petits devant la grandeur du monde, nous contemplons l'immensité du ciel.
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